Cour de cassation, Chambre sociale, 9 mars 2022, 20-15.144, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-15.144
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-15.144
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Basse-Terre, 5 janvier 2020
Textes appliqués :
Article L. 1224-1 du code du travail.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 mars 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045388301
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO00272
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 272 F-D

Pourvoi n° Z 20-15.144

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022

M. [N] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 20-15.144 contre l’arrêt rendu le 6 janvier 2020 par la cour d’appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [I] [P], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tropic airlines,

2°/ à la société Compagnie aérienne inter régionale express (Caire), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en son établissement [Adresse 5],

3°/ à l’Agent judiciaire de l’Etat, domicilié [Adresse 4],

4°/ à l’UNEDIC, délégation AGS-CGEA Fort-de-France, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [R], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Compagnie aérienne inter régionale express et de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l’Agent judiciaire de l’Etat, après débats en l’audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 6 janvier 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 14 juin 2017, pourvoi n° 16-12.348), M. [R], engagé le 1er novembre 2006 par la société Tropic airlines en qualité de pilote professionnel, a été licencié pour faute grave le 9 décembre 2010.

2. Soutenant que son contrat de travail avait été transféré à la société Compagnie aérienne inter régionale express (Caire) le 1er novembre 2010, il a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.

3. La société Tropic airlines a été placée en liquidation judiciaire le 21 juin 2012, Mme [P] étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire qu’il n’y a pas eu de transfert d’une entité économique de la société Tropic airlines à la société Caire au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail et, en conséquence, de rejeter ses demandes à l’encontre de la société Caire, alors :

« 1°/ que l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, peu important que cette activité soit secondaire ou accessoire ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome entre la société Tropic airlines et la société Caire, la cour d’appel a retenu que l’activité principale de la société Tropic airlines était la location d’aéronefs et de réalisation de travaux aériens, quand celle de la société Caire était le transport aérien de sorte que l’activité des deux sociétés n’était pas la même ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ que l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que pour apprécier l’existence d’un tel transfert, les juges du fond doivent se placer à la date de l’opération litigieuse ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a relevé que l’activité principale de la société Tropic airlines, telle que mentionnée sur la publication en octobre 2012 de sa liquidation au BODACC, était la location d’aéronefs et la réalisation de travaux aériens quand celle de la société Caire était le transport aérien ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la suite de la perte progressive de l’activité de la société Tropic airlines dans le secteur aéronautique et de son certificat de transport aérien, perte qu’elle constatait, la société Caire n’avait pas, à compter du 1er novembre 2010, poursuivi ou repris cette activité de transport aérien, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ que l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que la reprise d’une partie seulement des moyens humains et matériels ne suffit pas à exclure le transfert d’une entité économique dès lors que des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement par le nouvel exploitant ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a retenu qu’un seul des avions de la société Tropic airlines a été transféré à la société Caire et que si tous les pilotes, à l’exception du salarié, ont intégré les effectifs de cette dernière, le personnel au sol n’a, en revanche, pas été repris à la date du transfert allégué ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1224-1 du code du travail :

5. Les dispositions de ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, sont applicables en cas de transfert d’une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie.

6. Il importe peu à cet égard que l’activité poursuivie ait présenté un caractère accessoire ou que seule une partie des salariés ait été reprise, dès lors que des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

7. Pour écarter le transfert d’une entité économique autonome, l’arrêt retient, d’abord, d’une part, que l’activité de la société Tropic airlines, telle qu’elle ressort de la publication de la liquidation judiciaire au Bodacc du 10 octobre 2012, n’était pas la même que celle de la société Caire qui est une compagnie de transport aérien, et d’autre part, qu’un seul des avions de la société Tropic airlines a été transféré à la société Caire et que le personnel au sol de la société Tropic airlines n’a pas été repris.

8. Il ajoute ensuite que la société Caire explique ne pas avoir repris dans ses effectifs le salarié qui n’est pas titulaire de la qualification d’anglais exigée par la norme européenne UE n° 1178/211, en raison de ses carences en langue anglaise, alors que tous ses pilotes sont titulaires des compétences linguistiques en anglais imposées par la législation en vigueur et qu’elle ne peut recruter un pilote n’ayant pas les qualifications requises par la norme européenne.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle avait constaté que la société Caire avait repris un avion ainsi que les autres pilotes de la société Tropic airlines, sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, s’il existait au sein de cette dernière, au 1er novembre 2010, une branche complète et autonome d’activité de transport aérien à laquelle était affecté le salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l’arrêt de constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de fixer sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic airlines, représentée par son liquidateur Mme [P], à diverses sommes au titre des indemnités des articles L. 1234-9, L. 1235-3 et L. 1234-5 du code du travail et au titre de la réparation de son préjudice moral, alors « que la cassation qui ne manquera pas d’être prononcée sur la base du premier moyen, en ce qu’il reproche à l’arrêt d’avoir écarté l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, entraînera la censure, par voie de conséquence en application de l’article 624 du code de procédure civile, des chefs de l’arrêt ayant constaté que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixé, en conséquence, sa créance au titre des conséquences de la rupture à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic airlines. »

Réponse de la Cour

11. La cassation prononcée sur le premier moyen emporte la cassation, par voie de conséquence en application de l’article 624 du code de procédure civile, du chef de l’arrêt qui constate que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui fixe en conséquence la créance de celui-ci à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic airlines au titre des indemnités des articles L. 1234-9, L. 1235-3 et L. 1234-5 du code du travail ainsi qu’au titre de la réparation de son préjudice moral.

Demande de mise hors de cause

12. Ce n’est qu’à la suite d’une simple erreur que l’Agent judiciaire de l’Etat a été attrait à la présente instance et il convient d’accueillir sa demande de mise hors de cause.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause l’Agent judiciaire de l’Etat ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirme le jugement qui fixe au passif de la société Tropic airlines la somme de 200 euros au titre de la prime de salissure des mois d’octobre et novembre 2010, l’arrêt rendu le 6 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne la société Caire aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par l’Agent judiciaire de l’Etat et la société Caire et condamne la société Caire à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement du 28 janvier 2014, sauf en ce qu’il a fixé au passif de la société Tropic Airlines la somme de 200 € au titre de la prime de salissure des mois d’octobre et de novembre 2010 et statuant à nouveau, d’AVOIR dit qu’il n’y a pas eu de transfert d’une entité économique de la société Tropic Airlines à la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail et d’AVOIR, en conséquence, rejeté les demandes de M. [N] [R] à l’encontre de la société Compagnie Aérienne Inter Régionale Express ;

AUX MOTIFS QUE l’article L. 1224-1 du code du travail dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » ; qu’en l’espèce, il est constant que la société Tropic Airlines a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 26 avril 2012, converti en liquidation judiciaire le 21 juin 2012 et que tous les pilotes de cette société ont rejoint les effectifs de la société Caire, à l’exception de M. [N] [R] ; que la question est donc de savoir si en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la société Caire a l’obligation de reprendre le contrat de travail de M. [N] [R] ; qu’interprété à la lumière de la Directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, l’article L. 1224-1 du code du travail a vocation à s’appliquer en cas de transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur ; qu’est considéré comme transfert, au sens de l’article précité, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendu comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ; que l’entité économique se définit donc un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit un objectif propre ; qu’en l’espèce, la publication de la liquidation judiciaire de la SARL Tropic Airlines au BODACC n°196 du 10 octobre 2012 rappelle que l’activité principale de cette société était la location d’aéronefs et la réalisation de travaux aériens tandis que la société Caire, compagnie aérienne inter régionale express, est une compagnie de transport aérien ainsi que son nom l’indique ; que l’activité de la société Caire n’était donc pas la même que celle de la société Tropic Airlines qui employait M. [A] ; que par ailleurs, un seul des avions de la société Tropic Airlines a été transféré à la société Caire ; que le personnel au sol de la société Airlines n’a pas non plus été transféré, tel le cas de Mme [V] [H], chargée de la comptabilité de la société Tropic Airlines, de Mme [B] [W] de cette même société, ni l’une ni l’autre n’apparaissant sur le registre unique du personnel de la société Caire à la date du prétendu transfert ; que M. [O], également salarié de la société Tropic Airlines, n’est pas non plus mentionné dans ce registre ; qu’il découle des développements qui précèdent qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique entre la société Tropic Airlines et la société Caire et que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont donc pas applicables ; qu’ainsi, la société Caire n’était donc pas dans l’obligation de reprendre le contrat de travail de M. [A] et explique ne l’avoir pas reprise dans ses effectifs en raison de ses carences en langue anglaise ; que tous ses pilotes sont titulaires des compétences linguistiques en anglais imposées par la législation en vigueur ; qu’elle ne peut recruter un pilote n’ayant pas les qualifications requises par la norme UE n°1178/211 ; que l’article FCL055 du règlement Aircrew de la commission du 3 novembre 2011 dispose que les pilotes d’avion qui doivent utiliser un radiotéléphone ne peuvent exercer les privilèges de leur licence et de leur qualification que si leurs compétences linguistiques sont validées sur leur licence, soit pour l’anglais, soit pour la langue utilisée dans les communications radiotéléphoniques effectuées pendant le vol ; que M. [N] [R] n’est pas titulaire de la qualification d’anglais exigée par la norme européenne UE n°1178/211 ; que dès lors que le contrat de travail de M. [R] n’a pas été transféré à la société Caire, il ne peut être fait droit aux demandes de réintégration, de remboursement de l’AGS, de rappels de salaire ni de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

ET AUX MOTIFS PAR AILLEURS QUE (…) il ressort de l’examen des éléments du dossier que l’altercation survenue le 16 novembre 2010 entre M. [R] et M. [E], au cours de laquelle le premier aurait insulté le second par les motifs rappelés dans la lettre de licenciement, résulte du climat extrêmement tendu et d’incertitude dans lequel était placé M. [R] sur son devenir professionnel au sein de la société Tropic Airlines qui perdait progressivement toute activité dans le secteur aéronautique (perte du certificat de transport aérien CTA), des reproches ayant été faits à cette date à son égard par M. [E] sur son manque de qualification en anglais (…) ;

1) ALORS QUE l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, peu important que cette activité soit secondaire ou accessoire ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome entre la société Tropic Airlines et la société Caire, la cour d’appel a retenu que l’activité principale de la société Tropic Airlines était la location d’aéronefs et de réalisation de travaux aériens, quand celle de la société Caire était le transport aérien de sorte que l’activité des deux sociétés n’était pas la même ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que pour apprécier l’existence d’un tel transfert, les juges du fond doivent se placer à la date de l’opération litigieuse ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a relevé que l’activité principale de la société Tropic Airlines, telle que mentionnée sur la publication en octobre 2012 de sa liquidation au BODACC, était la location d’aéronefs et la réalisation de travaux aériens quand celle de la société Caire était le transport aérien ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la suite de la perte progressive de l’activité de la société Tropic Airlines dans le secteur aéronautique et de son certificat de transport aérien, perte qu’elle constatait (arrêt page 9 § 2), la société Caire n’avait pas, à compter du 1er novembre 2010, poursuivi ou repris cette activité de transport aérien, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, pour justifier d’une part, de l’activité de transport aérien exercée par la société Tropic Airlines avant la perte de son certificat de transport aérien au cours de l’année 2010 et de l’affectation du salarié à cette activité et d’autre part, de la poursuite par la société Caire après le mois de novembre 2010, de l’exploitation des mêmes liaisons aériennes avec les mêmes avions et les mêmes pilotes, le salarié produisait notamment aux débats des plannings de vol de la société Tropic Airlines et de la société Caire (pièces n°13 et 21 du bordereau de pièces annexé aux conclusions d’appel) ; qu’en se bornant à affirmer que la publication de la liquidation judiciaire de la SARL Tropic Airlines au BODACC n°196 du 10 octobre 2012 rappelle que l’activité principale de cette société était la location d’aéronefs et la réalisation de travaux aériens tandis que la société Caire, compagnie aérienne inter régionale express, est une compagnie de transport aérien, sans à aucun moment, viser ni analyser serait-ce sommairement les plannings pourtant dument versés aux débats par le salarié, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE l’article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que la reprise d’une partie seulement des moyens humains et matériels ne suffit pas à exclure le transfert d’une entité économique dès lors que des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement par le nouvel exploitant ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome, la cour d’appel a retenu qu’un seul des avions de la société Tropic Airlines a été transféré à la société Caire et que si tous les pilotes, à l’exception du salarié, ont intégrés les effectifs de cette dernière, le personnel au sol n’a, en revanche, pas été repris à la date du transfert allégué ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1224-1 du code du travail ;

5) ALORS QUE le transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise entraîne de plein droit le maintien, avec le nouvel employeur, des contrats de travail qui y sont attachés ; qu’en énonçant que la société Caire n’avait pas repris le contrat de travail du salarié faute pour ce dernier d’être titulaire de la qualification d’anglais désormais requise par la législation, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail et privé sa décision de base légale au regard de ce texte.

SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION (par voie de conséquence)

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’AVOIR constaté que le licenciement de M. [N] [R] en date du 9 décembre 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’AVOIR, en conséquence, fixé la créance de M. [A] à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic Airlines représentée par son liquidateur Me [P] aux sommes de 1 826,40 € au titre de l’indemnité de l’article L. 1234-9 du code du travail, de 13 698 euros au titre de l’indemnité de l’article L. 1235-3 du code du travail, de 4 566 euros au titre de l’indemnité de l’article L. 1234-5 du code du travail, de 5 000 € au titre de la réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE s’agissant de la cause du licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 2010, la société Tropic Airlines a notifié à M. [N] [R] son licenciement pour faute grave ; que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la période de préavis ; que la lettre de licenciement adressée à M. [N] [R], qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « Nous faisons suite à notre entretien du 30 novembre 2010, qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « Nous faisons suite à notre entretien du 30 novembre 2010 et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour fautes graves en raison des faits suivants : Le 16 novembre 2010 au matin, vous vous êtes présenté à l’aérogare du Raizet (zone sud). Vous avez rencontré M. [K] [E], Directeur administratif, avec lequel vous avez eu une violente altercation. Vous l’avez insulté devant vos anciens collègues et le personnel des bureaux avoisinants. D’autre part, nous vous avons demandé d’effectuer le contrôle en vol d’un pilote sur un des avions de la compagnie. Nous avons été surpris d’apprendre que vous aviez de la compagnie. Nous avons été surpris d’apprendre que vous aviez encaissé directement 40 euros en espèces auprès du pilote pour cette prestation alors que vous êtes salarié de notre compagnie. Lors de l’entretien, vous avez reconnu avoir insulté M. [E] et lui avoir notamment dit « je t’emmerde ». Vous avez également reconnu avoir encaissé 40 euros en espèces auprès d’un pilote prétextant un accord verbal vous autorisant à faire l’instruction sur les avions de la compagnie en dehors de vos heures de travail. Il se trouve que ce jour-là, vous étiez en service et que ce contrôle était effectué sur demande de la compagnie pendant vos heures de travail. Non seulement vous avez gravement manqué à vos obligations contractuelles mais de surcroît l’ensemble de ces faits est inacceptable de la part d’un salarié. Vous ne pouvez agir comme bon vous semble et encore moins vous montrez agressif et violent envers un directeur. Vous ne pouvez pas davantage encaisser de l’argent pour votre propre compte pendant vos heures de travail et à l’insu des dirigeants de la compagnie. Votre conduite met donc réellement en cause la bonne marche du service. Vos explications lors de l’entretien du 30 novembre 2010 n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Compte tenu de la gravité de ces fautes, votre maintien dans la société s’avère impossible.

Votre licenciement prendra effet à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Dès que nous aurons connaissance de la date de présentation de ce courrier, nous vous enverrons sous pli recommandé, votre solde de tout compte, votre dernier bulletin de paie, votre certificat de travail et l’attestation d’emploi destinée aux Assedic. Nous joindrons à ce courrier recommandé une enveloppe pré affranchie pour que vous retourniez un exemplaire signé du solde de tout compte et du certificat de travail (…) » ; qu’il ressort de l’examen des éléments du dossier que l’altercation survenue le 16 novembre 2010 entre M. [R] et M. [E], au cours de laquelle le premier aurait insulté le second par les mots rappelés dans la lettre de licenciement résulte du climat extrêmement tendu et d’incertitude dans lequel était placé M. [R] sur son devenir professionnel au sein de la société Tropic Airlines qui perdait progressivement toute activité dans le secteur aéronautique (perte du certificat de transport aérien CAT), des reproches ayant été faits à cette date à son égard par M. [E] sur son manque de qualification en anglais ;

que s’agissant de la somme dérobée de 40 euros, il n’y a aucune certitude que M. [A] ait dérobé cette somme au préjudice de son employeur, l’intimé ayant rappelé la pratique courante sur l’exercice du « lâcher en vol » facturé à des personnes extérieures de l’entreprise dans la lettre adressée à son employeur en date du 20 janvier 2011 après avoir reçu la lettre de licenciement du 9 décembre 2010 ; qu’aucune date n’est indiquée dans la lettre de licenciement pour ce fait et aucune plainte n’a été déposée par l’employeur ; que dans ces conditions, la cour considère que les motifs que l’employeur a jugé utiles d’utiliser pour mettre un terme à la relation de travail ne constituent pas une cause réelle et sérieuse ; que le licenciement du 9 décembre 2010 sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse ; s’agissant des indemnités de rupture ; qu’à ce titre, M. [R] réclame la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des motifs et conditions injurieuses, vexatoires et dolosives de la rupture, le non règlement de ses salaires à bonne date, le non-respect du délai de prévenance et sa mise en congé d’office ; que M. [R], ayant été embauché le 7 novembre 2006 et licencié le 9 décembre 2010, justifie ainsi de plus de 4 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise Tropic Airlines ; 1) l’indemnité légale de licenciement ; que M. [A] a droit à une indemnité de licenciement en vertu de l’article L. 1234-9 du code du travail qui dispose que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail ; que l’article R. 1234-2 du même code précise que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté ; qu’il lui sera alloué de ce chef la somme de 1826, 40 euros ; 2) l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. [A] a droit à une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l’espèce, à défaut de réintégration possible dans l’entreprise ; que compte tenu de l’ancienneté et de sa situation actuelle de M. [N] [R], retraité militaire, il lui est attribué une indemnité de 13698 euros correspondant à 6 mensualités de salaire ; 3) l’indemnité compensatrice de préavis, que M. [A] a également droit à une indemnité compensatrice de préavis en vertu de l’article L. 1234-5 du code du travail qui prévoit que lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice ; que la durée de ce préavis est fixée par l’article L. 1234-1 du même code, soit en l’espèce, deux mois ; qu’il doit être alloué de ce chef à M. [N] [R] une indemnité de 4 566 euros ; 4) les demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral ; que M. [N] [R] fait une demande en ce sens, sans en démontrer l’étendue complète de son préjudice, hormis la méthode vexatoire utilisée pour se débarrasser de lui en lui reprochant une facturation de 40 euros à son profit ; que des dommages et intérêts lui sont accordées de ce chef à hauteur de 5 000 € ; Récapitulatif : que M. [N] [R] se voit allouer la somme totale de 25 090,40 € d’indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail ;

ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d’être prononcée sur la base du premier moyen en ce qu’il reproche à l’arrêt d’avoir écarté l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail entraînera la censure, par voie de conséquence en application de l’article 624 du code de procédure civile, des chefs de l’arrêt ayant constaté que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixé, en conséquence, sa créance au titre des conséquences de la rupture à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic Airlines.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 9 mars 2022, 20-15.144, Inédit