Tribunal administratif de Grenoble, 6ème chambre, 13 décembre 2022, n° 1902052

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 6e ch., 13 déc. 2022, n° 1902052
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 1902052
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle ;

—  le code des postes et des communications électroniques ;

— l’arrêté du 7 février 2007 pris en application de l’article R. 2-1 du code des postes et communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C,

Considérant de ce qui suit :

1. M. B A, né le 1er juillet 1992, de nationalité syrienne, a présenté une demande d’asile enregistrée en guichet unique le 19 mai 2017. Sa demande d’asile a été placée en procédure Dublin. N’ayant pas respecté son obligation de présentation aux autorités, il a fait l’objet d’une déclaration de fuite le 6 septembre 2017. Par une lettre du 14 septembre 2017, l’OFII a informé l’intéressé de son intention de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. Ce dernier a transmis ses observations. Par une décision en date du 9 novembre 2017, l’OFII a suspendu les conditions matérielles d’accueil. L’intéressé ne perçoit plus l’allocation pour demandeur d’asile depuis octobre 2017. A l’expiration du délai de transfert, il s’est présenté de nouveau en préfecture en faisant valoir que l’Etat français était devenu responsable de l’examen de sa demande d’asile. Celle-ci a été requalifiée en procédure normale le 29 novembre 2018. Il a sollicité le rétablissement des conditions matérielles d’accueil par un courrier daté du 7 janvier 2019. Par une première requête enregistrée le 27 mars 2019 sous le n° 1902052, M. A demande au tribunal d’annuler le courriel en date du 30 janvier 2019 qu’un agent de l’Office français de l’immigration et de l’intégration adressé à l’association accueil des demandeurs d’asile de Grenoble. Par une seconde requête enregistrée le 17 avril 2019 sous le n° 1902633, M. A, demande au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet de l’OFII du 7 mars 2019 lui refusant le rétablissement des conditions matérielles d’accueil.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées concernent la situation d’un même requérant et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul jugement.

Sur les conclusions présentées dans l’instance 1902052 :

3. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. () ». M. A demande l’annulation de la décision du 30 janvier 2019. Toutefois, l’acte attaqué est un courriel, émanant d’un agent de l’OFII et non destiné à M. A, qui se borne à informer l’organisme s’enquérant de l’état de la demande de l’intéressé, que ce dernier ne remplit pas les critères d’éligibilité pour la réouverture des droits aux conditions matérielles d’accueil. Ainsi qu’il est opposé en défense, ce courrier électronique a un caractère informatif et est dépourvu de tout caractère décisoire. Les conclusions présentées à son encontre sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées dans l’instance 1902633 :

4. En premier lieu, aux termes de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Outre les cas, mentionnés à l’article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d’accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : () 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d’asile () » et aux termes de l’article D. 744-37 du même code : " Le bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile peut être refusé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration : 1° En cas de demande de réexamen de la demande d’asile ; (). « . Aux termes de l’article D. 744-38 du même code, dans sa version en vigueur à la date d’acceptation des conditions matérielles d’accueil : » La décision de suspension, de retrait ou de refus de l’allocation est écrite, motivée et prise après que l’allocataire a été mis en mesure de présenter à l’Office français de l’immigration et de l’intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. () ".

5. Il ne ressort pas du cadre juridique applicable, rappelé ci-dessus, qu’une décision portant refus de rétablissement des conditions matérielles d’accueil accordées avant le 1er janvier 2019, qui n’est pas assimilable à une décision de suspension, de retrait ou de refus de l’allocation, doive être écrite et motivée. Au surplus, aux termes de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. () ». En l’espèce, M. A ne fait pas valoir qu’il aurait vainement demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet qu’il conteste. Par suite, il n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation.

6. La directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale vise à harmoniser les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile en leur garantissant un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Aux termes, toutefois, de l’article 20 de cette directive : " 1. Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil lorsqu’un demandeur : a) abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l’avoir obtenue ; ou b) ne respecte pas l’obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d’information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national () En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil retirées ou réduites. () 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l’article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l’accès aux soins médicaux conformément à l’article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs () ".

7. Aux termes de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l’Etat responsable (). / Lorsque l’enregistrement de sa demande d’asile a été effectué, l’étranger se voit remettre une attestation de demande d’asile () ». L’article L. 742-1 du même code prévoit que : « Lorsque l’autorité administrative estime que l’examen d’une demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat qu’elle entend requérir, l’étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu’à la fin de la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu’à son transfert effectif à destination de cet Etat. L’attestation délivrée en application de l’article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l’objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l’Etat responsable et, le cas échéant, jusqu’à son transfert effectif à destination de cet Etat ». L’article L. 744-1 du même code dispose que les conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile, au sens de la directive du 26 juin 2013, « sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après l’enregistrement de la demande d’asile (). Les conditions matérielles d’accueil comprennent les prestations et l’allocation prévues au présent chapitre () ». L’article L. 744-9 de ce même code prévoit que « Le demandeur d’asile qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 bénéficie d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des conditions d’âge et de ressources. L’Office français de l’immigration et de l’intégration ordonne son versement dans l’attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l’asile ou jusqu’à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile () ».

8. Aux termes de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile : « Le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d’asile a abandonné son lieu d’hébergement déterminé en application de l’article L. 744-7, n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’informations ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile () ». Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l’article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l’article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu’à compter du 1er janvier 2019 et ne s’appliquent qu’aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d’accueil proposées et acceptées après l’enregistrement de la demande d’asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d’accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.

9. Il résulte des dispositions précédemment citées que les conditions matérielles d’accueil sont proposées au demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration après l’enregistrement de la demande d’asile auquel il est procédé en application de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l’évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l’enregistrement de sa demande, l’examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n’emporte pas l’obligation pour l’Office de réexaminer, d’office et de plein droit, les conditions matérielles d’accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance que la France, à l’expiration du délai de transfert de 18 mois, soit devenue responsable de sa demande d’asile et que celle-ci a été enregistrée en procédure normale, ne suffit pas à fonder, pour lui, le droit de bénéficier du rétablissement de ses conditions matérielles d’accueil. Par suite, il n’est pas fondé à soutenir que les dispositions de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile auraient été méconnues.

10. Dans le cas où les conditions matérielles d’accueil ont été suspendues sur le fondement de l’article L. 744-8, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, le demandeur peut, notamment dans l’hypothèse où la France est devenue responsable de l’examen de sa demande d’asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d’apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d’accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n’a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l’acceptation initiale des conditions matérielles d’accueil.

11. D’une part, en vertu des dispositions de l’articles L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile notamment, le directeur de l’OFFI est tenu de réaliser, à la suite de la présentation de sa demande d’asile, un entretien personnel avec le demandeur d’asile afin d’évaluer sa vulnérabilité au moyen d’un questionnaire. En outre, il se doit d’apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement des conditions matérielles d’accueil au regard notamment de sa vulnérabilité. Toutefois ces dispositions n’imposent pas de réaliser un nouvel entretien de vulnérabilité à l’occasion de l’examen du rétablissement des conditions matérielles d’accueil précédemment suspendues. Par suite, M. A ne saurait utilement soutenir qu’il aurait été privé d’un tel entretien, en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors au demeurant qu’il est constant qu’il en a bénéficié lors de sa demande initiale.

12. D’autre part, en se bornant à faire état de son absence de ressources à la date de sa demande de rétablissement des conditions matérielles d’accueil, le requérant ne fait valoir aucune situation particulière tenant notamment à une éventuelle vulnérabilité au sens des dispositions précitées de l’article L. 744-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d’une méconnaissance des articles L. 744-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou d’une erreur manifeste d’appréciation.

13. En second lieu, les conditions matérielles d’accueil, dont bénéficiait M. A, ont été suspendues à compter du 28 septembre 2017. La décision de suspension n’a pas été contestée par l’intéressé. M. A, qui ne s’est pas présenté aux autorités, a été déclaré en fuite le 6 septembre 2017. L’intéressé ne fait état d’aucun motif légitime pour justifier son manquement à ses obligations. Par ailleurs, à l’appui de sa demande de rétablissement des conditions matérielles d’accueil, il ne fait état d’aucune vulnérabilité particulière. Dans ces conditions, M. A n’établit avoir été, à la date de sa demande de rétablissement des conditions matérielles d’accueil, dans une situation de grande vulnérabilité compte tenu de son état de santé ou d’un besoin particulier en matière d’accueil. Par suite, en refusant de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, le directeur général de l’OFII n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit, ni davantage d’une erreur de fait. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de l’erreur manifeste dont serait entachée la décision attaquée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation présentées par M. A et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction sous astreintes doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Les conclusions présentées par M. A, partie perdante, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : les requêtes présentées par M. A sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A, à Me Huard, à l’office français de l’immigration et de l’intégration et au préfet de l’Isère.

Délibéré après l’audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Vial-Pailler, président-rapporteur,

M. d’Argenson, premier conseiller,

Mme Fourcade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

C. C

L’assesseur le plus ancien dans l’ordre du tableau,

PH. D’ARGENSON Le greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au ministère de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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