Tribunal administratif de Strasbourg, Ju mw (2), 26 avril 2024, n° 2400356

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, ju mw (2), 26 avr. 2024, n° 2400356
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 2400356
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2024 et le 5 mars 2024, M. A C, représenté par Me Le Guennec, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 21 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son attestation de demande d’asile, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour durant un an ;

2°) subsidiairement de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à ce que la Cour nationale du droit d’asile ait statué ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1500 euros hors taxes au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

5°) de l’admettre provisoirement à l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur le refus de renouvellement de l’attestation de demande d’asile :

— la décision est illégale, par la voie de l’exception, en raison de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire ;

Sur l’obligation de quitter le territoire et la fixation du pays de destination :

— la décision est insuffisamment motivée et est entaché d’un défaut d’examen suffisant de sa situation notamment au regard des risques contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; de plus, il n’a pas été en mesure d’exposer ses observations ; la préfète s’est crue en situation de compétence liée ;

— la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation et méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en raison des risques qu’il court ;

— la décision méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le droit à un recours effectif ; il ne pourra pas présenter ses observations devant la Cour nationale du droit d’asile, ce qui le prive du droit à un procès équitable

Sur la fixation du pays de destination :

— la décision est illégale, par la voie de l’exception, en raison de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire ;

— la décision méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en raison des risques qu’il court ;

Sur l’interdiction de retour :

— la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ; il ne s’agit que d’une possibilité en application de l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la décision est illégale, par la voie de l’exception, en raison de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire.

Sur la suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement :

— il apporte des éléments sérieux de nature à justifier la suspension de la mesure d’éloignement jusqu’à ce que la Cour nationale du droit d’asile statue sur sa demande d’asile en application de l’article L. 752-5 du code de l’entrée et du séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Wiernasz, président honoraire inscrit sur la liste prévue à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative, pour statuer sur les litiges visés à l’article L 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 6 mars 2024 :

— le rapport de M. Wiernasz ;

— les observations de Me Le Guennec, représentant M. C, et de M. C, assisté de M. B, interprète en langue géorgienne.

La préfète du Bas-Rhin n’était ni présente ni représentée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

Sur le non-renouvellement de l’attestation de demande d’asile :

1. Le non-renouvellement de l’attestation de demande d’asile pris à l’encontre du requérant ne l’a pas été sur le fondement de l’obligation de quitter le territoire. Dès lors, le moyen tiré de l’illégalité de cette obligation de quitter le territoire est inopérant et doit être écarté.

Sur l’obligation de quitter le territoire :

2.En premier lieu, il ressort des termes de la décision en cause qu’elle mentionne les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, qu’elle est suffisamment motivée et que la préfète a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en cause que la préfète, qui a, comme il a été dit, procédé à un examen de la situation particulière du requérant, se serait crue en situation de compétence liée.

4. En troisième lieu, dans le cas prévu au 4° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français et les mesures subséquentes font suite au refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire à l’étranger et à l’absence du bénéfice du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1, L. 542-2 et L. 542-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le droit d’être entendu n’implique pas, dans ce cas, que l’administration ait l’obligation de mettre les intéressés à même de présenter leurs observations tant orales qu’écrites de façon spécifique en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français qu’il est amené à prendre à leur encontre, dès lors qu’ils ont déjà été entendus, comme en l’espèce, dans le cadre de leurs demandes d’asile. Par suite, le moyen soulevé tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu issu des principes généraux du droit de l’Union européenne tel qu’énoncé au 2 de l’article 41 et à l’article 51 de la charte des droits fondamentaux doit être écarté.

5. En quatrième lieu, le requérant peut se faire représenter devant la Cour nationale du droit d’asile pour faire valoir ses observations et, en outre, il lui est possible, comme il l’a fait, de solliciter la suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre en faisant valoir des éléments sérieux en ce sens. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté, à supposer le moyen opérant.

Sur la fixation du pays de destination :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l’obligation de quitter le territoire est régulière. Dès lors, le moyen tiré de son illégalité doit être écarté.

7. En deuxième lieu, M. C, de nationalité géorgienne, qui, au demeurant, s’est vu opposer un rejet de sa demande de protection internationale par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, n’apporte pas, à l’appui de la présente instance, d’éléments suffisants et probants pour établir la réalité des risques personnels qu’il courrait en cas de retour dans son pays d’origine. Dans ces conditions, la décision ne méconnaît pas l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur l’interdiction de retour :

8. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision qu’elle comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, les articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l’administration n’ont pas été méconnus.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l’obligation de quitter le territoire est régulière. Dès lors, le moyen tiré de son illégalité doit être écarté.

10. En troisième lieu, les seules circonstances que l’intéressé est entré régulièrement en France et ne se serait pas soustrait à ses obligations à l’égard de l’administration ne permettent pas de contester utilement le bien-fondé de la décision en cause qui ne méconnaît pas l’article L. 612-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur la suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement :

11. M. C n’apporte, à l’appui de sa requête, aucun élément sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire jusqu’à ce que la Cour nationale du droit d’asile statue sur son recours. Par suite, sa demande de suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement le concernant en application de l’article L. 752-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du doit d’asile ne peut qu’être rejetée.

12. Il résulte de ce qui précède, M. C étant admis provisoirement à l’aide juridictionnelle, que ses conclusions à fin d’annulation et de suspension, et par voie de conséquence à fin d’injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er: M. C est admis provisoirement à l’aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. C est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et à la préfète du Bas-Rhin. Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le magistrat désigné,

M. WIERNASZ

Le greffier,

P. HAAG

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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