Cour administrative d'appel de Versailles, 7 septembre 2023, n° 23VE01692

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 7 sept. 2023, n° 23VE01692
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 23VE01692
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 18 juillet 2023, N° 2308831, 2308833
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 9 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la SAS Igor Inc a demandé au juge du référé du tribunal administratif de Cergy-pontoise, d’une part, de mettre fin à la procédure de flagrance fiscale engagée à son encontre sur le fondement de l’article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales par un procès-verbal de flagrance daté du 15 juin 2023, d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, ainsi que la destruction de tous les documents saisis, et d’annuler l’amende prévue par les dispositions de l’article 1740 B du code général des impôts, d’autre part, de cantonner la saisie conservatoire aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor » et d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits.

Par une ordonnance nos 2308831, 2308833 du 19 juillet 2023, le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après les avoir jointes, a rejeté les demandes de la SAS Igor Inc.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023, la SAS Igor Inc, représentée par Me Gallet, demande à la cour d’infirmer cette ordonnance, de cantonner la saisie conservatoire aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor », d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits et de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le juge du référé, qui a pris pour acquis qu’elle ne disposait pas d’actifs suffisants pour s’acquitter des dettes fiscales lors du procès-verbal de flagrance dressé le 15 juin 2023, alors que cet état de fait n’est pas établi, n’a pas répondu à son moyen tiré de ce que la mesure de saisie conservatoire est irrégulière en ce qu’elle porte sur des meubles dont la valeur excède le plafond fixé par l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales ;

— la condition d’urgence est remplie dès lors que la saisie de l’intégralité des stocks de parfums détenus ne lui permet plus d’honorer ses commandes ni de poursuivre son activité ; le maintien des saisies va, en conséquence, entraîner des dommages irréparables par le licenciement de son personnel, la perte de son bail commercial et la fermeture de l’entreprise ;

— il existe un moyen propre à créer un doute sérieux sur la justification de la mesure de saisie conservatoire dès lors qu’elle porte sur l’intégralité des stocks de parfums détenus, dont la valeur excède le plafond fixé par l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales ; à supposer que la saisie soit justifiée, alors même qu’elle a mis en avant sa volonté de s’acquitter de ses dettes, elle est disproportionnée ; en conséquence, il y a lieu de cantonner la saisie conservatoire aux 113 cartons de parfums « PBLV les parfums d’Igor », dont la valeur est de 13 560 euros et d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire effectuée sur tous les autres produits saisis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie dès lors que l’huissier des finances publiques a prévu de laisser la société poursuivre son activité, sous réserve qu’elle ne lèse pas les intérêts du trésor ;

— une mainlevée partielle de la saisie conservatoire a été mise en œuvre le 8 août 2023 pour la somme de 13 461 euros correspondant à 4 487 flacons de parfum, dont la valeur à l’unité est évaluée à 3 euros ; la requête est, dès lors, sans objet.

Le président de la cour a désigné Mme Besson-Ledey, présidente de la 3ème chambre, en qualité de juge des référés, par décision du 1er septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code monétaire et financier ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Besson-Ledey a été entendu au cours de l’audience publique du 5 septembre 2023 à 14h30, aucune partie n’étant présente ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. La société Igor Inc, qui exerce une activité d’achat et de vente de parfums en gros auprès de distributeurs et au détail par l’intermédiaire d’un site internet, a fait l’objet d’un contrôle du respect des obligations prévues aux articles L. 112-6 à L. 112-6-2 du code monétaire et financier portant sur la période du 1er janvier 2020 au 30 avril 2023. Au cours du contrôle, constatant qu’il existait des craintes sérieuses quant au recouvrement des créances fiscales de la société et que celle-ci avait commis des faits entrant dans le champ d’application de la flagrance fiscale prévue par l’article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales, un procès-verbal de flagrance fiscale lui a été notifié le 15 juin 2023 et l’administration a procédé à des mesures de saisies conservatoires du stock de parfums entreposé dans un local situé à Argenteuil en application de l’article L. 252 B du même livre. Par deux requêtes distinctes, enregistrées sous les nos 2308831 et 2308833, la société Igor Inc a demandé au juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d’une part, de mettre fin à la procédure de flagrance fiscale et, d’autre part, de prononcer la mainlevée partielle des mesures conservatoires. Par une ordonnance nos 2308831, 2308833 du 19 juillet 2023, le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après les avoir jointes, a rejeté les demandes de la SAS Igor Inc. Par la présente requête, la SAS Igor Inc doit être regardée, eu égard à ses écritures, comme demandant l’annulation de cette ordonnance en tant qu’elle a rejeté sa demande enregistrée devant le tribunal sous le n° 2308833, tendant ce que soit prononcé la mainlevée partielle des mesures conservatoires et à ce qu’il soit fait droit, en appel, à ces conclusions en ordonnant que la saisie conservatoire soit cantonnée aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor », et la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits.

2. Aux termes du I de l’article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales : " I. – Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D, L. 80 F et L. 80 Q, de la vérification sur place de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que dans le cadre du contrôle inopiné mentionné au dernier alinéa de l’article L. 47, les agents de l’administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre des périodes pour lesquelles l’une des obligations déclaratives prévues aux articles 87-0 A, 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts n’est pas échue, l’un au moins des faits suivants () ;1° bis L’absence du respect d’au moins deux des obligations déclaratives prévues aux articles 87-0 A, 170,172,223 et 287 du code général des impôts, au titre de la dernière période échue ;() ;2° La délivrance de factures ne correspondant pas à la livraison d’une marchandise ou à l’exécution d’une prestation de services, ou de factures afférentes à des livraisons de biens ou à des prestations de services au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée ne peut faire l’objet d’aucune déduction en application du 3 de l’article 272 du code général des impôts ou la comptabilisation de telles factures reçues ;3° Lorsqu’ils sont de nature à priver la comptabilité de valeur probante : a) La réitération d’achats, de ventes ou de prestations non comptabilisés ; b) L’utilisation d’un logiciel de comptabilité ou de caisse aux fins de permettre la réalisation de l’un des faits mentionnés au 1° de l’article 1743 du code général des impôts ;4° Une infraction aux interdictions mentionnées à l’article L. 8221-1 du code du travail ;5° L’absence réitérée du respect de l’obligation déclarative prévue au 2 de l’article 287 du code général des impôts, ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d’une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l’encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale. ()II. – La notification du procès-verbal de flagrance fiscale permet d’effectuer les mesures conservatoires mentionnées à l’article L. 252 B. « . Aux termes du V de ce même article : » V. – Le juge du référé administratif mentionné à l’article L. 279, saisi dans un délai de quinze jours à compter de la réception du procès-verbal de flagrance fiscale mentionné au I, met fin à la procédure s’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d’avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. La décision du juge du référé ou du tribunal administratif est susceptible d’appel devant le président de la cour administrative d’appel ou le magistrat qu’il désigne à cet effet dans le délai de huit jours. Le président ou le magistrat désigné se prononce en urgence.() « . Aux termes de l’article L. 252 B du même livre: » I. – Dès la notification du procès-verbal mentionné à l’article L. 16-0 BA, le comptable peut procéder, par dérogation au livre V de la partie législative du code des procédures civiles d’exécution, à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d’exécution à hauteur d’un montant qui ne peut excéder : ()2° Pour l’impôt sur les sociétés, le produit résultant de l’application des taux prévus à l’article 219 du code général des impôts au montant du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre de chaque année ou exercice pour lequel aucune obligation déclarative n’est échue, jusqu’à la date du procès-verbal de flagrance fiscale diminué d’un abattement représentatif de charges aux taux prévus au cinquième alinéa du 1 de l’article 50-0 du même code, selon la nature de l’activité. Ce produit est diminué du montant des acomptes trimestriels versés dans les conditions prévues à l’article 1668 du même code ;3° Pour la taxe sur la valeur ajoutée, le montant obtenu par application des taux prévus aux articles 278 à 281 octies du code général des impôts, selon la nature des opérations, à la base du chiffre d’affaires ou des recettes brutes hors taxes réalisés au titre de chaque période pour laquelle aucune obligation déclarative n’est échue, jusqu’à la date du procès-verbal de flagrance fiscale, et sous déduction d’un montant de taxe déductible dans les conditions prévues aux articles 271 à 273 septies C du même code ;() II.  – Le juge du référé administratif mentionné à l’article L. 279, saisi dans un délai de quinze jours à compter de la signification des mesures conservatoires mentionnées au I ou de la saisie à tiers débiteur mentionnée au I bis, ordonne qu’il soit mis fin à l’exécution de ces mesures en cas d’urgence et s’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d’avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. La décision du juge du référé ou du tribunal administratif est susceptible d’appel devant le président de la cour administrative d’appel ou le magistrat qu’il désigne à cet effet dans le délai de huit jours. Le président ou le magistrat désigné se prononce en urgence. La décision du juge du référé, du tribunal administratif, du président de la cour administrative d’appel ou du magistrat désigné ordonnant qu’il soit mis fin à l’exécution des mesures conservatoires entraîne leur mainlevée immédiate. () ".

3. Dans l’hypothèse où, en application des dispositions précitées de l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales, le comptable a procédé à une ou plusieurs mesures conservatoires, il incombe au juge du référé, saisi d’une demande tendant à ce qu’il soit mis fin à ces mesures, d’apprécier s’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la justification, à la date à laquelle il statue, de ces mesures conservatoires.

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

4. Ainsi que le soutient la société Igor Inc, le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis, dans les motifs de son ordonnance, d’apprécier si le moyen tiré de ce que la mesure de saisie conservatoire est irrégulière, en ce qu’elle porte sur des meubles dont la valeur excède le plafond fixé par l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales, était de nature à créer un doute sérieux sur la justification de la mesure de saisie conservatoire en litige.

5. Cette omission à statuer est de nature à entacher d’irrégularité l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a rejeté la demande de la société Igor Inc tendant à ce que la saisie conservatoire soit cantonnée aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor » et à la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits.

6. ll y a lieu d’évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur cette demande présentée par la société Igor Inc devant le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

7. Il résulte de l’instruction que l’administration a, le 8 août 2023, en cours d’instance, prononcé une mainlevée partielle de la saisie conservatoire des biens meubles corporels et l’a fixée à la somme de 13 461 euros, correspondant à 4 487 flacons de parfums dont la valeur à l’unité a été évaluée à 3 euros. En l’absence de toute observation de la société Igor Inc sur l’évaluation ainsi effectuée, la valeur des biens objets de la saisie conservatoire n’excède désormais plus le plafond fixé à 13 461 euros, dans le respect non contesté des règles fixées par les dispositions du 2° et du 3° de l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales. La société ne peut, dès lors, être regardée, en faisant valoir que la mesure de saisie conservatoire porte sur l’intégralité des stocks de parfums détenus, dont la valeur excède le plafond fixé à l’article L. 252 B du livre des procédures fiscales, comme faisant état d’un moyen propre à créer un doute sérieux sur la justification, à la date de la présente ordonnance, de ces mesures conservatoires. Il en est de même du moyen, non assorti de justification, tiré de ce qu’elle aurait la volonté de s’acquitter de ses dettes.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Igor Inc tendant à ce que la saisie conservatoire soit cantonnée aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor » et à la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits doivent être rejeétes.

9. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Igor Inc au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L’ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Cergy Pontoise du 19 juillet 2023 est annulée en tant qu’elle a rejeté la demande de la société Igor Inc enregistrée sous le n° 2308833 tendant à ce qu’il soit ordonné de cantonner la saisie conservatoire aux 113 cartons saisis de parfums « PBLV les parfums d’Igor », ainsi que la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur tous les autres produits.

Article 2 : La demande présentée par la société Igor Inc devant le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise mentionnée à l’article 1er et le surplus des conclusions de la requêté sont rejetés.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Igor Inc et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Fait à Versailles, le 7 septembre 2023.

La juge des référés,

L. Besson-Ledey

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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