Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2017, 15-13.599, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Vanessa Nivelles · Actualités du Droit · 6 février 2017

www.exlegeavocats.com · 27 janvier 2017

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Fany Lalanne · Actualités du Droit · 27 janvier 2017
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 19 janv. 2017, n° 15-13.599
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-13.599
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 16 octobre 2014
Textes appliqués :
Article 3 du code civil.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033905055
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:SO00003
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 19 janvier 2017

Cassation partielle

M. LACABARATS, conseiller le plus ancien

faisant fonction de président

Arrêt n° 3 F-D

Pourvoi n° S 15-13.599

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Escad Design GmbH, venant aux droits de la société Top in Time Personal-und-Dienstleistungs-GmbH, dont le siège est [Adresse 1] (Allemagne),

contre l’arrêt rendu le 17 octobre 2014 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre, section 2, chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. [J] [H], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 22 novembre 2016, où étaient présents : M. Lacabarats, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Geerssen, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Escad Design GmbH, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. [H], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. [H], de nationalité allemande, a été engagé par la société allemande Top in Time Personal und Dienstleistungs, devenue Escad Design GmbH à compter du 7 novembre 2005, en qualité d’ingénieur diplômé technico-commercial ; qu’il a travaillé pendant un an en Allemagne ; que, le 7 mai 2007, une convention de détachement a été signée et que le salarié a alors travaillé sur le site d’Airbus de [Localité 1] ; que, par lettre du 17 septembre 2010, l’employeur l’a informé de son souhait de lui confier une nouvelle mission sur un site allemand ; que le salarié a fait part de sa préférence à rester en France et, en cas d’affectation en Allemagne, de sa préférence pour Brême et Hambourg ; que, par lettre du 27 octobre 2010, l’employeur lui a notifié son licenciement pour motif économique à compter du 30 octobre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire la juridiction prud’homale dans le ressort de laquelle est domicilié le salarié en France compétente pour connaître du litige et de dire que le délai de forclusion prévu au § 4 de la loi allemande de protection contre le licenciement non applicable alors, selon le moyen :

1°/ que le règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, prévoit en son article 67 que « Le présent règlement ne préjuge pas de l’application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes » ; qu’il en résulte que les règles de compétence qu’il énonce ne sont pas applicables lorsque d’autres règles de compétence sont contenues dans des actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes, dans des matières particulières ; que le règlement CE n° 44/2001 ne trouve donc pas à s’appliquer en matière de détachement pour lequel la directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, qui définit le travailleur détaché comme « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement », prévoit des règles de compétence qui lui sont propres, lesquelles ont été transposées en droit français par l’article R. 1412-5 du code du travail ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que M. [H], engagé par la société de droit allemand Top in Time Personal, avait été détaché par celle-ci en France auprès de la société Airbus Deutschland GmbH, à compter du 7 mai 2007 et pour la durée de la mission qui lui avait été confiée, laquelle avait pris fin au mois d’octobre 2010 et à l’issue de laquelle avait été convenu le retour du salarié en Allemagne ; qu’en jugeant, pour dire la juridiction prud’homale française compétente pour statuer sur le licenciement du salarié, que le règlement CE n° 44/2001 avait lieu de s’appliquer au motif inopérant que le détachement de M. [H] avait duré 44 mois, la cour d’appel a violé les articles 19 et 67 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, ensemble les articles 1, 2 et 6 de la directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996, et les articles R. 1412-5, L. 1261-3 et L. 1262-4 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, que l’article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dispose que l’employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait « 2) dans un autre État membre a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur » ; que le lieu de travail habituel est l’endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l’intégralité de la période d’activité du travailleur ; qu’en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d’activité ne doit être retenu que si, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’après avoir travaillé en Allemagne du 3 novembre 2005 au 6 mai 2007, M. [H] avait été détaché en France le 7 mai 2007 pour la durée d’une mission qui avait pris fin au mois d’octobre 2010 ; que la cour d’appel a encore constaté que la convention de détachement du 7 mai 2007 prévoyait expressément le retour du salarié en Allemagne à la fin de la mission accomplie en France, et constituait le prolongement du contrat de travail initial conclu avec la même société qui prévoyait comme lieu d’embauche Hambourg ; qu’en retenant que la juridiction française était compétente en application de l’article 19 du règlement CE, sans cependant caractériser que le lieu habituel de travail de M. [H] avait été fixé en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Mais attendu que le lieu de travail habituel est l’endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l’intégralité de la période d’activité du travailleur ; qu’en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d’activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; que la cour d’appel, qui a relevé que le salarié, après avoir travaillé en Allemagne du 7 novembre 2005 au 7 mai 2007, travaillait depuis cette date, soit depuis 44 mois, et de manière continue, en France, où il avait établi son domicile, a caractérisé le dernier lieu où il avait accompli habituellement son travail ; que le moyen, inopérant en sa première branche, la demande du salarié n’étant pas fondée sur les droits reconnus dans les matières énumérées à l’article L. 1262-4 du code du travail, n’est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 3 du code civil ;

Attendu que, pour dire que le délai de forclusion prévu au § 4 de la loi allemande de protection contre le licenciement ne saurait s’appliquer, les juges indiquent que « la loi allemande impose la forme écrite pour la lettre de licenciement, la rupture sous forme électronique étant exclue » et que « dans le cas où la loi impose la forme écrite, l’acte doit être signé des propres mains de son auteur, ou par signature certifiée conforme du notaire » ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les juges du fond ne peuvent se borner à déclarer applicable le droit étranger sans préciser les dispositions qu’ils en retiennent, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il juge qu’en l’absence de notification régulière de la lettre de licenciement, le délai de forclusion prévu au § 4 de la loi allemande de protection contre le licenciement ne saurait s’appliquer et enjoint les parties de produire la traduction en langue française du texte intégral de la loi sur la protection contre le licenciement dans sa rédaction applicable au litige et les invite à conclure sur le principe et les modalités de l’indemnisation d’un licenciement socialement injustifié en droit allemand, l’arrêt rendu le 17 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Escad Design GmbH

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le conseil des prud’hommes du ressort dans lequel est domicilié le salarié en France est compétent pour connaître du litige l’opposant à son employeur, et d’AVOIR en conséquence jugé qu’en l’absence de notification régulière de la lettre de licenciement, le délai de forclusion prévu au § 4 de la loi allemande de protection contre le licenciement ne saurait s’appliquer et d’avoir enjoint les parties de produire la traduction en langue française du texte intégral de la loi sur la protection contre le licenciement dans sa rédaction applicable au litige et de les avoir invitées à conclure sur le principe et les modalités de l’indemnisation d’un licenciement socialement injustifié en droit allemand.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il n’est pas contesté en l’espèce que le contrat de travail entre les parties, conclu le 7 novembre 2005, soit soumis à l’application de la convention de Rome du 19 juin 1980, entrée en vigueur le 1er avril 1991.

Interfèrent avec les dispositions de la convention de Rome les dispositions légales portant transposition de la directive n0 96171/CE du 16 décembre 1996 sur le détachement, de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, actuellement codifiées aux articles L. 1261- 1 à L. 1263-2 et R. 1261-1 à R. 1261-1 à R. 1264-3 du code du travail.

La convention de Rome pose, dans son article 3, le principe de la liberté de choix par les parties de la loi applicable; l’article 5.3 dispose à ce titre que «l e choix par les parties d’une loi étrangère assorti ou non de celui d’un tribunal étranger ; ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, ci-après dénommées « Dispositions Impératives ».

L’article 6 de la même convention stipule en outre que : « 1.Nonobstant les dispositions de l’article 3 dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne saurait avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article. » 2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi:

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable. »

Aux termes enfin de l’article 7 de la convention de Rome, intitulé « lois de police », « 1. Lors de l’application, en vertu de la présente convention, de la loi d’un pays déterminé, Il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si, et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences .qui découleraient de leur application ou de leur non application

2. Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ». .

Le contrat de travail objet du présent litige a été conclu en Allemagne, entre une société de droit allemand et un ressortissant de nationalité allemande. Les relations contractuelles entre les parties sont régies par la convention collective générale « Zeiterarbeit des Bundesverbandes Zeiarbeit, Personal, Diensleistung (BZA) » . Le contrat a été exécuté, pendant plus d’un an, sur le territoire allemand.

Le contrat de détachement conclu entre la société employeur et M. [H], entré en vigueur le 7 mai 2007, comporte une clause d’attribution de compétence ainsi libellée: « Le présent contrat est soumis à la loi allemande. Le tribunal compétent est celui du siège de notre société » (soit le tribunal de Reinbek).

Pour justifier la compétence du conseil de prud’hommes de [Localité 1], et plus généralement, celle des juridictions françaises, M. [H] invoque les dispositions de l’article 19 de la section 5 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000 déterminant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale au sein des Etats membres de l’Union européenne, aux termes desquelles « Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait:

1) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou

2) dans un autre État membre:

a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou

b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur. »

L’article 21 dudit règlement prévoit en outre que: « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions attributives de juridiction:

1) postérieures à la naissance du différend, ou

2)qui permettent au travailleur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section. »

La société employeur indique au contraire que la situation de M. [H] est régie, non par les dispositions du règlement CE n°44-2001 du 22 décembre 2000, qui détermine les règles de compétence en matière de contrats individuels de travail, mais par les articles L. 1261-1 à L. 1263-2 et R. 1261-1 à R. 1261-1 à R. 1264-3 du code du travail, issus de la directive n° 96171/CE concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services; que si en application de l’article R.1412-5 du code du travail, les salariés détachés sur le territoire français par un employeur situe dans l’Union européenne ont la faculté de saisir la juridiction prud’homale pour faire reconnaître leurs droits, le salarié demandeur conservant néanmoins le choix entre une saisine du conseil de prud’hommes et un recours devant la juridiction compétente du pays d’établissement de l’employeur, ce choix n’est pas en l’espèce offert au salarié qui conteste son licenciement, le licenciement ne figurant pas au nombre des matières limitativement énumérées à l’article L. 1262-4 du code du travail.

Le détachement transnational de travailleurs en France dans le cadre d’une prestation de services est par nature temporaire. Le terme du détachement est donc préalablement fixé, à une échéance précise ou au terme de la mission.

En l’espèce, la convention de détachement prévoit que M. [H] soit mis à la disposition de l’entreprise Airbus Deutschland GmbH à Hambourg dans le cadre d’une opération de sous traitance, pour accomplir la tâche de collaborateur spécialisé A 380; que l’activité commence le 7 mai 2007, sa durée étant définie par le client Airbus Deutschland GmbH à Hambourg, et devant se terminer au plus tard à la fin de la tâche, probablement le 6 mai 2008. Cette date n’était toutefois prévue qu’à titre indicatif, et la mission de la société TOP ln Time Personal und Dienstleistung GmbH pour Airbus a pris fin le 31 octobre 2010.

A cette date, M. [H] travaillait de manière continue en France, où il avait établi son domicile, depuis 44 mois.

La durée prolongée du détachement en France confère au contrat initialement conclu en Allemagne entre une société de droit allemand et un ressortissant allemand le caractère de contrat de travail international; dès lors que le contrat s’est exécuté dans un Etat membre de l’Union Européenne, et nonobstant la clause d’attribution de compétence au profit du tribunal de Reinbek insérée dans la convention de détachement, ce sont les règles de compétence judiciaire définies par le Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 qui doivent s’appliquer.

La situation de M. [H] de travailleur détaché en France ne le prive donc pas de la possibilité de saisir en France le conseil de prud’hommes du lieu de son domicile.

C’est donc par une exacte application des circonstances de l’espèce que le conseil des prud’hommes de [Localité 1] s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de M. [H] »

ET QUE « La convention de détachement du 7 mai 2007, qui prévoit expressément le retour du salarié en Allemagne à la fin de la mission accomplie en France, constitue le prolongement du contrat de travail initial de Monsieur [H] conclu avec la même société et prévoyant comme lieu d’embauche Hambourg; elle a été signée dans la continuité du contrat initial et prévoit expressément (en son article 13) l’application de la loi allemande »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « EN DROIT

Le règlement (CE) N°44/2001 du 22 décembre 2000 établit des règles uniformes concernant la compétence judiciaire en matière civile et, notamment, de la compétence en matière de contrats individuels de travail. Il est entré en vigueur le 1er mars 2002.

L’article 19 du règlement stipule:

Un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait:

— devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou dans un autre État membre,

— devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail,

— ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail,

— ou lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu ou se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.

Concernant d’éventuelles clauses attributives de juridiction, l’article 21 du règlement précise:

Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions attributives de juridictions postérieures à la naissance du différend, ou qui permettent au travailleur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section.

EN FAIT

Attendu que depuis 2007 jusqu’à son licenciement par lettre en date du 27 octobre 2010, Monsieur [H] a exclusivement travaillé à BLAGNAC. En conséquence, le Conseil des Prud’hommes:

— estime que l’article 19 du règlement CE N° 44/2001 du 22 décembre 2000 établissant des règles uniformes concernant la compétence judiciaire en matière civile et, notamment, de la compétence en matière de contrats individuels de travail s’applique ;

— estime être compétent de trancher le litige qui oppose Monsieur [H] à son ancien employeur »

1/ ALORS QUE le règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, prévoit en son article 67 que « Le présent règlement ne préjuge pas de l’application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes » ; qu’il en résulte que les règles de compétence qu’il énonce ne sont pas applicables lorsque d’autres règles de compétence sont contenues dans des actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes, dans des matières particulières ; que le règlement CE n° 44/2001 ne trouve donc pas à s’appliquer en matière de détachement pour lequel la directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, qui définit le travailleur détaché comme « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement », prévoit des règles de compétence qui lui sont propres, lesquelles ont été transposées en droit français par l’article R 1412-5 du Code du travail; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que M. [H], engagé par la société de droit allemand Top In Time Personal, avait été détaché par celle-ci en France auprès de la société Airbus Deutschland Gmbh, à compter du 7 mai 2007 et pour la durée de la mission qui lui avait été confiée, laquelle avait pris fin au mois d’octobre 2010 et à l’issue de laquelle avait été convenu le retour du salarié en Allemagne; qu’en jugeant, pour dire la juridiction prud’homale française compétente pour statuer sur le licenciement du salarié, que le règlement CE n° 44/2001 avait lieu de s’appliquer au motif inopérant que le détachement de M. [H] avait duré 44 mois, la Cour d’appel a violé les articles 19 et 67 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, ensemble les articles 1, 2 et 6 de la directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996, et les articles R 1412-5, L 1261-3 et L 1262-4 du code du travail ;

2/ ALORS subsidiairement QUE l’article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dispose que l’employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait « 2) dans un autre État membre a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur » ; que le lieu de travail habituel est l’endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l’intégralité de la période d’activité du travailleur ; qu’en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d’activité ne doit être retenu que si, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’après avoir travaillé en Allemagne du 3 novembre 2005 au 6 mai 2007, M. [H] avait été détaché en France le 7 mai 2007 pour la durée d’une mission qui avait pris fin au mois d’octobre 2010 ; que la Cour d’appel a encore constaté que la convention de détachement du 7 mai 2007 prévoyait expressément le retour du salarié en Allemagne à la fin de la mission accomplie en France, et constituait le prolongement du contrat de travail initial conclu avec la même société qui prévoyait comme lieu d’embauche Hambourg ; qu’en retenant que la juridiction française était compétente en application de l’article 19 du règlement CE, sans cependant caractériser que le lieu habituel de travail de M. [H] avait été fixé en France, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR jugé qu’en l’absence de notification régulière de la lettre de licenciement, le délai de forclusion prévu au § 4 de la loi allemande de protection contre le licenciement ne saurait s’appliquer et d’avoir enjoint les parties de produire la traduction en langue française du texte intégral de la loi sur la protection contre le licenciement dans sa rédaction applicable au litige et de les avoir invitées à conclure sur le principe et les modalités de l’indemnisation d’un licenciement socialement injustifié en droit allemand.

AUX MOTIFS QUE « La loi allemande de protection contre le licenciement prévoit, dans son §4, que le salarié qui conteste son licenciement doit saisir la juridiction prud’homale dans un délai de trois semaines à partir de la réception du licenciement. Ce délai est prescrit à peine de forclusion.

La loi allemande impose en outre la forme écrite pour la lettre de licenciement, la rupture sous forme électronique étant exclue; dans le cas où la loi impose la forme écrite, l’acte doit être signé des propres mains de son auteur, ou par signature certifiée conforme du notaire.

Il n’est pas contesté en l’espèce que M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 1] le 4 avril 2011, soit 6 mois après la réception de la lettre de licenciement.

L’employeur verse aux débats une attestation de la poste de Reinbek selon laquelle la lettre a été envoyée au salarié le 27 octobre 2010 à 15 h 19 et a été notifiée à son destinataire le 3 novembre 2010; il ne produit cependant ni la lettre de licenciement en original, ni l’avis de réception portant la signature du salarié.

M. [H] verse aux débats une copie de la lettre de licenciement, datée non pas du 27 mais du 30 octobre 2010, qui lui a été adressée par courriel.

Il résulte de l’ensemble des observations qui précèdent que la notification de la lettre de licenciement n’est pas régulière au regard des prescriptions de la loi allemande, de sorte que, contrairement à ce qu’a jugé le conseil des prud’hommes, le délai de forclusion ne saurait s’appliquer »

1/ ALORS QUE l’article 623 du Code civil allemand disposant que « la rupture de contrats de travail exige la forme écrite », l’employeur doit remettre ou adresser au salarié sa lettre de licenciement en original « signée de ses propres mains » conformément à l’article 126 du même code ; qu’il ne peut dès lors être reproché à l’employeur qui doit remettre au salarié la lettre de licenciement en original de ne pas produire en justice cet original ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt que la société avait « versé aux débats une attestation de la poste de Reinbek selon laquelle la lettre [de licenciement] a été envoyée au salarié le 27 octobre 2010 à 15h19 et a été notifiée à son destinataire le 3 novembre 2010 » (v. arrêt p. 7 § 9) ; que dès lors, en reprochant à l’employeur de ne pas produire aux débats la lettre de licenciement en original lorsque cette production était impossible, la Cour d’appel a dénaturé les articles 126 et 623 du Code civil allemand en violation de l’article 3 du Code civil ;

2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent se borner à déclarer applicable le droit étranger sans préciser les dispositions qu’ils en retiennent ; qu’en exigeant de l’employeur qu’il produise un accusé de réception signé par le salarié sans cependant préciser les dispositions de droit allemand desquelles elle tirait que la lettre de licenciement devait être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, la Cour d’appel a violé l’article 3 du Code civil ;

3/ ALORS subsidiairement QU’ en exigeant de l’employeur qu’il produise un accusé de réception signé par le salarié sans cependant caractériser que l’envoi dont justifiait en l’espèce la société aurait effectivement été effectué par la voie d’un recommandé avec accusé de réception, la Cour d’appel a privé sa décision de motifs suffisants en violation de l’article 455 du Code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2017, 15-13.599, Inédit