CEDH, Cour (cinquième section comité), MALON c. FRANCE, 21 avril 2015, 32770/11

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), 21 avr. 2015, n° 32770/11
Numéro(s) : 32770/11
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 26 juillet 2011
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-154761
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2015:0421DEC003277011
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 32770/11
Michel MALON
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 21 avril 2015 en un comité composé de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki, juges,

et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 26 juillet 2011,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Michel Malon, est un ressortissant français né en 1957 et résidant à Saint Martin de Crau. Il a été représenté devant la Cour par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères.

Par un arrêt de mise en accusation du 4 avril 2007, le requérant fut renvoyé devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour complicité d’assassinat et recel de malfaiteur, à la suite du meurtre d’un homme d’affaires marseillais abattu sur le chantier de sa maison de trois coups de feu tirés par un individu embusqué.

Le 28 septembre 2008, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône l’acquitta. Le ministère public interjeta appel.

Par un arrêt du 17 novembre 2010, après plusieurs jours d’audience et quatre questions ayant été posées au jury, dont deux individualisées et deux communes pour le requérant et son coaccusé, la cour d’assises d’appel du Var le déclara coupable et le condamna à quinze années de réclusion criminelle.

Le requérant forma un pourvoi en cassation pour se plaindre de l’absence de motivation de l’arrêt. Le 12 mai 2011, il se désista de son pourvoi, estimant qu’il ne présentait plus le caractère d’un recours efficace, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, venant de déclarer les dispositions relatives au prononcé des verdicts conformes à la Constitution dans une décision du 1er avril 2011 et la Cour de cassation ayant déjà adopté une position de principe écartant un tel moyen dans un arrêt du 14 octobre 2009.

Par une ordonnance du 20 mai 2011, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation constata le désistement du requérant.

GRIEF

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence de motivation de l’arrêt de condamnation de la cour d’assises d’appel.

EN DROIT

Le requérant se plaint d’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Le Gouvernement soulève l’irrecevabilité de la requête sur le fondement de l’article 35 § 1 de la Convention, au motif du non-épuisement des voies de recours internes, le requérant s’étant désisté de son pourvoi en cassation. En tout état de cause, il estime que si la Cour devait considérer que le pourvoi n’était pas un recours à épuiser en l’espèce, la requête n’aurait pas été introduite dans le délai de six mois prévu à l’article 35 § 1, la décision interne définitive étant l’arrêt de la cour d’assises du 17 mai 2010 et la requête ayant été enregistrée par la Cour le 27 juillet 2011, soit un délai de quatorze mois pour introduire la requête.

Le requérant estime que son désistement était justifié dès lors que son pourvoi était voué à l’échec. Il expose qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2011 insérant une disposition relative à l’exigence d’une « feuille de motivation », la chambre criminelle de la Cour de cassation, par des arrêts qu’il cite et à partir d’un arrêt de principe du 14 octobre 2009, a systématiquement rejeté les pourvois invoquant l’absence de motivation des arrêts d’assises sur le fondement de la jurisprudence de la Cour. Il ajoute que dans une décision du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel venait de déclarer les dispositions relatives au prononcé des verdicts d’assises conformes à la Constitution.

La Cour rappelle tout d’abord que, selon sa jurisprudence, l’article 35 de la Convention « ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies » (voir, notamment, Vernillo c. France, 20 février 1991, § 27, série A no 198, Scordino et autres c. Italie (déc.), no 36813/97, 27 mars 2003, et Gas et Dubois c. France (déc.), no 25951/07, 31 août 2010).

En l’espèce, la Cour constate que si le requérant a formé un pourvoi en cassation avant de s’en désister, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendait son recours voué à l’échec s’agissant de son grief tiré du défaut de motivation de l’arrêt de la cour d’assises. Elle note en outre que le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, avait pour sa part déclaré les dispositions légales alors applicables conformes à la Constitution.

Il s’ensuit que l’exception du Gouvernement doit être rejetée sur ce point.

S’agissant du respect du délai de six mois prévu à l’article 35 § 1, la Cour constate qu’en l’espèce la décision interne définitive était l’arrêt de la cour d’assises d’appel du Var en date du 17 novembre 2010, et non du 17 mai 2010 comme indiqué par le Gouvernement. Le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention expirait donc le 17 mai 2011.

Or, la Cour rappelle qu’avant le 1er janvier 2014, elle considérait normalement que la requête était introduite à la date de la première communication du requérant ou de son représentant indiquant l’intention de l’intéressé de la saisir et exposant, même sommairement, la nature de la requête ; cette première communication, qui pouvait prendre la forme d’une télécopie, interrompait le cours du délai de six mois (voir, notamment, Kemevuako c. Pays-Bas (déc.), no 65938/09, 1er juin 2010). Toutefois, le requérant ou son représentant devait ensuite envoyer le formulaire de requête dans le délai indiqué dans la lettre du greffe. En outre, la Cour devait recevoir dans ce délai l’original du formulaire de requête, ainsi que l’original du pouvoir de l’avocat si le requérant était représenté pour la procédure devant elle, leur communication par télécopie n’étant pas suffisante pour constituer une requête complète ou valable : à défaut, la date d’introduction de la requête n’était plus celle de la première communication, mais la date d’envoi de l’original du formulaire de requête dûment complété (ibidem).

En l’espèce, la Cour note qu’après avoir reçu la première communication du représentant du requérant indiquant l’intention de ce dernier de la saisir et exposant sommairement la nature de la requête, par une télécopie envoyée le 17 mai 2011, le greffe lui a répondu par une lettre du 27 mai 2011, dans laquelle il était notamment précisé ce qui suit :

« Vous voudrez bien renvoyer par courrier postal le formulaire de requête dûment complété dans un délai de huit semaines courant à compter de la date de la présente lettre. En d’autres termes, le formulaire de requête complété ne doit pas être expédié après le 22 juillet 2011. En cas de non-respect de ce délai, c’est la date d’envoi du formulaire complété et non celle de votre première communication à la Cour qui sera retenue comme étant la date d’introduction de la requête. J’attire votre attention sur le fait que la date d’introduction de la requête est celle qui est prise en compte aux fins du contrôle du respect du délai fixé à l’article 35 § 1 de la Convention. »

Dès lors, en l’espèce, le fait que le formulaire de requête complété ait été transmis au greffe par télécopie le 22 juillet 2011, jour d’expiration du délai de huit semaines, est sans pertinence puisque la Cour n’en a pas reçu l’original dans ledit délai. En effet, le cachet de la poste figurant sur l’enveloppe dans laquelle ont été envoyés l’original du formulaire de requête, une copie des pièces produites, ainsi que la lettre d’accompagnement datée du 25 juillet 2011, indique la date du 26 juillet 2011 (Kemevuako, précitée).

Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la date d’introduction de la présente affaire est celle du cachet de la poste figurant sur l’enveloppe contenant l’original du formulaire de requête, à savoir le 26 juillet 2011. Le délai de six mois ayant commencé à courir le 17 novembre 2010, la requête est donc tardive aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 21 mai 2015.

Milan BlaškoGanna Yudkivska
Greffier adjointPrésidente

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