Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mai 2018, 17-81.965, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 15 mai 2018, n° 17-81.965
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-81.965
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 9 février 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036947034
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR01013
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Sur les parties

Texte intégral

N° U 17-81.965 F-D

N° 1013

ND

15 MAI 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— 

— 

M. Alain X…,

La CPAM de la Dordogne, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2017, qui, après relaxe du premier, des chefs de fraude ou fausse déclaration pour obtenir des prestations sociales indues, escroquerie, faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 avril 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y…, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y…, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z… ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Alain X…, infirmier, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour fraude ou fausses déclarations pour obtenir des prestations sociales indues, escroquerie, faux et usage ; que le tribunal l’a renvoyé des fins de la poursuite, a déclaré recevable la constitution de partie civile de la caisse primaire d’assurances maladie de la Dordogne (CPAM) mais l’a déboutée de ses demandes ; que la CPAM a formé appel ;

En cet état ;

I – Sur le pourvoi formé par M. X… :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 114-10 du code de la sécurité sociale, 431, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l »arrêt attaqué a condamné M. X… à payer à la CPAM de la Dordogne la somme de 58 358,05 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

« aux motifs qu’il convient de relever que les dispositions légales sur les contrôles entrepris en application de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale n’imposent aucune forme particulière pour les visites et les comptes rendus d`audition des patients ; que notamment, il n’est pas exigé que ceux-ci signent leurs dépositions; que dans leurs rapports d’enquêtes, les contrôleurs ont limité leurs questions aux conditions de réalisation des soins infirmiers prodigués par M. X… et M. A…, rapports qui font foi jusqu’à preuve du contraire en application de l’article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, preuve qui ne saurait résulter des attestations rédigées ultérieurement par ces mêmes patients à la demande de M. X…, et dont la teneur découle de ce que ces personnes, âgées et/ou de santé fragile, avaient pu être déstabilisées par le caractère nécessairement inquisitoire du contrôle et, tout en répondant aux questions des enquêteurs, avaient pu croire que le but poursuivi par la sécurité sociale étaient la suppression des soins à leur égard ;

« alors que la force probante particulière attachée, par l’article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, aux procès-verbaux dressés par les agents chargés du contrôle ne vaut que pour les constatations opérées par lesdits agents; que, dès lors, en retenant que les dispositions de l’article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale faisaient obstacle à ce que M. X… puisse rapporter la preuve de l« inexactitude des déclarations des patients recueillies par les contrôleurs par des attestations desdits patients rédigées ultérieurement à sa demande, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés » ;

Attendu que pour retenir la force probante des procès-verbaux établis par les agents chargés du contrôle, l’arrêt attaqué énonce qu’ils font foi jusqu’à preuve contraire en application de l’article L. 114-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, preuve qui ne saurait résulter des attestations rédigées ultérieurement par les patients à la demande de M. X… ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi et, dès lors que les procès-verbaux établis par les contrôleurs des organismes de sécurité sociale font foi jusqu’à preuve contraire de ce que leur auteur a vu, entendu et personnellement constaté, la cour d’appel a fait l’exacte application des articles L. 114-10 alinéa 1er du code de la sécurité sociale et 429 du code de procédure pénale et justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-6, alinéa 2, du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l »arrêt attaqué a condamné M. X… à payer à la CPAM de la Dordogne la somme de 58 358,05 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

« aux motifs que la Caisse primaire d’assurance maladie de la Dordogne soutient que M. X… aurait facturé 36 329,23 euros correspondant à des actes non réalisés et 25 090,86 euros relatifs au non-respect de la NGAP ; qu’il convient d’examiner chacun des dossiers de patients, en s« appuyant notamment sur les »tableaux récapitulatifs des anomalies" ;

— Dossier de Mme B… : il apparaît que M. X… avait indûment facturé des actes en démarche de soins infirmiers, l’audition de Mme B… révélant que l’infirmier avait procédé à diverses injections et au contrôle de la glycémie alors que les injections ne sont pas comprises dans la démarche de soins infirmiers et doivent être facturées à part en AMI1 et que le contrôle de la glycémie n’est pas suffisant pour justifier une démarche de soins infirmiers ;

— Dossier de Mme C… : des démarches de soins infirmiers dont le délai de trois mois prévu par l’article 11 de la NGAP était expiré ont été utilisées par M. X… pour se faire payer des actes effectués entre le 28 août 2009 et le 30 novembre 2009, entre le 6 mars 2010 et le 2 juillet 2010, entre le 18 novembre 2010 et le 19 novembre 2010 et entre le 22 janvier 2011 et le 28 janvier 2011 ; que de même, il apparaît que M. X… avait facturé deux AMl2 par jour ainsi que des indemnités de déplacement pour l’instillation de collyre alors que cet acte, s’il peut être régulièrement effectué par un infirmier, ne peut donner lieu à remboursement ; qu’enfin, M. X… a mal coté des actes de préparation de pilulier qui ne relèvent pas d’une AIS3, mais d’un AMI1 ;

— Dossier de M. C… : il est avéré que M. X… a facturé, pour la période du 2 janvier 2009 au 13 juillet 2009, des actes infirmiers alors que la démarche de soins infirmiers datait de plus de trois mois ; par ailleurs, il n’a pas respecté la NGAP, laquelle inclut dans certains soins la fourniture de pansements simples qu°il avait pourtant facturés ;

— Dossier de Mme D… : M. X… a facturé des actes infirmiers alors que la démarche de soins infirmiers datait de plus de trois mois ; pour cette même patiente, il a facturé deux AMI4 du 16 au 22 mai 2009 pour des soins correspondant à deux pansements sur deux jambes alors qu’en pareil cas, la NGAP impose que le second acte soit affecté d’un coefficient de 50 % ; qu’en dernier lieu, deux actes cotés AMI4 réalisés le 9 février 2009 correspondent à la semaine d’acticité de M. A… ;

— Dossier de Mme N… : M. X… a facturé, pour la période du 31 octobre au 2 novembre 2009, des actes infirmiers cependant que la démarche de soins infirmiers datait de plus de trois mois ;

— Dossier de Mme E…: M. X… a reconnu s’être trompé et avoir facturé des actes indus pour la période du 5 et 6 février 2011 ;

— Dossier de Mme F… : M. X… a coté des actes AIS au lieu de AMI, l’audition de cette patiente révélant que l’infirmier avait appliqué la cotation AIS3, qui correspond à une toilette, alors qu’il n’accomplissait qu’un contrôle de glycémie, qui correspond à un AMI ; par ailleurs, M. X… a reconnu avoir facturé indûment des AIS3 le matin au lieu d"un AMI1 ; que décembre 2009 et le 14 janvier 2010, entre le 18 mars 2010 et le 13 juin 2010, entre le 18 septembre 2010 et le 14 novembre 2010 et entre le 19 février 2011 et le 20 mars 2011 correspondent à une démarche de soins infirmiers ancienne de plus de trois mois ;

— Dossier de Mme G… : M. X… a facturé des actes infirmiers effectués entre le 6 mars 2010 et le 2 juillet 2010, entre le 18 novembre 2010 et le 19 novembre 2010, entre le 22 janvier 2011 et le 25 février 2011 et entre le 14 mai 2011 et le 27 juin 2011 alors que la démarche de soins infirmiers datait de plus de trois mois ; qu’il a par ailleurs facturé des actes pendant l’intervention de M. A… ;

— Dossier de M. H… : M. X… a facturé pendant plusieurs années la pose quotidienne d’un étui pénien en cotant 1 AIS3 par semaine pour des soins cotables AMI1 ;

— Dossier de Mme I… : M. X… a coté des actes pendant la semaine d’activité dévolue à son associé ;

— Dossier de M. J… : M. X… a coté des actes pendant la semaine d’activité dévolue à son associé ;

— Dossier de Mme K… : M. X… a facturé des actes en démarche de soins infirmiers qui n’étaient pas dus, les démarches de soins infirmiers étant expirées ; que par ailleurs, il a facturé en démarche de soins infirmiers une simple assistante pour la préparation du pilulier ;

— Dossier de Mme F… : M. X… a coté une simple surveillance et observation de cette patiente diabétique insulino-traitée en AIS et non en AMI comme le prévoit la NGAP pour ce type d’acte ;

— Dossier de Mme O… : M. X… a facturé des actes infirmiers pour des périodes où la démarche de soins infirmiers était expirée ; qu’en outre, il a facturé des actes pendant les semaines d’activité de son associé ;

— Dossier ZZ… : X… a facturé des actes pendant les semaines d’activité de M. A… ;

— Dossier de Mme L… : M. X… a facturé des actes infirmiers en se fondant sur une démarche de soins qui avait plus de trois mois ;

— Dossier de Mme M… : X… a facturé des actes pendant les semaines d°activité de son associé ;

« 1°) alors que si l’appel d’un jugement de relaxe formé par la seule partie civile a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l’action en réparation du dommage pouvant résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, encore faut-il que cette faute soit démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu’en indemnisant la caisse primaire d’assurance maladie de la Dordogne, seule appelante du jugement de relaxe, des préjudices afférents aux erreurs de cotation qui étaient reprochées à M. X… sous la qualification de déclarations fausses ou incomplètes pour obtenir d’un organisme de protection sociale une prestation ou un paiement indu, sans constater que ces erreurs avaient été faites « sciemment » au sens de l’article 441-6, alinéa 2, du code pénal, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence d’une faute civile susceptible d’ouvrir droit à réparation du préjudice de la partie civile, n’a pas justifié sa décision ;

« 2°) alors que pour établir qu »il ne pouvait lui être légitimement reproché d’avoir facturé des actes réalisés postérieurement à l’expiration de la démarche de soins infirmiers, M. X… faisait valoir dans ses conclusions d’appel que les démarches de soins infirmiers en question avaient été ultérieurement renouvelées, que lors de son installation en 2006, la déléguée aux professions de santé l’avait informé que le renouvellement des soins infirmiers pour les patients chroniques, qui n’étaient pas toujours fait en temps et en heure, était acquis, qu’il ne pouvait se dispenser, en dépit de l’expiration de la démarche de soins infirmiers, de s"occuper de ses patients, grabataires avec des pathologies complexes, et que la CPAM avait accepté de régler les actes effectués après l’expiration de la démarche de soins infirmiers tandis que les autres organismes de protection sociales refusaient systématiquement de régler les actes effectués plus de trois mois après l’expiration de la démarche de soins infirmiers ; qu’en retenant que M. X… avait commis une faute civile ouvrant droit à réparation en facturant des actes postérieurement à l’expiration de la démarche de soins infirmiers sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs ;

« 3°) alors qu’en réponse au reproche que lui faisait la CPAM de la Dordogne d’avoir facturé des actes pendant la semaine d’intervention de son associé, M. X… faisait valoir dans ses conclusions d’appel qu’en réalité, il ne travaillait pas une semaine sur deux dans les années 2009 et 2010, mais pratiquement tous les jours, en même temps que son associé, compte tenu de la surcharge de travail et de la lourdeur des pathologies dont ses patients étaient atteints et qu’en outre, il prenait en charge un patient qui refusait l’intervention de son collègue ; qu’en retenant que M. X… avait commis une faute civile ouvrant droit à réparation en facturant des actes pendant les semaines d’activité de son associé sans répondre à ces conclusions, la cour d’appel a une fois de plus entaché sa décision d« une insuffisance de motifs » ;

Attendu que pour condamner M. X… à payer à la CPAM la somme de 58 358,05 euros en réparation de son préjudice financier et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, l’arrêt, après avoir rappelé qu’il convient de déterminer si les faits reprochés à M. X… sont constitutifs de fautes civiles qui doivent être démontrées à partir et dans la limite des faits, objets de la poursuite, retient notamment que ce dernier a facturé indûment des actes en démarche de soins infirmiers ou sans renouvellement de prescription, ou lorsqu’il qu’il se trouvait en congés ou que les patients étaient hospitalisés, a mal côté ou surcôté certains actes, n’a pas respecté la nomenclature générale des actes professionnels et a facturé des prestations fictives ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il se déduit que les mauvaises cotations ont été faites sciemment la cour d‘appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui pour le surplus se borne à mettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond, doit être écarté ;

II- Sur le pourvoi formé par la CPAM de la Dordogne :

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1382, devenu 1240, du code civil, 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a débouté la CPAM de Dordogne de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de certains des faits visés dans l’acte de prévention, notamment ceux poursuivis sous la qualification de faux, usages de faux et escroquerie et résultant de l’établissement et de l’usage d’ordonnances et de feuilles de soins falsifiées aux fins d’obtenir des paiements de la partie civile ;

« aux motifs que la CPAM de la Dordogne prétend que M. X… a falsifié des prescriptions de démarche de soins infirmiers ou d’actes d’infirmiers, par imitation de signature, surcharge de la date ou du texte de la prescription, troncature du nom du malade et par manipulation de copies d’ordonnances ; que, mais, en premier lieu, si certaines signatures apposées sur des prescriptions médicales, ou sur des feuilles de démarche de soins infirmiers, ne sont pas de la main des médecins dont elles sont supposées émaner, il n’en reste pas moins, comme l’a constaté Mme P…, expert en écritures manuscrites, que l’identification du falsificateur n’est pas possible, s’agissant de signatures réduites à un sigle ou à une forme insuffisamment structurée ; qu’il n’est donc pas établi que M. X… a personnellement falsifié ces documents, ou même qu’il en a fait usage en sachant qu’il s’agissait de faux, un infirmier n’ayant aucune obligation de vérifier auprès de chaque médecin s’il est vraiment l’auteur de la signature ou d’autres mentions manuscrites portant son nom comme prescripteur ; que, par ailleurs, M. X… a signé des feuilles de soins à la place des patients, mais il fait valoir que ceux-ci ou leurs proches, lui en avaient donné l’autorisation et il produit aux débats plusieurs attestations en ce sens, au surplus, les personnes entendues lors de l’enquête diligentée par la CPAM de la Dordogne n’ont pas été interrogées sur l’existence ou non de telles autorisations, si bien que l’élément intentionnel de la faute civile reprochée à M. X… n’est pas établi ;

« 1°) alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour débouter la partie civile de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant de la falsification de prescriptions médicales et d’actes de soins, la cour d’appel a estimé qu’il n’était pas établi que l’infirmier avait lui-même procédé à la falsification des signatures des médecins sur les ordonnances ou qu’il savait que ces signatures étaient falsifiées ; que, comme le constate l’arrêt attaqué, la CPAM soutenait que l’infirmier avait commis une faute en falsifiant certaines prescriptions médicales ou en utilisant des prescriptions médicales qu’il savait falsifiées, non seulement en imitant dans certaines d’entre elles la signature du médecin prescripteur, mais également en modifiant la prescription médicale, en multipliant le nombre d’actes ordonnés ou en modifiant le nom du patient par troncature ; qu’en ne se prononçant pas sur ces autres formes de falsification des prescriptions médicales, impliquant des modifications des ordonnances après leur établissement par les médecins prescripteurs, imposant de rechercher si l’infirmier pouvait prétendre ne pas les avoir constatées avant de les adresser à la CPAM, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale ;

« 2°) alors que l’insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu’en estimant qu’il n’était pas établi que l’infirmier aurait pu constater que les signatures n’étaient pas celles des médecins prescripteurs pour débouter la partie civile de ses demandes, en ne recherchant pas, comme l’y invitaient les conclusions déposées pour la CPAM de Dordogne, si l’infirmier n’avait pas au moins connaissance du fait qu’il se faisait rembourser des soins sur la base de prescriptions falsifiées, dès lors que, d’une part, il n’avait produit à la CPAM que des copies des prescriptions médicales et non des originaux exigés par la Nomenclature générale des actes professionnels et le titre 5, § 5,-3-1, § 2, de la Convention des infirmiers libéraux, copies qui de ce fait apparaissaient avoir été le moyen de réaliser les faux, ce qui impliquait que soit il avait participé à la réalisation des faux, soit il n’avait eu en main que des copies, ce qui ne lui permettait pas de réaliser les actes de soin en question, que, d’autre part, il était le seul bénéficiaire de ces faux, et qu’enfin il était le seul lien entre les prescriptions falsifiées concernant de multiples patients et prétendument signés par de multiples médecins ;

« 3°) alors qu’en vertu de l’article R. 161-43-1 du code de la sécurité sociale, la signature des feuilles de soins du patient n’est pas exigée lorsqu’il est hors d’état de manifester sa volonté ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que, dans les conclusions déposées pour la CPAM de Dordogne, il était soutenu que l’infirmier poursuivi avait adressé des feuilles de soins dans lesquelles il avait imité la signature du patient ; que, pour rejeter la demande de réparation à ce titre, la cour d’appel a estimé qu’il n’était pas établi que l’infirmier avait signé à la place des patients avec leur accord ; qu’en ne recherchant si le fait même d’avoir imité la signature du patient, invoqué par les parties civiles, plutôt que d’indiquer sur la feuille de soins que le patient était hors d’état de manifester sa volonté ou de signer ces feuilles, n’établissait pas l’intention d’établir un écrit de nature à faire la preuve d’un fait faux, à savoir la réalisation d’actes de soins, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que pour débouter partiellement la CPAM de sa demande et dire que M. X… n’avait pas commis de faute fondée sur des faits de faux et d’usage, l’arrêt retient que si certaines signatures apposées sur des prescriptions médicales, ou sur des feuilles de démarche de soins infirmiers, ne sont pas de la main des médecins dont elles sont supposées émaner, il n’en reste pas moins, comme l’a constaté Mme P…, expert en écritures manuscrites, que l’identification du falsificateur n’est pas possible, s’agissant de signatures réduites à un sigle ou à une forme insuffisamment structurée ; que les juges en déduisent qu’il n’est pas établi que M. X… a personnellement falsifié ces documents, ni même qu’il en a fait usage en sachant qu’il s’agissait de faux, un infirmier n’ayant aucune obligation de vérifier auprès de chaque médecin s’il est vraiment l’auteur de la signature ou d’autres mentions manuscrites portant son nom comme prescripteur ; que les juges relèvent encore que M. X… a signé des feuilles de soins à la place des patients, mais qu’il fait valoir que ceux-ci ou leurs proches, lui en avaient donné l’autorisation et il produit aux débats plusieurs attestations en ce sens, qu’au surplus, les personnes entendues lors de l’enquête diligentée par la CPAM de la Dordogne n’ont pas été interrogées sur l’existence ou non de telles autorisations si bien que l’élément intentionnel de la faute civile reprochée à M. X… n’est pas établi ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié, sans insuffisance, ni contradiction, qu’aucune faute civile à l’origine du préjudice invoqué, n’était démontrée à partir et dans la limite des faits de faux et usage de faux, objet de la poursuite, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen pris de la violation des articles 1382, devenu 1240, du code civil, 313-1 du code pénal L. 114-13 du code de la sécurité sociale, devenu 441-6 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a débouté la CPAM de Dordogne de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de certains des faits visés dans l’acte de prévention comme constitutifs d’escroquerie par obtention de paiements indus d’actes de soins fictifs concernant Mme O… ;

« aux motifs que la caisse demande aussi des dommages et intérêts pour des actes fictifs facturés lorsque Mme O… était hospitalisée, mais il n’est pas établi que M. X… ait pu effectuer ces actes avant ou après cette hospitalisation, de sorte que la caisse sera déboutée de ce chef ;

« alors que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que, dès lors qu’elle constatait qu’il n’était pas établi que l’appelant avait pu réaliser les actes de soins avant ou après les hospitalisations de la patiente, ce qui établissait qu’il avait établi des actes concernant des soins qu’il n’avait pu réaliser, la cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, débouter la partie civile de sa demande de réparation au titre des actes fictifs concernant cette patiente" ;

Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 1382, devenu 1240, du code civil, 313-1 du code pénal, L114-13 du code de la sécurité sociale, devenu 441-6 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a débouté la CPAM de Dordogne de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de certains des faits visés dans l’acte de prévention, sous la qualification d’escroquerie par l’obtention de paiements en facturant un nombre d’actes indus, notamment concernant Mme E… ;

« aux motifs que la CPAM de la Dordogne reproche à M. X… d’avoir facturé, pour la patiente Mme E…, des actes dont la durée est supérieure à celle effectivement passé avec cette personne et que l’intervention biquotidienne était affectée d’un unique AIS3 et non deux AIS3 ; que, selon Mme E…, les soins correspondaient à une douche hebdomadaire, une toilette quotidienne, une aide au coucher et à un habillage le soir, l’infirmier restant entre 45 et 60 minutes pour les trois résidents, selon l’hébergeur, ce qui, là encore, ne permet pas de contredire la cotation appliquée par M. X…, en sorte que la demande en paiement de la somme de 739,35 euros sera rejetée ;

« alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans les conclusions déposées pour la CPAM de Dordogne, il était soutenu que l’appelant avait surfacturé des actes de soins infirmiers sur une personne en situation de dépendance, Mme E…, en facturant 4 AIS 3 au lieu de 2 AIS pour deux passages quotidiens ; qu’en se prononçant sur une surfacturation au regard du temps de présence de l’infirmier auprès du patient, qui ne correspond pas aux faits invoqués par la partie civile, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la CPAM relatives aux actes facturés dans les dossiers des patientes Agnès O… et Henriette E…, la cour d’appel statue par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, abstraction faite d’une erreur matérielle dénoncée au deuxième moyen, la cour d’appel, qui a apprécié souverainement les pièces produites devant elle, a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mai deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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