Cour de cassation, Chambre criminelle, 3 novembre 2020, 19-87.418, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Éliaz Le Moulec · Gazette du Palais · 23 novembre 2021
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 3 nov. 2020, n° 19-87.418
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-87.418
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de police de Lille, 11 novembre 2019
Textes appliqués :
Articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042524842
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CR01918
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Texte intégral

N° N 19-87.418 F-D

N° 1918

CK

3 NOVEMBRE 2020

CASSATION SANS RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 3 NOVEMBRE 2020

M. N… R… a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Lille, en date du 12 novembre 2019, qui, pour bruit ou tapage injurieux ou nocturne troublant la tranquillité d’autrui, l’a condamné à 100 euros d’amende.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. N… R…, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. R… a été poursuivi devant le tribunal de police du chef précité, pour avoir proféré, avec d’autres personnes qui participaient à une manifestation organisée à l’appel d’un parti politique pour protester contre des projets de réforme gouvernementaux, le slogan « CRS au zoo, libérez les animaux ».

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses trois premières branches

3. Ces griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable et l’a condamné à 100 euros d’amende, alors :

« 4°/ que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que la contravention de l’article R. 623-2 du code pénal a pour objet la protection contre des comportements bruyants répétés atteignant un volume sonore gênant pour autrui ; qu’un slogan prononcé par un manifestant lors d’une manifestation sur la voie publique autorisée ne saurait constituer des bruits ou des tapages troublant la tranquillité d’autrui ; qu’en déclarant M. R… coupable de la contravention de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui pour avoir repris un slogan lors d’une manifestation sur la voie publique autorisée et alors, de surcroît, qu’il n’a été constaté ni dans le procès-verbal d’infraction ni dans le rapport complémentaire que le prévenu l’aurait répété, le tribunal de police a violé les articles 111-4 et R. 623-2 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’en déclarant M. R… coupable de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui pour avoir crié lors d’une manifestation sur la voie publique « CRS au zoo, libérez les animaux », sans rechercher si ces propos excédaient les limites admissibles de la liberté d’expression dans un pays démocratique, le tribunal de police a violé les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

6°/ que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’en déclarant M. R… coupable de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui pour avoir crié lors d’une manifestation sur la voie publique « CRS au zoo, libérez les animaux », sans rechercher si la déclaration de culpabilité du chef de bruits ou tapages injurieux troublant la tranquillité d’autrui de M. R… ne portait pas une atteinte excessive à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, le tribunal de police a violé les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme :

5. La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans le cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 du premier de ces textes.

6. Il en est de même, s’agissant de la liberté de réunion et d’association, au regard du paragraphe 2 du second.

7. Pour dire établie la contravention de tapage injurieux, le jugement attaqué énonce qu’il résulte du procès-verbal de contravention et d’un rapport subséquent que le prévenu a été reconnu parmi des manifestants vociférant des propos injurieux destinés aux forces de police, en ces termes : « CRS au zoo, libérez les animaux », et qu’il n’apporte pas la preuve contraire de ces constatations circonstanciées.

8. En prononçant ainsi, alors qu’il résulte de ces énonciations et des pièces de procédure que le prévenu participait, pour exprimer et soutenir des opinions de nature politique et sociale, à une manifestation pacifique sur la voie publique, au cours de laquelle, avec d’autres manifestants, il a scandé un slogan qui n’excédait pas les limites admissibles de la liberté d’expression, de sorte qu’une condamnation pour tapage injurieux ne constituait pas une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre ou à la protection des droits et libertés d’autrui, le tribunal de police a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

9. La cassation est, en conséquence, encourue.

Portée et conséquences de la cassation

10. N’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de Lille, en date du 12 novembre 2019 ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police de Lille et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.

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