Tribunal administratif de Nancy, 31 mai 2011, n° 1100782

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Sur la décision

Référence :
TA Nancy, 31 mai 2011, n° 1100782
Juridiction : Tribunal administratif de Nancy
Numéro : 1100782

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NANCY

N°1100782-QPC

___________

SOCIETE ANONYME SPORTIVE PROFESSIONNELLE A.S. NANCY-LORRAINE

___________

Ordonnance du 31 mai 2011

__________

19-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La vice-présidente du Tribunal

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2011, sous le n° 1100782, présentée pour la SOCIETE ANONYME SPORTIVE PROFESSIONNELLE A.S. NANCY-LORRAINE (A.S. NANCY-LORRAINE), dont le siège est situé XXX à Velaine-en-Haye (54840) représentée par son représentant légal en exercice, par Me Philippot ; l’A.S. NANCY-LORRAINE demande au Tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2 858 277 euros, majoré de l’intérêt au taux légal, en réparation du préjudice résultant de la suppression du « droit à l’image collective » par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— elle a adressé une réclamation préalable le 28 mai 2010 au ministre de la santé et des sports, qui l’a implicitement rejetée ;

— la part de la rémunération des sportifs professionnels correspondant à la commercialisation par la société employeur de l’image collective de l’équipe était, dans la limite de 30% de la rémunération brute totale, exonérée de charges sociales mais soumise à la CSG, à la RDS et au forfait social ;

— cette exonération, acquise, en application de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, jusqu’au 30 juin 2012 a été remise en cause par la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, qui a supprimé le « droit à l’image collectif » au 30 juin 2010, modifiant en ce sens l’article L. 222-2 du code des sports ;

— cette modification de la loi porte atteinte au droit de propriété, au principe d’égalité et à l’économie de contrats légalement conclus ;

— l’Etat a violé ses obligations de respect des conventions internationales ;

— la loi viole le principe de sécurité juridique consacré par l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sans que cette violation trouve sa justification dans un impérieux motif d’intérêt général ;

— la loi méconnaît les dispositions de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que l’exonération de cotisations constitue un bien ;

— la suppression du DIC est à l’origine du préjudice dont la réparation est demandée ;

Vu la réclamation préalable ;

Vu le mémoire enregistré le 2 mai 2011, présentée pour l’A.S. NANCY-LORRAINE, qui demande en outre au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question de la constitutionnalité de l’article 22 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 aux termes duquel : « à la fin du IV de l’article L. 222-2 du code des sports, la date du : « 30 juin 2012 » est remplacée par la date « 30 juin 2010 » ;

Elle soutient que :

— les dispositions de cette loi sont contraires à la Constitution en tant qu’elles ramènent au 30 juin 2010 la date de suppression du « DIC » initialement fixée au 30 juin 2012 ;

— cette loi est applicable au litige ;

— le Conseil constitutionnel ne l’a jamais déclarée conforme à la Constitution ;

— la question est sérieuse, car la suppression du « DIC » porte atteinte au droit de propriété des clubs ;

— le droit de propriété est garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ;

— l’espérance légitime de « dépenses réduites » qui trouvait son fondement dans les dispositions de l’article L. 222-2 du code des sports présente le caractère d’un élément du patrimoine des clubs ;

— la suppression du « DIC » viole le principe d’égalité ;

— les sportifs de compétition doivent, en effet, relever du même régime de prélèvement sociaux que les artistes interprètes pour les œuvres de l’esprit ;

— la suppression du « DIC » viole les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

— le Conseil constitutionnel a, en effet, consacré de manière indirecte, le principe de sécurité juridique au travers de décisions relatives à des lois applicables à des contrats en cours ;

— la suppression du DIC modifie l’économie des contrats conclus entre les clubs et les joueurs et porte atteinte à des situations juridiquement constituées sans qu’un motif d’intérêt général ne soit justifié ;

— en effet le seul manque à gagner du « DIC » ne doit pas occulter les retombées positives sur l’économie de l’attractivité des clubs français ;

Vu la transmission de la requête et du mémoire distinct de l’A.S. NANCY-LORRAINE au ministre de la santé et des sports et l’accusé de réception de ladite transmission ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 et 23-3 ;

Vu l’article 22 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ;

Vu le code des sports ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution :

« Lorsque à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé» ; qu’aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux » ; qu’aux termes de l’article R. 771-7 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 222-2 du code des sports, dans sa version issue de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 : « I.-N’est pas considérée comme salaire la part de la rémunération versée à un sportif professionnel par une société soumise aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et qui correspond à la commercialisation par ladite société de l’image collective de l’équipe à laquelle le sportif appartient./ Pour l’application du présent article, sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes ayant conclu, avec une société mentionnée au premier alinéa, un contrat de travail dont l’objet principal est la participation à des épreuves sportives. / II.-Des conventions collectives conclues, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés employant des sportifs professionnels déterminent : 1° La part de rémunération définie au I ci-dessus, laquelle ne peut excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif professionnel ; 2° Les modalités de fixation de cette part de rémunération en fonction du niveau des recettes commerciales générées par l’exploitation de l’image collective de l’équipe sportive, et notamment des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage ainsi que de celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions ; 3° Le seuil au-delà duquel les dispositions du I ci-dessus s’appliquent à cette part de rémunération, lequel ne peut être inférieur à un montant fixé par décret au vu du niveau moyen de rémunération pratiqué dans la discipline sportive. Ce montant ne peut être inférieur à deux fois ni être supérieur à huit fois le plafond fixé par le décret pris en application de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. III.-En l’absence d’une convention collective, pour une discipline sportive, contenant l’ensemble des stipulations mentionnées au 2° du II, un décret détermine la part de rémunération prévue au 1° du II. IV.-Ces dispositions s’appliquent aux rémunérations versées jusqu’au 30 juin 2012 » ; qu’aux termes de l’article 22 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 : « A la fin du IV de l’article L. 222-2 du code du sport, la date : « 30 juin 2012 » est remplacée par la date : « 30 juin 2010 » ;

Considérant, en premier lieu, que le principe de sécurité juridique n’est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution au sens de son article 61-1 ; que, par suite, la question de la constitutionnalité de l’article 22 de la loi du 24 décembre 2009 au regard du principe de sécurité juridique est dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en exonérant, par l’article 1er de la loi du 15 décembre 2004, la partie de la rémunération des sportifs professionnels correspondant à la commercialisation de l’image collective de l’équipe à laquelle ils appartiennent de charges sociales, le législateur n’a pas traité les sportifs professionnels de la même manière que les artistes du spectacle, qui ne sont pas rémunérés au titre de la commercialisation de l’image d’une équipe ; que, par suite, l’extinction à compter du 30 juin 2010 du dispositif institué par la loi du 15 décembre 2004 n’a, en tout état de cause, pas pour effet de porter atteinte au principe d’égalité entre les artistes du spectacle et les sportifs professionnels ; qu’il suit de là que la question de la constitutionnalité de l’article 22 de la loi du 24 décembre 2009 au regard du principe d’égalité est dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant, en troisième lieu, que la suppression à compter du 1er juillet 2010, par l’article 22 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de l’exonération des charges sociales sur la part de rémunération des sportifs professionnels correspondant à la commercialisation de l’image collective de l’équipe à laquelle ils appartiennent ne constitue pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, la question de la constitutionnalité de l’article 22 de la loi du 24 décembre 2009 au regard de l’atteinte au droit de propriété garanti par l’article 17 de la Déclaration de 1789 est dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat les questions prioritaires de constitutionnalité posées par l’A.S. NANCY-LORRAINE ;

O R D O N N E

Article 1er : Les questions prioritaires de constitutionalité visant l’article 22 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ne sont pas transmises au Conseil d’Etat.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE ANONYME SPORTIVE PROFESSIONNELLE A.S. NANCY-LORRAINE et au ministre de la santé et des sports.

Copie de la présente ordonnance sera adressée pour information à Me Philippot.

Fait à Nancy le 31 mai 2011.

La vice-présidente du Tribunal,

A. WOLF

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Tribunal administratif de Nancy, 31 mai 2011, n° 1100782