Tribunal administratif de Rouen, 3 ème chambre, 30 mars 2023, n° 2204321

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Sur la décision

Référence :
TA Rouen, 3 ème ch., 30 mars 2023, n° 2204321
Juridiction : Tribunal administratif de Rouen
Numéro : 2204321
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2022, Mme B A, représentée par Me Shahabuddin, demande au tribunal :

1) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté en date du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2) d’enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « salarié » dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

3) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S’agissant de la décision de refus de titre de séjour :

— le signataire de la décision attaquée était incompétent ;

— cette décision est insuffisamment motivée ;

— elle a été prise sans un examen particulier de sa situation ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 421-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 422-2 du même code ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment telles qu’éclairées par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions de l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S’agissant de l’obligation de quitter le territoire français :

— le signataire de la décision attaquée était incompétent ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— cette décision est insuffisamment motivée ;

— elle a été prise sans un examen particulier de sa situation ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité dont est elle-même entachée la décision de refus de titre de séjour ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

— le signataire de la décision attaquée était incompétent ;

— cette décision est insuffisamment motivée ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité dont sont elles-mêmes entachées la décision de refus de titre de séjour et l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle porte atteinte à son droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants, garanti par les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et méconnaît les dispositions de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Mulot, premier conseiller, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B A, ressortissante nigériane, née en 2001 à Bénin City, serait entrée en France en 2018 et a été prise en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’au 4 février 2019. Elle a alors sollicité le 10 juin 2020 un titre de séjour qui lui a été refusé par un arrêté du 16 octobre 2020, assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Elle s’est toutefois maintenue sur le territoire et, le 7 avril 2022, a à nouveau sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 421-1, L. 422-1 et L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A demande à titre principal au tribunal d’annuler cet arrêté.

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A est entrée en France âgée de seize ans, mineure non accompagnée. Elle a été prise en charge par l’aide sociale à l’enfance et a débuté rapidement un certificat d’aptitude professionnelle en qualité d’agente polyvalente de restauration qui doit s’achever en juin 2023. A ce titre, un contrat d’apprentissage a été conclu à son profit entre le CFA et un établissement de restauration, à la pleine satisfaction de son employeur qui en atteste, et lui a délivré une promesse d’embauche à l’issue de son apprentissage. Mme A justifie disposer d’un logement autonome dont elle s’acquitte des loyers et produit de nombreuses attestations justifiant de sa bonne intégration et de son sérieux. En outre, il n’est ni établi ni allégué qu’elle représenterait une quelconque menace à l’ordre public. Par suite, Mme A est fondée à soutenir que la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ainsi que par voie de conséquence celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, qui se trouvent privées de base légale.

4. Eu égard au motif d’annulation énoncé ci-dessus, le présent jugement implique nécessairement la délivrance à Mme A d’un titre de séjour l’autorisant à travailler, sous réserve d’un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l’intéressée. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence actuel de la requérante, de procéder à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

5. D’une part, Mme A n’allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D’autre part, l’avocate de Mme A n’a pas demandé que lui soit versée par l’Etat la somme correspondant aux frais exposés qu’elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n’avait bénéficié d’une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er:L’arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de renvoi est annulé dans toutes ses dispositions.

Article 2:Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence actuel de la requérante, de délivrer à Mme A un titre de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3:Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 4:Le présent jugement sera notifié à Mme B A, à Me Shahabuddin, et au préfet de la Seine-Maritime.

En application de l’article R. 751-10 du code de justice administrative, copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dieppe.

Délibéré après l’audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Gaillard, présidente,

MM. Leduc et Mulot, premiers conseillers,

Assistés de M. Tostivint, greffier.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le rapporteur,

Robin Mulot

La présidente,

Anne Gaillard

Le greffier,

Henry Tostivint

La République mande et ordonne au préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2204321

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