Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2019, 18-24.012, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 19 déc. 2019, n° 18-24.012
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-24.012
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 10 septembre 2018, N° 17/04759
Textes appliqués :
Article 1733 du code civil.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039692216
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C301121
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Sur les parties

Texte intégral

CIV.3

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 19 décembre 2019

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 1121 F-D

Pourvoi n° X 18-24.012

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Monceau générale assurances (MGA), société anonyme, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l’opposant à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 26 novembre 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Monceau générale assurances, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1733 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 11 septembre 2018), que, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2009, un incendie a détruit le bâtiment appartenant à la société Développement du Parc du Cret de Mars (la SCI) et donné à bail à la société Boumrangs ; que, le 28 avril 2014, la société Monceau générale assurances (la société MGA), assureur de la SCI, a assigné la société Pacifica, assureur de la société locataire, en indemnisation des dommages subis ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société MGA, l’arrêt retient que la responsabilité du locataire envers le bailleur du fait des dommages causés à la chose louée par un incendie est régie par les seules dispositions de l’article 1733 du code civil et que l’incendie d’origine criminelle provoqué par une personne non identifiée, qui constitue un cas de force majeure, exonère la société locataire de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que l’incendie avait pris naissance dans un container à ordures se trouvant à proximité de la façade du bâtiment loué à la société Boumrangs, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Pacifica aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pacifica et la condamne à payer à la société Monceau générale assurances la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Monceau générale assurances.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la société Monceau Générale Assurances de l’ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« en application de l’article L. 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ;

Que l’assureur peut être déchargé, en tout ou partie, de sa responsabilité envers l’assuré quand la subrogation ne peut plus, du fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur ;

Attendu que la subrogation légale de l’assureur contre le tiers responsable, instituée par les dispositions de l’article L. 121-12 du code des assurances qui ne sont pas impératives, n’exclut pas l’éventualité d’une subrogation conventionnelle ;

Que la clause litigieuse est ainsi rédigée ;

Article 11. Assurances

« le bailleur assurera la totalité de l’ensemble immobilier contre le risque d’incendie, d’explosion

Le preneur fera assurer les agencements, son mobilier, matériel

Le bailleur s’engage de son côté à renoncer et à faire renoncer ses assureurs subrogés à tous recours contre le preneur et ses assureurs, sous réserve de réciprocité.

Les abandons de recours réciproques seront sans effet si le responsable des dommages a commis une faite dolosive, intentionnelle ou lourde ».

Que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte a considéré :

— que seules les dispositions de l’article 1733 du code civil étaient applicables en l’espèce et non les dispositions de l’article 1242 du code civil s’agissant des rapports entre propriétaires et locataires, et que les parties peuvent déroger par des clauses limitatives et élusives de responsabilité à ces dispositions qui ne sont pas d’ordre public,

— que la clause stipulée à l’article 11 du contrat de bail est valable, l’absence d’information par le bailleur à son assureur de la renonciation à tout recours contre le locataire et son assureur, en cas notamment de dommage au bien loué résultant d’un incendie, si tant est qu’elle soit démontrée, n’étant pas de nature à la priver d’effet ;

Qu’il résulte bien de ladite clause un engagement réciproque du bailleur et de preneur, l’argument de l’appelante à ce sujet étant inopérant ;

Que dès lors, aucune faute intentionnelle, dolosive ou lourde étant alléguée, c’est à juste titre qu’en application de ladite clause, le premier juge a débouté la compagnie Monceau Générale Assurances de sa demande, celle-ci ne pouvant pas être subrogée légalement ou conventionnellement dans des droits dont le bailleur ne dispose pas ;

Que la société Monceau Générale Assurances est dès lors déboutée de sa demande principal et subsidiaire, fondée sur les articles 1732 et 1733 du code civil » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l’éventuelle responsabilité du locataire envers le bailleur du fait des dommages causés au bien loué par un incendie n’est pas régie par les dispositions de l’article 1384 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que cela est expressément indiqué à cet article, celui-ci ne concernant que les hypothèses de communication d’un incendie d’un bien à un autre et en conséquence les rapports entre des personnes qui ne sont liées par aucun contrat relatif à l’utilisation ou à l’occupation des biens endommagés, mais par les dispositions de l’article 1733 du code civil, lesquelles disposent que le locataire répond de l’incendie à moins qu’il ne prouve qu’il est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que ces dispositions n’étant cependant pas d’ordre public, les parties peuvent prévoir, notamment par des clauses limitatives ou élusives de responsabilité, un régime différent ;

qu’en l’espèce il est stipulé à l’article 11 du contrat de bail conclu entre les sociétés DEVELOPPEMENT DU PARC DU CRET DE MARS et BOUMRANGS le 19 octobre 2007 que le bailleur s’engage à renoncer et à faire renoncer ses assureurs subrogés à tout recours contre le preneur et ses assureurs sous réserve de réciprocité en cas de dommage causé au bien loué par l’une des causes énoncées à cet article, sauf à ce que le preneur ait commis une faute dolosive, intentionnelle ou lourde ; que cette clause exonérant le bailleur et le preneur de toute responsabilité l’un envers l’autre, notamment en cas d’incendie, sous réserve qu’ils aient chacun respecté l’obligation d’assurance leur incombant et qu’aucun n’ait commis de faute dolosive ou lourde, est parfaitement licite ;

que la société DEVELOPPEMENT DU PARC DU CRET DE MARS ne disposant en conséquence d’aucune action ni d’aucun droit envers la société BOUMRANGS et la société PACIFICA du fait de l’incendie survenu dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2009 et dont nul ne prétend qu’il serait imputable à la faute dolosive ou lourde du locataire, elle n’a pu transmettre à son assureur aucun droit ni aucune action à raison de cet incendie contre les deux sociétés précitées par l’effet d’une quelconque subrogation légale ou conventionnelle ;

que par ailleurs, le fait que la société DEVELOPPEMENT DU PARC DU CRET DE MARS n’ait pas informé son assureur de ce qu’elle avait renoncé à tout recours contre le locataire et son assureur, notamment en cas de dommage au bien loué causé par un incendie, quand bien même il serait démontré, n’est pas de nature à priver d’effet la clause de renonciation stipulée au bail mais uniquement à permettre à l’assureur du bailleur de se prévaloir à l’encontre de son assuré, sur le fondement des articles L. 113-8 ou L. 113-9 ou L. 121-12 du code des assurances, de la nullité du contrat, de la réduction proportionnelle de l’indemnité d’assurance ou d’une décharge partielle ou totale de son obligation d’indemniser ; qu’il conviendra donc de débouter la société MONCEAU GENERALE ASSURANCES de sa demande indemnitaire, étant au surplus rappelé que l’incendie criminel provoqué par une personne non identifiée constitue assurément un cas fortuit exonérant le locataire de sa responsabilité et qu’il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir sorti dans la rue son conteneur à poubelles le 30 avril au prétexte que des individus étaient susceptibles d’y mettre le feu et de ne pas avoir veillé auprès de ce conteneur jusqu’au passage des éboueurs afin de s’assurer que personne n’y commettrait de dégradations » ;

1°) ALORS QUE seul l’incendie qui prend naissance dans l’immeuble qu’il occupe relève de la responsabilité contractuelle du preneur ; qu’en retenant que la responsabilité de la société Boumerangs ne pouvait être engagée que sur le fondement de l’article 1733 du code civil, bien qu’elle ait constaté que l’incendie avait pris naissance dans « un container à ordures se trouvant à proximité de la façade du bâtiment loué par la société Boumerangs » (arrêt, p. 2, al. 7) et non pas dans les lieux objets du bail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1733 du code civil par fausse application et l’article 1384, al. 2, devenu 1242, al. 2 du code civil, par refus d’application ;

2°) ALORS QUE la MGA faisait valoir que, compte tenu des nombreux incendies perpétrés dans le quartier quelques jours seulement avant l’incendie litigieux et de la tentative d’incendie qui avait été perpétrée contre le bâtiment sinistré peu de temps avant les faits, il était fautif de laisser un container poubelle sur la voie publique, la veille d’un jour férié ; qu’en jugeant « qu’il ne saurait être reproché à [la société Boumerangs] d’avoir sorti dans la rue son conteneur à poubelles le 30 avril au prétexte que des individus étaient susceptibles d’y mettre le feu et de ne pas avoir veillé auprès de ce conteneur jusqu’au passage des éboueurs afin de s’assurer que personne n’y commettrait de dégradations » (jugement p. 4, al. 3) sans répondre à ces conclusions ni prendre en compte ces circonstances, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’en toute hypothèse, les articles 1382, 1383 et 1384 du code civil sont d’ordre public et leur application ne peut être écartée par une convention conclue avant l’intervention du fait dommageable ; qu’en se fondant sur l’existence d’une clause de renonciation à recours figurant dans le contrat de bail pour débouter la MGA de son recours à l’encontre de la société Pacifica, assureur de la société Boumerangs quand les faits en cause engageaient sa responsabilité délictuelle la cour d’appel a violé l’article 1384, al. 2, devenu 1242, al. 2 du code civil ;

4°) ALORS QU’en toute hypothèse, la clause de renonciation à tout recours contre la personne responsable d’un dommage n’emporte pas, sauf stipulation contraire, renonciation à recourir contre son assureur ; qu’en relevant que le contrat de bail stipulait une clause de renonciation à recours opposable à l’assureur du bailleur, sans constater l’existence d’une stipulation contractuelle emportant renonciation à tout recours contre l’assureur de responsabilité du preneur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-12 du code des assurances du code des assurances ;

5°) ALORS QUE la clause litigieuse insérée dans le contrat de bail stipulait que « le bailleur assurera la totalité de l’ensemble immobilier contre le risque d’incendie, d’explosion

Le preneur fera assurer les agencements, son mobilier, matériel

Le bailleur s’engage de son côté à renoncer et à faire renoncer ses assureurs subrogés à tous recours contre le preneur et ses assureurs, sous réserve de réciprocité. Les abandons de recours réciproques seront sans effet si le responsable des dommages a commis une faite dolosive, intentionnelle ou lourde » ; qu’en retenant « qu’il résulte bien de ladite clause un engagement réciproque du bailleur et de preneur » (arrêt p. 5, al. 8) quand cette clause ne comporte pas d’engagement du preneur à renoncer à tout recours contre le bailleur et son assureur, la cour d’appel l’a dénaturée et a violé l’article 1134, devenu 1103, du code civil ;

6°) ALORS QUE le contrat stipulait que le « bailleur s’engage[ait] à renoncer et à faire renoncer ses assureurs subrogés à tous recours et ses assureurs, sous réserve de réciprocité » (contrat de bail, al. 11, nous soulignons) ; qu’il résultait ainsi des termes clairs et précis du contrat que la renonciation de l’assureur du bailleur supposait son accord et donc qu’elle ait été portée à la connaissance de l’assureur ; qu’en jugeant, au contraire, que la renonciation à recours stipulée au contrat de bail était opposable à la MGA bien qu’elle n’ait pas été portée à sa connaissance et qu’elle n’y ait pas consenti, la cour d’appel a dénaturé la clause précitée et a violé l’article 1134, devenu 1103 du code civil.

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