Tribunal administratif de Montpellier, Procedures 96 h h / 48 h, 28 décembre 2022, n° 2206733

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, procedures 96 h h / 48 h, 28 déc. 2022, n° 2206733
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 2206733
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022, M. B A, représenté par Me Montesinos Brisset, demande au tribunal :

1°) de lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour deux ans ;

3°) d’enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation de l’indemnité versée au titre de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur l’obligation de quitter le territoire français :

— la décision a été prise par une autorité incompétente ;

— compte tenu de son état de santé, elle méconnait l’alinéa 9 de l’article L.611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Sur l’interdiction de retour sur le territoire français :

— la décision a été prise par une autorité incompétente ;

— elle est insuffisamment motivée ; le Préfet n’a pas motivé son choix de ne pas faire application des circonstances humanitaires pour s’abstenir d’édicter une décision d’interdiction de retour en France à son encontre ; il justifie de telles circonstances ;

— elle est entachée d’erreur d’appréciation et de disproportion quant à sa durée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2022, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Villemejeanne, conseillère, pour exercer les pouvoirs qui lui sont attribués par les articles L. 572-5, L. 572-6, L. 614-5, L. 614-6, L. 614-9, L. 614-11, L. 614-12, L. 614-15, L. 615-2, L. 623-1, L. 732-8 et L. 754-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 28 décembre 2022 :

— le rapport de Mme Villemejeanne, magistrate désignée,

— les observations de Me Montesinos Brisset, représentant M. A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

— le préfet du Var n’étant ni présent ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant sénégalais né le 16 août 1990, déclare sans l’établir être entré en France en 2019. Par un arrêté du 21 décembre 2022, le préfet du Var lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour de deux ans. M. A, placé au centre de rétention administrative de Sète, demande l’annulation de ces décisions.

Sur la demande d’aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ». Aux termes de l’article 62 du décret du 19 décembre 1991 : « L’admission provisoire peut être prononcée d’office si l’intéressé a formé une demande d’aide juridictionnelle sur laquelle il n’a pas encore été définitivement statué. ».

3. En raison de l’urgence, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de M. A au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. Lucien Giudicelli, secrétaire général de la préfecture du Var. Par un arrêté préfectoral du 28 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 78 du 28 avril 2022, accessible au juge et aux parties, M. D a reçu délégation à l’effet de signer, « tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents, relevant des attributions de l’Etat dans le département du Var », à l’exclusion de certains actes parmi lesquels ne figurent pas la décision attaquée. Le moyen tiré de l’incompétence doit donc être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l’article L.611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Ne peuvent faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français : () 9° L’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. ».

6. M. A soutient qu’il souffre d’une tumeur non cancéreuse, le cholestéatome, pour laquelle il bénéficie d’un suivi médical régulier et effectif en France dont il ne pourrait bénéficier au Sénégal et qui a nécessité la programmation d’une intervention chirurgicale le 6 janvier prochain. Cependant, il ne verse aucun élément médical permettant de justifier que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne pourrait bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine. En tout état de cause, il ne justifie pas résider habituellement en France. Compte tenu des pièces versées au débat, M. A ne rentre pas dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire pour raison de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision, contenue dans l’arrêté du 21 décembre 2022, par laquelle le préfet du Var l’a obligé à quitter le territoire français.

Sur l’interdiction de retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. Lucien Giudicelli, secrétaire général de la préfecture du Var. Par un arrêté préfectoral du 28 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 78 du 28 avril 2022, accessible au juge et aux parties, M. D a reçu délégation à l’effet de signer, « tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents, relevant des attributions de l’Etat dans le département du Var », à l’exclusion de certains actes parmi lesquels ne figurent pas la décision attaquée. Le moyen tiré de l’incompétence doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ». Selon l’article L. 612-10 de ce code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l’édiction et la durée de l’interdiction de retour mentionnée à l’article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l’interdiction de retour prévue à l’article L. 612-11 ». Enfin, aux termes de l’article L. 613-2 du même code : « () les décisions d’interdiction de retour et de prolongation d’interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ».

10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l’autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l’encontre de l’étranger soumis à l’obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu’elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l’un ou plusieurs d’entre eux. La décision d’interdiction de retour doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l’autorité compétente, au vu de la situation de l’intéressé, de l’ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n’impose que le principe et la durée de l’interdiction de retour fassent l’objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l’importance accordée à chaque critère.

11. Il incombe ainsi à l’autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d’indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l’étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l’intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, à la nature et à l’ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d’éloignement dont il a fait l’objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l’ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l’intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n’est pas tenue, à peine d’irrégularité, de le préciser expressément.

12. La décision portant interdiction de retour sur le territoire indique que l’examen d’ensemble de la situation de l’intéressé a été effectué, relativement à la durée de l’interdiction de retour. Elle précise notamment que M. A est entré en France irrégulièrement à une date indéterminée, qu’il n’établit pas avoir entrepris des démarches administratives pour régulariser sa situation en France ou dans l’espace Schengen bien qu’il n’ait fait l’objet d’aucune mesure éloignement. Elle ajoute que le requérant est célibataire et sans charge de famille et n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine où il a passé l’essentiel de son existence et où vit ses parents, grands-parents, frères et sœurs. Le préfet n’est pas tenu de motiver particulièrement sa décision au regard de l’absence de circonstances humanitaires qui seraient de nature à faire obstacle au prononcé d’une interdiction de retour. Le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée doit donc être écarté.

13. Selon les dispositions de l’article L.612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précitées au point 9 lorsque le préfet prend, à l’encontre d’un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d’assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le requérant ne fait état, en l’espèce, d’aucune circonstance humanitaire. Le moyen tiré de ce que le préfet du Var ne pouvait assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour doit donc être écarté.

14. Ainsi qu’il a été dit, M. A, célibataire et sans charge de famille, n’établit pas être entré en France en 2019 ni même y avoir résider depuis et ne démontre pas ne pas être dépourvu d’attaches familiales au Sénégal. Par ailleurs, il ne justifie d’aucune attache familiale ou affective intense et stable sur le territoire français. Dans ces conditions, alors même qu’il n’aurait jamais fait l’objet d’une mesure d’éloignement et à supposer même que son comportement ne constituerait pas une menace pour l’ordre public, l’interdiction de retour prononcée à son encontre à hauteur de deux ans n’est pas entachée d’une erreur d’appréciation et sa durée n’est pas disproportionnée. Ces moyens doivent donc être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision, contenue dans l’arrêté du 21 décembre 2022, par laquelle le préfet du Var lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

17. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation, n’appelle aucune mesure d’exécution. Les conclusions à fin d’injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais de l’instance :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E

Article 1 er : M. A est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2  : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au préfet du Var.

Lu en audience publique le 28 décembre 2022.

La magistrate désignée,

P. VILLEMEJEANNELe greffier,

M. C

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 29 décembre 202Le greffier,

D. C

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