Conseil de prud'hommes de Compiègne, 10 janvier 2014, n° 13/00037

  • Syndicat·
  • Réintégration·
  • Industrie chimique·
  • Licenciement·
  • Salarié·
  • Discrimination·
  • Travail·
  • Poste·
  • Contestation sérieuse·
  • Traitement

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Compiègne, 10 janv. 2014, n° 13/00037
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Compiègne
Numéro(s) : 13/00037

Texte intégral

15/01/2014 11:41 0344403440

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE COMPIEGNE

Conseil de Prud’Hommes

[…]

[…]

Tél: 03.60.45.60.00

Fax: 03.44.40.34.40

minute N°: 14/2

RG: N° R 13/00037

SECTION: Référé

AFFAIRE : B X syndicat CGT syndicat FO

contre :

SNC CONTINENTAL FRANCE

ORDONNANCE du 10 Janvier 2014

QUALIFICATION :

Contradictoire, premier ressort

Notification le :

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le :

à

PAGE 01/08 CPH

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE

Audience Publique du 10 JANVIER 2014
Monsieur B X

[…]

[…] assisté de Me DUFRESNE-CASTELS, avocate au bartceau de

PARIS

Syndicat CGT CONTINENTAL A représenté par M. Y assisté par Me DUFRESNE-CASTELS, avocate au barreau de

Paris

Syndicat Force Ouvrière des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A représenté par M. Z assisté par Me DUFRESNE-CASTELS, avocate au barreau de

Paris

DEMANDEURS

SNC CONTINENTAL FRANCE

[…]

6 rue F Baptiste Dumaire 57200 SARREGUEMINES représenté par Me THIEBART, avocat au barreau de Paris

DEFENDEUR

Composition du Bureau de Réréfé lors des débats et du délibéré Mme Isabelle FAVRE, Président juge départiteur Monsieur F-E SEILLER, assesseur conseiller salarié Madame Edith LE DOARÉ, assesseur consciller employeur Assistés lors des débats de Joëlle POUILLART, greffier

PROCEDURE :

- Date de la réception de la demande : 04 novembre 2013

- Débats à l’audience de départage référé du 10 décembre 2013

- Prononcé de la décision par mise à disposition fixé à la date du 10 janvier 2014

Page 1.


15/01/2014 11:41 0344483440 CPH PAGE 02/08

Attendu qu’à l’issue du délibéré les membres du Bureau de Jugement se sont trouvés partagés quant à la décision

à prononcer sur une partie des demandes

Par jugement en date du 14 février 2013 dont il a été interjeté appel, le Tribunal administratif d’AMIENS a annulé la décision du Ministre du travail du 5 octobre 2010 autorisant la SNC CONTINENTAL FRANCE à procéder au licenciement pour motif économique de Monsieur B X, employé en qualité de confectionneur PU 65 1er temps au sein de l’établissement de A, et qui exerçait un mandat de membre titulaire du Comité d’établissement, de délégué du personnel depuis le 9 octobre 2006 et de délégué syndical CGT depuis le 9 janvier 2007.

Par courriers en date du 22 février et 8 mars 2013, Monsieur B X a sollicité sa réintégration au sein de l’établissement de A. Monsieur C D, co-gérant de la SNC CONTINENTAL FRANCE, par courrier du 13 mars 2013, lui a fait part de l’impossibilité matérielle à le réintégrer au sein de l’usine de A et lui a proposé deux postes de confectionneur au sein de l’établissement situé à

SARREGUEMINES.

Par lettre recommandée en date du 11 octobre 2013, Monsieur B X a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle rupture de son contrat de travail ayant lieu le 23 octobre 2013.

Par acte d’Huissier de Justice en date du 22 octobre 2013, Monsieur B X a fait assigner la société CONTINENTAL FRANCE SNC devant le Conseil de prud’hommes de COMPIEGNE statuant en formation de référé, aux fins de voir, à titre provisoire :

- ordonner à la SNC CONTINENTAL FRANCE de procéder sa réintégration, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance, la formation de référé se réservant la liquidation de

l’astreinte,

- condamner la SNC CONTINENTAL FRANCE à lui verser une Z de 25 554,90 euros à titre d’indemnité correspondant au salaire non versé,

- condamner la SNC CONTINENTAL FRANCE à lui verser une sommne de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la discrimination syndicale,

- condamner la SNC CONTINENTAL FRANCE à lui verser une Z de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 26 novembre 2013, à laquelle Monsieur B X, assisté par son avocat, a maintenu l’ensemble de ses demandes.

Le syndicat CGT CONTINENTAL A et le syndicat Force Ouvrière des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, intervenants volontairement à l’instance, ont sollicité la condamnation de la SNC CONTINENTAL FRANCE à leur verser à chacun la Z de 5000 euros à titre de dommages et intérêts outre la Z de 3000 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Un procès-verbal de partage des voix a été prononcé le 27 novembre 2013 et l’affaire a été renvoyée devant la même formation présidée par le juge départiteur à l’audience du 10 décembre 2013.

Monsieur B X, assisté par son avocat, a indiqué suspendre sa démarche tendant à demander sa réintégration au sein de la SNC CONTINENTAL FRANCE, et a maintenu l’ensemble de ses autres demandes, à savoir la condamnation de la société CONTINENTAL FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- la Z provisionnelle de 25 554,90 euros à titre d’indemnité correspondant au salaire non versé en réparation du préjudice matériel subi du fait de la discrimination syndicale,

- la Z provisionnelle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la discrimination syndicale, la Z de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Page 2

i un mapangan vagy manakala


15/01/2014 11:41 0344403440 CPH PAGE 03/08

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que ses demandes de dommages et intérêts à titre de provision entrent dans les pouvoirs de la formation de référé du Conseil des Prud’hommes, que l’existence d’un trouble manifestement illicite est parfaitement caractérisée et n’est pas sérieusement contestable, du fait de la discrimination syndicale et que la différence de traitement relève de l’évidence.

Il énonce ensuite que l’obligation de réintégration consécutive à l’annulation de l’autorisation administrative de licenciement porte sur un emploi équivalent permettant l’exercice d’un mandat représentatif, qu’il n’a pas reflisé d’occuper les emplois proposés à l’établissement de SARREGUEMINES et étudie la proposition qui lui a été faite le 4 décembre 2013 d’un emploi d’agent de sécurité sur le site désaffecté de A.

Monsieur X indique que les six autres représentants du personnel qui se sont trouvés dans une situation identique à la sienne se sont vus réintégrer dans leur poste, verser leur salaire et ont repris leur activité représentative au sein du Comité d’établissement de A, en évoquant plus précisément le cas de Monsieur E Z, membre du Comité d’établissement de A et délégué syndical FO. Il précise que cette différence de traitement ne repose sur aucun élément objectif, que le congé de mobilité a été annulé et non pas suspendu lorsque l’autorisation de rupture du contrat a été annulée, et que les salariés en question n’étaient pas en dispense d’activité avant l’annulation de l’autorisation de licenciement. En outre, il fait valoir que l’inspection du travail a dressé un procès-verbal pour discrimination syndicale et entrave aux fonctions d’un élu du personnel le 21 novembre 2013.

Il ajoute que les propositions faites par la SNC CONTINENTAL FRANCE ne sont pas sérieuses selon lui, puisqu’en 2010 un poste de confectionneur à SARREGUEMINES lui avait été proposé dans le cadre du reclassement et que sa candidature n’avait finalement pas été retenue.

Le syndicat CGT CONTINENTAL A, représenté par Monsieur F-G Y, et le syndicat Force Ouvrière des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, représenté par Monsieur E Z, parties intervenantes volontaires, assistées par leur avocat, ont sollicité la condamnation de la SNC CONTINENTAL FRANCE à leur verser à chacun la Z de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Ils énoncent que leur intervention aux côtés de Monsieur X sur le fondement de l’article L 2132-3) du

Code du travail est recevable, en raison de la violation du principe d’égalité de traitement qui n’est pas sérieusement contestable et porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Ils précisent que si les statuts du syndicat CGT CONTINENTAL A ne comportent pas de clause habilitatrice pour agir en justice, la commission exécutive qui administre le syndicat CGT a donné mandat à Monsieur Y, secrétaire du syndicat, pour se joindre à l’instance, et que s’agissant du syndicat FO des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, le conseil syndical a rendu une délibération permettant la présente intervention volontaire.

La SNC CONTINENTAL FRANCE, représentée par son avocat, a soulevé in limine litis l’irrecevabilité des interventions volontaires des syndicats CGT CONTINENTAL A et FO des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, faute pour ces derniers de justifier de la validité de la délégation pour agir en justice donnée à Messieurs Y et Z. Elle sollicite en outre le rejet de l’ensemble des prétentions de Monsieur X et des deux organisations syndicales, qui se heurtent à une contestation sérieuse et ne sont fondées ni sur un dommage imminent ni sur l’existence d’un trouble manifestement illicite, la condamnation de Monsieur X à lui verser la Z de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que la condamnation des syndicats CGT CONTINENTAL A et FO des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A à lui verser la Z de 2000 euros sur ce même fondement, et enfin la condamnation de Monsicur X et des deux syndicats aux entiers dépens.

A l’appui de son exception d’irrecevabilité, la SNC CONTINENTAL FRANCE énonce qu’un syndicat peut soit disposer d’une habilitation générale prévue par les statuts, soit être mandatée par le bureau syndical dans le cadre d’un pouvoir spécial, si cette prérogative lui a été expressément attribuée par les statuts. Elle fait valoir que les statuts du syndicat CGT CONTINENTAL A ne lui confèrent pas le droit d’agir en justice ni n’habilitent la commission exécutive à désigner un de ses membres pour la représenter en justice, et qu’il n’est pas démontré que la dite commission ait valablement délibéré pour désigner Monsieur Y. S’agissant du syndicat FO

.

des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, la défenderesse énonce que les statuts complets ne sont pas communiqués, ce qui ne permet pas de s’assurer de sa représentation valable, et qu’il n’est pas démontré que Monsieur Z soit membre du conseil syndical.

A l’appui de ses prétentions au fond, la SNC CONTINENTAL FRANCE fait valoir qu’il n’y a pas lieu à référé en présence d’une contestation sérieuse et en l’absence d’un trouble manifestement illicite. Elle soutient ainsi qu’elle s’est conformée à son obligation de réintégration du salarié, en lui proposant deux postes de confectionneur fer temps, équivalents au poste précédemment occupé au sein de l’usine de A, poste qui n’existe plus,

Page 3

A


15/01/2014 11:41 0344403440 CPH PAGE 04/08

propositions auxquelles Monsieur X n’a pas répondu, et que sa réintégration sur le poste occupé à A est juridiquement et matériellement impossible. Elle ajoute que la mise en disponibilité ne constitue pas une réintégration, et précise que le poste d’agent de sécurité sur le site de A proposé à Monsieur X selon contrat de travail à durée indéterminée prévoit un salaire d’un même montant que celui qu’il percevait ainsi qu’une reprise de l’ancienneté, et qu’une fois que le site sera cédé, il lui incombera de le réintégrer sur le site de SARREGUEMINES ou le site « COMMERCE » en satisfaisant à son obligation de formation du salarié. Elle précise que la procédure de licenciement pour impossibilité matérielle d’exécuter le contrat de travail

a été arrêtée dans l’attente de son positionnement sur cette proposition.

La société CONTINENTAL FRANCE ajoute que le site de A comporte aujourd’hui onze salariés qui n’exercent plus aucun travail mais terminent leur congé de mobilité, que Monsieur X ne peut exercer de mandat au sein de ce site sans y accomplir de travail, et que les mandats ne sont pas automatiquement récupérés en cas de réintégration du salarié dans un autre établissement. Elle expose ensuite que la discrimination ne saurait être caractérisée en présence d’éléments objectifs justifiant la différence de traitement. Elle énonce ainsi que Monsieur Z et les cinq autres salariés protégés ont été placés en dispense d’activité dès que la décision du Ministre du travail annulant l’autorisation de licenciement, en raison du non respect de l’obligation de reclassement, est intervenue, situation dans laquelle ils étaient placés avant, conformément à l’accord de méthode du 25 juin 2009 et au plan de sauvegarde de l’emploi. Elle en déduit qu’elle ne pouvait placer Monsieur X en dispense d’activité dès lors que son licenciement a été annulé en raison de l’absence de motif économique et que la dispense d’activité était prévue pour les salariés dont le contrat est rompu pour motif économique.

Enfin, elle fait valoir que l’indemnisation du salarié dont le licenciement est annulé n’est possible qu’une fois la décision d’annulation devenue définitive et qu’il ne peut lui être allouée de provision au titre du préjudice pour perte de salaire, et que s’agissant de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, il ne pourrait lui être allouée qu’une provision sur d’éventuelles demandes au fond, une fois démontrées l’absence de contestation sérieuse et l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Le délibéré a été fixé au 10 janvier 2014.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la note en délibéré

La SNC CONTINENTAL FRANCE a adressé au Conseil des Prud’hommes de COMPIEGNE le 23 décembre

2013 copie d’un courrier adressé le même jour à Monsieur B X ainsi que la copie d’un contrat de travail à durée indéterminée d’agent de sécurité proposé à ce dernier.

Si ce courrier a été régulièrement communiqué à la partie adverse, il convient de relever que le Conseil n’a pas autorisé les parties à adresser des notes en délibéré à la suite de l’audience, le courrier adressé par la SNC CONTINENTAL FRANCE, quand bien même il ne développe aucun moyen à l’appui du présent du litige, ne saurait être pris en considération pour statuer sur les demandes.

Ce courrier sera donc écarté des débats.

Sur les interventions volontaires du syndicat CGT CONTINENTAL A et du syndicat Force

Ouvrière des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A

Aux termes de l’article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Selon l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée. Selon l’article 117 du Code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès

.d

comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice, le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Ainsi, le représentant d’un syndicat en justice doit, s’il n’est pas avocat, justifier d’un pouvoir spécial ou d’une disposition des statuts l’habilitant à agir en justice et le défaut de pouvoir d’une personne figurant au procès comme représentant du syndicat est une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.

Page 4


15/01/2014 11:41 0344403440 CPH PAGE 05/08

En l’espèce, ni les statuts du syndicat FO des industries chimiques du personnel de CONTINENTAL CLAIRCIX ni les statuts du syndicat CGT du caoutchouc UNIROYAL A versés aux débats ne comportent de disposition habilitant un de ses organes à le représenter en justice.

Par ailleurs, le syndicat FO des industries chimiques du personnel de CONTINENTAL A verse aux débats une délibération du conseil syndical aux termes de laquelle il est décidé de se constituer partie intervenante et Monsieur E Z mandaté pour le représenter. Cependant, non seulement il n’est pas démontré par les pièces produites que les statuts désignent le conseil syndical pour agir et le représenter en justice, mais en outre, la qualité de membre du dit conseil syndical de Monsieur Z n’est pas justifiée, alors même que ce dernier est seul signataire de la délibération pour le compte du conseil syndical

S’agissant du syndicat CGT du caoutchouc UNIROYAL A, qui produit une délibération aux termes de laquelle le syndicat se constitue partie intervenante et Monsieur F-G Y mandaté pour le représenter, la qualité de membre de la commission exécutive de Monsieur Y est établic, mais les statuts du syndicat et leur avenant n’habilitent pas la commission exécutive pour agir et le représenter en justice, en outre, la délibération est signée de Monsieur Y seul et non de l’ensemble des membres de lá commission. Dans ces conditions cette délibération de la commission ne saurait valoir pouvoir spécial donné à

un de ses membres.

Ainsi, si le syndicat FO des industries chimiques du personnel de CONTINENTAL A et le syndicat CGT du caoutchouc UNIROYAL A disposent de la capacité d’ester en justice, puisqu’ils disposent de la personnalité morale, il n’est pas justifié du pouvoir d’agir des personnes les représentant dans le cadre de leurs interventions volontaires.

Il s’en suit que les interventions des syndicats ne sont pas valables faute de justifier d’un de pouvoir de leur représentant et que leurs demandes sont irrecevables.

Sur les pouvoirs du Conseil des Prud’hommes statuant en référé et la demande de dommages et intérêts

à titre provisionnel

En application de l’article R. 1455-5 du Code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article R 1455-6 dispose que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Selon l’article R 1455-7, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il convient de constater que Monsieur X s’est désisté de sa demande de réintégration sous astreinte, pour maintenir la seule demande de versement à titre provisionnel de dommages et intérêts fondée sur l’existence d’une inégalité de traitement et d’une discrimination syndicale.

Cette demande de provision n’est pas soumise à la condition d’urgence ni à l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite mais à l’absence de contestation sérieuse.

L’existence d’une contestation sérieuse suppose une appréciation concrète de la question posée, sans pour autant la trancher, des arguments développés par les parties et de leur valeur respective. Selon l’article L. 2141-5 du Code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

.

Aux termes de l’article L 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Page 5


15/01/2014 11:41 0344403440 CPH PAGE 86/08

Ainsi, le salarié doit établir l’existence d’éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination, à charge pour l’employeur ensuite de justifier sa décision par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par ailleurs, il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », que l’employeur est tenu assurer un traitement égal pour tous les salariés placés dans une situation identique. Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, et il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l’espèce, Monsieur X fait valoir que suite à la décision du Tribunal administratif d’AMIENS du 14 février 2013 annulant son licenciement, il n’a pas pas été réintégré dans son poste, n’a pas perçu son salaire et n’a pas pu exercer ses mandats représentatifs, alors que les autres représentants du personnel, dont le licenciement avait été annulé en octobre 2010, se sont vus réintégrés dans leur poste au sein de l’établissement de A, ont perçus l’intégralité de leur salaire et ont par voie de conséquence pu exercer leurs mandats. Il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur X a demandé sa réintégration dans son emploi par courrier du 22 février 2013, soit dans les conditions prévues par l’article L 2422-1 du Code du travail, et qu’il s’est vu proposer par courrier du 13 mars 2013 deux postes de confectionneur ler temps au sein de l’établissement de SARREGUEMINES, compte tenu de l’impossibilité de le réintégrer dans le poste précédemment exercé, du fait de l’absence d’activité de production au sein de l’usine de A.

Par décision en date du 5 octobre 2010, le Ministre du Travail a annulé la décision de l’inspection du Travail du 23 mars 2010 autorisant le licenciement de Monsieur E Z, représentant syndical au Comité d’établissement. Par courrier du 2 décembre 2010 faisant suite à la demande de réintégration de Monsieur Z du 2 novembre 2010, ce dernier a été informé de ce qu’il percevrait le solde de son salaire à compter de l’autorisation de licenciement et jusqu’au 30 novembre 2010, après déduction du montant perçu au titre de son congé de mobilité, qu’il devrait rembourser intégralement la Z versée par anticipation au titre du dit congé de mobilité, et qu’il percevrait 100 % de sa rémunération antérieure à la rupture du contrat de travail à compter du 1er décembre 2010. Enfin, Monsieur Z s’est vu proposer deux postes de surveillant extrudeur et d’emballeur transporteur à SARREGUEMINES, compte tenu de l’impossibilité de le réintégrer sur son ancien poste du fait de la fermeture du site de A.

Il n’est pas contesté par la SNC CONTINENTAL FRANCE que la situation de Monsieur E Z correspond à celle des autres salariés protégés qui ont vu leur autorisation de licenciement, accordée dans un premier par l’inspection du travail, annuler le 5 octobre 2010 suite au recours hiérarchique devant le Ministre du

Travail.

Il n’est pas non plus contesté qué ces salariés protégés ont continué à percevoir l’intégralité de leur salaire antérieur, et qu’ils ont poursuivi l’exercice de leurs mandats. Sont ainsi communiqués des procès-verbaux de réunion du Comité d’établissement de l’usine de A datés du 6 mars 2013 et du 20 septembre 2013. A compter du mois de février 2012, ces salariés ont intégré le dispositif de congé de mobilité, prévu par l’Accord de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, pour une durée de 24 mois, après autorisation donnée le 23 février 2012 par l’inspection du travail à la rupture d’un commun accord du contrat de travail.

Il ressort de ce qui précède que preuve d’éléments matériels laissant supposer l’existence d’une différence de traitement est apportée. En effet, alors qu’en décembre 2010, plus aucune activité n’est exercée au sein de l’usine de A, les salariés protégés dont le licenciement est annulé et qui sollicitent leur réintégration ont continué à percevoir leur rémunération et à exercer leur mandat jusqu’en février 2012, date à laquelle ils ont intégré le dispositif du congé de mobilité, alors que Monsieur X, salarié protégé dont l’autorisation donnée à son licenciement est annulée en février 2013, ne s’est pas vu offrir le même traitement.

La SNC CONTINENTAL FRANCE fait valoir qu’elle a respecté son obligation de réintégration telle qu’imposée par l’article L 2422-1 du Code du travail, en proposant à Monsieur X deux postes équivalents à celui antérieurement exercé, au sein du site de SARREGUEMINES, en justifiant de ce que l’établissement de A n’exerce plus aucune activité de production, et en arguant qu’une impossibilité d’exécution du contrat de travail est imputable à Monsieur X qui a refusé sa réintégration dans les emplois proposés.

Elle soutient par ailleurs que la différence de traitement entre les salariés protégés qui ont vu leur licenciement annuler en 2010 et Monsieur X se justifie par des éléments objectifs, à savoir leur différence de situation, et ajoute que le salarié ne saurait prétendre au paiement d’une provision au titre des salaires non versés dès lors qu’elle a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif d’AMIENS.

La SNC CONTINENTAL FRANCE expose ainsi que ces salariés, une fois leur licenciement annulé, n’ont pas été réintégrés dans leur emploi, mais ont été placés en dispense d’activité, situation dans laquelle ils se trouvaient

Page 6


15/01/2014 11:41 8344403448 CPH PAGE 07/08

avant l’autorisation de licenciement, ce conformément à ce qui était prévu par l’accord de méthode du 25 juin 2009 et le Plan de Sauvegarde de l’Emploi, mesures qui ne s’appliquent qu’aux salariés licenciés pour motif

économique.

Or, il ressort de la lettre adressée à Monsieur Z le 2 décembre 2010 que celui-ci ne se trouvait pas en dispense d’activité avant que l’autorisation de licenciement n’intervienne, mais en congé de mobilité, qu’il percevait une partie de sa rémunération à ce titre, qu’il a dû rembourser la Z versée par anticipation sur ce congé et qu’à compter du 1er décembre 2010, il percevait la totalité de son salaire. Par ailleurs, l’argumentation développée par l’employeur ne saurait convaincre, puisque la dispense d’activité prévue au PSE et à l’accord de méthode couvrait une période allant jusqu’au 31 décembre 2009 et non pas au delà, de telle sorte qu’il n’explique pas pour quel motifles salariés en question ont continué à percevoir leur rémunération de décembre 2010 à février

2012.

Ainsi, ni la situation des salariés antérieure au licenciement ni le motif d’annulation du licenciement ne saurait expliquer la différence qui s’observe après l’annulation du licenciement et la demande de réintégration. :

En effet, quelque soit le motif ayant présidé à l’annulation de l’autorisation et qu’il s’agisse d’un recours hiérarchique ou contentieux, le salarié qui fait la demande dans le délai de deux mois a le droit d’être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Cette obligation qui repose sur l’employeur s’est traduite dans le cas des six salariés protégés par une réintégration dans l’emploi avec dispense d’activité, alors même que deux postes permettant l’exercice effectif d’un travail et qualifiés d’équivalents par l’employeur étaient proposés, ce avant même qu’ils ne se soient positionnés sur ces offres, alors que Monsicur X s’est uniquement vu proposer deux postes équivalents, certes conformément à l’article L 2422-1 précité, mais sans maintien du salaire u’il ne se positionne sur les postes offerts, ce qui ne lui a pas permis d’exercer ses mandats avant même représentatifs notamment en qualité de membre du Comité d’établissement de A alors que celui-ci a continué à se réunir et à exercer ses missions.

L’employeur n’apporte pas de justification apparaissant sérieuse à cette différence de traitement opérée entre les salariés qui ont vu leur licenciement annulé en 2010 et Monsieur X, et ne démontre pas qu’elle ressort

d’un motif étranger à toute discrimination syndicale.

Monsieur X sollicite le versement d’une indemnité provisionnelle de 25 554,90 euros correspondant au salaire non versé entre avril et décembre 2013 ainsi qu’une Z de 10 000 euros à titre de provision à valoir en réparation de son préjudice moral.

La demande indemnitaire au titre du préjudice matériel correspond aux salaires qui seraient dus postérieurement à sa demande de réintégration et aux propositions de réintégration formulées par l’employeur. Selon l’article L2422-4 du Code du travail, lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il l’a demandée dans le délai de deux mois, ou à

l’expiration de ce délai dans le cas contraire.

En application de cette disposition, le salarié qui réclame sa réintégration dans le délai de deux mois, s’il n’est pas réintégré lorsque l’annulation est devenue définitive, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration effective.

Il convient ici de rappeler que la possibilité pour le juge d’ordonner une provision est subordonnée à l’absence de contestation sérieuse tant sur le principe de l’obligation, que sur son ampleur. Ainsi, la provision accordée ne peut pas dépasser le montant non sérieusement contestable de l’obligation.

Dès lors, l’octroi des salaires non perçus sur la période considérée est dépendant de la solution qui sera donnée suite à l’appel interjeté par la SNC CONTINENTAL FRANCE et du caractère définitif de l’annulation: du licenciement de Monsieur X.

Par ailleurs s’agissant d’une demande en paiement d’une provision de salaire, la compétence de la formation de référé ne peut pas reposer sur l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse sur la créance de salaire liée au licenciement, seule une provision au titre du préjudice moral subi par Monsieur X en raison de l’inégalité de traitement qui a été constatée lui sera accordée, s’agissant d’une obligation à l’encontre de laquelle il n’est pas apporté de contestation sérieuse par l’employeur et qui est indépendante du caractère définitif de l’invalidation du licenciement.

Page 7

LE VOR AUTO D

E



PAGE 08/08 15/01/2014 11:41 0344483440 CPH

En conséquence, il convient de condamner la SNC CONTINENTAL FRANCE à verser à Monsieur X une Z provisionnelle qui sera chiffrée à 5000 curos valoir en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

La société CONTINENTAL FRANCE, partie perdante, sera condamnée aux dépens sur le fondement de l’article

696 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée à verser une indemnité de 1500 euros à Monsieur X sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil des Prud’hommes, statuant en formation de référé, sous la présidence du juge départiteur, après en avoir délibéré conformément aux dispositions des articles L. 1454-2 et R. 1454-29 du code du travail, publiquement, par Ordonnance contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la décision au greffe,

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’il leur appartiendra, et dès à présent,

ECARTONS des débats le courrier de la SNC CONTINENTAL FRANCE reçu le 23 décembre 2013 et les

pièces jointes;

DECLARONS irrecevables les demandes du syndicat CGT CONTINENTAL A et du syndicat Force Ouvrière des Industries Chimiques du personnel de CONTINENTAL A, intervenants volontaires;

CONSTATONS le désistement de Monsieur B X de sa demande de réintégration sous astreinte;

CONDAMNONS la SNC CONTINENTAL FRANCE à verser à Monsieur B X la Z de

5000 euros à titre de provision à valoir sur la créance de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par l’atteinte au principe d’égalité de traitement ;

DISONS qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du Conseil des Prud’hommes statuant en référé de statuer sur le surplus de la demande indemnitaire de Monsieur B X compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse ;

RAPPELONS que l’exécution provisoire est de droit provision;

REJETTONS toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNONS la SNC CONTINENTAL FRANCE à payer à Monsieur B X la Z de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNONS la SNC CONTINENTAL FRANCE aux dépens;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe, les jour, mois et an susdits et après lecture faite, le Président a signé avec le Greffier,

Le Président Le Greffier

8

Page 8

www.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil de prud'hommes de Compiègne, 10 janvier 2014, n° 13/00037