Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-10.776, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 20 sept. 2017, n° 16-10.776
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-10.776
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 novembre 2015
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, 5 mars 2013
  • Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2015, 2013/06451
Textes appliqués :
Articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

Article 624 du code de procédure civile.

Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MELYSOL CUALIDAD
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 96617493
Classification internationale des marques : CL31
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Référence INPI : M20170385
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035614114
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CO01145
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 20 septembre 2017

Cassation partielle

Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 1145 F-D

Pourvoi n° U 16-10.776

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. André X…, domicilié […] ,

2°/ la société Melysol SRL, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 19 novembre 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Jean-Pierre Y…, domicilié […] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Dolla,

2°/ à M. Jean-Pierre Y…, domicilié […] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Arenys,

défendeur à la cassation ;

M. Y…, ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 20 juin 2017, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tréard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bregeon, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. X… et de la société Melysol SRL, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Y…, ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Melysol et M. X… que sur le pourvoi incident relevé par M. Y…, en sa double qualité de liquidateur judiciaire de la société Dolla et de la société Arenys ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Dolla, qui exerce l’activité de grossiste en fruits et légumes et commercialise notamment des melons, hors saison, est titulaire de la marque semi-figurative en couleurs « Melysol Cualidad », enregistrée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle le 25 mars 1996 pour des produits de la classe 31, notamment des melons ; que cette société a été contrôlée et dirigée par M. X…, jusqu’à ce que celui-ci régularise le 1er février 2002, avec d’autres actionnaires, un protocole définitif de cession d’actions au profit de la société Arenys ; que, conformément aux stipulations de ce protocole, la société Dolla a conclu le 16 février 2002, avec la société Melysol, sise en République dominicaine, ayant également M. X… pour gérant, un contrat d’approvisionnement par lequel la seconde a confié à la première l’exclusivité de la vente de sa production de melons sur le marché européen et suisse, pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation notifiée six mois avant l’échéance ; que, conformément au protocole précité, la société Dolla a autorisé la société Melysol à utiliser pour une durée de dix ans les marques dont elle est propriétaire sur tous les territoires autres que ceux de l’Union européenne et de la Suisse ; que la société Melysol a ainsi déposé le 24 avril 2003 la marque semi-figurative « Melysol » en République dominicaine auprès de l’Oficina nacional de la propiedad industrial ; qu’un avenant au contrat d’approvisionnement, signé le 9 septembre 2002, a par ailleurs précisé le prix minimum d’achat de la saison 2002-2003, correspondant à la période du 15 novembre 2002 au 30 mai 2003 ; que la société Dolla, constatant la qualité insuffisante des derniers envois, a écrit le 14 mai 2003 à la société Melysol qu’elle ne pouvait plus garantir de prix acceptables et estimait qu’il était sage, dans un intérêt commun, d’arrêter les importations ; que par courriel du même jour, la société Melysol a pris note de la rupture unilatérale du contrat d’approvisionnement, tandis que la société Dolla lui précisait, le lendemain, que sa proposition d’arrêter les importations pour la deuxième quinzaine du mois de mai ne concernait que cette saison ; que le 21 mai 2003, la société Dolla a fait établir des constats d’huissier relevant la présence sur le marché d’intérêt national de Nice de plusieurs cartons portant l’indication « Melysol SA », contenant des melons ; que le 1er mars 2004 les sociétés Dolla et Arenys ont assigné la société Melysol et M. X…, pris en sa qualité de gérant et à titre personnel, notamment en indemnisation de la rupture du contrat d’approvisionnement et appropriation frauduleuse de la marque Melysol ; qu’en cours de procédure, la société Melysol a dénoncé, par lettre du 3 août 2004, le contrat venant à échéance le 16 février 2005 ; que les sociétés Dolla et Arenys ont été mises en liquidation judiciaire en cours d’instance, M. Y… étant nommé liquidateur des deux sociétés ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que M. Y…, en sa qualité de liquidateur de la société Dolla, fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de l’utilisation frauduleuse de la marque « Melysol », et tendant à ce qu’il soit interdit à la société Melysol d’utiliser cette marque sur le territoire français alors, selon le moyen :

1°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, pour débouter M. Y…, ès qualités, de sa demande indemnitaire et tendant à l’interdiction de l’usage de la marque « Melysol » sur le territoire européen, la cour d’appel affirme que la marque « Melysol SA », constatée sur de nombreux cartons d’un box niçois, équivalait au nom commercial « Melysol SA » enregistré en République dominicaine le 15 février 1995 « sans précision sur son auteur qui n’est pas avec certitude la société Dolla, ce qui la rend distincte de la marque « Melysol cualidad » dont cette société est titulaire en France depuis le 25 mars 1996 soit postérieurement à cet enregistrement » ; qu’en statuant ainsi, quand il résultait des propres conclusions de la société Melysol que celle-ci « [était] régulièrement et légalement propriétaire de la marque « Melysol » en République dominicaine », la cour d’appel a méconnu l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, par l’article 16 du contrat de cession des titres de la société Dolla du 1er février 2002, la société Dolla a autorisé la société Melysol à utiliser sans contrepartie, et pour une durée de 10 ans, les marques dont elle est propriétaire sur tous les territoires autres que le territoire européen ; qu’en se bornant à rechercher la date à laquelle la société Dolla avait déposé la marque « Melysol » en France, pour la comparer à celle du dépôt de la marque « Melysol » par la société Melysol en République dominicaine, quand il lui appartenait de rechercher , ainsi que l’y invitait M. Y…, ès qualités, en sollicitant la confirmation du jugement sur ce point si, au regard des engagements des parties, l’utilisation par la société Melysol de la marque éponyme en France, constatée le 21 mai 2003, n’était pas une violation pure et simple de l’accord passé le 1er février 2002, de sorte qu’il convenait de faire interdiction à la société Melysol d’utiliser cette marque en France sous peine d’une astreinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

3°/ qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur ce point, pour débouter M. Y…, ès qualités, de sa demande indemnitaire au titre de l’utilisation frauduleuse par la société Melysol de la marque éponyme appartenant à la société Dolla sur le territoire français, la cour d’appel énonce qu’elle ne différencie pas de la perte de clientèle le préjudice résultant de l’utilisation frauduleuse de la marque « Melysol » ; qu’en statuant ainsi, quand M. Y… demandait, non pas l’indemnisation de la perte de clientèle qui pouvait résulter de la livraison par la société Melysol de melons estampillés « Melysol » à ses clients, mais le préjudice distinct tenant à l’atteinte en soi portée au droit de propriété de la société Dolla, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

4°/ qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur ce point, pour débouter M. Y…, ès qualités, de sa demande indemnitaire au titre de l’utilisation frauduleuse par la société Melysol de la marque éponyme appartenant à la société Dolla sur le territoire français, la cour d’appel énonce que la société Melysol démontre qu’elle commercialisait également ses melons sous d’autres marques ; qu’en assimilant ainsi une nouvelle fois le préjudice dont l’indemnisation était demandée à une simple perte de clientèle, quand M. Y… demandait réparation du préjudice, distinct de la perte de clientèle, tenant à l’atteinte portée au droit de propriété de la société Dolla, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu, en premier lieu, que, quoiqu’ayant repris l’expression employée dans le procès-verbal d’huissier établi le 21 mai 2003, constatant la présence de nombreux cartons de « marque » Melysol SA à l’entrée d’un box d’une société niçoise, l’arrêt n’en a pas moins analysé cette indication comme correspondant au nom commercial de la société Melysol ; qu’en l’état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que l’indication Melysol SA apposée sur les cartons de ce producteur ne caractérisait pas une utilisation frauduleuse de la marque Melysol cualidad enregistrée par la société Dolla pour désigner des melons, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu’en écartant toute utilisation frauduleuse de la marque Melysol cualidad la cour d’appel n’a pas adopté les motifs contraires des premiers juges, critiqués par les troisième et quatrième branches ;

D’où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que M. Y…, en sa qualité de liquidateur de la société Arenys, fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande indemnitaire formée contre M. X… au titre de la garantie d’éviction alors, selon le moyen :

1°/ que la garantie d’éviction s’applique dans les cas où l’éviction trouble l’objet même de la vente rendant impossible la poursuite de l’activité sociale ou la réalisation de l’objet social ; que la cour d’appel constate que le redressement judiciaire de la société Dolla en 2006, puis sa liquidation en 2009, avaient par nature dévalorisé le capital de cette société, ce dont il résultait que la poursuite de l’activité sociale et la réalisation de l’objet social étaient inéluctablement rendues impossibles, et que la garantie d’éviction était due par le cédant, M. X… ; qu’en écartant néanmoins cette garantie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l’article 1626 du code civil ;

2°/ qu’en affirmant, au demeurant, pour écarter la garantie d’éviction invoquée par M. Y…, ès qualités, que la société Arenys, cessionnaire, n’avait pas été privée, même partiellement, du capital de la société Dolla après l’acquisition de celui-ci, quand elle constatait que le redressement judiciaire de la société Dolla en 2006, puis sa liquidation en 2009, avaient par nature dévalorisé le capital de cette société, ce dont il résultait que le cessionnaire avait nécessairement été privé, à tout le moins partiellement, du capital acquis, et que la garantie d’éviction était due par le cédant, M. X…, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l’article 1626 du code civil ;

3°/ que, quoiqu’il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d’un fait qui lui est personnel, que toute convention contraire est nulle ; qu’en exigeant de M. Y…, ès qualités qu’il apporte la preuve du respect des conditions de fond et de forme prescrits par la garantie de passif et d’actif, prévue à l’article 24 du contrat de cession des parts de la société Dolla, quand les conditions contractuelles relatives à la mise en oeuvre de la garantie de passif et d’actif étaient hors de propos, et ne pouvaient faire obstacle à la garantie d’éviction due par le cédant au cessionnaire, la cour d’appel a violé les articles 1626 et 1628 du code civil ;

4°/ qu’en se bornant à affirmer que le rapport d’expertise de M. A…, rendu le 23 juin 2012, établissait que la rupture des relations commerciales entre les sociétés Dolla et Melysol était étrangère à la procédure de redressement judiciaire de la société Dolla et ne remettait pas en cause la cession, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par M. Y…, ès qualités, si le comportement de M. X… qui, après avoir vendu ses actions à bon prix à la société Arenys, avait dévalorisé et démonétisé ses actions en privant la société Dolla de ce qui en faisait la valeur, par une rupture abusive du contrat d’approvisionnement, et en détournant les actifs et la clientèle de la société Dolla à son profit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1626 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir constaté que la cession des actions de la société Dolla, consentie par neuf personnes dont M. X…, était intervenue le 1er février 2002, l’arrêt relève que cette société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 5 octobre 2006 et 22 janvier 2009 ; qu’il ajoute que ces procédures ont certes, par nature, dévalorisé le capital de cette société, mais que la société Arenys n’a pas été privée, même partiellement, du capital de la société Dolla après l’acquisition de celui-ci en 2002 ; qu’il retient, par motifs adoptés, que le rapport d’expertise remis le 23 juin 2012 établit que la rupture des relations commerciales entre la société Dolla et la société Melysol, dont M. X… était le gérant, est étrangère à cette procédure collective ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu’après la cession la société Dolla a pu poursuivre son activité économique et réaliser son objet social pendant plusieurs années, la cour d’appel, qui ne s’est pas déterminée par référence aux conditions de la garantie de passif et d’actif prévue dans le protocole de cession et n’était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la quatrième branche que ses constatations et appréciations souveraines rendaient inopérante, en a déduit à bon droit que l’ouverture de cette procédure collective ne suffisait pas à caractériser une éviction de la société Arenys par le fait de M. X… ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour imputer la rupture du contrat à la société Melysol et la condamner à indemniser le préjudice subi par la société Dolla par suite de l’absence d’approvisionnement au cours des saisons 2003-2004 et 2004-2005, l’arrêt relève qu’après que la société Dolla eut notifié à la société Melysol l’arrêt des importations pour la saison 2002-2003 en raison de la qualité insuffisante des derniers envois, les parties ont continué à correspondre au cours du second semestre 2003 pour discuter notamment de la saison 2003-2004 ; qu’il constate que la société Dolla, par télécopie du 25 novembre 2003, a fait part de son insatisfaction quant aux propositions de la société Melysol et demandé à son propre conseil d’arrêter la rédaction de versions successives d’un éventuel avenant, restant dans l’attente de la première livraison de la saison 2003-2004 fixée à la fin de ce mois ; qu’il ajoute, par motifs adoptés, que la société Melysol a confirmé le 29 décembre 2003 son refus de livraison invoquant le défaut d’accord entre les parties et les dégâts occasionnés sur sa production par les conditions climatiques difficiles ; qu’il en déduit que ces éléments excluent une volonté de rupture de la part de la société Dolla et que le jugement doit être confirmé pour avoir imputé la responsabilité de la résiliation à la société Melysol ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat d’approvisionnement pouvait être exécuté en l’absence d’avenant fixant le prix et les quantités des marchandises d’un commun accord entre les parties pour chaque saison nouvelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour imputer la rupture du contrat à la société Melysol et la condamner à indemniser le préjudice subi par la société Dolla par suite de l’absence d’approvisionnement au cours des saisons 2003-2004 et 2004-2005, l’arrêt relève que les courriels de la société Dolla adressés en mai 2003 à la société Melysol n’expriment pas la volonté de celle-là de résilier le contrat du 16 février 2002 conclu pour une durée de 3 ans, mais uniquement l’arrêt des relations contractuelles au cours de la saison 2002-2003, qui venait à échéance au cours du mois de mai 2003 ; qu’il ajoute que la société Melysol, immédiatement après ces courriels, a, les 14 et 18 mai 2003, vendu des melons à une autre société pour un poids net de 12 264 kilos 60 et en déduit que cette vente caractérise une violation manifeste, et grave compte tenu de l’importance du volume ainsi vendu, de l’exclusivité consentie le 16 février 2002 à la société Dolla, de nature à la rendre responsable de la résiliation du contrat d’exclusivité ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que la vente résiduelle de la production de la saison 2002-2003 était intervenue après que la société Dolla eut mis un terme au contrat pour cette saison précise, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur les deuxième et troisième moyens du même pourvoi :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen de ce pourvoi, relatif à la rupture fautive du contrat imputée à la société Melysol, entraîne par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif attaqués par les deuxième et troisième moyens, relatifs à l’indemnisation des préjudices allouée à ce titre résultant de l’absence d’approvisionnement au cours de la saison 2004-2005 et de la perte de clientèle ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Melysol à payer à M. Y…, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Dolla, les sommes de 379 200 euros pour l’absence d’approvisionnement pour la saison 2003-2004, de 379 200 euros pour l’absence d’approvisionnement pour la saison 2004-2005 et de 10 000 euros pour la perte de clientèle, l’arrêt rendu le 19 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y…, en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Dolla et Arenys, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X… et la société Melysol SRL

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’avoir condamné la société Melysol à payer au liquidateur judiciaire de la société Dolla, en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l’absence d’approvisionnement, la somme de 379.200 euros au titre de la saison 2003/2004, ainsi qu’une somme de même montant au titre de la saison 2004/2005 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE si la société Melysol a informé la société Dolla les 30 octobre et 2 novembre 2002 de difficultés pour l’approvisionner en melons en raison d’une très « sérieuse attaque de bactériose », la première société n’a ensuite et tout au long de la suite de la saison 2002/2003 jamais repris cet argument, ce qui ne lui permet pas de mettre fin audit approvisionnement sauf raisons impérieuses imputables à la seconde ; que divers acheteurs de melons auprès de la société Dolla lui ont écrit en mai 2003 pour se plaindre de la qualité de ceux-ci ; que c’est donc à bon droit que cette société s’est plainte à son tour auprès de son fournisseur la société Melysol ; que la société Dolla a adressé à la société Melysol le 14 mai 2003 un courrier ainsi libellé : « compte tenu de la qualité insuffisante des derniers envois [tous mes clients] sont passés sur d’autres origines Espagne et Maroc », je ne peux plus « garantir de prix acceptables », et pense « que dans un intérêt commun il serait sage d’arrêter les importations ». Puis, dès le lendemain : « Je ne peux imaginer comment notre proposition d’arrêter les importations pour la deuxième quinzaine du mois de mai (

) pourrait être sérieusement considérée comme une rupture du contrat d’exclusivité qui nous lie », précisant avoir subi des problèmes de livraisons et une importante dégradation de la qualité des melons, et ajoutant « nous vous avons proposé en effet de mettre un terme à cette saison (qui de toute façon doit se terminer très prochainement) » ; que ces domaines n’expriment aucunement la volonté de la société Dolla de résilier le contrat d’approvisionnement conclu avec la société Melysol, soit jusqu’au 16 février 2002 pour une durée de trois années soit jusqu’au 15 février 2005 ; que cette volonté n’est pas non plus démontrée par deux documents postérieurs à ces 14-15 mai 2003, à savoir l’attestation rédigée le 14 décembre 2010 par Monsieur B…, Président de la société Dolla, qui précise « avoir volontairement et unilatéralement décidé le 14 mai 2003 de mettre fin au contrat d’approvisionnement signé le 16 février 2002 », dénuée de toute valeur juridique probante puisqu’écrite plus de 7 ans après les faits, ni par le contrat de transaction amiable conclu lui aussi ce 14 décembre 2010, car il ne concerne que les procédures devant les juridictions de République Dominicaine ; qu’à réception le 14 mai 2003 du premier courriel de la société Dolla notifiant l’arrêt des relations contractuelles la société Melysol a pris « note de la rupture unilatérale par vos soins du contrat d’approvisionnement avec exclusivité qui nous lie » ; que cependant, le fait que dès le lendemain, soit quasi immédiatement, la première ait précisé à la seconde que cet arrêt concerne uniquement la saison en cours 2002/2003 venant à échéance au cours dudit mois, et non pas le contrat d’approvisionnement lui-même (valable encore deux années), signifie que la société Dolla n’a pas pris l’initiative de la rupture des relations contractuelles ; qu’au surplus, et après les trois fax litigieux ci-dessus les parties ont continué à s’écrire au cours du second semestre 2003 pour discuter notamment de la saison 2003/2004, ce qui démontre que la société Dolla n’a pas rompu le contrat (la société Dolla a écrit à la société Melysol les 17 et 21 juillet, 4, 11, 19 et 25 septembre, 9 octobre, 3 et 25 novembre, 2 et 19 décembre ; et à la société Dolla les 18 et 24 juillet, 24 août, 23 septembre, 30 octobre, 24 et 29 novembre, et 29 décembre ; qu’enfin la télécopie de la première société (la société Dolla) du 25 novembre contient une insatisfaction quant aux propositions de la seconde, une demande à son propre conseil d’arrêter la rédaction de versions successives d’un éventuel avenant, mais surtout une attente de la première livraison (de la saison 2003/2004) fixée à la fin de ce mois ; que tous ces éléments excluent une volonté de rupture par la société Dolla, d’autant que curieusement la société Melysol lui a écrit le 3 août 2004 pour résilier le contrat avec effet au 16 février 2005, soit au lendemain de son terme, ce qui est incompatible avec une résiliation à l’initiative de la société Dolla ; que de son côté, la société Melysol a cessé d’approvisionner la société Dolla cependant que le contrat était toujours en vigueur, et a même les 14 et 18 mai 2003 soit juste après les 3 courriels précités facturé la vente de melons pour un poids net de 12.264 kg 60 à la société Agence Laparra, ce qui caractérise une violation manifeste et grave, vu l’importance du volume ainsi vendu, de l’exclusivité de la vente de melons convenue le 16 février 2002 par la société Melysol en faveur de la société Dolla, de nature à rendre celle-là responsable de la résiliation du contrat d’exclusivité ; que le jugement est en conséquence confirmé pour avoir imputé la rupture du contrat d’approvisionnement à la société Melysol ; que le rapport d’expertise judiciaire établi par Monsieur A… le 22 juin 2012 au contradictoire notamment de cette société et de la société Melysol a retenu pour la dernière saison effective du contrat, soit 2002/2003, une marge pour la première d’un montant de 435,86 euros par tonne et un poids convenu de 870 tonnes, soit au total la somme de 379.200 euros ; que cette dernière représente donc le préjudice de la société Dolla pour chacune des deux saisons 2003/2004 et 2004/2005 perdues par la faute de la société Melysol ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, qui ne sont ici reproduits que dans la mesure où ils ne sont pas contraires à ceux de la Cour, QUE le contrat d’approvisionnement conclu en date du 16 février 2002 avait pour objet la vente exclusive par la société Melysol à la société Dolla de sa production de melons sur le marché européen et suisse pour une durée de trois ans ; que le contrat prévoyait que les quantités d’approvisionnement devaient faire l’objet d’un accord entre les parties avant le 31 décembre de chaque année ; qu’il n’est pas contesté que la société Melysol a cessé d’approvisionner la société Dolla à compter du 15 mai 2003 ; que la société Melysol considère que la rupture du contrat est imputable à la société Dolla qui lui a adressé une télécopie en date du 14 mai 2003 précisant qu’elle souhaitait « interrompre les livraisons » ; que cependant, les échanges de télécopies entre les parties en date des 14 et 15 mai 2002 permettent d’établir que si la société Dolla a souhaité interrompre les livraisons pour la saison 2002/2003 se terminant quinze jours après, sa volonté était de poursuivre ses relations commerciales avec la société Melysol au titre du contrat d’approvisionnement ; que par ailleurs, les modalités de dénonciation de ce contrat consistant en l’envoi d’un courrier LRAR moyennant le respect d’un délai de préavis de six mois, soit l’envoi d’un courrier en date du 14 août 2004 pour un terme fixé au 15 février 2005 ; qu’appliquant ces modalités, la société Melysol a adressé à la société Dolla un courrier en LRAR de dénonciation du contrat d’approvisionnement en date du 14 août 2004 ; qu’en conséquence, le Tribunal constate que la télécopie du 14 mai 2003 est impropre à imputer la rupture du contrat d’approvisionnement à la société Dolla ; que, concernant la recherche d’un accord sur les objectifs quantitatifs pour la saison 2003/2004, la société Melysol a confirmé en date du 29 septembre 2003, son refus de livraison pour la saison 2003/2004 en invoquant le défaut d’accord entre les parties et des dégâts occasionnés sur la production par les conditions climatiques difficiles ; que cependant, la société Dolla a émis en date du 17 juillet 2003 une proposition de quantité cohérente avec celle appliquée lors des deux années précédentes et qu’en réponse à ces relances, la société Melysol n’a jamais fait de contre-proposition, subordonnant sa réponse au résultat d’un audit à réaliser sur les échanges commerciaux de la saison précédente ; que concernant l’audit des relations commerciales entre les parties sur la saison 2002/2003, un expert a été nommé en référé en date du 16 mars 2004 en la personne de Monsieur C… et que son rapport rendu en date du 12 septembre 2005 conclut à l’existence d’une dette de la société Melysol à l’égard de la société Dolla d’un montant de 1.670,75 euros ; qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu pour le Tribunal d’établir que la rupture du contrat d’approvisionnement doit être imputée à la société Melysol ;

ALORS QUE, D’UNE PART, si la rupture unilatérale et prématurée d’un contrat à durée déterminée peut justifier la condamnation de son auteur à réparer le préjudice qui en est résulté pour l’autre partie, encore faut-il que la rupture irrégulière du contrat soit caractérisée et que celui qui en a pris l’initiative soit identifié ; qu’en l’espèce, pour condamner la société Melysol au paiement de lourds dommages et intérêts justifiés par la rupture jugée irrégulière du contrat d’approvisionnement qui la liait à la société Dolla, la Cour se borne à retenir que la société Dolla ne peut être regardée comme ayant pris l’initiative de la rupture, que le contrat est demeuré inexécuté après la fin de la saison 2002/2003, faute pour les parties d’avoir pu s’entendre sur les termes de l’avenant annuel qui devait être signé en vue de la poursuite de l’exécution du contrat d’approvisionnement pour la saison suivante 2003/2004 et que la société Melysol a ensuite mis fin, mais de façon régulière, au contrat d’approvisionnement pour son échéance du 15 février 2005 ; qu’en revanche, il n’est nullement constaté que la société Melysol aurait pris l’initiative unilatérale de rompre le contrat avant l’échéance contractuelle du 15 février 2005, d’où il suit que la Cour ne caractérise pas la résiliation abusive sur laquelle elle se fonde pour justifier les condamnations qui ont été prononcées ; qu’à cet égard déjà, l’arrêt est dépourvu de base légale au regard de l’article 1184 du Code civil ;

ALORS QUE, D’AUTRE PART, il résulte des constatations mêmes de l’arrêt (cf. arrêt p. 10 § 4) que la société Dolla avait demandé à son conseil d’arrêter de travailler à la mise au point de l’avenant annuel qui devait être conclu en vue de l’exécution du contrat d’approvisionnement litigieux au cours de la saison 2003/2004, et ce faisant décidé de rompre les négociations préalables à la signature de cet avenant indispensable à l’exécution du contrat litigieux ; qu’en déduisant paradoxalement de ce fait (cf. l’arrêt p. 10 § 5) qu’il excluait une volonté de rupture par la société Dolla, la Cour refuse de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil, violés ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART, en retenant, par motifs adoptés du jugement, que la société Dolla avait émis le 17 juillet 2003 une proposition d’avenant cohérente, en terme de quantité globale, avec la pratique observée lors des deux années précédentes, sans répondre aux conclusions de la société Melysol (cf. ses dernières écritures, p. 55 et 56, § n° 203 à 213), laquelle faisait observer que, contrairement à ce qu’avaient retenu les premiers juges, la proposition d’avenant qui lui avait été soumise par la société Dolla était inacceptable, dans la mesure où elle tendait à imposer un calendrier d’exportation de melons intenable compte tenu des contraintes inhérentes à toute production agricole, qui excluaient que la production et l’exportation des melons puissent s’effectuer selon le rythme très irrégulier qu’avait cherché à lui imposer sa cocontractante, la Cour méconnaît les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile, violé ;

ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, la Cour ne pouvait reprocher à la société Melysol d’avoir cessé d’approvisionner la société Dolla au cours des saisons 2003/2004 et 2004/2005, après avoir elle-même constaté l’échec des négociations, qui avait empêché la conclusion de l’avenant annuel qui devait être acté, conformément aux prévisions du contrat d’approvisionnement litigieux, pour permettre la poursuite de son exécution au cours de la saison 2003/2004, sans s’être assurée que le contrat d’approvisionnement pouvait et devait continuer à être exécuté en l’absence même d’un tel avenant, ce qu’elle ne fait pas et ce en quoi elle prive de nouveau son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;

ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, en reprochant à la société Melysol d’avoir méconnu son obligation d’exclusivité en se livrant à une vente de melons au profit d’une société Agence Laparra, intervenue les 14 et 18 mai 2003, tout en constatant que cette vente demeurée unique avait eu lieu juste après l’échange de courriers intervenu les 14 et 15 mai 2003 d’où il résultait que la société Dolla, si même elle n’avait pas entendu mettre définitivement fin au contrat d’approvisionnement, avait tout de même demandé que l’exécution de ce contrat fût suspendue jusqu’à la fin de la saison 2003, de sorte qu’il ne pouvait dès lors être reproché à la société Melysol d’avoir vendu à un tiers, au cours de cette période de suspension du contrat, les melons déjà produits que la société Dolla avait décidé de ne plus importer (cf. sur ce point les dernières écritures de la société Melysol, p. 63, n° 237 et suivantes, spéc. p. 65 n° 245), la Cour, qui refuse là encore de tirer les conséquences logiques de ses propres constatations, viole les articles 1134 et 1184 du Code civil ;

ET ALORS ENFIN QUE, ET SUBSIDIAIREMENT, la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale si même le contrat est à durée déterminée ; que dès lors, à supposer même qu’il s’infère suffisamment des constatations de l’arrêt que l’initiative de la rupture avant terme du contrat pouvait être imputée à la société Melysol, la Cour devait encore rechercher, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures de la société Melysol, p.32 et suivantes, § 119 et suivants), si cette initiative n’était pas justifiée par les manquements dont s’était rendue coupable la société Dolla à son obligation de bonne foi et de loyauté, en ce qu’elle avait notamment choisi de privilégier l’importation de melons de contre-saison provenant des Antilles françaises au détriment des melons de République Dominicaine provenant de la société Melysol, qui parfois n’étaient pas même proposés à la vente, en ce qu’elle s’était dérobée au paiement des frais de transit et de transport qui lui incombaient tout en formulant des réclamations financières injustifiées et en ce qu’elle avait également noué un partenariat avec une société dominicaine dénommée Terrafruta directement concurrente de la société Melysol et de surcroît cherché à débaucher certains cadres clé de cette entité, la Cour, qui plus généralement passe totalement sous silence les nombreux griefs que la société Melysol formulait à l’encontre de sa cocontractante, prive en tout état de cause sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier) :

Il est reproché à l’arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d’avoir augmenté de la somme de 91.530,60 euros à celle de 379.200 euros la condamnation de la société Melysol au titre du préjudice résultant de l’absence d’approvisionnement au cours de la saison 2004/2005 ;

AUX MOTIFS D’ABORD QUE le rapport d’expertise judiciaire établi par Monsieur A… le 22 juin 2012 au contradictoire notamment de cette société et de la société Melysol a retenu pour la dernière saison effective du contrat, soit 2002/2003, une marge pour la première d’un montant de 435,86 euros par tonne et un poids convenu de 870 tonnes, soit au total la somme de 379.200 euros ; que cette dernière somme représente donc le préjudice de la société Dolla pour chacune des deux saisons 2003/2004 et 2004/2005 perdues par la faute de la société Melysol ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE le fait que le contrat avait pour terme le 15 février 2005 qui a été résilié par la société Melysol le 3 août 2004 en respectant le préavis de six mois, signifie que la société Dolla n’avait aucune certitude quant à la poursuite des relations contractuelles au-delà de ce terme ;

ALORS QU’ayant elle-même relevé que la société Melysol avait régulièrement mis fin au contrat à son échéance du 15 février 2005, ce dont il résultait nécessairement que si même le contrat avait été exécuté jusqu’à cette échéance, il n’aurait pu l’être jusqu’au mois de mai 2005, la Cour ne pouvait néanmoins retenir, à la différence des premiers juges, que le préjudice subi au titre de la saison 2004/2005 était équivalent au préjudice subi au cours de la saison 2003/2004 et pouvait dès lors être évalué à un montant correspondant à la marge réalisée par la société Dolla au cours de la saison 2002/2003, soit durant toute la période comprise entre novembre 2002 et mai 2003 ; qu’en indemnisant comme elle le fait, non seulement la période comprise entre le début de la saison 2004/2005 et le 15 février 2005, date à laquelle le contrat avait régulièrement pris fin, mais également toute la période comprise entre le 15 février et le 15 mai 2005, la Cour alloue une réparation excédant nécessairement le préjudice résultant de la prétendue rupture anticipée du contrat, ce en quoi elle viole l’article 1149 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale « sans perte ni profit ».

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l’arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d’avoir condamné la société Melysol au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de clientèle ;

AUX MOTIFS QUE les 14 et 18 mai 2003, la société Melysol a facturé la vente de melons pour un poids net de 12.264 kg 60 à la société Agence Laparra, laquelle a expliqué le 17 juin avoir été avisée par cette société de la rupture du contrat avec la société Dolla ; que cet élément, qui constitue une perte de clientèle pour cette dernière, lui a causé un préjudice qui est distinct de la perte de marge subie par la rupture illicite imputable à la société Melysol ; que toutefois, le fait que le contrat qui avait pour terme le 15 février 2005, a été résilié par la société Melysol le 3 août 2004 soit en respectant le préavis de six mois convenu, signifie que la société Dolla n’avait aucune certitude quant à la poursuite des relations contractuelles au-delà de ce terme ; que la somme de 400.000 euros retenue par le Tribunal de commerce est donc largement supérieure à la réalité de la perte de clientèle vu la preuve d’une vente à un seul acheteur de la société Dolla, et par suite est réduite par la Cour à 10.000 euros ;

ALORS QUE, D’UNE PART, en retenant à la charge de la société Melysol, la vente unique intervenue au profit de la société Agence Laparra les 14 et 18 mai 2003, tout en constatant que cette vente avait été conclue juste après que la société Dolla lui avait fait part de sa décision de suspendre l’exécution du contrat d’approvisionnement jusqu’à la fin de la saison 2003, la Cour ne caractérise pas en fait le manquement à l’obligation d’exclusivité supposé justifier la condamnation qu’elle prononce au titre d’une perte de clientèle, ce en quoi elle prive sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;

ET ALORS QUE, D’AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, l’indemnisation d’une perte de clientèle postule nécessairement la perte durable d’au moins un client par celui qui s’en prétend victime ; qu’une telle perte ne saurait s’inférer de la conclusion d’une vente demeurée unique, fût-elle intervenue dans des conditions irrégulières en l’état d’une obligation d’exclusivité ; que dès lors, la Cour ne pouvait prétendre indemniser une perte de clientèle, après avoir elle-même constaté que la vente opérée par la société Melysol au profit de la société Agence Laparra les 14 et 18 mai 2003 était demeurée unique, d’où il suit que l’arrêt n’est pas légalement justifié au regard de l’article 1147 du Code civil.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. Y…, ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté Me Y… ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société DOLLA, de sa demande en indemnisation de l’utilisation frauduleuse par la société MELYSOL de la marque « MELYSOL », et de sa demande tendant ce qu’il soit interdit à la société MELYSOL d’utiliser la marque « MELYSOL » sur le territoire français ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la marque MELYSOL : le 21 mai 2003 un huissier de justice requis par la société DOLLA a constaté la présence de nombreux cartons de marque « MELYSOL SA » à l’entrée d’un box de la société niçoise ESCODA, constat qui ne peut être remis en cause par le simple courrier de cette dernière du 1er juillet ; que cependant cette marque équivaut au nom commercial « MELYSOL S.A. » enregistré en REPUBLIQUE DOMINICAINE le 15 février 1995 sans précision sur son auteur qui n’est pas avec certitude la société DOLLA, ce qui la rend distincte de la marque « MELYSOL CUALIDAD » dont cette société est titulaire en FRANCE depuis le 25 mars 1996 soit postérieurement à cet enregistrement ; c’est donc à tort que le jugement a interdit à la société MELYSOL d’utiliser la marque MELYSOL sur le territoire français » (arrêt p. 11) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la société DOLLA qui estime son préjudice à la somme de 150.000 € n’apporte à la barre aucun élément permettant au tribunal d’en apprécier le bien-fondé et de le différencier du préjudice relatif à la perte de clientèle ; en outre, que la société MELYSOL produit aux débats plusieurs attestations faisant apparaître qu’elle commercialisait également ses melons sous d’autres marques » (jugement, p. 8) ;

1/ ALORS QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, pour débouter Maître Y… ès qualités de sa demande indemnitaire et tendant à l’interdiction de l’usage de la marque «MELYSOL » sur le territoire européen, la cour d’appel affirme que la marque « MELYSOL SA », constatée sur de nombreux cartons d’un box niçois, équivalait au nom commercial « MELYSOL S.A. » enregistré en REPUBLIQUE DOMINICAINE le 15 février 1995 « sans précision sur son auteur qui n’est pas avec certitude la société DOLLA, ce qui la rend distincte de la marque «MELYSOL CUALIDAD » dont cette société est titulaire en FRANCE depuis le 25 mars 1996 soit postérieurement à cet enregistrement » ; qu’en statuant ainsi, quand il résultait des propres conclusions de la société MELYSOL (p. 70) que celle-ci « [était] régulièrement et légalement propriétaire de la marque « MELYSOL » en REPUBLIQUE DOMINICAINE », la cour d’appel a méconnu l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, par l’article 16 du contrat de cession des titres de la société DOLLA du 1er février 2002, la société DOLLA a autorisé la société MELYSOL à utiliser sans contrepartie, et pour une durée de 10 ans, les marques dont elle est propriétaire sur tous les territoires autres que le territoire européen ; qu’en se bornant à rechercher la date à laquelle la société DOLLA avait déposé la marque « MELYSOL » en FRANCE, pour la comparer à celle du dépôt de la marque « MELYSOL » par la société MELYSOL en REPUBLIQUE DOMINICAINE, quand il lui appartenait de rechercher , ainsi que l’y invitait Maître Y… ès qualités, en sollicitant la confirmation du jugement sur ce point si, au regard des engagements des parties, l’utilisation par la société MELYSOL de la marque éponyme en FRANCE, constatée le 21 mai 2003, n’était pas une violation pure et simple de l’accord passé le 1er février 2002, de sorte qu’il convenait de faire interdiction à la société MELYSOL d’utiliser cette marque en FRANCE sous peine d’une astreinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

3/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur ce point, pour débouter Maître Y… ès qualités de sa demande indemnitaire au titre de l’utilisation frauduleuse par la société MELYSOL de la marque éponyme appartenant à la société DOLLA sur le territoire français, la cour d’appel énonce qu’elle ne différencie pas de la perte de clientèle le préjudice résultant de l’utilisation frauduleuse de la marque « MELYSOL » ; qu’en statuant ainsi, quand Maître Y… demandait, non pas l’indemnisation de la perte de clientèle qui pouvait résulter de la livraison par la société MELYSOL de melons estampillés « MELYSOL » à ses clients, mais le préjudice distinct tenant à l’atteinte en soi portée au droit de propriété de la société DOLLA (conclusions, p. 24), la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

4/ ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs des premiers juges sur ce point, pour débouter Maître Y… ès qualités de sa demande indemnitaire au titre de l’utilisation frauduleuse par la société MELYSOL de la marque éponyme appartenant à la société DOLLA sur le territoire français, la cour d’appel énonce que la société MELYSOL démontre qu’elle commercialisait également ses melons sous d’autres marques ; qu’en assimilant ainsi une nouvelle fois le préjudice dont l’indemnisation était demandée à une simple perte de clientèle, quand Maître Y… demandait réparation du préjudice, distinct de la perte de clientèle, tenant à l’atteinte portée au droit de propriété de la société DOLLA (conclusions, p. 24), la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté Me Y… ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ARENYS, de sa demande indemnitaire formée contre Monsieur X… au titre de la garantie d’éviction ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la société ARENYS ; cette dernière a le 1er février 2002 acquis de 9 personnes dont Monsieur X… le capital de la société DOLLA soit 3.000 actions, au prix global de 2.129.889 € 20 selon acte du 9 septembre ; le redressement judiciaire de la société DOLLA le 5 octobre 2006, puis sa liquidation judiciaire le 22 janvier 2009, ont par nature dévalorisé le capital de cette société : pour autant, cela ne suffit pas à caractériser l’éviction de la société ARENYS par Monsieur X… au sens de l’article 1626 du code civil, puisque celle-là n’a pas été privée, même partiellement, du capital de la société DOLLA après l’acquisition de celui-ci » (arrêt pp. 11 et 12) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la garantie d’éviction de Monsieur André X… à l’égard de la société ARENYS, l’article 1626 du code civil dispose : « quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente » ; que la société ARENYS demande au tribunal de condamner Monsieur André X… à lui verser une somme de 2.125.406 € en réparation de son préjudice correspondant à la valeur d’acquisition de la totalité des titres de DOLLA ; que les parties ont entendu soumettre la question de la garantie d’actif et de passif aux dispositions figurant à l’article 24 du contrat de cession des parts de la société DOLLA en date du 1er février 2002 ; que la société ARENYS n’apporte pas la preuve du respect des conditions de fond et de forme prescrites à cet article ; que la société ARENYS n’apporte à la barre aucun élément permettant au tribunal d’en apprécier le bien-fondé ; que le rapport d’expertise de Monsieur Jean-Marc A…, rendu en date du 23 juin 2012, établit que la rupture des relations commerciales entre les sociétés DOLLA et MELYSOL est étrangère à la procédure de redressement judiciaire de la société DOLLA et ne remet pas en cause la cession ; qu’il y a lieu en conséquence de débouter la société ARENYS de ses demandes fondées sur la garantie d’éviction » (jugement, pp. 9 et 10) ;

1/ ALORS QUE la garantie d’éviction s’applique dans les cas où l’éviction trouble l’objet même de la vente rendant impossible la poursuite de l’activité sociale ou la réalisation de l’objet social ; que la cour d’appel constate que le redressement judiciaire de la société DOLLA en 2006, puis sa liquidation en 2009, avaient par nature dévalorisé le capital de cette société (arrêt p. 11), ce dont il résultait que la poursuite de l’activité sociale et la réalisation de l’objet social étaient inéluctablement rendues impossibles, et que la garantie d’éviction était due par le cédant, Monsieur X… ; qu’en écartant néanmoins cette garantie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l’article 1626 du code civil ;

2/ ALORS QU’en affirmant, au demeurant, pour écarter la garantie d’éviction invoquée par Maître Y… ès qualités, que la société ARENYS, cessionnaire, n’avait pas été privée, même partiellement, du capital de la société DOLLA après l’acquisition de celui-ci, quand elle constatait que le redressement judiciaire de la société DOLLA en 2006, puis sa liquidation en 2009, avaient par nature dévalorisé le capital de cette société (arrêt p. 11), ce dont il résultait que le cessionnaire avait nécessairement été privé, à tout le moins partiellement, du capital acquis, et que la garantie d’éviction était due par le cédant, Monsieur X…, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l’article 1626 du code civil ;

3/ ALORS QUE, quoiqu’il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d’un fait qui lui est personnel , que toute convention contraire est nulle ; qu’en exigeant de Maître Y… ès qualités qu’il apporte la preuve du respect des conditions de fond et de forme prescrits par la garantie de passif et d’actif, prévue à l’article 24 du contrat de cession des parts de la société DOLLA, quand les conditions contractuelles relatives à la mise en oeuvre de la garantie de passif et d’actif étaient hors de propos, et ne pouvaient faire obstacle à la garantie d’éviction due par le cédant au cessionnaire, la cour d’appel a violé les articles 1626 et 1628 du code civil ;

4/ ALORS QU’en se bornant à affirmer que le rapport d’expertise de Monsieur A…, rendu le 23 juin 2012, établissait que la rupture des relations commerciales entre les sociétés DOLLA et MELYSOL était étrangère à la procédure de redressement judiciaire de la société DOLLA et ne remettait pas en cause la cession (jugement, p. 10), sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par Maître Y… ès qualités (conclusions, pp. 27 et 28), si le comportement de Monsieur X… qui, après avoir vendu ses actions à bon prix à la société ARENYS, avait dévalorisé et démonétisé ses actions en privant la société DOLLA de ce qui en faisait la valeur, par une rupture abusive du contrat d’approvisionnement, et en détournant les actifs et la clientèle de la société DOLLA à son profit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1626 du code civil.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-10.776, Inédit