Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4 5, 22 février 2024, n° 23/00269

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, ch. soc. 4 5, 22 févr. 2024, n° 23/00269
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 23/00269
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 15 novembre 2022, N° G20-17.383
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 27 février 2024
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

Renvoi après cassation

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 22 FEVRIER 2024

N° RG 23/00269

N° Portalis DBV3-V-B7H-VUTZ

AFFAIRE :

S.A.S. MARTANGE PRODUCTION

C/

[V] [W]

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 16 Novembre 2022 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : G20-17.383

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-laure ABELLA

Me Francine HAVET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 24 janvier 2023 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2022 cassant et annulant l’arrêt rendu le par la cour d’appel de Versailles du 16 janvier 2020.

S.A.S. MARTANGE PRODUCTION

RCS n° 480 915 032

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Marie GUILLOUX, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pierre-Marie CHAPOUTOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

****************

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur [V] [W]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Sylvain ROUMIER de la SELEURL CABINET ROUMIER, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081

Organisme POLE EMPLOI

[Adresse 6]

[Localité 4]

Non représentée

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Décembre 2023, devant la cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Nouha ISSA

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] [W] a été engagé par la société Martange Production suivant une succession de contrats de travail à durée déterminée d’usage à temps partiel à compter du 16 janvier 2010, renouvelés pendant 6 ans et demi, en qualité de chef monteur, statut cadre, pour l’émission ' comment ça va bien ! ' animée par M. [V] [K] et diffusée sur France 2.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la production audiovisuelle.

Le 17 mai 2016, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet et la condamnation de la société Martange Production au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

La société Martange production a cessé de fournir du travail au salarié le 13 juin 2016.

Par jugement en date du 24 novembre 2016, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

— fixé le salaire mensuel brut de M. [W] à 7 095,00 euros,

— dit qu’y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée conclus entre M. [W] et la société Martange production entre le 16 janvier 2010 et le 13 juin 2016, en contrat à durée indéterminée à temps complet,

— dit que la rupture de la relation contractuelle entre M. [W] et la société Martange Production prend les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Martange production à verser à M. [W] :

* 7 095,00 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 8 987,00 à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 190,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 419,00 euros à titre de congés payés afférents,

* 42 570,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 123 720,00 euros à titre de rappel de salaire,

* 12 372,00 euros à titre de congés payés afférents,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— reçu M. [W] en sa demande de rappel de majoration d’heures supplémentaires et l’en a débouté,

— reçu M. [W] en sa demande indemnitaire pour exécution déloyale de son contrat de travail par la société Martange Production et l’en a débouté,

— reçu M. [W] en sa demande indemnitaire pour non-respect de la protection de la santé par la société Martange production et l’en a débouté,

— ordonné à la société Martange production de remettre à M. [W] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés et conformes à la décision sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard pour l’ensemble des documents, à compter du vingtième jour suivant la notification du présent jugement, pendant une durée maximum de 30 jours, le conseil de prud’hommes s’en réservant la liquidation,

— dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail,

— ordonné en application de l’article L.1235-4 du code du travail, remboursement par la société Martange production aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [W], dans la limite de trois mois,

— reçu la société Martange production en sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’en a débouté,

— condamné la société Martange production aux dépens.

Le 13 décembre 2016, la société Martange production a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par un arrêt en date du 16 janvier 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, la cour d’appel de Versailles a :

— confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a prononcé une astreinte,

— statuant de nouveau des dispositions infirmées,

— dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

— débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

— condamné la SAS Martange Production à payer à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— condamné la SAS Martange Production aux dépens d’appel.

La société Martange production a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 16 janvier 2020.

Par un arrêt en date du 16 novembre 2022, la cour de cassation a :

— cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, mais seulement en ce qu’il a confirmé le jugement ayant fixé le salaire brut mensuel de M. [W] à la somme de 7 095 euros, dit qu’il y a lieu de requalifier les contrats conclus entre le 16 janvier 2010 et le 13 juin 2016 en un contrat à temps complet et condamné la société Martange production à payer à M. [W] les sommes de

7 095 euros à titre d’indemnité de requalification, 8 987 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 14 190 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 42 570 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 123 720 euros à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, l’arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles,

— remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,

— condamné M. [W] aux dépens,

— en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration du 24 janvier 2023, la société Martange production s’est constituée et a déclaré saisir la cour d’appel de Versailles en tant que juridiction de renvoi à l’encontre de M. [W] et de Pôle emploi.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 décembre 2023, la société Martange production demande à la cour de :

— à titre principal, d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée de M. [W] en un contrat à durée indéterminée à temps plein à effet du 16 janvier 2010,

— fixé la moyenne des salaires à 7 095 euros,

— l’a condamné à verser à M. [W] :

* 7 095,00 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 8 987, 00 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 190,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 419 euros à titre de congés payés afférents,

* 45 570 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 123 720 euros à titre de rappel de salaire,

* 12 372 euros à titre de congés payés afférents,

— statuant à nouveau :

— dire que la demande de requalification à temps complet du contrat de travail de M. [W] est infondée,

— dire que M. [W] n’était pas dans l’obligation de se tenir en permanence à la disposition de Martange Production en vue d’effectuer un travail et ce durant toute la durée de la relation contractuelle,

— débouter M. [W] de sa demande de requalification à temps complet de sa collaboration salariée,

— en conséquence :

— à titre principal,

— fixer le salaire de référence de M. [W] à la somme de 2 572 euros,

— fixer l’indemnité de requalification à 2 572 euros soit à un mois de salaire,

— fixer l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 3 257,76 euros,

— fixer les dommages et intérêts alloués au titre de l’article L.1235-3 du code de travail à la somme de 15 432 euros correspondant à six mois de salaire,

— débouter M. [W] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— débouter M. [W] du surplus de ses demandes,

— subsidiairement, sur le préavis, fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de

5 141 euros,

— fixer l’indemnité de congés payés y afférent à la somme de 514,10 euros,

— à titre subsidiaire,

— fixer le salaire de référence de M. [W] à la somme de 4 448,75 euros,

— fixer l’indemnité de requalification à 4 448,75 euros soit à un mois de salaire,

— fixer l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 5 635,08 euros,

— fixer les dommages et intérêts alloués au titre de l’article L.1235-3 du code de travail à la somme de 26 692,5 euros, correspondant à six mois de salaire,

— débouter M. [W] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— débouter M. [W] du surplus de ses demandes,

— subsidiairement, fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 8 897,50 euros,

— fixer l’indemnité de congés payés y afférent à la somme de 889,75 euros,

— à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée à temps complet,

— à titre principal, si la cour fait partiellement droit à la demande de requalification à temps plein formée par le salarié :

— infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée de M. [W] en un contrat à durée indéterminée à temps plein à effet au 16 janvier 2010,

— fixé la moyenne des salaires à 7 095 euros,

— l’a condamné à verser à M. [W] :

* 7 095,00 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 8 987, 00 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 190,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 419 euros à titre de congés payés afférents,

* 45 570 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 123 720 euros à titre de rappel de salaire,

* 12 372 euros à titre de congés payés afférents,

— statuant à nouveau :

— fixer le salaire de référence de M. [W] à la somme de 5 606,25 euros,

— fixer le montant du rappel de salaires à la somme de 35 130 euros, outre la somme de

3 513 euros au titre des congés payés afférents,

— fixer l’indemnité de requalification à 5 606,25 euros soit à un mois de salaire,

— fixer l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 7 101,25 euros,

— fixer les dommages et intérêts alloués au titre de l’article L.1235-3 du code de travail à la somme de 33 637,5 euros, correspondant à six mois de salaire,

— débouter M. [W] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— débouter M. [W] du surplus de ses demandes,

— subsidiairement sur le préavis, fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de

11 212,50 euros,

— fixer l’indemnité de congés payés y afférent à la somme de 1 121,25 euros,

— à titre subsidiaire, si la cour fait partiellement droit à la demande de requalification à temps plein formée par le salarié, infirmer le jugement en ce qu’il a :

— requalifié les contrats à durée déterminée de M. [W] en un contrat à durée indéterminée à temps plein à effet au 16 janvier 2010,

— l’a condamné à verser à M. [W] :

* 123 720 euros à titre de rappel de salaire,

* 12 372 euros à titre de congés payés afférents,

— statuant à nouveau :

— fixer le montant du rappel de salaires à la somme de 95 977 euros outre la somme de 9 598 euros au titre des congés payés afférent,

— condamner M. [W] à leur restituer la somme indue de 25 649 euros,

— ordonner la compensation,

— confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

— débouter M. [W] du surplus de ses demandes,

— en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

— condamner M. [W] au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 décembre 2023, M. [W] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a :

— requalifié sa collaboration en contrat à durée indéterminée du 16 janvier 2010 au 13 juin 2016,

— requalifié son contrat à durée indéterminée à temps complet et jugé qu’il est tenu à la disposition de l’employeur,

— fixé son salaire mensuel brut à 7 095 euros,

— condamné la société Martange production à lui payer la somme de 123 720 euros au titre de rappels de salaire équivalent temps plein et 12 372 euros de congés payés y afférents du fait que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles,

— jugé que la rupture de la relation contractuelle avec la société Martange production a les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamné la société Martange production à lui verser les sommes suivantes :

* 8 987 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 14 190 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 419 euros au titre de congés payés afférents au préavis,

— réformer le jugement pour le surplus,

— statuant à nouveau :

— débouter la société Martange production de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner la société Martange production à lui payer au titre de l’indemnité de requalification des CDD illicites en CDI, une somme de 55 341 euros sur le fondement de l’article L. 1245-2 du code du travail,

— condamner la société Martange production à lui payer à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en réparation du préjudice de la perte injustifiée de son emploi, en application de l’article L. 1235-3 ancien du code du travail 200 000 euros,

— condamner la société Martange production à lui délivrer des bulletins de salaire conformes et ce sous astreinte de 250 euros par document et par jour de retard,

— condamner la société Martange production à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux (URSAFF, caisse d’assurance vieillesse, caisse de retraite complémentaire) sous astreinte et à fournir à M. [W] le justificatif de cette régularisation dans le mois qui suit la notification du jugement à intervenir le tout sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,

— juger que la cour se réserve la liquidation des astreintes,

— condamner la société Martange production à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, compensant les frais engagés en cassation et devant la cour d’appel de renvoi, ainsi qu’aux entiers dépens et aux éventuels frais d’exécution.

Pôle emploi n’a pas constitué avocat, la déclaration de saisine et l’avis de fixation lui ayant été signifiés par acte remis à personne morale le 20 février 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 12 décembre 2023.

MOTIVATION

La portée de la cassation est, selon les article 624 et 625 du code de procédure civile, déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce.

Par conséquent, il est définitivement jugé notamment que les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre M. [W] et la société Martange production sont requalifiés en un contrat à durée indéterminée à compter du 16 janvier 2010 et que la rupture de la relation contractuelle entre les parties produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire à temps plein

M. [W] demande globalement, pour la période de mai 2011 à mars 2016, la somme de

123 720 euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents, en conséquence d’une requalification à temps plein du contrat de travail, sur la base du différentiel entre le salaire mensuel à temps plein et le salaire mensuel perçu et de 22 jours ouvrés par mois, sans distinguer les périodes couvertes par un contrat des périodes interstitielles. Il soutient qu’il s’est tenu à l’entière disposition de l’employeur pendant toutes les années, à l’exception de quelques jours équivalents à des congés. Le salarié indique que le contrat doit être requalifié à temps plein, l’employeur ne rapportant pas la preuve d’une répartition du temps de travail à la semaine ou au mois. Il fait valoir que les clauses contractuelles qui lui ont été imposées démontrent son absence de liberté de travailler ailleurs et qu’il devait se tenir en permanence à la disposition de la société Martange, a fortiori, compte-tenu de ce que les contrats étaient élaborés postérieurement à la prestation contractuelle, soit le mois suivant.

Il ajoute qu’il était à la disposition permanente de l’employeur pendant six ans et demi, y compris le soir, le week-end, les jours fériés et pendant les périodes d’été.

L’employeur conclut au débouté de la demande. Il fait valoir que chacun des contrats est régulier, puisqu’il précise la répartition de la durée du travail en volume en contrepartie de la rémunération allouée, fait mention des jours et heures travaillés chaque semaine et même chaque mois et ont pour l’essentiel été signés le jour de l’embauche du salarié. Il indique que le salarié connaissait en amont son rythme de travail et qu’il s’était lancé en parallèle dans d’autres activités. Il précise que le salarié indiquait ses disponibilités en amont sur le planning annuel à venir, qu’il était fait appel à d’autres monteurs pour combler ses absences en cas de nécessité, qu’à compter de l’année 2014, le salarié a demandé à ne plus travailler les lundis, qu’il bénéficiait de passe-droit de son supérieur hiérarchique pour annuler des jours de travail sans délai de prévenance et qu’il connaissait parfaitement les horaires au sein de l’entreprise, avec lesquels il bénéficiait d’une grande liberté.

Il soutient également que le salarié ne démontre pas qu’il se tenait à disposition permanente de l’employeur en vue d’effectuer un travail pendant les périodes séparant deux contrats de travail.

En application des dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail, dans ses versions applicables au litige, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle convenue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois implique que l’absence d’écrit comportant l’une de ces mentions fait présumer que l’emploi est à temps complet.

Il incombe à l’employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part, qu’il s’agit d’un emploi à temps partiel, d’autre part, que le salarié n’est pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et qu’il n’est pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Il résulte de l’article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.

Par ailleurs, il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

Sur la période considérée de mai 2011 à mars 2016, les contrats suivants ont été conclus par les parties, faisant l’objet d’un écrit signé dans les 48 heures de l’embauche, mentionnant, la durée du travail mensuel prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois :

' 17/5/2011 au 18/5/2011 signé le 17/5/2011

' 22/7/2011 au 28/7/2011 signé le 22/7/2011

' 30/8/2011 et 31/8/2011 signé 30/8/2011

' 1/9/2011 au 30/9/2011 signé 1/9/2011

' 3/10/2011 au 28/10/2011 signé le 3/10/2011

' 2/11/2011 au 30/11/2011 signé le 2/11/2011

' 1/12/2011 au 22/12/2011 signé le 1/12/2011

' 2/1/2012 au 31/1/2012 signé le 2/1/2012

' 1/2/2012 au 29/2/2012 signé le 1/2/2012

' 1/3/2012 au 30/3/2012 signé le 1/3/2012

' 2/4/2012 au 27/04/2012 signé le 2/4/2012

' 2/5/2012 au 31/05/2012 signé le 2/05/2012

' 1/6/2012 au 29/6/2012 signé le 1/6/2012

' 2/7/2012 au 4/07/2012 signé le 2/7/2012

' 28/8/2012 signé le 28/8/2012

' 29/8/2012 signé le 29/8/2012

' 3/9/2012 au 21/9/2012 signé le 3/9/2012

' 18/10/2012 au 31/10/2012 signé le 18//10/2012

' 20/11/2012 au 30/11/2012 signé le 20/11/2012

' 3/12/2012 au 21/12/2012 signé le 3/12/2012

' 7/01/2013 au 31/1/2013 signé le 7/01/2013

' 1/2/2013 au 28/02/2013 signé le 1/2/2013

' 2/4/2013 au 30/4/2013 signé le 2/4/2013

' 2/5/2013 au 30/5/2013 signé le 2/5/2013

' 3/6/2013 au 27/6/2013 signé le 3/6/2013

' 1/7/2013 au 12/7/2013 signé le 1/7/2013

' 27/8/2013 au 30/8/2013 signé le 27/8/2013

' 2/9/2013 au 27/9/2013 signé le 2/9/2013

' 1/10/2013 au 31/10/2013 signé le 1/10/2013

' 4/11/2013 au 29/11/2013 signé le 4/11/2013

' 2/12/2013 au 20/12/2013 signé le 2/12/2013

' 6/1/2014 au 31/1/2014 signé le 6/1/2014

' 4/2/2014 au 19/2/2014 signé le 4/2/2014

' 3/11/2014 au 28/11/2014 signé le 3/11/2014

Le salarié indique qu’il se tenait à disposition permanente de l’entreprise pour les jours non travaillés au sein de ses contrats ce qui est contredit par :

— le fait que le salarié indiquait ses disponibilités pour la saison à venir sur le planning annuel remis par le producteur exécutif M. [H], lequel faisait appel à d’autres monteurs en cas de nécessité de production, ce qui est confirmé par plusieurs courriels dès le 14 septembre 2011, Mme [P] notant les journées prévisionnelles de présence du salarié sur le planning,

— l’absence de modification des horaires de travail en vigueur dans l’entreprise de 10h à 19h, excepté le vendredi de 10h à 18h, le salarié bénéficiant d’une liberté dans l’organisation de ses horaires, confirmée notamment par un courriel de M. [R] constatant son arrivée tardive le 22 mai 2013,

— le fait qu’il ne travaillait pas de nombreux lundis à sa demande sur une période à partir de 2014, ce qui est confirmé par les plannings produits, un courriel de Mme [P] du 11 septembre 2015 : « sauf le lundi puisqu’il n’est pas là ce jour-là » et son attestation du 23 novembre 2019,

— le fait que le salarié annulait certains jours de travail, parfois sans délai de prévenance : à titre d’exemple, le courriel de Mme [P] à M. [H] du 3 décembre 2013 l’informant d’une absence le 9 décembre 2013, le courriel de Mme [P] à M. [H] du 11 mai 2015 constatant l’absence du salarié le jour même.

Il en résulte que la demande de rappel de salaire du salarié qui a signé chacun de ces contrats régulièrement formés en ayant connaissance des durées de travail mentionnées sur ceux-ci et qui ne démontre pas qu’il se tenait à disposition permanente de l’entreprise pour les jours non travaillés au sein de chacun de ces contrats, doit être rejetée sur les périodes concernées.

Toutefois sur la même période considérée, l’employeur produit de nombreux contrats non signés, aux dates suivantes :

' 2/5/2011 au 31/5/2011

' 1/6/2011 au 28/6/2011

' 4/3/2014 au 19/3/2014

' 1/4/2014 au 30/4/2014

' 5/5/2014 au 21 '/5/2014

' 26/6/2014

' 25/8/2014 au 29/8/2014

' 2/9/2014 au 30/9/2014

' 1/10/2014 au 24/10/2014

' 2/12/2014 au 19/12/2014

' 6/1/2015 au 30/1/2015

' 3/2/2015 au 19/2/2015

' 3/3/2015 au 31/3/2015

' 1/4/2015 au 30/4/2015

' 12/5/2015 au 29/5/2015

' 2/6/2015 au 30/6/2015

' 1/7/2015 au 7/7/2015

' 24/8/2015 au 31/8/2015

' 2/9/2015 au 30/9/2015

' 1/10/2015 au 30/10/2015

' 3/11/2015 au 27/11/2015

' 1/12/2015 au 30/12/2015

' 5/1/2016 au 29/1/2016

' 2/2/2016 au 26/2/2016

' 9/3/2016 au 31/3/2016

Le salarié, qui affirme ne pas avoir eu communication de ces écrits qui ne sont pas signés est fondé à invoquer la présomption de travail à temps complet relativement aux mois concernés.

L’employeur ne démontre pas d’une part, qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel, au vu des nombreux projets et des mises en production réalisés par la société Martange et du niveau d’activité soutenu jusqu’en 2016 et d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, le nombre de jours travaillés et les jours dans la semaine et le mois travaillé variant d’un mois sur l’autre.

Par conséquent, il y a lieu de requalifier les contrats ci-dessus en contrats de travail à temps plein sur les mois concernés, l’employeur échouant à renverser la présomption, à l’exception du mois de mai 2011 pendant lequel le salarié a travaillé plus que la durée légale mensuelle et à l’exception des périodes interstitielles conformément au développement ci-après.

S’agissant des périodes interstitielles, elles correspondent essentiellement à des périodes séparant deux contrats à durée déterminée d’une durée de plusieurs semaines pendant les congés d’été, et ponctuellement pendant une durée plus limitée pendant les congés d’hiver.

Le salarié produit notamment un calendrier de ses jours travaillés montrant qu’il ne travaillait pas pendant l’été pendant au minimum six semaines, ainsi qu’à [H] pendant au minimum une semaine.

Il s’en déduit que le salarié ne rapporte pas la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur pour accomplir un travail durant les périodes interstitielles.

Il convient, par conséquent, de rejeter la demande de rappel de salaire formée par M. [W] pendant les périodes interstitielles.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit qu’il y avait lieu de requalifier les contrats conclus entre le 6 janvier 2010 et le 13 juin 2016 en un contrat à temps complet et a condamné la société Martange production à payer à M. [W] la somme de 123 720 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents et la société Martange production sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 24 331 euros à titre de rappel de salaire pour travail à temps plein relativement aux seuls mois concernés listés ci-dessus à l’exception du mois de mai 2011, hors périodes interstitielle l’été, en fin d’année et en février 2015, outre 2 433,1 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Le salaire de référence du salarié sera fixé à la somme de 5 524,62 euros après prise en compte des rappels de salaire sur les derniers mois travaillés.

L’indemnité de requalification sera fixée au montant d’un mois de salaire à 5 524,62 euros en application des dispositions de l’article L. 1245-2 du code du travail.

L’employeur n’est pas fondé à revendiquer que le salarié a effectué un préavis jusqu’au terme de juin 2016, la période indiquée correspondant au délai de prévenance de la rupture des relations entre les parties respecté par l’employeur, le salarié accomplissant alors les jours fixés à son contrat à durée déterminée d’usage en juin 2016.

L’indemnité compensatrice de préavis sera fixée à deux mois de salaire, le salarié justifiant de plus de deux ans d’ancienneté, soit au montant de 11 049,24 euros, outre 1 104,92 euros au titre des congés payés afférents en application de l’article V.1.2.1 de la convention collective applicable.

L’indemnité conventionnelle sera fixée à la somme de 6 997,85 euros en application de l’article V.1.2.2 de la convention collective applicable.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 dans sa version applicable au litige, le salarié a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois.

Le salarié justifie percevoir l’allocation Pôle emploi.

Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixés à la somme de 35 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points et la société Martange production sera condamnée à payer ces sommes à M. [W].

Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à la société Martange production de remettre à M. [W] des bulletins de salaire conformes à la présente décision sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire.

Sur la régularisation auprès des organismes sociaux

Il convient d’ordonner à la société Martange production de régulariser la situation de M. [W] auprès des organismes sociaux : URSSAF, caisse d’assurance vieillesse, caisse de retraite complémentaire, sans que le prononcé d’une astreinte, la société Martange production devant fournir à M. [W] le justificatif de cette régularisation dans les deux mois suivant la notification du jugement à intervenir.

Sur la demande reconventionnelle de restitution

Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution des précédentes décisions. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de ce chef.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Martange production succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra également régler à M. [W] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 au profit de la société Martange production.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2022 ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Martange production à verser à M. [V] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société Martange production aux dépens,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— Fixé le salaire brut mensuel de M. [V] [W] à la somme de 7 095 euros,

— Dit qu’il y avait lieu de requalifier les contrats conclus entre le 16 janvier 2010 et le 13 juin 2016 en un contrat à temps complet,

— Condamné la société Martange production à payer à M. [W] les sommes suivantes :

' 7 095 euros à titre d’indemnité de requalification,

' 8 987 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

' 14 190 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 1 419 euros à titre de congés payés afférents,

' 42 570 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 123 720 euros à titre de rappel de salaire,

' 12 372 euros au titre des congés payés afférents.

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Martange production à payer à M. [V] [W] les sommes suivantes :

' 5 524,62 euros à titre d’indemnité de requalification,

' 6 997,85 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

' 11 049,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 1 104,92 euros au titre des congés payés afférents,

' 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 24 331 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes requalifiées à temps complet,

' 2 433,1 euros au titre des congés payés afférents.

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société Martange production de délivrer à M. [V] [W] des bulletins de salaire conformes à la présente décision,

Ordonne à la société Martange production de régulariser la situation de M. [V] [W] auprès des organismes sociaux : URSSAF, caisse d’assurance vieillesse, caisse de retraite complémentaire, la société Martange production devant fournir à M. [V] [W] le justificatif de cette régularisation dans les deux mois suivant la notification du jugement à intervenir,

Déboute M. [V] [W] de ses demandes d’astreinte,

Déboute la société Martange de sa demande de restitution,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Martange production aux dépens d’appel,

Condamne la société Martange production à payer à M. [V] [W] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Martange production ,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4 5, 22 février 2024, n° 23/00269