Cour de cassation, Première chambre civile, 2 décembre 2020, n° 19-17.893

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 2 déc. 2020, n° 19-17.893
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-17.893
Importance : Inédit
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C110562
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10562 F

Pourvoi n° S 19-17.893

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. B… E…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° S 19-17.893 contre l’arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d’appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l’opposant à Mme X… W…, divorcée E…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. E…, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme W…, après débats en l’audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. E… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E… et le condamne à payer à Mme W… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. E…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR rejeté la demande du père tendant à voir fixer la résidence habituelle des enfants à son domicile et d’avoir maintenu leur résidence alternée chez chacun de leurs parents, et d’avoir fixé la contribution du père à l’entretien et à l’éducation des deux filles à 660 € par mois et par enfant ;

AUX MOTIFS QUE « la question du saut de classe de P… (

) a cristallisé le conflit entre les parents et a révélé l’antagonisme des postures parentales sur l’enjeu des valeurs éducatives et de la conception de la réussite scolaire adossées à un conflit de culture, le père restant très attaché à ses origines asiatiques et à leur dimension émotionnelle.

En effet M. E… a confié au Dr T…, qu’il est arrivé en France avec sa mère et sa fratrie en 1971 après avoir fui le génocide cambodgien, ayant le statut de réfugié politique, que sa famille qui appartenait à l’élite cambodgienne a été en partie massacrée par les Khmers rouges, qu’il a très bien réussi sa carrière, exerçant au Barreau de Paris en qualité d’avocat d’affaires.

Son histoire familiale traumatique marquée également par l’abandon de son père et son parcours de résilience expliquent sa conception très exigeante de la performance, de la valeur attribuée au travail et à la réussite sociale.

Par ailleurs, l’expert a relevé que l’investissement de M. E… dans ses fonctions paternelles est ''hors du commun'', que celui-ci avait précisé que sa mère lui avait inculqué une éducation de ''fille'' et qu’il avait été élevé ''comme une femme'', éléments propres à donner crédit à l’argumentation de l’appelant selon laquelle il a été le principal acteur dans l’éducation de ses enfants, dans leurs activités extra-scolaires, dans leur parcours et leur scolarité.

Le Dr T… a souligné que M. E… est psychorigide, qu’il a une personnalité dominante et autoritaire, qu’il est obsessionnel et perfectionniste et qu’il est un travailleur acharné. L’expert a précisé qu’il est difficile pour les enfants de s’opposer aux exigences ou à l’autorité de leur père, ne souhaitant pas décevoir ses attentes » (arrêt attaqué, p. 8, § 2 à 6) ;

AUX MOTIFS QU'« au cours de leur audition, F… et P… ont manifesté le désir de résider chez leur père à titre principal et de mettre fin à la résidence alternée mise en place depuis 2016. Elles se sont positionnées comme apportant protection et soutien à leur père.

Il sera rappelé que l’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure selon les termes de l’article 388-1 alinéa 3 du code civil et en conséquence, que les souhaits de l’enfant ne constituent pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs, si la prise en compte de la parole de l’enfant en justice est une exigence légale, néanmoins l’audition d’un mineur ne doit pas être instrumentalisée par l’un ou l’autre des parents en l’exposant à un conflit de loyauté et en faisant de lui l’arbitre du conflit.

Les deux enfants, qui ont rencontré un grand nombre d’intervenants sociaux et de professionnels de l’enfance, ont besoin d’équilibre et de sécurité, de retrouver un ancrage féminin et masculin harmonieux afin de faire vivre dans leur intérêt la co-parentalité » (arrêt attaqué, p. 9, § 5 à 8) ;

ET AUX MOTIFS QUE « la résidence alternée constitue un garde-fou à l’emprise du père qui par son ''surinvestissement'' (noté également par le juge des enfants dans sa décision précitée) cherche à imposer à la mère ses points de vue sur la scolarité de F… et de P… et est conforme à l’intérêt supérieur des enfants, le Dr T… concluant dans son rapport du 12 mai 2014 que la résidence alternée est la solution idéale permettant à la fois d’éviter l’embrasement du conflit, mais aussi et surtout d’offrir à F… et P… l’opportunité de bénéficier des compétences complémentaires de leurs deux parents.

L’instauration d’une résidence en alternance donne le cadre le meilleur à la mise en oeuvre de l’article 373-2 alinéa 2 du code civil qui prévoit que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent, de façon à les extraire du conflit parental exacerbé par de longues années de procédure, à éviter d’une part, la rupture de l’équilibre affectif des enfants, d’autre part, le renforcement de l’alliance père-filles au détriment de l’image de la mère, ce qui correspond à l’intérêt de F… et P…, défini comme étant ce que réclame le bien des enfants » (arrêt attaqué, p. 9 § dernier et p. 10 § 1er) ;

1°) ALORS QUE le juge statuant sur la résidence des enfants est tenu de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et de prendre en considération par conséquent les sentiments exprimés par lui dans les conditions prévues à l’article 388-1 du code ; qu’en maintenant la résidence alternée des enfants au domicile de leurs parents, après avoir pourtant constaté que les enfants avaient clairement manifesté leur désir de résider chez leur père à titre principal, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 372-2-11 du code civil, ensemble l’article 3 § 1er de la Convention internationale des droits de l’enfant ;

2°) ALORS QUE le juge statuant sur la résidence des enfants est tenu de prendre en considération leur intérêt ainsi que l’aptitude de chaque parent à assurer ses devoirs et respecter les droits de l’autre et les pressions exercées par l’un des parents sur l’autre ; qu’en l’espèce le père faisait valoir que la mère ne cessait de le dénigrer directement auprès des enfants et indirectement auprès de tiers en leur présence et les plaçait dans un conflit de loyauté permanent (conclusions d’appel, p. 21 et 24 ; pièce n° 84 devant la cour d’appel) ; qu’en maintenant la résidence alternée, sans répondre à ce moyen de nature à influer sur la solution du litige, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans le rapport d’expertise établi en 2014, le Dr T… a relevé que Mme W… décrit la personnalité de son époux « comme essentiellement psychorigide » (production n° 8, p. 9) ; qu’en retenant que le docteur T… lui-même avait souligné que M. E… était psychorigide, ce que l’expert lui-même n’a jamais affirmé, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précise du rapport d’expertise et a méconnu le principe susvisé ;

4°) ALORS QUE la question de l’intérêt des enfants doit être appréciée au jour où le juge statue ; que la cour d’appel, statuant en 2019 sur la demande du père de fixer chez lui la résidence des enfants au regard des difficultés rencontrées depuis la mise en place de la résidence alternée au début de l’année 2018, ne peut se fonder sur un rapport d’expertise établi en 2014 aux fins, à l’époque, d’apprécier l’opportunité de la demande d’alors du père de fixer la résidence alternée pour les enfants qui vivaient alors exclusivement chez leur mère ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants, impropres à justifier sa décision et a violé l’article 455 du code de procédure pénale ;

5°) ALORS QU’ il résulte du préambule de la Constitution de 1946 et des articles 6, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’aucune distinction ne peut être fondée sur la race ou l’origine nationale des personnes ; qu’en retenant l’histoire familiale traumatique du père qui avait fui le génocide cambodgien, ainsi que son attachement à ses origines asiatiques et à leur dimensions émotionnelles pour statuer sur sa demande tendant à la fixation chez lui de la résidence de ses deux filles, la cour d’appel a méconnu le principe d’interdiction de la discrimination fondée sur la race et a violé les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR augmenté à 660 € par mois et par enfant la part contributive mensuelle du père à l’entretien et à l’éducation de ses deux filles F… et P… et d’avoir jugé que la mère assumera directement les frais scolaires et extra-scolaires ;

AUX MOTIFS QUE « le père se borne à solliciter la suppression de sa part contributive en lien avec sa demande de fixation de la résidence des enfants à son domicile, en soulignant qu’il est le seul soutien de toute sa famille (sa mère handicapée et son frère), alors que la mère demande d’augmenter les contributions versées par M. E…, étant sans activité professionnelle depuis le 28 décembre 2018, faisant valoir que ses revenus ont diminué depuis le prononcé de la décision déférée. Elle ajoute que les parents rencontrent des difficultés liées au partage entre eux des frais scolaires et extra-scolaires des enfants.

L’ordonnance déférée a rappelé que le père, avocat, perçoit des revenus mensuels d’environ 9.300 €, que la mère, avocate de formation, occupe depuis septembre 2017, un poste de juriste au sein de la Société Générale dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée expirant le 28 décembre 2018, ayant bénéficié d’un revenu moyen mensuel de 2.702 € en 2017.

Depuis le 1er janvier 2019, les revenus de l’intimée sont désormais limités à des indemnités pôle emploi d’un montant net mensuel de 1.428 €

Les charges mensuelles pour les enfants s’élèvent à 445 € (cantine, activités extra-scolaires, mutuelle, carte Imagine R, téléphone portable, assurance scolaire) non compris les dépenses courantes (alimentation, vêture, hygiène, loisirs et vacances).

Le père prend également en charge certaines dépenses pour ses filles (ordinateur pour F… d’un montant de 1.800 € et un portable de 300 €) » (arrêt attaqué, p. 10) ;

ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QU’ « eu égard aux situations financières des parties et à leurs difficultés relationnelles, il convient de fixer à 660 euros par mois et par enfant le montant dû par Monsieur B… E… à l’entretien et à l’éducation de F… et P…, étant précisé que Madame X… W… assurera directement les frais de scolarité et frais extra-scolaires des enfants » (jugement entrepris, p . 12, §10 et p. 13, § 1er) ;

1°) ALORS QUE M. E… faisait valoir dans ses conclusions d’appel qu’il justifiait avoir payé l’ensemble des pensions alimentaires mises à sa charge ainsi que la part des frais scolaires mis à sa charge par l’ordonnance du juge aux affaires familiales du 6 décembre 2016 (conclusions d’appel, p. 44 et 45) ; qu’en prenant motif des difficultés relationnelles et des difficultés de partage des frais entre les parties pour juger que la mère assurera directement les frais scolaires et extra-scolaires des enfants et pour augmenter à 660 € par mois et par enfant la part contributive du père, sans répondre au moyen selon lequel ce dernier faisait valoir qu’il avait toujours réglé la contribution et la part de frais scolaires et extra-scolaires mises à sa charge, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision et a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la cour d’appel, qui a constaté que les charges mensuelles pour les deux enfants s’élevaient à 445 € non compris les dépenses courantes (arrêt attaqué, p. 10, § 7), ne pouvait fixer la part contributive du père à la somme de 1.320 € sans s’expliquer ni préciser le montant des dépenses courantes justifiant une telle part contributive ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil.

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Cour de cassation, Première chambre civile, 2 décembre 2020, n° 19-17.893