Tribunal de commerce de Paris, 10 novembre 2020, n° 2019036759

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Chronologie de l’affaire

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Frédéric Chevalier · Bulletin Joly Sociétés · 1er octobre 2023

www.hemera-avocats.fr · 9 avril 2022

Être administrateur salarié c'est avoir une double casquette : C'est porter la voix des salariés au conseil d'administration ou de surveillance et donc pouvoir leur rendre compte. Mais en tant qu'administrateur c'est avant tout défendre les intérêts de l'entreprise. Or l'intérêt de l'entreprise exige que soit respectée une obligation de discrétion vis-à-vis d'informations qui peuvent être confidentielles. Comment concilier cette obligation de discrétion avec le devoir de rendre compte aux salariés de sa mission ? HÉMÉRA Avocats – Me Valérie LEMERLE L'obligation de discrétion ou de …

 
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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 10 nov. 2020, n° 2019036759
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2019036759

Texte intégral

mnt – ce

gêüâÈïääïäann Masselin REPUBLIQUE FRANCAISE

Avocats Associés

Copie aux demandeurs : 2 AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Copie aux défendeurs : 6 TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 1 ERE CHAMBRE JUGEMENT PRONONCE LE 10/11/2020 PAR SA MISE A DISPOSITION AU GREFFE

6

RG 2019036759 04/07/2019

ENTRE :

Z SE, dont le siège social est […] demanderesse : assistée de Me TEMINE Hervé Avocat et comparant par la SELARL SCHERMANN MASSELIN Avocats Associés (R1I42).

ET :

1) M. Y B, demeurant […]

Partie défenderesse : assistée de Me DELAS Jean Marc Avocat (A82) et comparant par Me SAUTELET Bruno Avocat (E1 344)

2) SC J, dont le siège social est […]

3) SA J M, dont le siège social est […]

Parties défenderesses : comparant par le Cabinet AUGUST DEBOUZY Avocats (P438) et comparant par Me CHOLAY Martine Avocat (B242).

APRES EN AVOIR DELIBERE

Les faits – Objet du litige

Z est la société mère du premier groupe français de réassurance (5°"* dans le monde) avec un chiffre d’affaire de près de 15 Milliards € en 2017 ; elle est cotée sur les marchés de Paris et de Zurich avec un actionnariat très dispersé de sorte qu’elle n’est pas contrôlée par un actionnaire dominant et estime que son succès résulte de cette indépendance.

J est un groupe de mutuelle d’assurance ; elle a acquis, en 2003, 2,3% du capital de Z et depuis cette date son président est administrateur, à titre personnel, de cette dernière ;en janvier 2013, M. B Y, ancien avocat, lorsqu’il a succédé à M. X comme président directeur général de J K et J M ci-après J, a donc été nommé ,en remplacement de ce dernier, administrateur à titre personnel de Z ; il a alors été nommé membre de 6 comites, dont les plus importants sont le comité stratégique (qui s’est réuni les 26 avril et 25 juillet 2018), le comité des risques ( réuni les 25 avril et 24 juillet 2018) et le comité des rémunérations et des nominations ( réuni le 24

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juillet 2018), le 7 avril 2016 J a racheté, avec l’accord du président et du conseil d’administration de Z, les actions que détenait un groupe japonais dans cette dernière ce qui a porté sa participation à près de 8% ( près de 9% des droits de vote) ; elle est ainsi devenue le premier actionnaire de Z ; à la suite de cette opération , d’une part J, dans le cadre d’un accord dit de « standstil/ », s’est engagée à ne pas dépasser le seuil de 10%, accord expirant le 7 avril 2019, « sauf évolution de la stratégie ou de la structure actionnariale de Z susceptible de porter préjudice à ses intérêts » , et d’autre part Z a notifié à M. Y qu’il n’était plus considéré comme un administrateur indépendant puisque la société dont il était le mandataire social avait dépassé le seuil de 5% ( il est devenu au sens du règlement intérieur de Z « administrateur privé d’indépendance »} ; le 27 avril 2017, l’assemblée générale de Z, conformément à la proposition de son conseil et de son président, a renouvelé le mandat de M. Y.

Le 17 avril 2018, J a mandaté le Crédit Suisse pour l’assister dans l’analyse relative à un rapprochement possible avec un grand réassureur ( 3 partenaires potentiels, dont Z, étaient envisagés) ; le 6 juin 2018, la banque d’affaires CITI a publié une note d’analyse présentant 3 scénarios possibles de fusions-acquisition dans le domaine de l’assurance et de la réassurance dont un rapprochement entre Z et le réassureur PARTNER RE ; le 18 juin 2018 le président de Z a fait savoir par mail à ses administrateurs d’une part que la banque CITI ne l’avait pas consulté avant de réaliser cette étude et d’autre part que le contenu de ladite note serait analysé lors du prochain comité stratégique prévu le 25 juillet 2018.

Le 19 juillet 2008, le Crédit Suisse a présenté à M. Y et à ses équipes une étude intitulée « projet Abbaye » relative pour l’essentiel à un rapprochement entre J et Z. Le 25 juillet 2018, le comité stratégique de Z s’est réuni, a examiné une présentation détaillée, établie pour l’essentiel par CITI avec la participation des équipes de Z, intitulé « project Parfum », de rapprochement de cette dernière avec un autre grand réassureur ( PARTNER RE) et a entendu la BNP s’exprimer sur la valeur intrinsèque de Z ; le document relatif cette étude de CITI, spécifiquement établi par cette dernière pour ladite réunion et non destiné à être diffusée à d’autres clients de la banque, a été remis en séance, il portait la mention « Strictly Private and Confidential » et il a été demandé aux membres du comité de le laisser sur la table en partant ; à la fin de la séance, le président de Z indiquait qu’aucune discussion n’était en cours ni avec « Parfum » , ni avec son actionnaire principal ( Exor) , soulignait le caractère strictement confidentiel du projet Parfum et précisait que cette question serait à nouveau évoquée à un séminaire du comité stratégique prévu le 30 août 2018.

Les 2 , 3 et 6 aout 2018, J a mandaté les banques D et Barclays pour mener avec CREDIT SUISSE, dont le mandat a été formalisé le 3 août mais qui de fait depuis 17 avril travaillait pour le compte de J, l’étude d’une proposition de prise de contrôle de Z, analysé le prix qui devrait être proposé et le financement d’une éventuelle offre afin d’être en mesure de faire une offre d’achat fin aout dans l’hypothèse ou une opération avec PARTNER RE se confirmerait ; les 15 et 17 aout, J a été informée par ses banques conseils de rumeurs médiatiques d’un rapprochement entre elle-même et Z et de mouvements d’achats du titre de cette dernière ayant entrainé une hausse du cours de cette dernière; par ailleurs le 21 aout 2018 , le président de Z a appelé M. Y pour lui indiquer que la présentation du « projet Parfum » au comité stratégique n’était qu’une étude mais qu’aucune rencontre n’avait eu lieu entre lui-même et les actionnaires de PARTNER RE ; Le 23 août 2018, les conseils d’administration de J K et J M ont approuvé les termes d’une proposition d’OPA sur Z et le 24 aout le président de COVA a transmis au président de Z une lettre d’Offre, portant la

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mention « strictement confidentielle », au prix de 43€ par action soit une valorisation de 8 Milliards en indiquant avoir obtenu des engagements fermes de financement de deux de leurs 3 banques conseils ( Barclays et Crédit Suisse) ; le 28 aout, Z faisait savoir à M. Y qu’elle lui interdisalt de participer au conseil d’administration et aux divers comités techniques devant examiner l’offre de J ; par ailleurs au même moment elle lui transmettait un projet de compte-rendu du comité stratégique du 25 juillet sur le projet Parfum, comprenant une valorisation par la BNP de Z de 49€, compte-rendu que M. Y transmettait immédiatement à ses banques et avocats conseils pour recueillir leur avis. Le 30 aout le conseil d’administration de Z a constaté que l’offre était contraire au standstill , incompatible avec sa politique d’indépendance, soulevait l’opposition unanime du comité exécutif, ne reflétait ni la valeur intrinsèque ni la valeur stratégique de la société « et a décidé à l’unanimité de refuser d’engager des discussions avec J » ; le président de Z a transmis cette réponse à M. Y le même jour dans une lettre, portant également la mention « strictement confidentielle » en précisant que « toute offre publique serait considérée comme hostile ».

Le 4 septembre 2018, J publiait un communiqué de presse indiquant que « elle prenait acte du refus d’entrer en discussion du conseil de Z ce qui conduisait au retrait de son projet d’offre. Elle réaffirmait néanmoins son intérêt pour une opération amicale avec Z. » ; Z a alors publié un communiqué indiquant que son conseil avait refusé à l’unanimité l’offre de J et que tout projet d’offre publique serait considéré comme hostile.

Z a considéré que la lettre d’Offre de J du 24 aout était une opération non sollicitée, préparée de longue date en utilisant les informations que M. Y recueillait comme administrateur dans les divers comités de Z, dont il était membre, et ce en dissimulant le fait qu’il était en situation de confiit d’intérêt dès lors qu’il n’avait pas révélé aux organes sociaux de Z que la société, qu’il présidait, préparait une prise de contrôle ; en conséquence elle a demandé le 6 septembre à M. Y de démissionner de son mandat d’administrateur, puis le 14 septembre le président de Z a indiqué à M. Y que

« seule une confirmation claire que J a renoncé à tout projet de prise de contrôle majoritaire serait de nature à mettre fin à la situation de conflit d’intérêt général avéré l’affactant » ; M. Y a répondu le 17 septembre que « la proposition de rapprochement de J était strictement amicale …. Et que l’intérêt réaffirmé par cette dernière pour une opération amicale présuppose le soutien du Z et est par conséquent exclusif de tout conflit d’intérêt… » ; de nombreux échanges de mails s’en sont suivis et Z a consulté plusieurs juristes sur cette question ; cette dernière ayant alors réitéré à plusieurs reprises sa demande de démission de M. Y, ce dernier s’est exécuté le 13 novembre 2018,

Par ailleurs, Z a été amené à penser que M. Y avait utilisé voire transmis à ses banques conseils les informations, qu’il avait recueillies par sa participation à divers comités, à son Conseil et surtout au comité stratégique; en effet la lettre d’offre de J indiquait qu’elle n’avait besoin que de 5 jours d’audit sur des points non essentiels et de quelque entretiens avec divers responsable ; or vu la taille et la complexité d’un groupe de réassurance un audit avant acquisition aussi limité n’est concevable que si l’acquéreur potentiel dispose déjà d’un volume important d’informations confidentielles.

Z a alors écrit le 24 septembre à Barclays et à Crédit Suisse pour leur demander si elles avaient reçu des documents ou informations confidentielles la concernant de la part de M. Y ; le 14 novembre , Crédit Suisse a indiqué qu’il ne pouvait, en raison d’obligations de confidentialité, répondre à la question mais que, après enquête interne, elle avait décidé

d- (ZF)

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de se retirer des projets de J relatifs à Z ; cette réponse a renforcé les suspicions de cette dernière sur la fait que M. Y aurait enfreint les règles de confidentialité auxquelles sont astreints les membres d’un conseil d’administration.

Z a alors initié le 10 décembre 2018 une procédure dite de « pre-action disclosure » , procédure, s’apparentant à celle de l’article 145 du CPC, devant la High Court of Justice de Londres afin d’obtenir communication par le Crédit Suisse des documents et informations qui lui auraient été communiqués concernant son projet de rapprochement « Parfum » et sa valorisation intrinsèque discutés lors de son comité stratégique du 25 juillet ; le 20 décembre 2018, le juge londonien a rendu une ordonnance enjoignant au Crédit Suisse de procéder à la recherche demandée par Z, de lui communiquer les documents mis à jour et autorisant Z a utilisé les informations ainsi recueillies dans toute procédure judiciaire ;

Z a alors constaté que des informations confidentielles, sur la présentation du projet dit Parfum (rapprochement avec Partner Ré) discuté au comité stratégique du 25 juillet, avaient été communiquées le 27 juillet au Crédit Suisse et que le PV de cette réunion avait également été transmis le 28 aout par M. Y à ses banquiers conseils.

Le 29 janvier 2019, Z a engagé devant la Haute Cour de Londres une action contre Barclays pour se voir remettre tous les documents contenant des informations confidentielles reçu par cette demière directement ou indirectement de M. Y ou de J ou de leurs conseils en relation avec Z et qui ont été obtenus par M. Y en sa qualité d’administrateur de cette dernière ( traduction du tribunal); l’ordonnance, rendue à la suite de cette « pre-action disclosure pour breach of confidence », est aujourd’hui pendante devant la cour d’appel de Londres .

Z a alors fait délivrer le 29 janvier 2019 une citation directe devant le tribunal correctionnel de Paris à M. Y, pour le délit d’abus de confiance commis en transmettant entre le 25 et le 27 juillet à J et Crédit Suisse des informations confidentielles sur le projet Parfum puis le 28 aout à Barclays le PV du comité stratégique, et à J pour s’être rendu coupable du délit de recel d’abus de confiance entre le 25 juillet 2018 et le 22 janvier 2019 en bénéficiant sciemment d’informations et de documents confidentiels détournés par M. Y et ce afin d’améliorer les chances de succès de sa tentative de prise de contrôle de Z.

Puis Z a assigné devant ce tribunal M. Y pour être indemnisée des préjudices subis du fait des fautes qu’il a commises en ne signalant pas son confit d’intérêt sur le projet Parfum, en violant ses obligations de garder confidentiel les documents reçus en qualité d’administrateur, en n’agissant pas dans l’intérêt de Z et en violant le secret des affaires ; elle a également mis en cause la responsabilité de J sur le fondement de l’article 1200 du code civil pour avoir prêté son concours et tiré profit des violations par M. DEÈREZ de ses obligations contractuelles à l’égard de Z et sur le fondement de l’article L.152-1 du code commerce relatif au secret des affaires.

C’est ainsi que le tribunal de céans est saisi. Procédure

Par acte en date du 06/02/2019, la société SE Z assigne M. B Y et les sociétés J et J COPERTAÏONS ;

Par cet acte, SE Z demande de :

L be-

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1 ERE CHAMBRE

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Avant dire droit,

Ordonner le sursis à statuer de la présente instance jusqu’à la décision définitive à intervenir dans le cadre de l’instance pénale en cours,

Réserver les dépens à ce stade de la procédure ;

Sur le fond,

Dire et juger que Monsieur B Y a manqué à ses devoirs et obligations d’administrateur de Z ;

Dire et juger que J K et J M ont prêté leurs concours et tiré profit en toute connaissance des fautes commises par Monsieur B Y ;

Dire et juger que Monsieur L Y, J K et J M ont violé le secret des affaires de Z ;

Condamner Monsieur B Y, au titre des préjudices économiques exclusivement imputables à ses fautes, à payer à Z la somme à parfaire de 810.000 euros, avec intérêts calculés sur la base des taux de l’intérêt légal, avec anatocisme, depuis le Jour de chacun des préjudices subis par Z ;

Condamner in solidum Monsieur B Y, J K et J M, à raison des préjudices économiques que leurs fautes ont causés à Z, à payer à Z la somme de 17.200.000 euros à parfaire notamment au regard de l’analyse de l’expert financier mandaté par Z, avec intérêts calculés sur la base des taux de l’intérêt légal, avec anatocisme, depuis le jour de chacun des préjudices subis par Z

En tout état de cause

Condamner Monsieur B Y, J K et J M à payer chacun à Z la somme de 100.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux audiences en date des 30 septembre et 21 octobre 2019, M. B Y, SC J et SA J M demandent au tribunal d’enjoindre à SE Z de leur communiquer les 4 pièces suivantes :

Les notes d’honoraires des conseils juridiques, financiers et de communication,

Les PV des réunions des organes sociaux dédiées à l’examen des perturbations du fonctionnement des organes de gouvernance causées par les fautes de M. Y et J,

L’intégralité des documents communiqués par Crédit Suisse à Z suite à l’ordonnance du 20 décembre 2018,

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Les PV des réunions des organes de gouvernance de Z suivants : – comité stratégique du 26 avril 2018, – comité responsabilité sociale des 26 avril et 25 juillet 2018, – comité des rémunérations et nominations du 24 juillet 2018, – session des administrateurs non-exécutif du 25 juillet 2018, – comité d’audit des 25 avril et 24 juillet 2018.

A l’audience en date du 4 novembre 2019, Z demande au tribunal de :

Vu l’article 10 du code civil et les articles 11 et 142 du code de procédure civil et les articles L.151-1 et suivants du code de commerce,

Sur le sursis à statuer

e – Statuer sur ce que de droit sur le sursis à statuer, Sur les demandes d’injonction de communiquer des pièces

Sur la demande N°1 :

+ – Donner acte à Z de ce qu’elle produira sous dix jours aux débats un état récapitulatif établi par huissier des honoraires de conseil supportés en lien avec sa défense suite aux fautes commises à son encontre par les défendeurs et de ce qu’elle tiendra à la disposition du seul juge rapporteur pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet les pièces sur la base desquelles a été établi le constat,

Sur la demande N°2 :

e – Donner acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours de débat un état synthétique établi par huissier des PV des réunions des organes sociaux dédiées à l’examen des fautes commises par les défendeurs et des réponses à y apporter et de ce qu’elle tiendra à la disposition du seul juge rapporteur pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet les PV sur la base desquels a été établi le constat,

Sur la demande N°3 :

» – Rejeter la demande de production de l’intégralité des documents communiqués par le Crédit Suisse évoqués en page 20 de l’assignation de Z,

Sur la demande N°4 :

« - Donner acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours de débat les extraits des PV des réunions du comité responsabilité sociale des 26 avril et 25 juillet 2018 ainsi que celui du comité des rémunération et des nominations du 24 juillet 2018 laissant apparaître ma liste des participants à ces réunions, dont M. Y,

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« - Donner acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours de débat la preuve que M. Y a eu accès aux PV des comités d’audit via « Diligent » comme tous les administrateurs et de ce qu’elle tiendra à la disposition du seul juge rapporteur pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet les PV dans leur intégralité,

Sur les documents évoqués par les défendeurs dans leurs conclusions :

1) Sur le coût du temps passé

© – Dire et juger que le tribunal n’est saisi d’aucune demande de production sur les coûts du temps passé par le management et les collaborateurs de Z

Subsidiairement,

© – Donner acte néanmoins à ce que Z de ce qu’elle tiendra à la disposition du juge rapporteur pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet les informations nominatives ayant permis d’établir ce tableau,

2) Sur les rapports, compte-rendu de l’enquête interne du Crédit Suisse

« - Dire et juger que le tribunal n’est saisi d’aucune demande de production des compte-rendu de l’enquête interne du Crédit Suisse,

Subsidiairement,

« - Donner acte à Z de ce qu’elle ne détient pas ses documents » – Rejeter par conséquent une demande de communication d’une telle pièce,

Pour le reste

+ – Rejeter toutes les demandes plus amples ou contraires des défendeurs, + – Réserver les dépens.

Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal a :

» – Déboute Z de sa demande de sursis à statuer,

« - Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours un état récapitulatif établi par huissier des honoraires de conseil supportés en lien avec sa défense et tiendra à la disposition du seul juge rapporteur, pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet, les documents sur la base desquels l’huissier aura établi son constat,

« - Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours un état synthétique établi par huissier des PV des réunions de ses organes sociaux dédiés à l’examen des fautes des fautes commises par les défenderesses et tiendra à la disposition du seul juge rapporteur, pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet, les PV sur la base desquels l’huissier aura établi son constat,

» – Déboute les défenderesses de leur demande de production dans leur intégralité des pièces communiquées par le Crédit Suisse à Z, suite à l’ordonnance du juge anglais, mais ordonne à cette dernière de produire

J- e

So

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2019036759 JUGEMENT DU MARDI 10/11/2020

1 ERE CHAMBRE

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l’intégralité des mails dont elle a tiré une phrase ou un paragraphe dans ses écritures ainsi que les mails précédents ou suivants sur le même sujet et donne acte à cette dernière de ce que certaines phrases en ont été occultées par le Crédit Suisse avant qu’elle ne communique ces documents à Z afin de protéger le secret bancaire,

» – Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours la feuille d’émargement (sur laquelle figure M. Y) au comité stratégique du 26 avril 2018 qui n’a pas donné lieu à procès-verbal,

» – Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours les extraits des PV des réunions du comité responsabilité sociale des 26 avril et 25 juillet 2018 ainsi que de celui du comité des rémunération et des nominations du 24 juillet 2018 laissant apparaître la liste des participants à ces réunions, dont M. Y,

s – Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours la preuve que M. Y a eu accès aux PV des comités d’audit via « Diligent » comme tous les administrateurs et de ce qu’elle tiendra à la disposition du seul juge rapporteur, pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet, les PV dans leur intégralité,

» – Donner acte à Z de ce qu’elle produira un tableau non nominatif montrant le coût du temps passé par son management et qu’elle tiendra à la disposition du juge rapporteur, pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet, les informations nominatives ayant permis d’établir ce tableau,

» – Dit sans objet la demande des défenderesses de disposer du rapport d’enquête interne du Crédit Suisse,

» – Déboute les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,

Aux audiences en date des 22 juin et 21 septembre 2020 la société SE Z demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions, de :

Dire et juger que Monsieur B Y a manqué à ses devoirs et obligations d’administrateur de Z,

Dire et juger que J K et J M ont prêté leurs concours et tiré profit en toute connaissance des fautes commises par Monsieur B Y,

Dire et juger que J K et J M ont commis une faute en publiant leur communiqué de presse du 4 septembre 2018,

Dire et juger que Monsieur B Y, J K et J M ont violé le secret des affaires de Z,

Condamner Monsieur B Y au titre des préjudices économiques exclusivement imputables à ses fautes, à payer à Z la somme de 857.407 euros, avec intérêts calculés sur la base des taux de l’intérêt légal, avec anatocisme, depuis le jour de chacun des préjudices subis par Z,

Condamner in solidum Monsieur B Y, J K et J M, à raison des préjudices économiques que leurs fautes ont causés à Z, à payer à Z la somme de 46.701.375,50 euros, avec intérêts calculés sur la base des taux de l’intérêt légal, avec anatocisme, depuis le jour de chacun des préjudices subis par Z,

En tout état de cause

A je

S

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1 ERE CHAMBRE

PAGE 9

» – Condamner Monsieur B Y, J K et J M à payer chacun à Z la somme de 150.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

® – Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

A l’audience 21 septembre 2020, M. B Y demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions, de :

Dire et juger irrecevables les demandes de Z, le cumul de la mise en œuvre d’une responsabilité contractuelle et extracontractuelle pour les mêmes faits étant impossibles,

A titre subsidiaire, dire et juger non fondées ses demandes et l’en débouter, Débouter Z de toutes ses demandes,

Condamner Z à lui payer la somme de 120.000€ sur le fondement du CPC et aux dépens.

A l’audience du 21 septembre 2020, J et J M demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs prétentions, de :

Ordonner à Z de communiquer de façon contradictoire l’intégralité des pièces qu’elle a produites entre les mains du tribunal, et subsidiairement déterminer les modalités de nature à permettre aux défendeurs d’accéder aux pièces produites par Z entre les mains du seul tribunal de céans et ordonner un renvoi de telles sortes que les défendeurs puissent examiner les pièces produites par Z entre les mains du seul! tribunal et régulariser des conclusions au sujet de ces pièces

Dire et juger irrecevables et dénuées de fondement les demandes présentées par Z à l’encontre des Défendeurs,

Débouter Z de toutes ses demandes,

Dire et juger que Z n’administre la preuve d’aucune des trois fautes délictuelles qu’elle invoque au soutien de l’action en responsabilité civile qu’elle exerce à l’encontre des Défendeurs,

Dire et juger que les deux préjudices que Z allègue avoir subis ne sont pas démontrés, qu’en toute hypothèse ils ne constituent pas des préjudices indemnisables au sens du droit positif et qu’ils procèdent tous deux de décisions volontairement mises en œuvre par Z, de sorte qu’ils ne sont en aucun cas la conséquence directe des fautes que Z impute aux Défendeurs,

Débouter Z de toutes demandes, fins ou conclusions contraires,

Condamner Z à s’acquitter d’une somme de 300.000 euros entre les mains de chacun des Défendeurs, en application de l’article 700 du CPC,

Condamner Z aux entiers dépens.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions. Celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui les a visées

A l’audience en date du 21/09/2020 après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le tribunal clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera

A pe

Se

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prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10/ 11/2020. Les parties en ont été avisées en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

|- Sur l’incident de communication de pièces :

Attendu que, si figure encore dans le dispositif de J, sa demande initiale de renvoi pour communication des factures des diverses frais dont Z demande le remboursement, par contre dans la motivation de ses dernières écritures, cette demande antérieure n’y figure plus et que cet incident n’a pas été évoqué lors des débats le 21 septembre ; qu’en outre, entre les premières conclusions d’incident de communication des 30 septembre et 21 octobre 2019, et les dernières conclusions de J régularisées à l’audience du 21 septembre 2020, le tribunal, après débat et en accord avec les parties lors de l’audience du 4 novembre 2011, avait arrêté la procédure suivante, figurant dans son jugement du 19 novembre 2019, : « Donne acte à Z de ce qu’elle produira sous 10 jours un état récapitulatif établi par huissier des honoraires de conseil supportés en lien avec sa défense et tiendra à la disposition du seul juge rapporteur, pour en prendre connaissance dans le secret de son cabinet, les documents sur la base desquels l’huissier aura établi son constat » ;

Attendu que cette procédure a été strictement respectée puisque l’état récapitulatif établi par huissier des honoraires de conseil a bien été produit dans la pièce 102 de de Z et que le tribunal, après s’être fait produire et avoir examiné les originaux des factures figurant sur cet état certifié par un huissier le 28 novembre 2019, en a écarté une partie comme sans objet pour le présent litige ; que cet incident de production de pièces n’a donc plus d’objet.

Le tribunal déboutera J de sa demande de production de pièces.

Il- Sur les fautes qu’aurait commises M. Y

Attendu que Z soutient que M. Y aurait commis des fautes contractuelles en ne respectant pas les obligations qu’il avait contractées en adhérant au règlement intérieur de son Conseil d’Administration, ci-après le Règlement, et en souscrivant à un questionnaire que les candidats à son Conseil et ses administrateurs remplissent et signent ; qu’il aurait également commis une faute en violant les règles relatives au secret des affaires ;

Attendu que, avant d’examiner chacune des violations aux obligations souscrites par M. Y par son adhésion au Règlement et au Questionnaire, il convient liminairement d’examiner les moyens de droit que ce dernier fait valoir sur l’existence même des dites obligations ; que ce dernier soutient en effet qu’un administrateur n’aurait pas d’autres obligations que de respecter les statuts de la société et de ne pas commettre des actes contraires à l’intérêt social de cette dernière ; qu’il sera répondu plus loin, dans la partie sur J qui a développé longuement ce moyen, sur les places respectives des statuts et des engagements contractuels souscrits par un administrateur dans la partie sur J ; qu’il suffit de rappeler ici que le critère de l’existence d’obligations juridiques à la charge de l’Administrateur réside dans l’échange des consentements et que dès lors, si ledit Règlement fait l’objet de la part de ce dernier d’une acceptation, l’échange des dits consentements, réalisé en l’espèce par l’adhésion expresse de M. Y au Règlement et par la souscription des engagements du Questionnaire , font du Règlement et du Questionnaire l’instrumentum du contrat ; qu’en effet ce n’est pas en lui-même le Règlement qui créé des obligations à la charge de l’administrateur mais son acceptation, concrétisée par l’adhésion de M Y, qui le rend contractuel et ce d’autant plus que le Questionnaire, qui reprend sous forme d’engagements express à l’égard de Z d’une grande partie des obligations

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des administrateurs édictés par le Règlement , stipule que l’administrateur a pris connaissance de celui-ci, qu’il y adhère et qu’il s’engage à le respecter ; qu’il en résulte que tout manquement à une des dispositions du Règlement et à un des engagements contenus dans le Questionnaire, ainsi érigés en obligations contractuelles, est susceptible d’engager la responsabilité contractuelle de l’administrateur et ouvre la voie à une action de Z à son encontre sur ce fondement .

Attendu que M. Y concentre sa défense sur le fait qu’il ne saurait avoir commis la moindre faute en transmettant à J et à ses banques conseils des informations pour préparer une OPA amicale sur Z afin de permettre au Conseil de cette dernière d’avoir une solution alternative à un éventuel projet de rapprochement avec Partner Ré et qu’il ne pouvait se trouver en conflit d’intérêt du seul fait de ne pas informer le dit Conseil de ce qu’il préparait ladite offre ; qu’en effet la seule obligation d’un administrateur est de respecter l’intérêt social de la société, qui ne se confond pas avec les choix stratégiques des dirigeants même s’ils sont approuvés à l’unanimité par les membres du Conseil, et qu’une offre amicale présentée par un administrateur, même si elle était rejetée par le dit Conseil, ne saurait être réputé contraire audit intérêt social ;

Attendu cependant que M. Y, qui dénie au tribunal et au Conseil d’administration qualité pour définir l’intérêt social de Z et apprécier si ses actes sont conformes audit intérêt social, n’a pas été en mesure lors des débats de répondre à la question de savoir qui dans ce cas qui aurait qualité pour l’apprécier mais qu’il ne va pas jusqu’à soutenir qu’il aurait seul qualité pour le définir; que surtout tel n’est pas la question posée au tribunal qui n’est saisi que de la violation du Règlement et du Questionnaire, engagement contractuel de M. Y à l’égard de Z et que ni M. Y, ni J n’ont allégué que le Règlement et le Questionnaire seraient en eux-mêmes contraire à l’intérêt social de Z et n’ont pas demandé au tribunal d’en prononcer la nullité ; que le tribunal n’est pas non plus saisi de la question de la conformité de la proposition d’OPA de J audit intérêt social et que la question de savoir si cette dernière était amicale ou non est sans incidence sur l’appréciation des fautes alléguées à l’encontre de M. Y ; que le tribunal relèvera seulement que la qualification d’une OPA, amicale ou hostile, dès lors qu’elle n’a pas été sollicitée, ne se fait pas ex. ante au moment où elle est émise par celui qui la propose mais ex. post par le Conseil d’Administration de la société, en charge de veiller au respect de son intérêt social, objet de cette offre ; que d’ailleurs au conseil d’administration de J, l’un des collaborateurs directs de M. Y, ancien secrétaire général de l’AMF, a déclaré en répondant à une question sur ce qui se passerait si le Conseil de Z rejetait l’offre :

« alors l’OPA deviendra hostile » (cf. p 12 pièce 14 de M. Y) ; qu’il sera en outre rappelé que l’un des buts poursuivis par les engagements souscrits par un administrateur est notamment de s’assurer que celui-ci ne commet pas une telle violation de l’intérêt social de l’entreprise et que surtout l’objet principal du Règlement et du Questionnaire est de permettre au Conseil de pouvoir fonctionner normalement et collégialement et d’être en mesure d’assumer les missions qui lui sont imparties par la loi et les statuts afin notamment de préserver l’intérêt social de la société ;

Attendu que le moyen reposant sur le fait que M. Y n’aurait pas agi à l’encontre de l’objet social de Z n’est donc pas pertinent en l’espèce ; que M. Y allègue ensuite que ce n’est pas parce que la personne physique, administrateur à titre personnel, est en même temps mandataire social d’une autre société, en l’occurrence une des personnes morales actionnaires de Z, qu’il serait privé de ses droits et obligations d’exercer pleinement sa mission d’administrateur ; que cependant nul n’a allégué que M. Y aurait été privé de de ses droits et moyens mais qu’à l’inverse, ses responsabilités par ailleurs, comme dirigeant de J, ne sont en rien susceptibles de réduire les obligations

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qu’il a contractées comme administrateur de Z à l’égard de cette dernière ; que ce moyen n’est donc pas plus pertinent ;

Attendu que M. Y soutient que pour qu’il y ait eu faute, il faudrait qu’il y ait eu un préjudice né et certain ; que cependant un administrateur peut commettre une faute sans que pour autant il en résulte un préjudice direct pour la société ; que la question du préjudice éventuel, ayant résulté directement des fautes alléguées à l’encontre de M. Y par | Z, et du lien de causalité entre le dit préjudice et les fautes, sera examinée dans la 3°"° partie du présent jugement ; que les autres moyens de droit que fait valoir M. DÉEREZ, concernant telle ou telle de ses obligations seront examinés ci-dessous en analysant les trois violations des engagements contractuels souscrits par ce dernier, alléguées par Z, consistant en une non déclaration d’un conflit d’intérêt, en un non-respect de la confidentialités des débats et informations données aux administrateurs et en un non-respect de l’obligation de loyauté.

A- Sur le conflit d’intérêt Moyens des parties

En demande, Z rappelle que le règlement intérieur de son conseil, auquel M. Y a adhéré, prévoit expressément qu’un administrateur doit signaler, dès son apparition, tout conflit d’intérêt lequel est défini comme la situation où l’administrateur a un intérêt personnel susceptible d’influer sur son objectivité et de nature à compromettre son indépendance d’analyse ; elle fait valoir que M. Y, au moment où elle a présenté le projet Parfum à son comité stratégique le 25 juillet 2018, se trouvait bien en conflit d’intérêt puisque, en tant que président de J, il avait mandaté le Crédit Suisse depuis le 27 avril 2018 pour la conseiller afin de prendre son contrôle ; En effet, son indépendance de jugement, à l’égard de Z, ne pouvait qu’être affectée par sa qualité de dirigeant de J puisqu’il se devait en tant que mandataire social prendre en compte l’intérêt de la société qu’il dirigeait ; l’intérêt personnel de M. Y dans la réussite de l’éventuelle offre de J interférait directement avec l’appréciation objective qu’il se devait de porter en tant qu’administrateur de Z lors de l’examen du projet Parfum ; elle ajoute que la preuve de ce conflit d’intérêt est rapportée par le mail de Crédit Suisse rapportant le fait qu’il avait demandé à ses conseils de lui préparer un argumentaire « pour tuer le projet » ; En conséquence elle soutient que M. Y a commis une faute contractuelle en n’informant pas le conseil d’administration de l’existence d’un conflit d’intérêt avéré et en obtenant ainsi des informations confidentielles pour faire prévaloir son offre d’achat au détriment de tout projet de rapprochement entre Z et Partner Ré ; elle ajoute que M. Y, des qu’il a été informé le 18 juin de la présentation du projet Parfum au comité stratégique, a demandé à sa banque conseil d’accélérer la préparation de son offre d’achat pour être en mesure de la contrecarrer.

En défense M. Y rappelle que depuis qu’en 2016 J était devenue l’actionnaire principal de Z avec plus de 8% des droits de vote, cette dernière lui avait signifié qu’il n’avait plus la qualité d’administrateur indépendant et qu’en conséquence les membres du Conseil ne pouvait ignorer son rôle comme mandataire social de J, il indique également que l’accord de Standstill conclu à cette époque stipulait que J ne pouvait augmenter sa participation « sauf évolution de la structure actionnariale de Z » ; que dès lors cette dernière ne pouvait ignorer que un projet comme Parfum entrainerait la disparition de la contrainte du standstill et pouvait donc conduire J à envisager de s’opposer à ce type d’évolution actionnariale en proposant une alternative sous forme d’un rapprochement avec elle-même ;

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Il ajoute qu’il n’y avait pas conflit d’intérêt dès lors que l’offre d’achat de J était nécessairement amicale puisqu’elle devait recueillir l’accord du conseil d’administration et qu’un tel rapprochement était selon lui le mieux à même de satisfaire les intérêts des deux groupes et de leurs actionnaires respectif ; que le seul fait pour un administrateur d’envisager et de préparer une proposition amicale d’OPA afin de la soumettre à la délibération du Conseil ne caractériserait pas en soi un conflit d’intérêt ;

Enfin, il souligne que le conflit d’intérêt ne pouvait naître qu’au moment ou le comité puis le Conseil d’Administration aurait eu à prendre une décision sur un projet de rapprochement avec un groupe d’assurance autre que J, en l’occurrence Partner Ré, mais pas antérieurement lors de la présentation d'« une simple étude non sollicitée » de la banque Citi, selon les dires mêmes du Président de Z, les débats sur la question étant renvoyés à une réunion ultérieure de fin aout.

Sur ce, le tribunal

Attendu que Z soutient que M. Y a commis des faute contractuelles, engageant sa responsabilité civile, en ne respectant pas les obligations relatives au conflit d’intérêt auxquelles il s’était astreint en adhérant au règlement intérieur de son conseil d’administration, adhésion résultant de son acceptation du mandat d’administrateur ; qu’en effet le point 10 (1) dudit règlement édicte que « avant d’accepter ses fonctions, l’Administrateur doit prendre connaissance de la législation et de la réglementation liée à sa fonction et que lui sont notamment remis les statuts de la Société et le règlement intérieur de son Conseil » ; que Z produit les « Questionnaire à destination des administrateurs ( /et des candidats à la fonction d’administrateur de Z » ( ci-après le Questionnaire), signés les 8 décembre 2016 et le 12 décembre 2017, par M. Y, le premier en tant que candidat lors du renouvellement de son mandat, et le deuxième en tant qu’administrateur { ef. pièce 114-1 et 114-2 de Z) ; que les dits questionnaires comportent un point 9

« engagements » avec 9 paragraphes commençant tous par la phrase « je m’engage à … » ; que le 9°"* paragraphe est un engagement de « respecter les dispositions du réglement intérieur » ;

Attendu que ledit règlement se réfère et intègre les recommandations de place relative au Gouvernement d’entreprise et en particulier au code AFEP-MEDEF, auquel ont adhéré la quasi-totalité des sociétés cotées en France, qui comme tous les codes professionnels a une valeur normative complétant ainsi les statuts des sociétés qui y ont adhérées, ce qui est le cas de Z comme de J, qui s’y réfère expressément lors des délibérations de son Conseil sur le projet d’OPA ; qu’ il en résulte qu’une violation des obligations, résultantes de la combinaison du code AFEP, du règlement intérieur du Conseil et du Questionnaire que souscrivent les administrateurs de Z, dont M. Y, engagerait leur responsabilité civile sur le fondement des articles L.225-251 du code de commerce et 1231-1 du code civil ( « le débiteur d’une obligation est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts en raison de l’inexécution d’une obligation ») ;

Attendu que le point 10.4 de ce Règlement, dont l’intitulé est « loyauté et confit d’intérêt » stipule « chaque administrateur s’assure que sa participation au Conseil n’est pas source pour lui de confit d’intérêt tant sur le plan sur le personnel qu’en raison des intérêts professionnels qu’il représente. En cas de doute sur l’existence d’un conflit d’intérêt il peut consulter l’Administrateur référent, le Président du comité des rémunérations …

En cas de conflit d’intérêt avéré ponctuel à l’occasion d’un dossier particulier soumis au Conseil, l’Administrateur doit en informer complétement le Conseil préalablement à sa réunion sur ce point et il est tenu de s’abstenir de participer au débat…

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En cas de conflit d’intérêt général avéré, chaque administrateur doit le notifier sans délai au président du comité des rémunérations et, à défaut d’y avoir mis fin dans le délai d'1 mois suivant sa notification, il doit démissionner sans délai de son mandat, » ; que l’article 19 du code AFEP stipule « l’administrateur a l’obligation de faire part au Conseil de toute situation de conflit d’intérêts même potentiel et s’abstient dans ce cas d’assister au débat

… correspondant (à la dite situation) » ; que cette rédaction résulte d’une recommandation de l’Autorité des Marché Financiers qui a « invité » l’AFEP à compléter le code de déontologie de l’administrateur afin de préciser que, « outre l’obligation de faire part au conseil de toute situation de conflit d’intérêt , ….l’administrateur ne doit pas participer aux discussions sur le sujet » ; que, vu les pouvoirs réglementaires de l’AMF, cette « recommandation » de cette dernière, en matière de conflit d’intérêt, lui donne une valeur normative ; que de plus le 6°"° paragraphe du point 9 du Questionnaire stipule « je m’engage à faire part spontanément au conseil d’administration de Z de toute situation ou de tout risque de conflits d’intérêts réel ou potentiel me concernant avec cette dernière et à m’abstenir de participer aux débats ….» ;

Attendu que M. Y soutient qu’un administrateur ne pourrait se trouver en situation de conflit d’intérêt qu’au moment ou il est demandé au Conseil de voter sur une résolution et non simplement au moment de la présentation d’un projet ; mais que, comme indiqué ci- dessus, c’est bien dès la présentation d’une étude ou d’un projet que l’administrateur doit s’abstenir de participer à la réunion en cas de conflit d’intérêt potentiel ponctuel et doit informer ls Conseil, ou son président ou l’Administrateur référent, de l’existence d’un confiit d’intérêt ;

Attendu que, dans une note de synthèse de la commission déontologie de l’Institut Français des Administrateurs, il est indiqué que la première obligation de l’administrateur, pour respecter son devoir de loyauté à l’égard de la société, est de déclarer les conflits d’intérêts qui pourraient l’affecter même si ceux-ci ne sont pas nécessairement préjudiciables à l’entreprise ;que le conflit d’intérêt résulte d’une situation dans laquelle un administrateur sert des intérêts qui pourraient avoir une influence sur son objectivité dans l’exercice de sa fonction ; ques la doctrine définit généralement la conflit d’intérêt comms la situation dans laquelle une personne, en charge à titre personnel d’un intérêt, n’agit pas ou peut-être soupçonnée de ne pas agir avec loyauté ou impartialité vis-à-vis de la société mais dans le but d’avantager son intérêt personnel ou professionnel ; qu’ainsi le conflit d’intérêt prend naissance lorsqu’une même personne poursuit deux intérêts et qu’existe en conséquence un risque qu’elle puisse prendre une position ,au titre de l’un des intérêts dont elle a la charge, en étant influencé consciemment ou inconsciemment, directement ou indirectement, par l’autre des Intérêts dont elle a la charge ; qu’un conflit d’intérêt nalt d’une situation dans laquelle un administrateur a un intérêt personnel de nature à influer ou à paraître influer sur l’exercice impartial et objectif de sa fonction au sein du conseil ; que le professeur Fages, en charge de l’actualisation du code AFEP-MDEÉEF, indique que « c’est notamment au sujet de la possible exploitation d’une information obtenue dans le cadre de sa mission que peut naître un conflit entre l’intérêt de l’administrateur et l’intérêt de la société » ;

Attendu de surcroit que Z ajoute que M. Y a dissimulé pendant de nombreux mois le fait qu’il était en conflit d’intérêt avec cette dernière ce qui lui a permis de participer à une réunion du conseil d’administration le 25 juillet 2018 , à celle du comité stratégique du même jour et à une dizaine de comités du Conseil pendant la période ou, en tant que président de J, il préparait une offre préliminaire à une OPA sur Z et ce alors même qu’il avait pris, au nom de J le 8 avril 2016, un engagement de Standstill, c’est-à-dire de ne pas augmenter sa participation dans cette dernière; que ce conflit d’intérêt résultait du fait même que J dans sa lettre ou alle prenait ledit engagement de Standstill reconnaissait « la

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nécessité pour Z de conserver une pleine indépendance et une tot\a/Ie autonomie opérationnelle » ; que M. Y, en tant que mandataire social de J, prenait ainsi acte de ce que le conseil d’administration de Z considérait donc que l’intérêt social de Z était rester indépendante ; que d’ailleurs, le conseil en rejetant, le 30 aout 2018, l’offre préliminaire au lancement de l’OPA de J, offre qui lui avait été notifiée le 24 aout, a constaté à l’unanimité qu’elle était « fondamentalement incompatible avec la politique d’indépendance de Z alors que l’indépendance de cette dernière est un fondement et un élément clé de son développement » ; que M. Y, en tant qu’administrateur, a ainsi obtenu des informations et documents hautement sensibles et confidentiels concernant Z qu’il a ensuite pu utiliser en tant que président de J pour préparer l’offre de cette dernière, offre que le conseil d’administration a considéré comme hostile et contraire à l’intérêt de la société ; qu’en particulier il a été informé, le 18 juin par une lettre du président de Z, qu’au comité stratégique du 25 juillet 2018 serait analysée une étude de la banque d’affaire Citi relative à 4 différents scénarios de consolidation du secteur des assurances dont un rapprochement entre Z et Partner Ré et que « les analystes de Citi pensaient qu’un tel rapprochement aurait un grand sens stratégique … et que la combinaison des deux Groupes les feraient bénéficier d’économies d’échelle et de synergies…. » ( traduction de l’anglais par le tribunal des pièces 6 de M. Y et 8 de J) ; que, dès lors que, au même moment, M. Y, en tant que président de J faisait étudier par sa banque conseil le Crédit Suisse une prise de contrôle de Z, opération qui aurait été rendue impossible si, avant son lancement, cette dernière avait fusionné avec Partner Ré, il ne pouvait donc pas examiner de manière objective dans le seul intérêt de Z l’étude de CITI alors qu’elle allait à l’encontre de l’étude qu’il faisait mener en tant que président de J de prise de contrôle de Z; qu’il aurait donc dû dès ce moment faire connaitre à l’Administrateur référent son conflit d’intérêt ponctuel potentiel et s’abstenir de participer à cette réunion du comité stratégique ;

Attendu que de plus à compter, du moment où J a pris la décision de se préparer à lancer une offre, M. Y était en conflit d’intérêt général et avéré qui aurait dû l’amener à en informer le conseil d’administration ;

1) Sur le conflit d’intérêt ponctuel potentiel lors du comité stratégique du 25 juillet 2018

Attendu qu’il résulte de l’examen des très nombreux documents, relatifs aux échanges entre J et le Crédit Suisse, que Z a obtenus dans le cadre de la procédure de « pre- action disclosure » devant la Haute Cour de Londres ( procédure anglaise équivalente à celle prévue en France par l’article 145 du CPC) , que le 17 avril 2018 J a fait signer une lettre de confidentialité par le Crédit Suisse, ci-après CS, qu'« elle se proposait d’engager comme conseil financier pour une possible acquisition d’une compagnie d’assurance dite « la cible » …. Que la dite cible serait identifiée après la signature de fadite lettre » (traduction par le tribunal d’un extrait de la pièce 4 de M. Y et 6 de J) ; que suite à cette lettre, J a demandé au CS d’étudier plusieurs cibles dont Z, Partner Ré et une compagnie dont le nom de code est Aqua; que le 19 juillet 2018, le Crédit Suisse a présenté aux dirigeants de J, dont M. Y, un document intitulé

« Abbaye » consistant en une analyse très approfondie des modalités d’ acquisition de 100% des actions de Z, dont le nom de code était Éole, dont la valorisation ressortait en première analyse à 8 Milliards et indiquant que 18 à 24 mois après cette acquisition le nouvel ensemble pourrait prendre le contrôle de Partner Ré ou d’une autre compagnie dénommée Aqua ; que cette étude examinait aussi la possibilité pour J d’acquérir conjointement avec Z le contrôle de Partner Ré ou d’Aqua ; que la présentation du CS se terminait en indiquant que seraient maintenant étudiés différents scénarios d’acquisition de 25% ou de

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50%, voire plus ,de Z et des alternatives à cette acquisition ; qu’il résulte de ce document qu’à la mi-juillet, avant la réunion du comité stratégique de Z le 25 juillet 2018, J avait fait étudier par sa banque conseil différents projets d’acquisition d’une compagnie d’assurances, que l’analyse principale et très détaillée était relative à une prise de contrôle de Z même si étaient également envisagées très brièvement des alternatives dont une acquisition de Partner Ré directement ou en association avec Z ; que dès lors M. Y va se trouver, en participant au comité stratégique du 25 juillet 2018, en situation de conflit d’intérêt potentiel ponctuel puisqu’il ne pourra examiner objectivement une acquisition-fusion de Partner Ré par Z car ce rapprochement rendrait pratiquement impossible, à court terme en tout cas, pour J de prendre le contrôle de cette dernière et de plus ferait disparaître l’une de ses deux altematives à cette opération consistant en !' acquisition de Partner Ré par elle-même ; que M. Y n’est donc pas, après sa réunion du 19 juillet avec le CS, en situation d’examiner avec impartialité l’étude de C!TI au comité stratégique du 25 juillet ;que certes à ce stade, J n’a encore pris aucune décision mais que M. Y ne peut ignorer que les études complémentaires, que va réaliser pour le compte de J, le CS, peuvent la conduire à s’engager dans une opération de prise de contrôle de Z ou de Partner Ré en contradiction complète avec une éventuelle acquisition de cette dernière par Z ; que M. Y est donc bien confronté à un conflit d’intérêt potentiel ponctuel puisque l’évolution de la situation peut mettre en contradiction son appréciation en tant qu’administrateur de Z, de l’intérêt éventuel de cette demière pour une acquisition de Partner Ré, et son intérêt personnel et professionnel en tant que président de J ;

Attendu que M. Y réplique que l’hypothèse d’un rapprochement entre Z et Partner Ré n’a jamais été sérieusement envisagée ; qu’en affet dans l’envoi de l’étude de Citi le 18 juin 2018 le président de Z écrivait : « Z n’a pas été consultée par Citi avant que cette dernière ne publie son étude » ( traduction du tribunal de la pièce 8 précitée) ; que de plus dans le PV du comité stratégique figure la phrase suivante « en fin de séance le président indique qu’aucune discussion n’était à ce stade en cours avec Parfum » ( nom de code de Partner Ré dans la 2°"* étude de Citi, dénommée en langage de banque d’affaires « un pitch », présentée au comité stratégique faite celle-là spécifiquement pour le compte de Z ) « tout en soulignant le caractère confidentiel du projet qui venait d’être évoqué » et que dans un mail adressé à M. Y le 21 aout 2018 il lui confirmait « aucune discussion, aucune rencontre n’a eu lieu avec les actionnaires de Partner Ré » ; que cependant, peu importe que, au moment où le comité stratégique a lieu, aucun contact n’ait encore été pris avec l’actionnaire de Partner Ré ; qu’en effet, si le président de Z éprouve le besoin de présenter à son comité une étude spécifique (dite un « pitch ») très détaillée de Citi, faite pour le compte exclusif de Z et réalisée en vue de la réunion 25 juillet, très différente de la note d’analyse de cette dernière le 18 juin à destination des marchés, sur un rapprochement entre cette demière et Partner Ré, c’est bien pour analyser l’intérêt que les administrateurs pourraient trouver dans un tel projet; que d’ailleurs, Z ne se contente pas de cette seule présentation puisque son président annonce aux membres du comité que la prochaine réunion dès le 30 aout (soit 1 mois après), sous forme de séminaire off site, débattra plus longuement du sujet ; qu’en outre, à l’issue de la réunion du 25 juillet, Z mandatera Citi pour la conseiller ; qu’il résulte de ces éléments que, à la mi-juillet 2018, Z n’avait certes pas encore pris des contacts pouvant l’amener à présenter à son conseil un projet formalisé afin de le consulter sur une fusion avec Partner Ré pas plus que J n’avait encore décidé de retenir un projet d’acquisition de Partner Ré ou de Z mais que les deux sociétés étaient bien en train d’examiner des projets de croissance externe pouvant se révéler concurrents ou contradictoires ; que dès lors l’évolution des réflexions, pouvant résulter de ces études en cours dans les deux sociétés, était bien susceptible de conduire M. Y à se trouver en confiit d’intérêt ponctuel dans

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l’expression de ses commentaires voire d’un avis sur la présentation, objet du comité stratégique du 25 juillet ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M. Y, en décidant d’assister au comité stratégique du 25 juillet, en continuant à participer à la même date au comité des risques, en conservant son accès, sur le système informatiques dénommé « diligent » de Z, aux PV antérieur de tous les comités dont il était membre, et en ne révélant pas Z qu’il risquait de se trouver en situation de conflit d’intérêt sur le projet de rapprochement avec Partner Ré, a commis une faute en violant les obligations, relative au conflit d’intérêt potentiel ponctuel, qu’il avait consenties en adhérant au règlement intérieur du Conseil et en souscrivant les engagements du Questionnaire.

2) Sur le conflit d’intérêt général avéré

Attendu que, si avant le 19 juillet 2018, date de la présentation du projet « Abbaye » par le CS à J, et surtout avant le comité stratégique de Z du 25 juillet 2018 les études que le CS réalise pour le compte de J portent encore sur plusieurs opérations potentielles de croissance externe, après cette date les mails du CS montrent que J va demander à sa banque conseil de concentrer ses travaux sur une prise de contrôle de Z et de lui préparer un véritable projet opérationnel devant conduire au lancement d’une offre préliminaire à une OPA à très brève échéance ; que l’engagement effectif de l’opération de prise de contrôle de Z va entrer en phase opérationnelle à partir du 27 juillet, date de la demande par M. Y à CS de lui préparer un argumentaire pour montrer les inconvénients du projet « Parfum » (nom de code du projet de fusion Z/Partner Ré) et les avantages du projet dit « Abbaye » de J, nom de code du projet de cette dernière de prise de contrôle de Z, et au plus tard à compter du 3 aout date de la lettre de mission par laquelle le directeur général de cette dernière confie au CS « la mission de conseil financier dans le cadre de l’offre potentielle ou effective d’acquérir la totalité du capital social d’une société dans le secteur de l’assurance… » ; que simultanément le même mandat sera également confié à Barclays, D et 2 cabinets d’avocats pour les aspects juridiques ; que, certes apparait encore à coté de Z, mentionnée en premier, Partner Ré et une autre compagnie (nom de code Aqua) mais que la seule cible, pour laquelle les travaux du CS sont détaillés, est Z ; qu’il ne s’agit plus d’une demande d’étude sur les avantages et inconvénients d’un rapprochement entre les deux sociétés mais bien de la préparation opérationnelle du lancement d’une OPA puisqu’il est demandé au CS; ainsi qu’à Barclays et D, d’assister J dans la préparation des projets de note d’information, des communiqués de presse, des contacts avec l’AMF et les agences de notation , et le cas échéant de l’acquisition de blocs d’actions avant le lancement de l’offre.

Attendu ainsi que, à partir du 24 avril 2018, date à laquelle, selon un mail interne du CS, cette dernière a été informellement mandatée par J à tout le moins du 18 juillet, date de la présentation du projet « Abbaye » , et en toute hypothèse au plus tard à compter du 3 aout, M. Y est dans une situation où il poursuit, en tant que président de J, un intérêt personnel professionnel, consistant en la réussite de la prise de contrôle par cette dernière de Z, qui ne peut qu’influer directement et fortement son indépendance, son impartialité et son objectivité dans l’exercice de ses fonctions d’administrateur ; qu’ une telle situation correspond à la définition du confiit d’intérêt général avéré tant du règlement intérieur du conseil d’administration que du code AFEP-MDEF, de l’AMF que de la jurisprudence de ce tribunal ;

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Attendu que M. Y réplique qu’il n’y a pas conflit d’intérêt car l’offre que J prépare est nécessairement amicale puisqu’en raison de l’engagement de Standstill elle doit obtenir l’accord du conseil d’administration ; que d’ailleurs l’offre qui sera faite le 24 aout sera conditionnée à cet accord et sera retirée le 4 septembre faute d’avoir été acceptée par le Conseil ; qu’il n’y a pas conflit mais convergence d’intérêt puisque, en tant que représentant de l’actionnaire principal, il présente un projet, selon lui, meilleur pour Z qu’un éventuel rapprochement avec un autre assureur tel que Partner Ré, et en même temps intéressant pour J ; que par ailleurs le fait que l’offre de J ait été rejetée par le Conseil ne suffit pas pour démontrer qu’elle aurait été contraire à l’intérêt social de Z car les choix stratégiques de la direction générale et de la majorité du Conseil ne se confondent pas avec l’intérêt social de l’entreprise ; qu’en réalité le rejet de l’offre a simplement montré que s’opposait deux conceptions divergentes de l’intérêt de Z, d’un côté l’importance de son indépendance pour ses dirigeants et son Conseil, et d’un autre coté un projet industriel permettant de renforcer ses fonds propres pour mieux faire face aux risques et assurer son développement ;

Mais attendu tout d’abord que la question soulevée devant ce tribunal n’est pas de savoir si le projet présenté par M. Y était meilleur que celui du dirigéant de Z, appuyé à l’unanimité par son conseil d’administration, mais si M. Y se trouvait en situation de conflit d’intérêt ; or, en la matière le tribunal n’a pas à chercher à déterminer si l’offre était ou non amicale, car il importe peu que le sens de l’intérêt personnel de l’administrateur soit en phase ou opposé à celui de la société, mais s’il y a ou pourrait y avoir influence dudit intérêt sur l’exercice impartial et objectif de la mission d’administrateur ; qu’il est évident qu’une personne, mandataire social d’une entreprise projetant de faire une OPA sur une société dont elle est administrateur, ne peut qu’être influencée dans l’exercice de cette mission par la prise en compte de l’objectif poursuivi par la société qu’il préside ; que son indépendance de jugement, à l’égard de la société dont il est administrateur, est nécessairement affectée dans une situation de ce type par sa qualité de dirigeant de la société qui souhaite prendre le contrôle ;

Attendu que, lors des débats, M. Y a soutenu que jusqu’au 24 aout 2018, date de l’offre de J, il ne pouvait se trouver en situation de confiit d’intérêt puisque l’offre de cette dernière était nécessairement amicale, car conditionnée à l’accord du Conseil de Z, et que, à partir du 30 aout, le dit Conseil sans qu’il y participe ayant rejeté la dite offre, il ne pouvait plus non plus se trouver en conflit d’intérêt puisque J l’avait retirée dans les jours suivants ; que cependant, comme il a été vu ci-dessus la question de savoir, si l’offre était ou non amicale, est sans aucune incidence sur celle posée à ce tribunal relative à l’existence d’un confit d’intérêt potentiel ponctuel ou général et avéré ;

Attendu en outre que M. Y s’est engagé à respecter l’indépendance de Z en donnant acte à ses dirigeants, dans la lettre qu’il a signée comme président de J le 8 avril 2016, de ce que il avait « la conviction que Z doit conserver une pleine indépendance …. » ce qu’il a confirmé une première fois dans un communiqué de presse le 11 avril 2016 à l’occasion de l’augmentation de la participation de J « ..cet investissement est celui d’un actionnaire de long terme soucieux de la pleine indépendance et de la totale autonomie opérationnelle de Z », reconnaissant ainsi que l’objectif d’indépendance des dirigeants et du conseil d’administration de cette dernière était légitime et conforme à l’intérêt social de Z ; que de surplus il a réitéré, en tant qu’administrateur, cet engagement dans le Questionnaire lors du renouvellement de son mandat le 12 décembre 2017 (plèce Z 114-2) et qu’il n’allègue d’aucun fait nouveau survenu 6 mois plus tard qui aurait pu l’amener à modifier cette appréciation et le conduire, ce qu’il n’a d’ailleurs pas fait, à signifier à Z qu’il souhaitait remettre en cause cet engagement .

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Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Y s’est bien trouvé en conflit d’intérêt général avéré à compter de la fin juillet 2018 ; que l’article du Règlement du Conseil n° Il (4), intitulé « loyauté et conflit d’intérêt » , stipule dans son avant -dernier alinéa que : « chaque administrateur s’engage par ailleurs en cas de conflit d’intérêt général avéré à la notifiar sans délai au président du comité des rémunérations et nominations et, à défaut d’avoir mis fin à cette situation dans le délai d'1 mois suivant sa notification, à démissionner sans délai de son mandat d’administrateur. » ; que M. Y a doublemant violé cette disposition, ainsi que l’engagement pris dans le Questionnaire au paragraphe 6 du point 9 précité, en ne notifiant pas son confit d’intérêt à Z, ce qui lui a permis de continuer à avoir accès à toutes les informations les plus confidentielles de Z, y compris les PV des comités d’audit et des risques du passé sur le système informatique réservé aux administrateurs dit « diligent » , pendant la période de préparation de l’offre de J, et en ne démissionnant que le 13 novembre 2018 et ce, malgré de multiples lettres du président de Z et des demandes réitérés du conseil d’administration unanime, lui enjoignant de respecter sas obligations ;

Attendu que M. Y, en n’informant pas Z avant le comité stratégique du 25 [ulllet 2018 de l’existence de son confit d’intérêt potentiel ponctuel, malgré sa connaissance de l’existence dudit conflit, en n’informant pas Z à partir du 27 juillet et au plus tard dès tous premiers jours d’aout 2018 de son confiit général avéré, en continuant à avoir accès par le système informatique de Z au PV de diverses comités, dont celui des risques, et en refusant de démissionner pendant plus de 3 mois, a ainsi violé à plusieurs reprises ses obligations résultantes du Règlement du conseil d’administration de Z, auquel il avait adhéré en en devenant administrateur, et des engagements qu’il avait pris dans le Questionnaire; qu’en outre, comme l’indique une note de l’Institut Français des Administrateurs, la première des obligations d’un administrateur, pour respecter son devoir de loyauté à l’égard d’une société, est de déclarer les conflits d’intérêt qui pourraient l’affecter ; que M. Y, en n’informant pas Z de la situation de conflit d’intérêt, dans laquelle il s’est trouvé du fait des mandats, donnés au CS, à Barclays et à D par J dont il est le président de préparer une OPA de cette dernière sur Z, a donc gravament manqué à son devoir relatif à sas obligations, en tant qu’administrateur, pour le cas où il risquerait de se trouver, ou se trouverait, en conflit d’intérêt ; qu’il est donc établi que M. Y a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle .

B- Sur la violation de l’obligation de confidentialité

Moyens des parties

En demande , Z rappelle, sur le fondement de l’article L.225-37 al 5 du code de commerce, l’article 10 de ses statuts et son règlement intérieur, que les administrateurs sont tenus à une obligation de confidantialité des informations qu’ils raçoivent dans l’exercice de leur mandat et qu’il en résulte que M. Y ne pouvait révéler à des tiers les informations qu’il avait reçues, ni en faire un usage personnel ; elle souligne qu’en l’aspèce il avait été expressément indiqué aux membres du Comité Stratégique que le fait, que Z étudie le projet Parfum, était an lui-même très sensible et hautement confidentiel ce que M. Y ne conteste pas avoir compris à l’issue du comité stratégique; Elle fait valoir que M. Y a violé cette obligation en informant la Crédit Suisse et divers responsables de J de ce que le Comité Stratégique du 25/07/18 avait étudié ce projet, de ce que les discussions se poursuivraient le 30/08 at enfin avait transmis à Barclays le 28/08/18 le P/V dudit Comité Stratégique du 25 juillet ; elle ajoute que la violation de cette règle de confidentialité est d’autant plus grave qu’à la même réunion avait été présentée la valorisation intrinsèque de Z, réalisée à sa demande par sa banque conseil la BNPP.

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En Défense, MD réplique

— - L’hypothèse d’un rapprochement avec Partner n’était pas confidentielle,

— - Le document de Citl était public,

— - Le président de Z lui avalt dit à 2 reprises que l’hypothèse d’un rapprochement n’avait jamais été sérieusement envisagée,

— - Que les administrateurs peuvent, pour l’accomplissement de leur mission au service de l’intérêt social de la société et se forger une opinion indépendante de celle du dirigeant de la société, avoir besoin de recueillir l’avis de techniciens/spécialistes en leur communiquant sous le sceau de la confidentialité les documents et analyses qui leur ont été présentés,

— - qu’il conteste qu’il ne puisse représenter les intérêts de J dans l’accomplissement de sa mission : qu’en effet il est en même temps administrateur de Z et représentant légal de J et que cette dernière est le premier actionnaire de Z : que dès lors J n’est pas un tiers par rapport à Z à qui il ne devrait pas communiquer une information : il cumule donc sur sa tête plusieurs intérêts ce dont Z a parfaitement conscience puisqu’il avait été qualifié en 2016, suite à l’augmentation de la participation de J, par Z d’ « administrateur non indépendant ».

Sur ce, le tribunal

Attendu que la loi sur les sociétés du 24 juillet 1966 édicte dans son article 100 que : « les administrateurs sont tenus à l’obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président du conseil d’administration » ; qu’il s’agit donc d’une obligation légale ancienne reprise intégralement dans l’article L.225-37 du code de commerce ; que depuis cette époque, les codes de déontologie professionnelle, AFEP-MDEF notamment, l’ont renforcée : qu’en effet l’article 19 de ce dernier code, auquel se réfère le Règlement du conseil de Z comme le font d’ailleurs la plus part des sociétés cotées, prévoit que « s’agissant des informations non publiques acquises dans le cadre de ses fonctions, l’administrateur est astreint à une véritable obligation de confidentialité qui dépasse la simple obligation de discrétion prévue par les textes » ; que l’article 1 de la partie III du règlement du conséil de Z intitulé

« information confidentielle.. » stipule « Les administrateurs … sont tenus à une obligation de stricte confidentialité sur le déroulement et le contenu des délibérations. Les administrateurs doivent en particulier conserver le secret le plus strict s’agissant des informations… présentant un caractère confidentiel et données comme telles. I!s s’engagent à ne pas utiliser à des fins personnelles et à ne pas divulguer … toute information confidentielle » ; que le paragraphe 7 du point 9 du Questionnaire précité stipule que «je m’engage à respecter une obligation absolue de confidentialité en ce qui concerne le contenu des débats et les informations confidentielles qui y seraient évoquées… et plus généralement toutes les informations que je viendrai à obtenir en raison de mes fonctions d’administrateur… » (souligné du tribunal) ;

Attendu qu’il résulte de ces rédactions que les obligations contractées par M. Y, en tant qu’administrateur de Z en adhérant au Règlement du conseil de cette dernière et en remplissant et en signant le 8 décembre 2016 et le 12 décembre 2017 le « questionnaire à destination des administrateurs », sont en matière de confidentialité encore plus impératives que les obligations légales résultantes de la loi de 1966 et du code commerce ; que le code AFEP, le Règlement et le paragraphe 7 du point 9 du questionnaire vont donc au-delà de l’obligation légale de discrétion de l’administrateur puisqu’il est stipulé dans le

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Règlement que ce dernier doit conserver « le secret le plus strict » pour les informations dont le président du conseil a indiqué qu’elles avaient un caractère confidentiel et dans le questionnaire « une obligation absolue de confidentialité »;

Attendu que cette obligation de confidentialité est une règle essentielle pour que le conseil d’administration puisse fonctionner correctement dans la transparence, entre ses membres et avec les dirigeants de la société, et ce dans le respect du principe essentiel de

collégialité ; qu’en effet, si les membres du Conseil ne sont pas assurés que les opinions, qu’ils sont amenées à exprimer lors des réunions de celui-ci, ou les informations que les dirigeants de la société leur communiquent, peuvent être rapportées à des tiers, le fonctionnement collégial de cette organe, chargé de définir et à faire respecter l’intérêt social de la société, n’est plus assuré ;

Attendu que, lors du comité stratégique du 25 juillet de SOOR, les dirigeants de cette dernière ont présenté aux administrateurs un document de 22 pages établi par Citi, intitulé

« projet Parfum juillet 2018», consistant en un rapprochement sous forme d’une acquisition ou d’une fusion avec Partner Ré ; que, contrairement à ce que soutiennent M. Y et J, ce document n’est pas le même que la note de CITI (pièce 5 M. Y ), intitulée « M&À dans le secteur des assurances : est-il temps de voir grand » , diffusée aux intervenants sur le marché , qui indiquait « nous envisageons 3 scénarios potentiels » , le scénario 3 étant : « SCORMPartner Ré » ; que par contre les slides du « projet Parfum » ( pièce 14 Z) sont « un pitch », spécialement élaboré par CITI pour les dirigeants de Z et ont été établis avec la participation de la direction financière de cette dernière qui y a même inclus une page ce que révèle la mention apposée dessus « préparé par Z » ; que ces slides ont été présentés et commentés le 25 juillet par le directeur financier de cette dernière qui a préalablement indiqué aux membres du comité que, en raison du caractère confidentiel de ce document, il n’avait pas été envoyé à l’avance et qu’il devrait être laissé sur la table afin que le secrétaire du conseil récupère tous les exemplaires à la fin de la réunion ; qu’en outre au cours de la réunion a également été présentée l’analyse de la valorisation intrinsèque de Z, réalisée par la BNP banque conseil de cette dernière ; qu’à l’issue de ces présentations un échange a eu lieu entre les administrateurs sur les mérites d’une telle opération et que le président a alors indiqué que la discussion se poursuivrait lors d’un séminaire hors les murs du comité stratégique convoqué pour le 30 aout ;

Attendu que Z soutient que M. Y a violé son obligation de confidentialité en transmettant les informations issues de cette réunion au CS, banque conseil de J, qu’aux cadres dirigeants de cette dernière ; qu’en effet dans un mail du 27 juillet 2018 ( pièce 1 de Z), l’un des responsables du CS, cosignataire du mandat que J lui a donné pour étudier une opération de croissance externe, le projet Abbaye, écrit à l’équipe dédiée à la préparation de ce projet : « une fusion potentielle avec Partner Ré de Z a été discuté au conseil d’administration de cette dernière le 25 juillet et la discussion sera poursuivie à un séminaire stratégique du Conseil le 30 aout …… T.Y nous a demandé de préparer une liste d’arguments contre cette fusion afin de tuer le projet durant le séminaire. P. O (le directeur général de J) a déjà des idées d’arguments contre ce projet ….nous devons envoyer notre étude à B et C la semaine prochaine… »

( traduction de l’anglais par le tribunal ); que le mail du 29 juillet du CS ( pièce 17 et 18 de Z) montre bien que l’analyse demandée par M. Y au CS est à charge car, après avoir recensé 5 avantages, elle présente 14 inconvénients dont certains sont majeurs ; que de nombreuses autres pièces jointes montrent que le contenu de cette réunion du comité stratégique du 25 juillet a été abondamment commenté et discuté entre les cadres principaux de J et le CS : ainsi notamment un mail du 30 juillet du CS (pièce 19 de Z)

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intitulé « Abbaye » : « nouvelle demande de J : le président de cette demière pense qu’il y a un risque que Z soit en train de prépsrer une offre sur Partner Ré et pourrait la présenter au Conseil du 30 aout… » , un mail du 7 aout du CS ( pièce 28) indiquant que la directrice financière de J leur a Indiqué que « Z et EXOR ( l’actionnaire de Partner Ré) serait en discussion… » ….. ; que surtout le 28 aout 2018, l’assistante de M. Y chez J a transmis à Barclays, l’autre banque conseil de J mandaté pour financer l’offre de cette dernière sur Z, le projet de procès-verbal de la réunion du comité stratégique du 25 juillet incluant la valeur intrinsèque de cette dernière calculés par sa banque conseil la BNP ; que Barclays a immédiatement transféré le dit projet de procès verbal aux autres conseils de J (GS et banque D} en charge de la préparation de son OPA sur Z avec las mentions « abbaye : strictement confidentiel : à traiter TTU » ;

Attendu que M. Y soutient que l’hypothèse d’un rapprochement de Z avec Partner Ré n’était pas confidentielle puisqu’elle avait été évoquée par la presse financière an février 2015 ainsi que dans la note d’analyse de Citi du 6 juin 2018 examinant différents scénarios possibles de rapprochement dans le secteur de l’assurance an Europe ; que par ailleurs J, dans des échanges avec UBS et ses banquiers conseils en novembre 2017, mars et avril 2018 avait étudié cette hypothèse et avait conclu que SCQR n’aurait pas la capacité financière d’acquérir Partner Ré sans mettre en danger sa notation ; que de plus M. Y fait valoir que Z n’envisageait pas réellement de réaliser une offre à EXOR, l’actionnaire de Partner Ré, puisqu’à l’issue du comité stratégique le président avait indiqué à ses membres : « qu’il n’y avait pas à ce stade de discussions en cours entre Z et EXOR/ Partner Ré … » et qu’il avait renouvelé cette affirmation dans un mail du 21 août « je te confirme qu’aucune discussion, aucune rencontre n’a eu lieu avec les actionnaires de Partner Ré » ; qu’il ajoute que la valorisation intrinsèque de la BNP, reposant sur une -> approche multi critères, pouvait aisément être calculés par n’importe quel financier et qu’en toute hypothèse J n’en a pas tenu compte dans son offre à 43€, inférieure à la fourchette de valorisation de la BNP ( non révélée au tribunal).

Attendu cependant que le fait qu’il y ait eu d’une part, 3 ans avant le comité stratégique, un article dans la presse spécialisée évoquant l’hypothèse d’un rapprochement entre Z et Partner Ré et d’autre part une note de la cellule de recherche des analystes financiers du marché actions de Citi examinant des opérations possibles de fusions &acquisitions dans le secteur de l’assurance « en envisageant 3 scénarios potentiels … le scénario 3 étant Z/Partner Ré … » et en indiquant que « Z a exprimé un intérêt en 2015 et nous nous sttendons à ce qu’elle s’y intéresse à nouveau si l’occasion se présentait… » ( souligné du tribunal) ne relève que des rumeurs médiatiques dans le domaine financier et des recharches permanentes de toutes les divisions des analystes financiers des grandes banques d’investissement envisageant toutes les possibilités de Fusions & Acquisitions ; que la plupart d’entre alles non seulement ne se réalisent jamais mais sont le plus souvent considérées par les dirigeants des entreprises concernées comme dépourvues de tout intérêt et pertinence ; que d’ailleurs très fréquemment les OPA, qui sont lancées, n’ont pas été anticipées à l’avance par le marché ; que l’information, sur le fait qu’un Conseil d’Administration consacre une séance de son comité stratégique à l’examen de la présentation détaillée ( 22 pages) par une banque d’investissement d’une acquisition/fusion et débatte de l’intérêt potentiel d’une telle opération, est d’une toute autre nature ; qu’en effat elle montre que l’hypothèse d’un tel rapprochement a paru aux dirigeants de Z comme intéressante et d’actualité ; que le fait de surcroit, que, à l’issue d’un échange entre les administrateurs à la fin de ce comité sur la pertinence d’un tel rapprochement, le président de Z ait indiqué que le sujet serait débattu à un nouveau comité 1 mois plus tard lors d’un séminaire résidentiel montre que la question d’une opération par cette dernière

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sur Partner Ré était devenue d’une très grande actualité à brève échéance; que d’ailleurs M. Y ne s’y est pas trompé puisque la suite des échanges entre le CS et ses collaborateurs directs de J, dans les jours et semaines qui ont suivis le comité stratégique du 25 juillet, montre qu’ils sont arrivés à la conclusion qu’il était possible que le conseil de Z dès le 30 aout, un mois plus tard, soit amené à examiner, voire à approuver, une offre de cette dernière sur Partner Ré ou à tout le moins à recommander à son président de contacter celui d’EXOR, l’actionnaire principal de cette dernière, pour examiner les conditions d’un tel rapprochement ; que d’ailleurs M. Y dans un mail du 3 septembre 2018 au président de Z écrira « je note l’attention particulière que vous portez à ce projet d’opération stratégique » ; qu’enfin il ressort de mails du CS des 31 juillet ( pièce 22 Z) et 7 aout 2018 ( pièce 28 Z) que c’est l’information, donnée par M. Y à CS et à J de l’existence de cette présentation au comité stratégique du 25 juillet et de la convocation un comité le 30 aout pour en débattre à nouveau , qui va amener J à demander au CS de préparer une OPA, initialement envisagée jusque-là, et de manière éventuelle, dans la 2e partie de 2019 après l’expiration du standstil] : le mail du CS du 31 juillet indique « notre client ( J) initialement envisageait une acquisition en 2019 mais le calendrier pourrait être accéléré car ils ont entendu que Z envisageait une fusion avec Partner Ré. Dés lors J veut être prête à faire une offre, si besoin était pour la fin août » (souligné du tribunal} et celui du 7 août indique que « le directeur financier de J les a appelés pour leur confirmer que Z et EXOR sont en discussion et qu’elle veut être prête à envoyer une lettre d’offre dans les toutes prochaines semaines …» (traduction du tribunal) ; qu’il est ainsi démontré que les informations, sur l’objet du comité stratégique du 25 juillet et la convocation d’un nouveau comité 1 mois plus tard sur le même sujet, sont bien des informations cruciales pour J, d’une tout autre nature que les spéculations d’analystes de marché et de médias, que cette dernière n’aurait pas eu la possibilité de connaître si le M. Y ne les lui avait pas communiquées ;

Attendu en outre que l’information sur l’estimation par la BNPP, la banque conseil de Z de la valeur intrinsèque de cette dernière est également particulièrement confidentielle et d’une extrême sensibilité ; que M. Y réplique que cette valeur pouvait être calculée par n’importe quel analyste financier en appliquant la méthode retenue par la BNPP ; que cependant il existe une multitude de méthodes pour calculer la valeur d’une société mais que l’information des administrateurs de Z sur la méthode d’évaluation retenue par leur banque conseil de la valeur de leur société est d’une toute autre nature ; qu’elle permet en effet de connaître le prix que le Conseil serait susceptible de considérer comme correct pour une opération de cession de Z ou sur la parité d’échange en cas de fusion de cette dernière avec une autre société { en l’espèce Partner Ré) ;

Attendu surabondamment que M. Y a reconnu lui-même la confidentialité de la présentation au comité du 25 juillet dans un mail du 3 septembre au président de Z en lui écrivant que « s’agissant du projet dénommé Parfum dont j’ai bien entendu noté le caractère confidentiel comme de l’ensemble des travaux du comité stratégique … » ; que surtout, dès lors que le président d’un conseil d’administration indique à ses administrateurs que l’information qui va leur être donnée sur un sujet est confidentielle, ceux-ci sont tenus une obligation de secret absolu sur la dite information et qu’il est constant qu’en l’espèce le caractère très confidentiel et sensible du projet Parfum a été particulièrement souligné aux membres du comité à qui il a même été demandé de remettre à la fin de la séance le document qui ne leur avait même pas été envoyé avant la séance pour préserver absolument le secret l’entourant ;

Attendu que M. Y réplique « l’obligation de discrétion et de confidentialité, qui s’impose à tout administrateur, ne lui interdirait pas d’utiliser les informations reçues en cette qualité

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pour proposer aux autres administrateurs une stratégie qu’il juge conforme à l’intérêt

social » ; que cependant, outre qu’il a été rappelé ci-dessus qu’un administrateur ne peut être seul juge de l’intérêt social d’une société, l’objet du présent litige ne porte nullement sur la question de ladite conformité à l’objet social de Z de la proposition d’OPÀA de Z, ni sur le fait qu’un administrateur a bien évidemment parfaitement le droit lors de la présentation d’une stratégie au Conseil de la critiquer et de lui en proposer une autre ; que la faute reprochée à M. Y n’est nullement d’avoir indiqué au Conseil qu’à son avis un rapprochement avec J serait plus créatrice de valeur pour les actionnaires de Z que le projet Parfum, ce qu’il n’a d’ailleurs à aucun moment fait ni lors d’un comité ou Conseil , Ni directement au président ou à l’Administrateur référent de cette dernière, mais uniquement d’avoir divulgué à des tiers ,J et 3 banques d’investissement, des informations très confidentielles, qu’il savait telles ,et ce afin de permettre à J, qu’il dirigeait, d’être en mesure d’en tirer directement profit en anticipant l’annonce éventuelle d’un rapprochement entre Z et Partner Ré afin selon les termes mêmes de ses collaborateurs et conseils, de la « préempfer » c’est-à-dire la rendre sinon impossible du moins très difficile ; que M. Y ajoute qu’il aurait été en droit de communiquer ces informations à des spécialistes lui permettant de se faire un avis éclairé sur l’intérêt du projet dit «Parfum » ; que cependant les dits spécialistes, à savoir CS, Barclays et D, ne sont nullement mandatés par lui mais qu’ils le sont par J et qu’ils sont rémunérés par cette dernière pour présenter une stratégie dans le seul intérêt de J et non dans celui de Z et qu’ils seront amenés à préparer et à mettre en œuvre ladite stratégie, une OPA, sans savoir si une telle offre recueille l’accord du Conseil de cette dernière, ni même si elle serait susceptible d’obtenir le dit accord ; qu’au surplus le Règlement du Conseil ,comme le code AFEP-MDEF, prévoit expressément la méthode à suivre lorsqu’un administrateur veut obtenir l’avis d’un tiers sur un sujet à l’ordre du jour d’un Conseil : qu’il est en effet stipulé que, dans cette hypothèse, l’administrateur doit demander au Conseil de désigner, mandater et faire rémunérer par Z le dit conseil externe à la société ;que à aucun moment M. Y n’a formulé une telle demande, ni même suggéré qu’une telle désignation d’un tiers pour examiner l’intérêt pour Z, et pour elle seulement et pas pour J, du projet Parfum ;

Attendu qu’il ressort de l’ensemble des éléments ci-dessus que M. Y a bien violé, en connaissance de cause, son obligation de confidentialité engageant ainsi sa responsabilité contractuelle et que cette violation a eu des conséquences directes sur le déclenchement d’une offre de J sur Z à un moment particulièrement sensible ou cette dernière examinait de manière approfondie une éventuelle fusion avec Partner Ré ; que la divulgation de cette information capitale pour Z était de nature à contrarier le dit projet.

C- Sur la violation de l’obligation de loyauté de M. Y Moyens des parties

En demande Z rappelle que les dirigeants et administrateurs d’une société ont une obligation de loyauté à l’égard de celle-ci et qu’il s’agit de plus dans le cadre de Z d’une obligation contractuelle résultant de l’adhésion au règlement intérieur de son Conseil ; elle soutient que M. Y a manqué à son obligation de loyauté et d’agir dans l’intérêt de Z :

— en demandant au Crédit Suisse de préparer une liste d’arguments contre le projet Parfum, afin de mettre en œuvre une stratégie pour le contrecarrer et ce parce qu’il voulait favoriser le projet occulte de J ; que ce faisant il agissait dans le seul intérêt de cette dernière et non dans celui de Z, voire au détriment de celui-ci du point de vue du Conseil de cette dernière ;

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— en demandant à ses équipes d’accélérer la préparation de l’offre de J pour être en mesure de la présenter avant que le Comité Stratégique ne se réunisse le 30/08 pour discuter de Parfum à seule fin de le « préempter ».

En Défense M. Y :

— - Soutient qu’en faisant préparer par J et ses conseils une proposition amicale d’offre d’achat il est dans son rôle d’administrateur dès lors qu’il estime qu’une telle solution est meilleure pour Z que l’éventuel rapprochement avec Partner Ré : il offre donc ainsi au Conseil une alternative au projet présenté au CS,

— - Il y a selon lui convergence d’intérêt entre Z et J son principal actionnaire,

— - L’intérêt social d’une société ne se confond pas avec les choix stratégiques de son président, ni même de la majorité de son conseil : la proposition de J était amicale et il n’est nullement démontré par Z que le fait d’offrir à son Conseil d’Administration une alternative à un projet potentiel soit par nature contraire à l’intérêt social de la société

— - Ce n’est pas parce que le conseil d’administration a rejeté l’offre de J qu’elle serait par nature contraire l’intérêt social de Z : le conseil doit œuvrer pour promouvoir l’intérêt social de la société mais il n’a pas le monopole de sa définition

— - Z ne démontre nullement que l’offre de J serait contraire à son intérêt social,

— - Au moment où il a fait préparer l’offre par J, celle-ci ne pouvait pas être qualifiée d’hostile puisqu’elle était nécessairement conditionnée à l’accord du conseil et qu’il ne pouvait anticiper la réaction de celui-ci : que donc le fait de préparer une offre ne peut en lui-même, ex ante de la décision du conseil, être qualifié d’acte contraire à l’intérêt social de la société

Sur ce, le tribunal

Attendu que l’article 4 partie I] du Règlement intérieur du Conseil de Z stipule « chaque administrateur a une obligation de loyauté envers la société, Il ne doit en aucun cas agir pour son intérêt propre contre celui de la Société » ; que cette obligation de loyauté implique la transparence à l’égard des membres du Conseil, afin d’assurer le respect du principe essentiel de la collégialité de cette instance comme le stipule le code AFEP-MDEF dans son article 2.1 : « le conseil d’administration est et doit demeurer une instance collégiale qui est mandatée par l’ensemble des actionnaires » ; que la loyauté implique de manière absolue que l’administrateur n’agisse que dans le seul intérêt de la société en faisant abstraction complète de son intérêt propre ou de celui d’une autre société dont il serait le dirigeant ;

Attendu que Z fait valoir que M. Y a violé cette obligation de loyauté en demandant au CS, banque conseil mandaté par J, de lui préparer un argumentaire à l’encontre du projet Parfum et ce sans faire savoir aux membres du Conseil ,lors de la réunion du 25 Juillet ou dans les jours et semaines qui ont suivis, les raisons pour lesquelles il estimait que le projet aurait été, s’il avait été conduit à son terme, contraire à l’intérêt social de Z; qu’en effet le mail du banquier , cosignataire du mandat donné par J au CS, à ses équipes leur indiquait que « M. Y nous a demandé de lui préparer une liste d’arguments contre la fusion entre « Éole » ( nom de code de Z) et Partner Ré dans le but de tuer le projet lors du comité stratégique du 30 août » ; que ce faisant il agissait dans l’intérêt exclusif de J qui avait confié mandat au CS de lui étudier trois projets de croissance externe dont l’acquisition de Partner Ré ou de Z et que le projet Parfum de cette dernière lui aurait fait perdre deux de ses possibilités de croissance externe ; qu’au

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surplus, dès que M. Y a constaté le 25 juillet 2018 que le Conseil de Z allait examiner lors d’un séminaire le 30 aout 2018 de manière approfondie l’éventualité d’une fusion avec Partner Ré, ce qui aurait rendu caduque son objectif de prendre le contrôle de Z en 2019 si avait été prise à cette session la décision de proposer à l’actionnaire de Partner Ré une telle opération, il a immédiatement demandé au CS, conseil exclusif de J, et à ses collaborateurs de préparer une offre d’ OPA sur Z pour la fin du mois d’aout ; qu’en effet dans un mail du 31 juillet du CS il est indiqué « notre client (CGOVEA) envisageait initialement une acquisitlon en 2019 mais le calendrier pourrait s’accélérer car ils ont entendu que Z pourrait envisager une fusion avec une autre compagnie d’assurance. Par conséquent J veut être prête à faire une offre si besoin pour fin août » puis dans un autre mail du CS du 7 août il est écrit « appel de la directrice financière de J : elle confirme qu’ils veulent être prêt dès que possible car Z et l’actionnaire de parfum sont en discussions actives » ;

Attendu que M. Y réplique : – qu’il n’a famais utilisé le terme de « tuer le projet » qui n’engage que la seule responsabilité du banquier de CS qui rapporte son propos ;

— que l’hypothèse d’un rapprochement avec Partner Ré n’a jamais été sérieusement envisagée par Z;

— que ce n’est pas cette hypothèse qui a été l’élément déclencheur de l’offre de J au 24 août 2018 mais les fuites dans la presse ; qu’en effet jusqu’au 17 aout le calendrier privilégié par J était de présenter une offre début septembre si et seulement si un rapprochement Z / Partner Ré se confirmait lors du comité stratégique du 30 aout ;

— qu’il était en droit de se faire assister par un conseil pour l’aider à analyser la présentation faite au comité du 25 juillet comme le prévoit le Règlement intérieur ;

«que les choix stratégiques de la direction générale et de la majorité du conseil ne se confondent pas avec l’intérêt social de l’entreprise et qu’en tant qu’administrateur il avait la possibilité d’avoir un point de vue différent et de proposer une alternative s’il l’estimait plus conforme avec l’intérêt de la société ; que nul ne peut affirmer que le projet proposé par M. Y, au nom de J en tant que son mandataire social, serait contraire à l’intérêt social de Z d’autant que la dite offre était nécessairement amicale puisque conditionnée à l’accord du Conseil ;

Attendu cependant que

— s’ il n’est pas démontré que le terme « tuer le projet » ne serait pas un résumé trop brutal par le banquier de CS de sa conversation avec M. Y, Il n’en reste pas moins que l’analyse des différents mails du CS démontre que M. Y et ses collaborateurs de J ont bien demandé à CS d’établir un argumentaire à l’encontre d’une éventuetle fusion de Z avec Partner Ré ; qu’ainsi le mail du 27 juillet du CS qui retranserit la demande de M. Y « d’établir une liste des arguments contre le projet Parfum » indique également les 4 arguments d’ores et déjà recensés par le directeur général de J ( pièce 1 de Z) et que la demande de M. Y est confirmée par un mail du CS du 30 juillet transmettant à J une première réponse : « veuillez trouver ci-joint un projet de mémo que J nous a demandé sur nos critiques à l’encontre d’une fusion Z/Partner Ré » ( pièce 17 de Z) souligné du tribunal ;

— que par ailleurs il a été déjà été montré ci-dessus que ce n’est pas parce que le président de Z avait indiqué ne pas avoir encore eu de contact avec l’actionnaire de Partner Ré que l’hypothèse d’une telle opération n’était pas sérieusement envisagée par la direction générale de Z car sinon on ne s’expliquerait pas le fait que, après une première réunion du comité stratégique, une autre soit immédiatement convoquée un mois plus tard pour poursuivre les discussions des administrateurs sur l’intérêt d’un tel projet ;

— que l’ensemble des mails du CS produits par Z ( pièces 124 à 132 de Z qui les a traduits) montre que, si fin juillet une offre de J n’était envisagée qu’après le

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comité stratégique du 30 aout dans l’hypothèse ou lors de cette séance Z aurait décidé de mettre en oeuvre le rapprochement, très rapidement 3 hypothèses ont été présentées par CS à J consistant en un lancement d’une offre soit après le dit comité du 30 aout, soit lors de ce comité, soit juste avant et ce à seule fin de préempter la discussion du 30 aout en entravant une éventuelle décision de Z de fusion à ce séminaire ;

— que M. Y déforme la signification et la portée de l’article 3 du Règlement intérieur stipulant la possibilité « de faire demander l’avis d’experts internes ou externes à la société » ; qu’en effet à l’évidence cette possibilité suppose que ce soit le conseil, sur proposition d’un de ses membres, qui décide lui de faire mandater par Z une banque conseil pour l’assister ; que d’ailleurs cette interprétation, la seule conforme avec le principe de colléglalité du Conseil, est confirmée par l’article 14.3 du code AFEP, auquel se réfère ledit Règlement du Conseil , qui prévoit que « les comités du Conseil peuvent solliciter des études techniques extemes aux frais de la société après en avoir informé le président du conseil d’administration ou le conseil lui-même et à charge d’en rendre compte au Conseil » ; que le CS n’était pas mandaté par le Comité Stratégique ni rémunéré par Z mais par J et que dès lors la CS n’avait pas à prendre en compte l’intérêt social de Z mais celui de J, sa seule cliente, et uniquement celui-ci ; qu’au surplus ni le comité stratégique ni le Conseil de Z n’ont jamais été informés, avant la présente instance, des demandes que M. Y a adressées au CS ;

— qu’enfin l’objet du présent litige ne requiert aucunement que le tribunal apprécie si l’offre de J était plus conforme à l’intérêt social de Z que le projet de fusion avec Partner Ré ; mais qu’il note toutefois que dans la lettre d’engagement de Standstill du 8 avril 2016, que M. Y a signé au nom de J, il était écrit « nous avons la conviction que Z doit conserver une pleine indépendance et une totale autonomie opérationnelle. Nous avons en effet la conviction que ces deux caractéristiques sont des éléments clefs pour un réassureur de premier rang notamment dans les relations avec les clients » montrant alnsi que M. Y partageait en 2016 et en décembre 2017, moments où son mandat a été renouvelé, l’analyse du conseil d’administration sur la définition de l’intérêt de Z ; mais que surtout ,si M. Y avait changé d’avis sur la nécessaire indépendance de Z, avait un point de vue différent de cejul des autres administrateurs sur l’opportunité éventuelle d’une fusion avec Partner Ré et estimait qu’un éventue] projet de rapprochement avec J serait plus conforme à l’intérêt de Z, le respect de son obligation de loyauté et du principe de collégialité lui imposait de faire part de son opinion au comité stratégique du 25 juillet ou dans les jours suivants ou avant le séminaire du 30 août ; qu’en effet l’article Il 3 du Règlement intérieur stipule que « chaque Administrateur, s’il estime qu’une décision éventuelle du Conseil est de nature à nuire à la Société, s’engage à exprimer clairement son opposition à cet égard, et, tout en considérant que sa démission peut constituer la conséquence ultime de son opposition, l’Administrateur envisagera successivement d’exposer les raisons de son opposition ….de faire demander l’avis d’experts indépendants… »; que, bien loin de respecter cette procédure prévue par le Règlement en cas de divergence de point de vue sur l’intérêt social d’une opération, M. Y n’a, à aucun moment entre le 25 juillet et le 26 aout date de l’offre de J, ni suggéré au Conseil, ou à son président ou à l’Administrateur référent de faire réaliser une expertise de la présentation de Citi, ni exprimé la moindre réserve sur l’intérêt éventuel d’une telle fusion entre Z et Partner Ré, ni indiqué qu’il souhaiterait qu’au comité stratégique du 30 soût une alternative, sous forme de rapprochement avec J, soit présentée et ce alors même que dès la fin juillet il avait fait réalisé par ses collaborateurs et par la banque conseil de J un « recensement des arguments à l’encontre d’une telle opération » ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M. Y a manqué à son obligation de loyauté en recherchant, de manière occulte par rapport au Conseil d’administration de Z, la manière de s’opposer à un éventuel rapprochement de cette dernière avec Partner Ré et ce parce qu’une telle opération aurait été, si elle avait été décidée, directement à l’encontre de

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l’intérêt de J en lui retirant 2 des 3 options de croissance externe qu’elle avait demandées à sa banque conseil d’étudier.

Attendu qu’il est ainsi établi que M. Y a violé les engagements qu’il avait souscrits, en adhérant au Règlement du Conseil de Z et en signant le « Questionnaire », en ne déclarant pas son conflit d’intérêt, en ne respectant pas la règle stricte et absolue de respect du secret des informations communiquées au Conseil et en ne respectant pas son obligation de loyauté; qu’il a ainsi commis plusieurs fautes engageant sa responsabilité contractuelle et qu’il devra donc réparer l’éventuel préjudice subi par Z au bénéfice de qui ce Règlement a été établi et à l’égard de qui que M. Y a contracté les obligations qu’il a violées ; que la question de savoir si ces fautes contractuelles ont causé un préjudice direct et certain sera examiné dans la dernière partie du présent jugement.

Le tribunal dira que M. Y a commis des fautes contractuelles, engageant sa responsabilité civile, en violant les engagements qu’il avait contractés à l’égard de Z en tant qu’administrateur de cette dernière.

D- Sur la violation du secret des affaires Moyens des parties

En demande Z fait valoir que TD à violer les règles de l’article L.151-1 du code de commerce car :

— les informations relatives au fait que le CS du 25/07 avait eu une présentation de Parfum, qu’il avait décidé d’en débattre à une réunion du 30/08,et le montant de la valorisation intrinsèque calculée par la BNP n’étaient connues que du comité exécutif de Z et du Conseil et étaient couvertes par le secret des affaires s’agissant d’une société coté ,

— il les a transmises à des tiers et utilisés sans le consentement de Z et en violant ses obligations d’administrateur

En défense, M. Y réplique que :

— la violation du secret des affaires est une faute de nature délictuelle et que Z ne peut agir à son encontre simultanément sur les fondements des responsabilités délictuelles et contractuelles, -les informations relatives à l’étude de Citi sur un rapprochement avec Partner Ré étaient connues de tous les acteurs du marché de l’assurance et que lesdites informations ne répondent pas aux critères cumulés prévus par les articles L.151-1 et L.152-6 du code commerce.

Sur ce, le tribunal

Attendu que Z, pour un même préjudice résultant d’un même fait, la divulgation d’informations confidentielles à un tiers, en l’espèce J et le Crédit Suisse, ne peut fonder ses demandes à l’encontre de M. Y simultanément et cumulativement sur les fondements de la responsabilité contractuelle, violation du Règlement du Conseil d’administration, et délictuelle, pour violation du secret des affaires sur le fondement de l’article L. 151-6 du code de commerce; qu’en effet le principe jurisprudentiel du non cumul interdit au créancier d’une obligation contractuelle, ce qu’est Z à l’égard de M. Y, de se prévaloir des règles de la responsabilité délictuelle dès lors que les préjudices qu’elle allègue ne sont pas distincts de ceux engageant sa responsabilité contractuelle;

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Attendu que M. Y rappelle tout d’abord que l’article L. 151-6 est entré en vigueur postérieurement au dit litige, comme il sera vu dans la partie sur J, mais que Z réplique que, antérieurement à ladite loi, la violation du secret des affaires était déjà une faute ;

Attendu cependant que, antérieurement à la loi de 2018, la divulgation d’informations confidentielles était pour une partie à un contrat, ce qu’est M. Y à l’égard de Z, comme dans le cas d’une négociation précontractuelle, une faute contractuelle ; que, en application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge qui tranche le litige, est tenu, conformément aux règles qui sont applicables au dit litige, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les ou l’une des parties en auraient retenu ;

Attendu au surplus que, dans ses dernières conclusions Z, même si elle a laissé subsister dans son dispositif sa demande de « dire et juger que Monsieur B Y, J K et J M ont violé le secret des affaires de Z », dans sa motivation par contre a soutenu que « le régime de responsabilité civile applicable à M. Y pour ses fautes commises au détriment de Z ne relève que de sa seule responsabilité contractuelle » ;

Attendu que le tribunal, usant de son pouvoir souverain de donner aux faits la qualification exacte qu’il convient de leur appliquer, dit que la faute commise par M. Y, en tant qu’administrateur de Z, en divulguant des informations confidentielles de cette dernière, engage sa responsabilité contractuelle et que le moyen de M. Y tiré de la violation du secret est donc non pertinent en l’espèce ;

En conséquence le tribunal déboutera M. Y de sa fin de non-recevoir fondée sur le principe de non cumul des responsabilités.

H- Sur les fautes qu’aurait commis J :

Z indique que le fait pour J de faire une offre d’achat n’aurait pas été en lui- même fautif si l’opération avait été mise en oeuvre dans le respect des règles de droit en la matière ; mais que J, représentée par son dirigeant M. Y, a triplement violé ces règles engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1200 du code civil :

A- Sur la tierce complicité dans les fautes commises par M. Y : Moyens des parties

En demande, Z soutient que J a prêté son concours et tiré profit en connaissance de cause des fautes contractuelles commises par M. Y en tant qu’administrateur de Z : les informations confidentielles, obtenues par M. Y en sa qualité d’administrateur de Z , ont été transmises par lui ,en sa qualité de président de J, à plusieurs grands cadres de cette dernière et aux 3 banques conseils, mandatées par cette dernière, avec pour objectif de fournir un argumentaire à l’encontre du projet Parfum ; par ailleurs, J a utilisé les documents et informations confidentielles, dont elle savait ne pas avoir qualité pour les connaitre, afin de bâtir son offre d’achat ; J a donc, en connaissance de cause prêté son concours à M. Y, lors la violation de ses devoirs et obligations d’administrateur en nom propre de Z, et a tiré profit des fautes de ce

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dernier ; elle a ainsi commis une faute délictuelle en tierce complicité dont Z demande réparation, in solidum, à J et M. Y.

En défense, J réplique que les 3 conditions, cumulatives, fondant une action en tierce complicité, ne sont pas remplies :

— l’article 1200 alinéa 1° du code civil ,sur lequel se fonde J, édicte que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat » et qu’il en résulte que pour établir que J a violé cet article il faudrait encore qu’elle soit partie à un contrat conclu avec M. DÉEREZ; or, rien ne montre que J puisse être qualifiée de partie au règlement intérieur du Conseil de Z et qu’en réalité elle est tiers au dit contrat ; les parties au contrat en sont les administrateurs qui seuls auraient qualité pour engager une action en tierce complicité. – aucune pièce, malgré l’abondance des documents obtenus par Z du Crédit Suisse, ne démontre que J aurait incité M. Y à ne pas respecter telle ou telle obligation contractuelle ; la seule pièce qui permet d’alléguer que M. DEÈREZ aurait divulgué des informations prétendument confidentielles est un mail du 28 aout 2018 soit 4 jours après son offre amicale et donc n’est en rien susceptible d’avoir eu la moindre influence dessus ; – aucune pièce ne démontre que J puisse être qualifiée de tiers de mauvaise foi car elle n’avait aucune connaissance de l’existence et de la substance des obligations contractuelles auxquelles M. Y avait adhérées ;

Sur ce, le tribunal 1) Sur la recevabilité

Attendu que l’article 1200 du code civil édicte que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par un contrat » ; qu’il en résulte que la personne qui, en connaissance de cause, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur elle commet une faute délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ; que Z soutient que J, en prêtant son concours à M. Y pour qu’il viole ses obligations d’administrateur et en en tirant profit en toute connaissance de cause, a commis une faute délictuelle qui lui a causé des préjudices et qu’elle doit donc réparer ;

Attendu tout d’abord que J soutient que Z serait irecevable parce ce que la complicité nécessite l’établissement de la preuve de la faute Initiale et que tel ne serait pas le cas en l’espèce en raison de l’irecevabilité, du fait de la violation du principe du non cumul cles responsabilités délictuelles et contractuelles, des demandes à l’encontre de M. Y ; que cependant il a été vu ci-dessus que ce tribunal aura retenu que ce dernier a commis des fautes sur le fondement de sa seule responsabilité contractuelle ;

Attendu que J soutient ensuite que Z n’a pas qualité à agir sur le fondement de l’article 1200 du code civil car elle n’est pas partie au Règlement intérieur et ne peut donc revendiquer la qualité de partie à ce contrat ; que cependant l’objet même de ce Règlement est de faire souscrire par l’Administrateur des obligations qu’il consent au profit de Z dont il est le mandataire ; que de nombreux articles du Règlement font référence à la personne morale ( Z) et qu’ainsi Il est stipulé par exemple « chaque administrateur a une obligation de loyauté envers la société » , « chaque administrateur adhère au présent règlement par l’acceptation de son mandat » ; que « le questionnaire à destination des administrateurs », (pièce 117 de Z) , mentionné précédemment porte notamment en son point 9 sur la prise de connaissance et l’engagement de respect du dit Règlement, indique au début de la phrase précédent chacune des 9 obligations prises « je m’engage concernant Z à …. » ; que l’intérêt social que l’administrateur s’engage à défendre est

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celui de la société, que les informations confidentielles reçues par M. Y sont celles de la société et que l’obligation de loyauté contractée est également à l’égard de la société ; que le préjudice, résultant du non-respect des obligations du dit Règlement, ne peut être subi que par la société et donc que c’est à son égard que la responsabilité de l’Administrateur est engagée ; qu’à l’évidence les obligations contractées par M. Y en tant qu’Administrateur, du fait de son adhésion au Règlement et par la signature du

« Questionnaire », ne sont consenties qu’au seul profit de Z ; que cette dernière est donc bien la créancière des obligations de M. Y et a donc bien qualité à agir à son encontre pour les fautes contractuelles qu’il a commises ;

Attendu enfin que J soutient que le Règlement ne peut imposer des obligations à un administrateur car celui-ci n’est tenu qu’au seul respect des statuts et que ledit Règlement dès lors, s’il y déroge, n’est pas opposable à l’administrateur ; mais attendu que, certes si le Règlement édictait des obligations contraires au statut, celles-ci seraient effectivement non opposables, voire nulles, par contre rien n’interdit audit Règlement d’ajouter des obligations ; que, de plus s’il est exact que le Règlement ne peut pas en lui-même faire naître de nouvelles obligations pour un administrateur, par contre l’adhésion formelle de celui-ci audit Règlement lui confère une nature et une valeur contractuelle et que, comme tout contrat, s’il ne Viole pas la loi, la violation d’engagements souscrits est une faute engageant la responsabilité contractuelle de ses signataires ; qu’il a été vu ci-dessus que M. Y a bien consenti au profit de Z aux obligations dudit Règlement et que cette adhésion a été renforcée par la souscription au Questionnaire qui a également une valeur contractuelle.

Attendu que les trois moyens ci-dessus étant non fondés, le tribunal dira que Z est bien recevable dans son action à l’encontre de J et déboutera cette dernière de ses exceptions et fins de non-recevoir.

2) Sur le fond

Attendu que Z fait valoir que J est tierce complice de la violation par M. Y de ses engagements contractuels et a ainsi engagé sa responsabilité délictuelle à son égard ; qu’en effet elle a, en toute connaissance de cause, prêté son concours et tiré profit des fautes contractuelles commises par ce dernier ; que J réplique que Z n’a pas démontré sa mauvaise foi car elle n’a pas établi qu’elle aurait eu connaissance de ce que M. Y aurait violé des obligations prises à son égard et car elle n’a pas incité ce dernier à commettre des fautes ;

Attendu cependant que pour établir la tierce complicité le demandeur doit rapporter la preuve que quatre conditions ,et quatre seulement, sont remplies : l’existence d’une obligation contractuelle, son non-respect par le débiteur de celle-ci, la connaissance que ce tiers a eu ou aurait dû avoir de la violation de l’obligation contractuelle et, la collaboration par le tiers à cette violation ; qu’il a été montré ci-dessus que M. Y était bien tenu à l’égard de Z par des obligations contractuelles et qu’il a commis des fautes en ne les respectant pas ;

Attendu que J soutient qu’elle ne connaissait pas l’obligation de confidentialité à laquelle était tenue M. Y du fait du Règlement ; mais que J ne pouvait ignorer l’article L. 225-37 du code de commerce sur la confidentialité des informations données aux administrateurs d’une société ; qu’elle ne pouvait non plus ignorer le code AFEP-MEDEF, auquel Z comme J avait adhéré, et que d’ailleurs le directeur de cabinet de M. Y, lorsqu’il présente au Conseil de cette dernière le 23 aout 2018 le projet d’OPA a déclaré, à propos d’un de ses éléments, qu’il était conforme audit code, qui a une valeur

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normative, et que M. Y, en qualité de mandataire social de J, a fait la même déclaration à propos d’un des autres éléments : cf. page 8 du procès-verbal du dudit Conseil ( pièce 14 de M. Y et pièce 16 de J) ; qu’en outre ledit Règlement est en ligne sur le site de Z et que ses banques conseils pour préparer leur présentation ont à l’évidence examiné très attentivement tous les éléments d’informations sur Z et à tout le moins de ceux publics;

Attendu de plus qu’en l’espèce il ressort des pièces produites que les destinataires, ou les personnes en copie, des échanges de mails entre le CS et J sur le projet Parfum, sont parfaitement explicites sur le fait que M. Y a obtenu les informations relatives à ce projet, qu’il communique à J et aux banques conseils, au cours d’un Comité Stratégique du 25 juillet , émanation du Conseil d’administration de Z , et sont donc couvertes par le secret des travaux du Conseil et des informations données aux administrateurs ; qu’en particulier le mail du 27 juillet du CS, banque conseil de J, ( pièce 1 de Z déjà citée) est explicite sur la violation du secret « une fusion potentielle entre Partner Ré et Z a été discuté au conseil d’administration de cette dernière et sera discutée à nouveau au séminaire stratégique du Conseil de Z du 30 août ….. M. Y nous a demandé de préparer une liste d’arguments contre cette opération … C O ( le directeur général réassurance de J) a déjà des idées ….nous devons envoyer notre document à C ( le DG ) et B ( M. Y) … » ; qu’il en résulte que J ne peut ignorer que M. Y, en lui transmettant des informations relatives à la présentation faite au Comité stratégique et à l’ordre du jour du suivant, a manqué à une de ses obligations essentielles contractées à l’égard de Z relative au respect du secret des informations données au Conseil de cette dernière ; que surtout en l’espèce le contractant des obligations souscrites au bénéfice de Z, M. Y en tant qu’administrateur à titre personnel de cette dernière, étant en même temps le dirigeant et le mandataire social de J, la tierce complicité de cette dernière dans les fautes commises est consubstantielle à cette dualité de rôle de M. Y ; que la personne morale, représentée par son mandataire social, ne peut par définition ignorer les fautes que commet à titre personnel celui-ci ; qu 'il en résulte que la 3° condition relative à qualification de tierce complice de J est à l’ évidence remplie et que le moyen tiré de labsence de mauvaise foi de la défenderesse est infondé ;

Attendu que la collaboration de J à la violation de la confidentialité des travaux du Conseil de Z est établie par le fait que c’est elle, par le biais de son mandataire social, qui va transmettre les dites informations secrètes à ses 3 banques conseils et va les utiliser par l’intermédiaire, en sus de M. Y, de son directeur général, de sa directrice financière ( 2° dirigeant au sens de ja réglementation des assurances) et du directeur de cabinet de son président ( ex. Secrétaire général de l’AMF) ; que J a donc parfaitement conscience de la nature et de la gravité des fautes commises en préparant une OPA et en fixant le calendrier à la fin aout 2018 uniquement parce que M. Y l’a informée de ce que le comité stratégique , sous forme de séminaire off site du 30 aout 2018, serait consacré à une poursuite des échanges, commencées le 25 juillet, autour du projet dit Parfum, c’est-à- dire sur une éventuelle fusion Z/Partner Ré ;

Attendu que de plus, le 28 août 2018, J, par l’intermédiaire de l’assistante personnelle de son président, va transmettre à l’ensemble des conseils de J le procès-verbal de la réunion du Comité Stratégique du 25 juillet, document intrinsèquement confidential par sa nature et à l’intérieur duquel figure de surcroît une phrase sur le caractère confidentiel de la présentation du projet Parfum ; qu’ainsi J communique à ses 3 banques conseils la valorisation intrinsèque de Z, réalisée par la BNPP, sa banque conseil (pièce 2 de Z) ; qu’il importe peu que les banques conseils n’aient pas utilisé cette information pour

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la détermination du prix d’acquisition des titres de Z proposé dans l’offre ; que le seul fait de divulguer une information, que J sait hautement confidentielle car particulièrement sensible pour les marchés financiers ( stratégique pour toute entreprise voulant faire une OPA sur Z et même dans le cas d’une fusion avec Partner Ré pour la détermination de la parité d’échanges ) et obtenue dans des conditions illicites, à 3 banques d’investissement est une faute car elle fait peser une menace potentielle sur Z, les dites banques d’investissement n’étant pas tenues à un engagement de confidentialité à son égard ;)

Attendu que, contrairement à ce que soutient J, il n’est nullement nécessaire que Z démontre qu’elle ait incité M. Y à violer son engagement de respect du secret, dès lors qu’elle a connu l’existence de l’engagement contracté par ce dernier et qu’elle a tiré directement profit de sa violation ; qu’il résulte des éléments ci-dessous que J a bien bénéficié de la violation des engagements car, sans ladite violation, elle aurait ignoré que Z était en train d’étudier les avantages, les inconvénients et la faisabilité d’une fusion avec Partner Ré comme il a été montré dans la partie relative aux fautes de M. Y; qu’elle en a tiré un profit direct en décidant de préparer immédiatement une OPA sur Z nonobstant l’engagement de Standstil, non-augmentation de sa participation au capital, contracté en 2016 ; qu’en effet, antérieurement à cette divulgation du projet Parfum, J avait mandaté en avril 2018 le CS afin d’étudier 3 options de croissance externe : Aqua ( nom de code d’une cible non identifiée dans la présente instance), Partner Ré et Z ; que cette date d’avril 2018, comme date du début des travaux du CS en vue d’une opération dont Z était l’une des cibles potentielles est confirmé par un mail du 27 aout de reporting par le banquier senior du CS, cosignataire du mandat, à sa direction générale à Londres ,indiquant « nous avons été choisi le 27 avril 2018 comme conseil de J pour l’acquisition d’un réassureur et Éole ( nom de code de Z) était envisagée à ce moment- là » ( pièce 29 de Z); qu’en ce qui concerne cette dernière, en raison même du Standstil, J avait indiqué au CS qu’un éventuel projet ne deviendrait d’actualité qu’après l’expiration en avril 2019 du dit Standstill ;

Attendu que la réalisation éventuelle du projet Parfum a été ressentie par J comme une menace en ce qu’elle la priverait de 2 de ses 3 cibles de croissance externe ( Partner Ré évidemment et Z car son augmentation de taille suite à une fusion rendrait beaucoup plus difficile et couteuse une éventuelle OPA) ; que comme l’indique les échanges de mails du CS ( entre les membres de l’équipe de cette dernière et avec J) la connaissance de l’existence du projet Parfum a amené J à demander au CS de lui préparer une liste de critiques contre le projet et à préparer une offre ferme pour la fin août ( mail du 30 juillet – pièce 19 et 20 de Z, mail du 31 juillet- pièce 21) ; que le mail du 31 juillet ( pièce 22 de Z) entre les équipes du CS est explicite sur le fait que, la connaissance par J de ce que le Comité stratégique du 30 aout de Z va débattre à nouveau d’un projet de fusion entre cette dernière et Partner Ré , a modifié sa stratégie pour être en mesure de lancer une OPA à la fin août ( soit lors du dit Comité, soit juste avant ) : « notre client initialement envisageait une acquisition en 2019 mais le calendrier pourrait s’accélérer car ils ont entendu que Z pourrait réfléchir à une fusion avec un autre réassureur ; dès lors J veut être prêt à faire une offre pour la fin août » ; que le 7 aout CS indique à l’ensemble des équipes mandatées par J pour préparer une OPA que la directrice financière de J ( 2° dirigeant de cette dernière) leur a « confirmé que J veut être prête à envoyer sa lettre d’Offre dans les prochaines semaines … » ( pièce 28 de Z) ; qu’un mail du 10 aout d’une des nouvelles banques conseils de J ( Barclays), aux autres banquiers et aux conseils juridiques recrutés pour préparer l’OPA ( pièce 31 Z), comprend une page qui indique « plusieurs options s’offrent à J pour contrer une éventuelle annonce de rapprochement entre EOLE ( nom de code de Z) et Partner Ré

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… » et que l’une des options est « une lettre d’offre préemptive (c’est-à-dire avant toute éventuelle décision sur Parfum) de J au président de Z » ( souligné du tribunal); qu’un mail du 13 aout du CS ( pièce 34 de Z) montre que J va avancer son conseil d’administration pour lui faire approuver pour la fin août une décision de faire une Offre; qu’un mail du 17 aout du CS (pièce 36 Z) indique « le président de J nous a passé un message très fort indiquant qu’il veut avoir les accords de financement pour le 20 août » et que le 20 aout un mail du CS (pièce 39) indique « J veuf éfre en mesure de fancer son Offre dès qu’il aura pu matériellement réunir son Conseil », Conseil convoqué le 21 aout et qui s’est tenu le 23 aout, et que ledit mail ne mentionne même plus la recommandation, faite dans les présentations précédentes, d’une rencontre préalable à tout lancement d’une OPA ;

Attendu que J réplique que l’accélération des travaux n’a été provoquée que par le fait qu’elle avait été alertée le 15 puis le 17 aout du fait que deux journalistes ( l’un du Wall Street journal et l’autre de Bloomberg } avaient interrogé un des banquiers conseils à Londres sur le fait qu’il avait entendu dire que J préparait une OPA et que par ailleurs celui-ci lui avait signalé le 17 aout que les volumes d’achat du titre Z étaient plus élevé que d’habitude et que le cours avaient augmenté; que cependant , tout d’abord le tribunal a relevé que J n’a produit aucun article paru dans la presse, que l’augmentation du cours ne s’est produite que le 17 aout ( moment ou l’activité sur la place de Paris est très faible et que n’importe quel achat, y compris de couverture de Z, suffit à faire monter le cours) et que d’ailleurs J, dont c’était pourtant l’intérêt, n’a produit aucune note flash d’alerte sur des mouvements anormaux en volume et/ou du cours d’un des analystes des grandes banques d’investissement suivant l’action de Z; que surtout la chronologie des mails de CS suffit à démontrer que la décision d’accélérer la préparation opérationnelle de l’Offre est prise bien antérieurement aux mouvements sur le marché du 17 aout et même au premier des appels de journalistes du 15 aout ; qu’en effet c’est dès le 12 aout (pièce 32 Z), qu’il est envisagé de lancer une « offre préemptive » avec 3 options : soit avant que le Conseil de Z du 30 aout ne soit en mesure de débattre du projet Parfum, soit le jour même, soit le lendemain ; que finalement le 13 aout J a indiqué au CS qu’elle a décidé d’avancer son propre conseil au 23 aout afin d’être en mesure de faire une offre avant la fin aout et donc avant la réunion du séminaire off site du Conseil de Z ( pièce 34), choisissant ainsi la première des options que lui avait présentée le CS;

Attendu qu’il ressort ainsi de l’examen des pièces, visées ci-dessus, notamment les mails du CS à J, que c’est la connaissance par cette demière, le 27 juillet 2018, de l’objet du Comité stratégique du 3D aout de Z qui va la conduire à faire, avant la réunion du Conseil de cette dernière, une offre, dite par une de ses banque conseil, « préemptive »; qu’il est ainsi établi que J a utilisé à son profit des informations, dont elle savait qu’elle les avait obtenues de manière illicite, puisque résultantes de la violation par son président du secret des discussions du Conseil ; que J a donc bien bénéficié directement des manquements de M. Y à ses obligations et qu’elle a utilisé à son profit lesdits manquements à seule fin de faire échec à une éventuelle décision stratégique de Z de fusionner avec Partner Ré ce qui l’aurait privé de deux de ses 3 options stratégiques, initialement envisagées en avril 2018 : acquisition de Partner Ré ou de Z après la fin du Standstill.

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le tribunal dira que J est tierce complice des fautes commises par M. Y, en tant qu’administrateur à titre personnel de Z, consistant en la violation de son obligation de confidentialité des informations et documents re:nis aux membres de son Conseil d’administration, et en la dissimulation de son conflit d’intérêt.

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B- Sur la faute délictuelle résidant dans le communiqué de presse : Moyens des parties

En demande $COR rappelle que la lettre d’offre de J du 24 aout 2018 portait la mention strictement confidentielle comme sa réponse négative ce qui n’a pas empêché cette dernière de faire un communiqué de presse le 4 septembre 2018 annonçant à la fois qu’elle avait fait une offre, qu’elle avait dû la retirer devant l’opposition du conseil de Z mais qu’elle réaffirmait son intérêt pour une opération amicale ; le fait que cette information , que rien ne justifiait de rendre publique et ce d’autant plus que les échanges entre les deux parties avaient été réalisé sous le sceau de la confidentialité, ait été révélée à la veille des journées investisseurs de Z et une semaine avant les rendez-vous de Monte-F avec ses grands actionnaires ne pouvait avoir pour objet et pour effet que de déstabiliser s le management de Z et l’affaiblir en laissant entendre que son indépendance n’était plus assurée alors même que J avait, lorsque elle avait accru sa participation à 8% en 2016, donner acte à Z de ce qu’elle adhérait à son objactif de préserver son indépendance. Qu’il s’agit donc d’une deuxième faute délictuelle.

Elle réplique à J que la deuxième alinéa de l’article 223-6 du règlement AMF autorise de différer la communication si la confidentialité est momentanément nécessaire à condition que celle-ci puisse être maintenue

En défense, J réplique que : – l’article 223-6 du règlement de l’AMF fait obligation à toute personne préparant une opération financière d’en porter dès que possible le contenu au public,

— Le communiqué avait été soumis à l’AMF qui l’avait approuvé,

— il était urgent de communiquer car depuis le 25 aout le cours de Z avait progressé fortement avec des volumes de transaction anormaux et alors que depuis la mi-août des journaux spéculaient sur la possibilité d’une offre de J,

— le fait que la lettre d’offre et la réponse de Z portaient la mention confidentielle ne saurait pour autant l’autoriser à déroger à une règle d’ordre public dont la violation peut entrainer de lourdes sanctions financières,

et elle ajouté dans ses demières conclusions et lors de l’audience en réponse à l’argument de Z selon lequel il n’y a lieu de communiquer une offre qui n’existe plus puisque devenue caduque, que « certes l’offre était caduque mais qu’elle demeurait envisageable…. » ou en d’autre terme « qu’elle était en sommeil».

Sur ce, le tribunal

Attendu que le 24 aout 2018, J a envoyé au Président de Z une lettre, signée par M. Y en sa qualité de président et par M. E en sa qualité de directeur Général, intitulée : « OFFRE PUBLIQUE D’ACHAT- STRICTEMENT CONFIDENTIEL » qui indiquait qu’elle formulait « une offre amicale en vue de l’acquisition d’une participation majoritaire dans le capital de J », qu’elle souhaitait « engager activement des discussions en vue de parvenir à un accord négocié sur les termes d’un rapprochement ….qui prendrait la forme d’une OPA amicale ….sur la base des principes exposés ci-dessous …. » ; qu’il était indiqué que l’opération serait réalisée sous forme d’une OPA …..par l’acquisition de la totalité des actions non encore détenues par J au prix de 43€ par action… » et que « l’offre ne serait soumise qu’aux seules conditions suivantes : recommandation de l’opération par le Conseil d’Administration de Z, signature d’un accord de rapprochement entre J

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et Z, … obtention des accords de diverses Autorités administratives » , que le point 6

« prochaines étapes » indiquait « nous vous demandons de de soumettre formellement notre Offre à votre Conseil … en vue d’engager des discussions permettant de finaliser un accord de rapprochement », que le point 7 c « calendrier » stipulait « le calendrier prévisionnel de l’Opération et des annonces publiques pourra être défini d’un commun accord en fonction de la structure finale de l’opération dont nous aurons convenu dans l’accord de rapprochement » et le point 8 final « confidentialité » stipulait que « /a présente lettre est strictement confidentielle et ne peut être communiquée à des tiers autres que les membres du conseil de Z et ses conseils… » ;

Attendu qu’il résultait donc des termes mêmes de cette lettre que l’Offre était conditionnée à l’accord du Conseil d’Administration de Z, qu’elle devait permettre dans ce cas d’ouvrir des négociations en vue de la signature d’un accord de rapprochement et que « le calendrier des annonces publiques serait défini d’un commun accord » en fonction de la structure de l’opération sur laquelle Z et J se serait mis d’accord dans l’accord de rapprochement ;

Attendu que le 30 aout 2018 le président de Z répondait par une lettre portant la mention « Strictement confidentiel » que son Conseil réunit le même jour pour examiner la lettre a répondu : « ce projet d’opération ….est contraire à l’engagement de standstill du 8 avril 2016……. en conséquence le Conseil décide à l’unanimité de refuser d’engager des discussions avec J en vue de parvenir à un accord… concernant l’acquisition d’une participation majoritaire de cette dernière dans son capital. Compte tenu de cette décision prise à l’unanimité qui ne présente aucune équivoque vous comprendrez que toute OPA de J serait considérée comme hostile » ;

Attendu que néanmoins, bien que l’Offre de J ait été conditionnée à l’accord du Conseil de Z et à la négociation d’un accord de coopération et que, vu la réponse de cette dernière, cette Offre conditionnelle , avait cessé d’exister puisque sa principale condition suspensive, l’obtention de l’accord du conseil d’administration, ne pourrait être remplie , J a publié un communiqué pour la faire connaitre aux médias et aux marchés financiers ; qu’en effet le 4 septembre 2018 J a publié le communiqué suivant « J prend acte du refus de Z d’entrer en discussion en vue d’un rapprochement amical au moyen d’une OPA à 43€ par actions… visant 100% du capitat…. Cette offre amicale était conditionnée à la recommandation du Conseil de Z …. Celui-ci le 30 aout a refusé d’entrer en discussion et de négocier un rapprochement sur les bases de sa proposition. J prend acte de cette décision … qui conduit,_en l’état de la situation au retrait de son projet d’offre. J réaffirme néanmoins son intérêt pour une opération amicale avec Z. » ;

Attendu que Z soutient que J, en rendant publique son offre et sa réponse négative à la veille de la journée des Investisseurs de Z et à une semaine des Rendez- vous de septembre avec ses grands clients à Monte-F, deux événements d’une importance capitale pour elle, J a cherché de manière préméditée, car elle connaissait parfaitement ce calendrier comme le montre tous les slides des présentations successives du CS, à déstabiliser Z à une période particulièrement sensible pour elle ce qui constituerait une faute délictuelle ;

Attendu que J réplique qu’elle était tenue par l’article 223-6 du règlement général de l’AMF et ce d’autant que des mouvements anormaux avaient été détectés sur le titre de Z et des rumeurs auraient commencé à circuler dans différents médias sur un possible rapprochement entre cette dernière et elle-même ; que l’article 223-6 dudit Règlement est

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ainsi rédigé : « toute personne qui prépare une opération financière susceptible d’avoir une incidence significative sur le cours d’un instrument financier… doit, dès que possible, porter à la connaissance du public les caractéristiques de cette opération » ;

Attendu que cet article édicte une obligation de communication au moment de jla préparation d’une offre mais qu’il ne s’applique pas en l’espèce puisque l’opération a été abandonnée et qu’il ne pouvait en être autrement dès lors qu’elle était conditionnée à l’accord du Conseil d’Administration de Z notamment en raison du Standstill ; qu’il est paradoxal que J, alors qu’elle ne s’est pas sentie obligée de respecter cette obligation pendant la période ou avec ses banques conseils elle a commencé à préparer très activement l’offre , (période qui débute le 30 juillet avec les instructions données par J au CS « de préparer une Offre devant être prête pour la fin aout avec des accords de financements fermes de banques »- pièce 20 Z- et qui s’achève le 17 aout, date du mail du CS indiquant que cette demière doit avoir obtenu les accords bancaires pour le financement de l’opération avant le 20 aout, pièce 38 SGOR), soutienne maintenant qu’elle était obligée de rendre publique son Offre le 4 septembre alors même que depuis la réponse du 30 aout de Z ladite Offre était devenue caduque ;

Attendu de plus que le calendrier qu’elle envisageait dans son offre, en cas d’acceptation de Z, ne prévoyait nullement une communication à une date aussi rapprochée puisqu’il était stipulé que « la date des annonces publiques » serait définie après qu’un accord de rapprochement ait été conclu », dont la négociation devait par définition prendre une certain temps; que lors de la présentation le 23 août de l’offre aux 2 Conseils de GOVEA qui l’ont approuvé ( pièce 16 J : procès-verbal) , il est indiqué en p11 au point « 6 calendrier », présenté par le directeur de cabinet de M Y (ancien Secrétaire Général de l’AMF et donc expert dans ce domaine), que : « ….. à l’issue de la négociation d’un Protocole de rapprochement et après la signature de celui-ci il serait procédé à l’annonce du projet de rapprochement » ; qu’il n’est pas concevable que, si J (entouré de très nombreux conseils financiers et juridiques) avait interprété le Règlement dans le sens qu’elle lui donne maintenant, elle n’ait prévu une annonce publique que dans le cas d’un accord de Z et qu’elle ait omis de prévoir une communication immédiatement après un rejet de son offre ;

Attendu que ce moyen d’une obligation réglementaire, qui aurait rendu nécessaire de publier un communiqué sur le projet, pourtant abandonné, d’une OPA, est non pertinent ; qu’en effet si comme l’a reconnu J lors des débats, « l’offre est caduque », cela signifie que l’offre n’existe plus ; qu’un intervenant sur le marché n’a pas à communiquer sur un projet qui n’a pas ou plus d’existence ; que J réplique que bien que « caduque » , l’offre « restait envisageable », « l’offre était en sommeil » mais que, si les entreprises devaient communiquer sur toutes les apérations qui seraient « envisageables » ou « en sommeil » le but de rechercher de connaissance par le marché d’opérations en cours, on aboutirait à ce que les opérateurs sur les marchés ne soient plus en mesure de comprendre et d’interpréter l’influence potentielle des annonces sur les cours et les volumes .

Attendu en ce qui concerne l’argument de J sur le fait qu’elle aurait été obligée de communiquer en raison des mouvements sur le titre Z et des rumeurs médiatiques ( se limitant toutefois à 2 appels téléphoniques de journalistes les 15 et 17 aout et ce sans publication) qu’il ressort des pièces produites par J ( n° 12, 13 et 14) que les dits mouvements se sont produits entre le 15 aout et le 21 aout ; que d’ailleurs si le cours a monté de 5% le 17 aout , il est redescendu le 20 aout de près de 2% pour ensuite varier très faiblement avec de nouvelles journées de baisse les 23 ( -1,2%), 24 (-2,3%) 30 et 31 aout, que les volumes échangées sont redescendus à leur niveau habituel entre 400 et 500.000

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titres dès le 22 aout et que ce n’est que le 4 septembre après la publication du communiqué que cours et volume ont fortement varié à la hausse ( pièce 33 J);

Attendu d’ailleurs que l’existence de ces deux appel de journalistes et de l’augmentation des volumes de titres échangés sur le marché le 17 aout, qui n’ont pas été signalés au Conseil de J, n’ont pas pour autant, comme il a été vu ci-dessus, entrainé une modification du calendrier prévisionnel de l’Opération présenté au dit Conseil le 24 aout qui indique que le communiqué serait publié après négociation avec Z puis signature d’un accord de coopération ; que de plus, pendant les 15 jours qui précèdent le communiqué, il n’y a plus de rumeurs médiatiques ou de mouvements sur le cours, ou de volumes inhabituels de

titres échangés; que ce moyen d’une nécessité de publier un communiqué de presse en raison du contexte boursier est donc infondé ;

Attendu que J réplique que l’offre était conditionnelle, suspendue à un accord du Conseil de Z, et que donc que, tant que ledit Conseil n’avait pas répondu, l’opération n’était pas certaine ; que cette argumentation est en contradiction directe avec le fait qu’elle estime devoir communiquer le 4 septembre puisque, si l’offre était conditionnelle alors la réponse, fortement négative et reposant sur plusieurs motivations différentes de Z du 30 aout, l’avait rendu encore plus aléatoire et particulièrement incertaine : qu’en effet, si avant le 30 aout elle ne savait pas si Z accepterait son offre, après cette date elle sait que cette dernière refuse avec force et à l’unanimité de son Conseil ladite offre et que, dès lors que J ne veut pas violer son Standstill, une OPA, à tout le moins telle que l’Offre a été formulée, n’était plus possible ; qu’il en résulte que, si on retenait la thèse de J selon laquelle elle ne pouvait communiquer avant de connaître la réponse de Z, alors, après qu’elle l’ait connue, sa propre argumentation rend incompréhensible ses explications sur la nécessité de rendre publique une offre qu’elle est dans l’impossibilité juridique de maintenir sans violer le Standstil] ;

Attendu en outre que l’alinéa 2 de l’article 223-6 du règlement de l’AMF édicte que « si la confidentialité est momentanément nécessaire à la réalisation de l’opération et si la personne ,à l’origine de l’opération est en mesure d’en préserver la confidentialité, elle peut prendre la responsabilité d’en différer la publication » ; que J réplique que, si elle était en mesure de préserver la confidentialité jusqu’à l’envoi de son offre, car ses collaborateurs étaient tenus au secret et que ses banques conseils avaient signé un engagement de confidentialité, son envoi au conseil de Z ne lui permettait plus de garantir la dite confidentialité ; que cette réponse est étonnante car les fuites du 15 et 17 aout, alors que seules ses banques conseils et ses collaborateurs étaient au courant de l’opération, conduirait à penser que que la fuite aurait pu provenir de l’un d’entre eux et qu’une enquête de l’AMF est d’ailleurs en cours; que, surtout selon ce 2° alinéa de l’article 223 précité, si vraiment J avait considéré que les deux appels téléphoniques et l’augmentation des volumes le 17 aout signifiaient qu’elle ne pouvait plus assurer la confidentialité, alors selon sa propre interprétation dudit Règlement, elle se devait de publier un communiqué dès cette date du 17 aout ou en tout cas immédiatement après la délibération de son conseil le 23 aout ; que de plus à l’inverse, on ne s’explique pas pourquoi J estime qu’elle ne peut se reposer sur la discrétion des membres du Conseil de Z et ce d’autant plus que cette dernière a un intérêt majeur à préserver la confidentialité ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la publication du communiqué ne répondait à aucune contrainte de fait de ou de droit et que J n’ignorait pas que la dite publication allait avoir de sérieuses conséquences pour Z ; que dans les PV des Conseils d’administration de J, précité, il est d’ailleurs indiqué que, dès qu’une annonce sera faite, le cours de Z évoluera ( ce qui s’est d’ailleurs comme anticipé fortement produit et

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ce qui est à l’origine d’une des demandes d’indemnisation de Z) et que de plus J n’ignore pas non plus que la période qui s’ouvre à partir du 4 septembre est d’une très grande sensibilité pour Z ; qu’en effet dans les présentations de l’OPA, que le CS a faites à J, il est indiqué que le 5 septembre se tiendra la journée des Investisseurs de Z et que la semaine suivante auront lieu les « rendez-vous de Monte-F » au cours desquels cette dernière rencontre ses clients ; qu’il est évident que l’annonce, que Z a fait l’objet d’une tentative d’OPA, ne peut qu’être un sujet d’inquiétude pour ses investisseurs et ses clients ;

Attendu surtout que ce communiqué, d’une particulière ambiguïté, est rédigé pour sous- entendre le contraire de ce qu’il énonce ; qu’en effet, alors qu’il a pour objet d’annoncer l’abandon du projet d’OPA et que J soutient dans ses écritures qu’elle a renoncé à son offre après le rejet de celle-ci par Z, il est indiqué d’une part qu’elle retire son offre « en l’état de la situation » et d’autre part qu’elle « réaffirme néanmoins son intérêt pour une opération amicale avec Z » et ce alors même que son Offre a été considérée à l’unanimité du Conseil comme hostile ; que les milieux financiers ( intervenants sur les marchés, banques , et presse spécialisée) ne pouvaient interpréter ce communiqué que comme les prémices d’une bataille boursière et que c’est d’ailleurs bien ainsl qu’il a été compris ( augmentation forte du cours, échos médiatiques sur une possible surenchère, note d’analystes bancaires ) ; que d’ailleurs lors des Conseils de J, en réponse à une question d’un de ses administrateurs sur ce que deviendrait l’Offre en cas en de rejet par Z, le directeur de cabinet de M. Y a répondu « si le conseil d’administration de Z refuse , … l’Offre deviendrait inamicale ; l’opération devrait alors être réexaminée» mais sans leur préciser que ce maintien conduirait à violer le Standstill ( pièce 16 J p12 dernières lignes) ;

Attendu que, lors de l’audience et au cours des débats, J a contesté l’argument de Z selon lequel, l’offre étant devenu caduque et selon les propres termes de J ayant été retirée, il n’y avait plus aucune justification à une communication sur une offre qui n’existait donc plus ; qu’interrogée par le tribunal pour savoir si l’offre avait été retirée ou maintenue, J a répondu que : « L’offre est en sommeil : elle n’est pas caduque, elle existe toujours et elle peut revivre à condition que le Conseil d’Administration de Z modifie sa position » et « l’offre demeure envisageable »; que cependant les termes « offre en sommeil » et « offre envisageable » n’ont pas de signification juridique et surtout ne comprend pas en quoi il était juridiquement nécessaire de communiquer au marché une Offre qui n’existait plus ; qu’en effet il existe de multiples opérations « en sommeil » dans les entreprises cotés sans que celles-ci ne se soient jamais senties obligées de communiquer sur leur projets hypothétiques ; que d’ailleurs dès le 19 juillet J (cf. présentation Abbaye pièce 9 de J) un projet d’offre très précis, puisque le prix en a été arrêté à 43€,prix qui sera finalement retenu et offert dans la lettre à Z de J du 24 aout, a été présentée à cette dernière et qu’alors dès cette époque on pourrait, si on retenait la terminologie de J, dire qu’elle était « en sommeil » puisque il était alors prévu de ne pas la révéler avant l’expiration du standstill en avril 2019, ou avant mais uniquement si J proposait à son conseil la fusion avec Partner Ré ; que d’ailleurs, si on retenait l’analyse de J , selon laquelle elle se devait de communiquer dès qu’une Offre était

« envisageable », analyse que le tribunal ne retiendra pas, alors ce serait dès la fin Juillet 2018, vu l’avancement des travaux des banques conseils, qu’un communiqué aurait dû être fait ;

Attendu qu’au surplus, J ne pouvait ignorer que pour faire évoluer la position du Conseil de Z il lui fallait modifier son offre et à tout le moins en relever fortement le prix ;, que d’ailleurs il est usuel qu’une entreprise, qui fait une offre qu’elle dit amicale et que

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la cible refuse et déclare hostile, engage des négociations ou prépare une contre-offre pour relever son prix ; mais que J n’a produit aucun élément au débat montrant qu’elle avait essayé de proposer même informellement de nouvelles conditions et que les pièces obtenues par la « pre-disciosure action » à Londres ne font ressortir aucune demande de J à ses banques conseils de préparer une nouvelle offre ; que le deuxième communiqué du 23 septembre de J n’a fait que confirmer le premier et qu’il ne s’est plus rien passé jusqu’au retrait effectif de l’offre le 29 janvier 2019, l’offre restant ainsi en

« sommeil » pendant 5 mois ;

Attendu enfin, comme il a été montré ci-dessus, que la décision de lancer une Offre avant le comité stratégique et le Conseil du 30 aout de Z, a été prise bien antérieurement à la première « fuite » vers des journalistes du 15 aout, mais en fait dès le 12 aout (pièce 32 de Z) surtout le 13 aout (pièce 34 Z) : « …… J a décidé d’avancer la date de son Conseil pour faire une offre « préemptive » (citation complète ci-dessus) ;

Attendu que J soutient que son président a essayé d’entrer en contact avec le président de Z, avant d’envoyer sa lettre d’offre, et a déclaré lors des débats , que ce ne serait que parce que ce dernier avait refusé le rendez-vous proposé, que cela l’avait conduit à accélérer son calendrier et à envoyer l’offre dès le 24 aout, sans pouvoir alors savoir qu’elle serait refusée ce qui rendait nécessaire le communiqué ; que cependant selon le procès-verbal d’huissier mandaté par J pour analyser les échanges de SMS et qui joint les captures d’écran du téléphone de M. Y, ce dernier a proposé le mardi 21 aout à 19H24 au président de Z un rendez-vous le vendredi 24, soit après la date de convocation du Conseil de J devant approuver l’Offre, et que le président de Z a répondu qu’il était pris le vendredi 24 et a proposé le lundi 27, soit le lendemain du week- end ; que rien n’empêchait J d’attendre le 27 août pour savoir s’il devait réunir son conseil et décider de faire une offre dans le cas ou il aurait résulté de cet entretien qu’il était vraisemblable que son Offre puisse être acceptée ; que, dès lors qu’elle affirme qu’elle n’entendait pas faire une offre hostile, connaissant la réponse du Président de Z, qui aurait pu être confirmée par l’Administrateur référent avec lequel M. Y a échangé de nombreux SMS pendant cette période, elle n’aurait pas fait d’offre formelle et donc dans sa logique un communiqué et M. Y se serait contenté au comité du 30 aout de critiquer Parfum et d’indiquer qu’il était en mesure de faire proposer par J une meilleure solution.

Attendu que le communiqué a provoqué des difficultés à Z et a perturbé son fonctionnement ; que, si tel n’avait pas été l’intention de J, elle aurait, devant l’agitation des marchés et médias financiers, clairement fait savoir qu’elle avait renoncé à son projet d’OPA ; mais que, loin de procéder ainsi, elle a au contraire récidivé avec un 2°"°* communiqué le 27 septembre ( pièce 11 Z) tout aussi ambigu que le premier dans lequel elle commence par rappeler qu’elle est tenue par un accord de standstill jusqu’au 8 avril 2019,qu’elle ne peut donc monter au capital de Z sans accord de cette dernière et qu’elle « entend respecter cet engagement tant que celui-ci sera en vigueur » mais que

« elle a néanmoins affirmé et réaffirme son intérêt pour discuter d’un rapprochement amical avec Z » puis dans un paragraphe de 4 lignes elle détaille les avantages de sa proposition d’OPA ;

Attendu que l’ambiguïté du communiqué du 4 septembre 2018 ne sauraient avoir résulter d’une maladresse de réaction parce que d’une part J est assistée par 3 grandes banques d’affaires internationales et 2 cabinets d’avocats, parce que d’autre part, malgré les commentaires médiatiques ayant résulté du premier communiqué ( bataille boursière en

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perspective, contre-OPA, …) et la hausse très forte du cours, elle va reprendre la même rédaction ambiguë dans un 2°"* communiqué le 23 septembre 2018 ;

Attendu que cette hypothèse d’une intention maligne, résultant de l’ambiguïté volontaire du premier communiqué du 4 septembre , est donc confirmée par la manière dont est rédigée ce second communiqué; que J n’a apporté aucune justification à la nécessité en droit ou pour des raisons matérielles de ce deuxième communiqué ; que ce ne sera que le 29 janvier 2019, soit concomitamment avec le dépôt de plainte pénale de Z, que J indiquera clairement que « un rapprochement avec Z ne fait plus partie de ses

options » ; que, pour pouvoir comprendre l’intention réelle de J en publiant ces deux communiqués des 4 et 27 septembre, qui disent une chose et son contraire, il faut les relier avec l’objet de l’avancement de la date de l’Offre au 24 aout 2018, alors qu’elle était initialement programmée à la fin du Standstill c’est à dire au 2° trimestre 2019, qui était de « préempter » une éventuelle fusion entre Z entre Partner Ré, comme le montre les mails précités du CS (pièces 32 et 34 Z cités ci-dessus), confirmés par les échanges de SMS entre les deux présidents des 21 et 22 aout (pièce 15 de J) ; qu’en effet dès lors que l’offre est rejetée, si J admettait clairement comme dans son communiqué du 29 janvier 2019 qu’elle était abandonnée , alors la crainte qu’elle avait d’une fusion avec Partner Ré (cf. mails du CS précités) redevenait d’actualité ;

Attendu que le but poursuivi par J en publiant les 2 communiqués, volontairement ambigu, était de rendre sinon impossible du moins très difficile le rapprochement de Z de Partner Ré avant l’expiration du Standstill ; que d’ailleurs au moment du 3°"° communiqué le 29 janvier 2019 d’annonce de retrait définitif de l’offre, communiqué provoqué par la citation directe de Z devant le tribunal correctionnel de M. Y et de J, on n’était plus qu’à 2 mois de l’expiration du Standstill.

Attendu que la publication de ces communiqués, à l’origine d’une partie des préjudices allégués par Z, n’est que le prolongement des fautes commises par J en tierce complicité de M. Y consistant à faire usage de la connaissance du projet Parfum, connaissance acquise du fait du non-respect par ce dernier de ses obligations, afin de le contrecarrer ;

Attendu que la publication des communiqués de presse des 4 et 27 septembre 2018 est donc constitutive de fautes de J, en tant que tierce complice de M. Y; qu’en effet ce n’est pas le fait de faire une Offre, même pendant la période de Standstill dès lors qu’elle est conditionnée à l’accord du Conseil qui est fautif mais le fait de mettre en oeuvre une stratégie, incluant une communication aux médias et aux marchés, fondée sur l’obtention illicite d’informations confidentielles de Z , afin de contrecarrer, pendant la période couverte par le Standstill, une éventuelle opération de rapprochement de Z et Partner Ré ; que dès lors les préjudices résultant des fautes commises par J doivent être examinés non seulement sur la période entre le 24 aout, date de l’offre, et le 13 novembre 2018, date de la démission de M. Y du Conseil, mais également jusqu’au 29 janvier 2019 date à laquelle J publie un communiqué indiquant que son projet de rapprochement est abandonné.

En conséquence Le tribunal dira que le communiqué de presse de J du 4 septembre, réitérée le 27 septembre, 2018 est constitutif d’une faute délictuelle en tierce complicité de M. B Y, engageant sa responsabilité civile, et que les préjudices ayant pu en résulter pour Z se sont produits pendant la période du 4 septembre 2018 au 29 janvier 2019 et doivent être réparés.

C- Sur la violation du secret des affaires :

SL

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Moyens des parties

En demande Z fait valoir que les informations et documents de cette demière que M. Y a transmise à J, sans son consentement, étaient couvertes par le secret des affaires ce que cette dernière ne pouvait ignorer ; elle ajoute que, en acceptant de recevoir de tels documents et surtout en les utilisant, J a commis un acte illicite sanctionné par l’article L.1541-6 du code de commerce.

En défense J fait tout d’abord valoir que l’article L.151-6 du code de commerce sur le secret des affaires n’est pas applicable à l’espèce car il est entré en vigueur le 11 décembre 2018 alors les faits litigieux sont survenus entre le 25 juillet et le 4 septembre 2018 ; elle ajoute que ;

— les informations litigieuses ( perspective de rapprochement avec Partner Ré, horizon temporel envisagé pour ce rapprochement et valorisation intrinsèque de Z par la BNP) n’étaient pas secrètes car connues des milieux financiers et aisément accessibles et il n’est pas démontré que la valorisation intrinsèque ait été présentée au comité stratégique et a fortiori que M. Y l’aurait transmise à J, – il n’a pas été démontré que J aurait obtenu ces informations à l’issue d’une démarche active, volontaire et effectuée dans le but de capter un secret et a fortiori qu’elle les aient utilisées.

Sur ce, le tribunal

Attendu que Z soutient que J a violé les règles relatives au secret des affaires en transmettant à 3 banques d’investissement et à plusieurs cabinets juridiques des informations strictement confidentielles ; que l’article L.151-4 du code de commerce stipule que « l’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisé sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte ….d’un accès à tout document

…. qui contient le secret … », que l’article L.151-6 édicte « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est illicite lorsque … une personne savait ou aurait dû savoir que ce secret avait été obtenu d’une autre personne qui le divulguait d’une manière illicite… » ;

Attendu qu’il a été établi ci-dessus que les informations présentées au comité stratégique de Z le 25 juillet 2018 étaient bien couvertes par le secret des affaires en ce qu’elles étaient relatives à une option stratégique de cette dernière ( l’éventuelle fusion avec Partner Ré) et à sa valeur intrinsèque ; que l’était également l’ordre du jour du comité stratégique du 30 août et surtout le procès-verbal de la réunion du comité du 25 juillet; que J n’ignorait pas qu’elle les avaient obtenues de manière illicite par la violation par san président de ses obligations contractées en tant qu’administrateur à titre personnel ; qu’elle a bien utilisé à san profit les dites informations et qu’elle les a divulguées à 3 banques d’investissement ;

Attendu que J réplique que lesdits articles ne sont pas applicables en l’espèce car résultant de la loi du 30 juillet 2018, transposant une directive européenne du 8 juin 2016, qui n’a pu entrer en vigueur qu’après l’adoption d’un décret d’application publié le 14 décembre 2018 alors que les faits qui lui sont reprochés se seraient produits selon Z entre le 27 juillet et le 4 septembre de la même année et donc antérieurement à l’entrée en vigueur de la dite loi ; que Z objecte que les articles L.151-4, 5 et 6 et L. 152-1 du code de commerce ne renvoient à aucun décret d’application et ne nécessitait aucune mesure d’application ; que les seules dispositions de ladite loi, nécessitant un texte d’application, étaient celles relatives aux mesures procédurales de protection ( mesures provisoires et conservatoires,

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placement sous séquestre et demandes de communication de pièces) comme l’indique d’ailleurs l’objet même du décret du 11 décembre 2018 : « objet : mesures provisoires ou conservatoires…. » ; que toutefois les article L. 151-4 et suivants auquel se réfère Z se trouvent dans le titre V de la loi et qu’à la fin de celui-ci il est indiqué « les conditions d’application du présent titre sont fixés par décret… » ; que cette phrase, à la fin du titre, signifie que c’est donc l’ensemble des articles de la loi sur le secret des affaires , ayant fait l’objet du nouveau titre ( « titre cinquième : de la protection du secret des affaires »), et non uniquement les dispositions relatives aux mesures procédurales de protection, qui n’est donc entrée en vigueur qu’après publication du décret , soit le 14 décembre 2018, et donc postérieurement à la date à laquelle les fautes auraient été commises ; que dès lors la loi sur le secret des affaires et les articles L.151-4 et suivants ne sont pas applicables à la présenté affaire ; que ce moyen n’est donc pas fondé ;

Attendu que subsidiairement Z soutient que la violation du secret des affaires était constitutive d’une faute délictuelle, engageant la responsabilité de son auteur, sur un fondement jurisprudentiel antérieurement à cette loi , mais qu’elle n’apporte aucun élément au soutien de son affirmation ; que, certes, étaient sanctionnées antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi la divulgation d’informations obtenues dans le cadre d’une négociation précontractuelle mais que les relations entre J, actionnaire de Z, et cette dernière n’avalent pas un caractère contractuel; qu’il en résulte que la dite divulgation n’est pas susceptible d’engager la responsabilité contractuelle de J et que comme vu ci- dessus le moyen tiré d’une faute délictuelle n’est pas fondé ;

En conséquence le tribunal déboutera Z de sa demande sur le fondement d’une faute délictuelle de J, engageant sa responsabilité civile, pour violation du secret des affaires.

IV- Sur la réparation des préjudices : A- Sur les préjudices résultant des fautes de M. Y Moyens

En demande Z soutient que la violation par M. Y de son obligation de révéler son confit d’intérêt l’a conduite, pour le contraindre à démissionner, à engager des frais juridiques, a perturbé le fonctionnement de ses organes de gouvernance et a fait perdre du temps à son management ;

En défense, M. Y réplique que les frais de conseils, qui sont d’un montant exorbitant, font partie, selon une jurisprudence constante, de l’article 700 du CPC et que le temps passé par les collaborateurs et les organes de gouvernance l’a été aux seules fins de s’opposer à l’offre de rachat de J qui n’avait rien d’illicite

Sur ce

Attendu que, comme il a été vu ci-dessus, M. Y, du fait de son confiit d’intérêt général avéré né au plus tard à la fin juillet 2018, voire dès le 19 juillet, date de la présentation du projet Abbaye par le CS aux dirigeants de J alors même que M Y avait été informé la veille que le comité stratégique du 25 juillet comporterait la présentation de Citi sur une fusion avec Partner Ré, aurait dû spontanément démissionner au plus tard à la fin août 2018 du Conseil d’Administration de Z ; que le 30 aout ledit Conseil a décidé à l’unanimité qu’il convenait « de mettre fin sans délai à la situation de conflit général avéré de

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M. Y conformément à son Règlement» , que cette décision du Conseil a été transmise à ce dernier par le président de Z dans une lettre du 6 septembre réclamant sa démission immédiate, demande réitérée le 14 septembre ( pièce 59 Z), mais que ce dernier a refusé de le faire par une lettre du 17 septembre à laquelle Z a répondu le 19 septembre en réclamant à nouveau sa démission ; qu’un nouveau Conseil s’est alors réuni le 21 septembre qui a confirmé et renouvelé sa demande de démission, décision transmise le 24 septembre à M. Y ; que le 26 septembre ce dernier, tout en maintenant son refus de démissionner, a indiqué que « il se mettait en retrait temporaire du Conseil ; qu’après consultation d’avocats spécialisés et de professeurs de droit, Z lui a écrit les 1 et 10 octobre pour lui indiquer qu’une telle situation de « retrait temporaire » n’avait aucun fondement juridique et lui a confirmé qu’il devait démissionner ; que, faute de réponse, Z a alors saisi le Haut Comité de la Gouvermance des Entreprises qui a émis, le 30 octobre, un avis confirmant l’analyse de Z ( pièce 81 Z), avis que l’Administrateur référent de Z a transmis à M. Y le 5 novembre qui a alors démissionné le 13 novembre 2018 ;

Attendu que, pendant toute cette période du 24 aout, date de l’offre de J, au 13 novembre, Z a dû mandater un conseil juridique, le cabinet Skadden, pour analyser la situation créée par le refus de démission de M. Y et les diverses solutions s’offrant à elle pour y mettre un terme, pour la conseiller dans la rédaction des nombreuses lettres qu’elle lui a adressées, dans la préparation de ses Conseils d’Administration consacrés à ce sujet, dans la recherche d’informations pour documenter la date du conflit d’intérêt, en particulier lettre du 17 octobre 2018 d’un avocat anglais au CS (pièce 80 Z) et dans l’établissement du dossier de saisine du Haut Comité de Gouvernance des Entreprises ; que, contrairement à ce que soutient M. Y, les honoraires, réglés à ce cabinet pendant cette période pour mettre un terme à son refus de démissionner, sont sans rapport avec l’article 700 du CPC car il ne s’agit aucunement des frais de la présente procédure ; qu’en effet ils se rapportent à des études juridiques menées antérieurement à celle-ci et par des conseils différents ( le nom du cabinet Temine, qui représente les intérêts de Z dans la présente affaire et dans l’instance pénale, ne figure nullement dans la liste des factures de la pièce 112 de Z, pas plus que les noms des conseils anglais à l’origine de la décision de la haute Cour de Londres contre le CS, ni de celle contre Barclays);

Attendu que Z a produit l’ensemble des factures des cabinets juridiques qui l’ont conseillée dans sa défense contre l’Offre de J ; que parmi ces factures, celles de Skadden du 4 décembre 2018 de 4.793.764€ HT se rapporte à la période relative au débat sur la démission de M. Y ; que cependant il est constant qu’elle englobe plus largement le conseil à Z dans l’organisation de sa défense face à une Offre qu’elle considère comme hostile et à un risque d’OPA ; que Z évalue à 14%, sans le justifier, la part du temps consacré spécifiquement et exclusivement au traitement de la situation de conflit général avéré de M. Y et à son refus de démission, soit 661.379€ ; que cependant le tribunal, prenant en compte la période pendant laquelle s’est déroulée le conflit avec ce dernier ( un peu plus de 2 mois) et la différence de complexité, et donc de temps consacré, entre l’analyse d’un problème juridiquement simple, la nécessité de la démission et l’absence d’existence en droit de la notion de « retrait temporaire », et les questions beaucoup plus complexes relatives aux moyens pour contrecarrer une OPA potentielle, a estimé qu’il ne fallait imputer en propre à M. Y que 10% du total des factures de conseil juridiques soit la somme de […]9.376€;

Attendu qu’en outre Z soutient qu’elle doit être indemnisée de la fraction du temps consacré par le management et ses collaborateurs à la situation créée par les fautes de J et de M .Y qu’elle estime à 1.880.066€ et dont elle impute spécifiquement à ce

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dernier une part de 14%, sans justifier ce pourcentage, soit la somme de 97.407€ ; que cependant il n’est nullement établi que les coûts pour Z de la rémunération de son management et de ses collaborateurs aient augmentés du fait de l’Offre et a fortiori du traitement du refus de démissionner de M. Y ; que par ailleurs l’Offre de J a eu pour conséquence que le Conseil et le comité stratégique du 30 aout n’ont pas traité du projet Parfum qui aurait représenté une charge de travail comparable ; que la demande à ce titre n’est donc pas fondée et que Z en sera débouté.

En conséquence le tribunal condamnera M. B Y, au titre des préjudices, exclusivement imputables à ses fautes personnelles commises en tant qu’Administrateur à titre personnel, consistant en frais juridiques, à payer à Z la somme de […]9,376€ majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, date de l’assignation avec anatocisme, déboutant pour le surplus.

B- Sur les préjudices résultant des fautes de M. Y et de J :

Attendu que Z fait valoir que les différentes fautes délictuelles commises par J, en tierce complicité de M. Y, et notamment les communiqués de presse des 4 et 27 septembre, rendant publique l’Offre, malgré son rejet par le Conseil de Z, ont continument entre le 4 septembre et le 29 janvier entrainé une perturbation sérieuse de son fonctionnement et une hausse brutale du cours de son titre; qu’il en est résulté différents préjudices sous formes d’honoraires de conseils juridique, de conseils en communication et d’un surcoût de ses programmes de rachats d’action ; que le montant des préjudices et les liens de causalité avec chacune des fautes, que le tribunal a reconnu ci-dessus, seront analysés ci-dessous pour chacune des demandes après avoir examiné si M. Y devrait être condamné in solidum avec Z

Attendu que les préjudices subis par Z ne proviennent ni de ce que la date de l’offre d’achat, conditionnée à l’accord du Conseil de cette demière, ait été avancée par rapport au calendrier initial de J, de la fin du 2e trimestre 2019 au 24 aout 2018, et ce uniquement parce que M. Y a divulgué à cette dernière les ordres du jour des comités stratégiques de Z du 25 juillet et 30 août, ni de la transmission à des tiers du compte- rendu de la réunion du 25 juillet, ni de la divulgation aux mêmes tiers de la valeur intrinsèque de Z par la BNPP ; qu’en effet ces fautes n’auraient pas par elles-mêmes entrainé des préjudices pour Z, si l’offre, hostile puisque rejetée par le Conseil de cette dernière et de ce fait devenue irréalisable en raison du Standstill , avait été immédiatement retirée et n’avait pas été rendue publique ;

Attendu par contre que les deux communiqués, et surtout l’ ambiguïté de leurs rédactions, rendaient nécessaire que Z soit assistée d’experts financiers, juridiques et en communication pour résister à ce qu’il est usuel de dénommer, dans la presse financière et par les intervenants de marché, une « OPA rampante », et que le tribunal qualifiera lui de menace d’OPA hostile, terme qu’il trouve plus adéquat que ceux de J d’une offre « en sommeil » ou « envisageable » , et aux risques potentiels d’une bataille boursière, notamment avec des fonds activiste, voire d’une surenchère par une autre compagnies d’assurance ; qu’en outre ces deux communiqués ont provoqué une augmentation du cours de l’action dont il est allégué ( voir ci-dessous) qu’elle a entrainé un renchérissement du prix payé par Z pour les rachats de ses propres actions; que les décisions de publier lesdits communiqués, de leur donner une rédaction ambiguë et du fait qu’il a fallu attendre 5 mois pour que J annonce enfin clairement l’abandon de l’opération, ont certes été prises par cette dernière mais qu’elles ne sont que la conséquence directe de la divulgation par M. Y des informations confidentielles qu’il avaient obtenues en tant qu’administrateur, à

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titre personnel, de Z ; qu’en effet l’élément déclencheur de l’intention d’OPA non sollicitée et la raison de la nécessité de maintenir la pression sur cette dernière réside dans la connaissance par J, du fait de la violation par M. Y de ses obligations de confidentialité, du risque que Z avant l’échéance du Standstill ne fusionne avec Partner Ré ; que les fautes commises par J sont donc la conséquence directe de celles commises par M. Y et en sont le prolongement ;

Attendu de surcroit que lorsque le tiers complice, en l’espèce J, se rend complice de la violation d’un engagement contractuel par l’une des parties, en l’espèce M. Y, sa responsabilité se combine avec celle du contractant fautif ; le cocontractant victime, en l’espèce Z, dispose alors de la possibilité d’engager simultanément deux actions : l’une contractuelle contre son cocontractant et l’autre délictuelle contre le tiers complice et qu’ils sont alors tenus in solidum de la réparation des préjudices subis par la victime du fait de leurs fautes ;

En conséquence le tribunal condamnera in solidum M. Y et J pour les préjudices que les fautes de cette dernière auraient causé à Z, préjudices qui seront examinés ci-dessous,

1) Les honoraires et frais de conseils juridiques :

Attendu que Z fait valoir qu’elle a dû engager des frais de conseils juridiques « pour analyser les faits et les règles de droit applicables afin d’obtenir la preuve du détoumement, de la transmission et de l’usage illicite de documents et information confidentiels, notamment les frais engagés à l’égard des banques conseils de J ( Crédit Suisse et Barclays } pour analyser les recours possibles et saisir la Haute Cour de Justice de Londres » ( p37 des conclusions de Z) , que par ailleurs elle avait besoin de conseils pour analyser la défense qu’elle pouvait mener sur le terrain du droit dès lors que l’Offre de J et la date à laquelle elle avait été faite reposait sur des fautes délictuelles en tierce complicité de M. Y ; qu’en particulier ont dû être examinées les fautes juridiques éventuelles commises lors de la communication au marché financier de cette Offre par J et comment réagir si, comme pouvait le laisser craindre l’ambiguïté du communiqué du 4 septembre, cette dernière violait son engagement de Standstill ; que ce n’est que le 23 septembre que J a fait publiquement savoir qu’elle ne violerait pas ledit engagement alors que des articles de presse et des analystes financiers avaient envisagé une telle hypothèse en raison des termes du 1°" communiqué ; qu’elle a également dû avoir recours à des spécialistes pour préparer ses différentes lettres de réponse à J, son propre communiqué de presse du 4 septembre 2018 et pour apporter aux différentes Autorités (assurantielles, des marchés financiers français et suisses) les réponses aux préoccupations qu’elles exprimalient ;

Attendu qu’il a été montré ci-dessus que les honoraires juridiques dont Z demande à être indemnisés sont sans rapport avec ceux supportés dans les différentes actions menées par cette dernière devant les différents tribunaux qu’elle a saisis (En Grande Bretagne, Haute Cour de Londres et en France, tribunal correctionnel et ce tribunal), puisque ses conseils dans lesdites actions ne sont pas ceux dont elle a produit les factures pour en être indemnisée ; que ce ne sont en effet pas les mêmes cabinets d’avocats auxquels Z a eu recours d’une part pour résister à l’OPA rampante et d’autre part pour les procédures contentieuses engagées devant la cour anglaise et devant les tribunaux français ; qu’il en

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résulte que la demande relative aux honoraires juridiques ne relève donc pas , en tout cas pour l’essentiel, de l’article 700 du CPC;

Attendu que Z a tenu à la disposition du Tribunal, après les avoir fait certifier par un huissier, les 13 factures de 4 cabinets d’avocats ( Skadden Arps, Gibson Dunn, Homburger et Enyo Law) du 1" Aout 2018 au 31 Janvier 2019, c’est-à-dire la période pendant laquelle elle a dû contrecarrer les effets de l’Offre du 24 aout et de son non-retrait avant le 29 janvier 2019 ; que le tribunal a examiné les plus significatives d’entre elles ; que le total de ces factures de conseils juridiques s’élève à la somme de 8.839.196€ ; que cependant le tribunal s’est fait produire les factures de Skadden du 1° semestre car, comme toutes les entreprises cotées, Z a recours à des cabinets juridiques externes de manière très régulière pour leur soumettre des interrogations sur des questions complexes ; qu’ainsi elle a réglé, sans aucun rapport avec J, près de 700.000€ au seul cabinet Skadden pendant le premier semestre 2018 ; que le tribunal, en extrapolant ce chiffre, estimera le montant semestriel de frais juridique usuel pour une entreprise cotée à 1.000.000€ ; qu’en outre, avant de saisir la Haute Cour de Londres d’une « pre disclosure action » et de mandater à cette fin des conseils britanniques, Z a nécessairement du faire examiner par ses conseils français la procédure à suivre pour obtenir la révélation des fautes de M. Y et de J ; que les frais en résultant ont été estimés par le tribunal à 250.000€, qu’ils relèvent de l’article 700 du CPC, et seront donc déduits du montant total des factures ;

Attendu que le préjudice est constitué du seul supplément de frais juridiques résultant directement des fautes commises par J ; qu’il convient donc de ne retenir que la différence entre 8.839.196€ et 1.250.000€ (1 million + 250.000) ; que de plus il faut aussi déduire la somme de […]9.376€ à laquelle le tribunal aura condamné M. Y à titre personnel ; qu’il en résulte que le préjudice indemnisable s’élève à 7.109.820€ ;

Attendu que J soutient que Z n’a pas rapporté la preuve que les dites factures ont bien été réglées bien que cette dernière ait produit avant l’audience un témoignage sur l’honneur de son directeur financier ; qu’elle fait valoir en effet qu’il est dans un lien de dépendance avec l’entreprise ; que, si cet argument est exact, il n’en reste pas moins qu’il serait particulièrement surprenant qu’un cadre de ce niveau fasse un faux témoignage, qui outre les sanctions pénales auquel il l’exposerait, prendrait le risque d’une interdiction d’exercice de son métier dans l’assurance, par l’Autorité de Contrôle Prudentiel des assurances d’une part, et dans les entreprises cotées, par l’AMF d’autre part; que de sureroit, le tribunal a proposé au cours de l’audience à Z de lui fournir par le biais d’une note en délibéré une attestation de son commissaire aux comptes mais que, si cette dernière a accepté, J s’y est fermement opposée en arguant que cela compromettrait le caractère contradictoire des débats ; que c’est ainsi J qui a empêché Z de rapporter la preuve définitive du règlement des factures ; qu’enfin il n’est guère crédible de penser qu’une des plus grosses entreprises d’assurance ne règle pas les factures d’honoraires de ses avocats; qu’il en résulte que les dites factures ne seront pas écartées débats et que le préjudice au titres des honoraires juridiques est bien certain ;

En conséquence le tribunal condamnera in solidum J K, J COOPERATION et M. B Y à payer à Z SE, au titre des honoraires et frais de conseils juridiques, la somme de 7.109.820€, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, date de l’assignation avec anatocisme, déboutant pour le surplus ;

2) Les honoraires et frais de communication :

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Attendu que les informations données par J, sous forme du communiqués du 4 septembre 2018, à la veille des rencontres avec ses grands clients, avec les autres grands réassureurs et avec ses actionnaires, la réitération du dit communiqué le 23 septembre 2018 et, directement ou indirectement, volontairement ou non, à des médias ( dépêche de Reuters du 14 septembre, article de Wansquare du 17 septembre, article Les Échos du 19 septembre, chronique BFM du 8 octobre….-pièce 58, 63, 64 et 78 de Z) ainsi que les notes d’analystes ont semé la perturbation sur les marchés financiers, et des inquiétudes des actionnaires obligeant Z à se faire assister d’un conseil spécialiste en communication financière, Brunswick, notamment parce sa communication devait être conforme aux règles relatives en la matière sur les marchés de Paris et de Suisse ; qu’à ce titre Z produit les factures de Brunswick pour les mois de septembre à janvier 2019 pour un montant total de 620.216€ ; que certes, comme la plupart des entreprises cotées, Z est naturellement assistée tout au long de l’année par un conseil en

communication qu’elle rémunère par un forfait annuel; que cependant le tribunal a obtenu la preuve que Brunswick n’avait pas été rémunérée au premier semestre ; qu’il en résulte que Z l’a bien spécifiquement mandaté, après que l’Offre ait été rendue publique , pour renforcer ses équipes de communication à seule fin de se défendre contre les conséquences des deux communiqués successifs ; que le total de ce qui a été versé à Brunswick correspond donc bien au préjudice résultant de l’Offre ;

Le tribunal condamnera In solidum J K, J COOPERATION et M. B Y à payer à Z, au titre des préjudices économiques relatifs aux frais de conseil en communication que leurs fautes ont causés à cette dernière, la somme de 620.216€ majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2019, date de l’assignation, avec anatocisme, déboutant pour le surplus.

3) Les honoraires et commissions des établissements financiers ;

Attendu les communiqués précités ont entrainé une forte agitation sur les marchés ; que Z, face au risque d’une OPA hostile et aux conséquences potentielles sur ses refinancements, a dû mandater des banques pour organiser sa défense ; qu’elle produit les factures de BNPP et Cit| sur la période ; que le tribunal s’est assuré qu’une partie de ces factures ne correspondait pas à un abonnement mensuel ( dit retainer) et a constaté que BNPP n’avait pas perçu le même montant de « retainer » mensuel au premier semestre ; qu’il en résulte que le total des 4 factures ( 2 BNPP et 2 Citi) produites, qui s’élève à 4.773.155€, correspond donc bien au préjudice résultant du surplus de commissions financières engendrées par les communiqués de J,

En conséquence le tribunal condamnera in solidum J K, J COOPERATION et M. B Y à payer à Z SE, au titre des commissions des banques conseils, la somme de 4.773.155€, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, date de l’assignation

4) Le temps passé par le management :

Attendu que, comme vu ci-dessus, Z soutient en outre qu’elle doit être indemnisée de la faction du temps consacrée par le management et ses collaborateurs à la situation créée par les fautes de J qu’elle estime à 1.682662,74€, dont une partie relative aux seules fautes de M. Y ; qu’il a été répondu ci-dessus qu’ il n’est nullement établi que les coûts pour Z de la rémunération de son management et de ses collaborateurs aient augmenté du fait de l’Offre et des conditions dans lesquelles celle-ci a été rendue publique ; que cette demande n’est donc pas fondée et que le tribunal en déboutera Z.

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5) Les jetons de présence des administrateurs pour les Conseils et comités

Attendu que Z fait valoir qu’elle a été obligée, du fait des modalités selon lesquelles l’Offre avaient été rendue publique, de convoquer des réunions extraordinaires de ses organes de Gouvernance et qu’elle a dû à ce titre verser à ses administrateurs un supplément de jetons de présence notamment pour les réunions des 30 aout, 20 et 23 septembre, et 13 novembre 2018, 11 Janvier, 11 juin et 23 juillet 2019 de 196.144€ ; que cependant la réunion du 30 aout 2018 avait été, antérieurement à l’offre, convoquée sur le projet Parfum et que seul son ordre du jour a changé ; que les réunions des 11 juin et 23 juillet 2019 sont postérieures au retrait de l’offre ; que Z ne rapporte pas la preuve, en ce qui concerne les 4 autres réunions, qu’elles n’auraient pas eu lieu, certes sur un autre sujet, en l’absence de l’Offre ; que d’ailleurs, si l’Offre ne s’était pas produite, la suite du comité stratégique du 30 aout sur Parfum aurait vraisemblablement appelé à des réunions d’administrateurs ; qu’il n’est pas donc démontré que les fautes de J ont directement provoqué un supplément de jetons de présence à verser par Z à ses administrateurs ;

En conséquence Z sera déboutée de sa demande à ce titre. 6) Le surcoût du programme de rachat d’actions : Moyens

En demande Z soutient que, suite à la publication du communiqué de J du 4 septembre 2018 annonçant une Offre au prix de 43€/action, son cours de bourse a fortement monté et ce alors qu’elle était obligée pendant la période du 4 septembre au 29 janvier 2019 de procéder à des rachats d’actions en raison de l’annonce en juillet 2017 d’un programme de rachat d’actions, pour servir son plan d’attribution d’action gratuites et pour couvrir l’impact relutif de l’exercice de stock-options. Elle précise que la montée du cours de bourse a pour cause exclusive le communiqué de J relatif à son Offre et que celle-ci résultait des informations confidentielles que lui avait communiquées M. Y. Elle produit à l’appui de ses dires le rapport qu’elle a fait établir par le cabinet I (expert financier) le 8 janvier 2020 (pièce 110) et un complément du 31 aout 2020 en réponse aux objections de l’expert de J (pièce 123).

En défense J réplique que :

— Z ne démontre pas l’existence de rachats d’actions entre le 25 octobre et le 10 décembre ni pourquoi elle aurait été contrainte de réaliser les dits achats pendant cette période et pas plus tard

— Z ne démontre pas le lien de causalité entre la hausse des cours et son communiqué et ce d’autant que le dit communiqué annonçait qu’elle retirait son offre,

— le cours des actions de Z est monté antérieurement à son communiqué en raison des rumeurs de rapprochement avec Partner Ré nées de l’étude de Citi. En outre, elle produit pour contredire le rapport de FINEXS) une étude d’un expert qu’elle a mandaté, le cabinet SORGEM, datée du 2 juillet 2020 (pièce 37 J) et une réponse de ce dernier au deuxième rapport de I daté du 18 septembre 2020 (pièce 49 J).

Sur Ce,

Attendu que Z fait valoir que la publication du communiqué du 4 septembre 2018 de J a entrainé dans les jours qui l’ont suivi une hausse significative de son cours de

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bourse, passé en 2 mois d’une moyenne de 35 € sur la première partie de l’année de 2018 à un maximum de 43 €, et que ce cours n’a retrouvé son niveau initial antérieur à l’Offre qu’à partir du 29 janvier 2019, date du 3e communiqué annonçant qu’elle n’incluait plus une acquisition de Z dans ses options stratégiques ( cf. le graphique p 72 des conclusions de Z et p8 du rapport de FINEXS] ); qu’elle soutient que cette hausse brutale et temporaire, pendant les 5 mois d’incertitudes sur la possibilité d’une OPA non-sollicitée et le risque d’une bataille boursière impliquant d’autres intervenants, est directement et uniquement liée à la communication de J ( 1« et 2° »* communiqué) et qu’elle lui a causé un préjudice direct dans la mesure ou elle était contrainte, pendant cette période, de racheter ses propres actions à un prix plus élevé que celui qu’elle aurait supporté en l’absence de la communication par J du prix de 43€ de son offre le 4 septembre 2018, prix confirmé par son communiqué du 23 septembre de la même année;

Attendu que la preuve, du lien direct de causalité entre les deux communiqués et la hausse du cours entre le 4 septembre 2018 et le 24 janvier 2019, été rapportée par l’analyse comparative de la variation du cours de Z en moyenne sur le premier semestre et sur la période séparant le premier communiqué annonçant le prix de 43 € de son offre et le 3eeme communiqué annonçant l’abandon de l’opération, qui a entrainé le retour immédiat du cours à son niveau antérieur à l’annonce de l’offre ; qu’en effet, dès le jour de l’annonce, le cours est monté de 9% puis a fini par tendre vers 43€ car les marchés, du fait de la rédaction du communiqué du 4 septembre, réitérée le 23 septembre, s’attendait en effet à un relèvement du prix de l’offre et spéculait sur la possibilité d’une surenchère comme le montre les articles de presse communiquées ; que s’il n’a pas atteint voire dépassé les 43€ c’est en raison des nombreux aléas affectant l’opération liés notamment au Standstill; que par contre dès le jour de l’abandon de l’offre dans le 3°"* communiqué du 29 janvier 2019 le cours est retombé à 35€, soit son niveau antérieur à l’Offre ;

Attendu que Z soutient que pendant cette période elle était obligée de procéder aux rachats d’un certain nombre de ses actions et qu’elle les a donc payés à un prix plus élevé que celui qu’il aurait été en l’absence des communiqués ; que l’objet de ces rachats d’actions était de couvrir le plan d’attributions d’actions gratuites, de neutraliser l’impact dilutif de l’exercice anticipé des stocks actions attribués antérieurement et enfin correspondait à un programme de rachats d’actions annoncé en décembre 2017 afin d’avoir un effet relutif ;

Attendu qu’elle rapporte la preuve qu’elle a en effet fait procéder par H, sur le fondement d’un mandat (pièce 122 de Z rapport d’exécution du mandat) laissant libre cette dernière (sous réserve de respecter certaines contraintes) de choisir les modalités (dates et volumes de chacune des acquisitions), au rachat de 4.650.000 titres ; que conformément à ce mandat, H a effectivement racheté pour le compte de Z entre le 25 octobre et 10 décembre 2018 lesdits titres à un cours pendant cette période nettement supérieur au cours moyen des périodes antérieures et des périodes postérieures à l’Offre de J; que l’expert financier ( I) , mandaté par Z, a démontré par une méthode de mathématique financière usuelle, dans ses deux rapports ( pièces 11 et 123 de Z), que le surcoût pour Z, dû cette montée temporaire et brutal du cours, s’est élevé à la somme de 30.970.000€, somme dont elle dernande la réparation intégrale ;

Attendu que l’expert financier de J, SORGEM, a contredit ce rapport les 2 juillet et 31 aout 2020 ( pièce 37 et 43 de J) en contestant : – que Z aurait eu l’obligation de racheter autant de titres en raison des engagements antérieurs contactés par elle, – que Z ait été effectivement contrainte de les racheter pendant la période au cours de laquelle la hausse temporaire du cours s’est produite,

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— que le cout supplémentaire se soit élevé à la somme calculée par I, – que la hausse du cours ait résulté de son communiqué ,

— et enfin qu’une éventuelle indemnisation doive être égale au surcoût car il ne s’est agi que d’une perte de chance ;

Attendu tout d’abord que J conteste la valeur probatoire du rapport de I car il a été conçu dans un cadre non contradictoire ; que cependant ledit rapport a en pratique fait l’objet d’un débat contradictoire puisque J a mandaté son propre expert financier, SORGEM, qui remis, le 2 juillet 2020 un rapport contredisant un certain nombre d’analyses de FINEXS! ; qu’au surplus, après que l’expert de Z, I ait contesté les analyses de SORGEM par un 2_"« ' »'° rapport daté du 31 aout 2020 ( pièce 123 Z), cette dernière y a répondu dans son 2*"* rapport du 18 septembre 2020 ( pièce 43 J) ; qu’il en résulte que le tribunal, après examen approfondi de ces 4 rapports d’expertise et contre-expertise, est en mesure de se prononcer sur les aspects de technique financière permettant d’évaluer le préjudice subi par Z et sur le lien causal entre celui-ci et les fautes de J ;

Sur le lien de causalité entre la hausse du cours et les communiqués :

Attendu, en ce qui concerne le fait que la hausse brutale et temporaire du cours de l’action de Z entre les 4 septembre 2018 et 29 janvier 2019, c’est-à-dire le lien de causalité entre la faute et le préjudice, que, comme il a été vu ci-dessus, le tribunal a déjà constaté d’une part que le cours avait immédiatement monté suite au communiqué du 4 septembre 2018, rendant public le prix de 43€ proposé par l’Offre, et qu’il était brutalement redescendu à son niveau antérieur dès la publication du 3°"* communiqué annonçant l’abandon du projet ; que cette immédiateté de la hausse et de la baisse dans les jours suivant chacun des deux communiqués et le fait que le cours, pendant l’intervalle entre ceux-ci, ait été proche du prix de l’offre, et ce pendant toute la période, ne saurait relever d’une simple coïncidence et que le tribunal considérera au contraire qu’il y a bien un lien de causalité directe entre les communications de J et l’évolution du cours de bourse pendant la période des rachats ; qu’en effet ce type d’évolution est caractéristique de ce que les analystes ont observé lorsqu’une OPA se produit et que, imprégnés par ces expériences, les notes des analystes financiers (Jefferies, RBC, P Q, Beremberg Kepler), publiées dans les semaines suivantes l’offre, avaient anticipé une poursuite de la hausse du cours ( qui se seraient produites s’il y avait eu une contre-offre ou un relèvement de son prix par J pour modifier la position du Conseil de Z) ; que le graphique en page 72 des dernières conclusions de Z est particulièrement probant et démontre le lien de causalité directe entre la communication de l’Offre et de son prix et l’augmentation du cours de bourse ;

Attendu que l’expert de J, SORGEM dans rapport du 31 juillet (pièce 37), soutient que la propre communication de Z n’est pas étrangère à la hausse du cours ; qu’en effet le 26 septembre 2018 dans une présentation faite par le Président de Z à la banque Merrill Lynch, ce dernier avait indiqué que la véritable valeur économique de l’action ( full economie value) était de 51€ ; que cependant, il convient tout d’abord de noter que le cours avait atteint 40€ dès le 15 septembre, soit plus de 10 jours avant cette communication ; que de plus aucun des grands analystes financiers ( Deutsche Bank, Jefferies, Bloomberg et JPM) n’a modifié sa recommandation sur le niveau du cours anticipé par eux ce qui montre qu’ils n’ont attaché aucune valeur à ce plaidoyer pro domo ; qu’enfin dès que l’offre a été définitivement retirée le 29 janvier, le cours est retombé à son niveau d’avant le communiqué du 4 septembre ;

Attendu que ledit expert de J conteste ensuite le lien entre la hausse du cours et le prix annoncé dans l’Offre ; qu’il fait valoir que, même si le cours est monté, de 35 à 38€ le

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lendemain de la publication du communiqué, il n’a atteint le prix de l’offre de 43 € que le 8 novembre soit 2 mois plus tard alors que la théorie de l’efficience des marchés aurait voulu que cette évolution soit immédiate ; Attendu que cependant il convient d’observer que la hausse s’est faite par paliers, avec dès le 15 septembre un cours à 40€ ( page 13 rapport SORGEM), et qu’un alignement progressif sur le prix de l’offre, en fonction notamment de la publication des notes des analystes financiers et des commentaires de la presse spécialisée reposant notamment sur des déclarations publiques ou privés des dirigeants des deux entreprises et/ou de leurs banques conseil et de certains actionnaires de la cible ( en l’espèce un fonds activiste), est particulièrement usuelle en matière d’OPA ; que de plus en l’espèce l’offre n’avait pas été en apparence maintenue et qu’il fallait l’interprétation fine des communiqués du 4 et surtout du 23 septembre pour comprendre que la bataille continuait ; qu’en outre et surtout la brutale chute du cours, ramenant celui-ci au niveau antérieur à l’offre, dès la publication du 3°"* communiqué du 29 janvier 2019, annonçant que J avait renoncé au rapprochement, ne peut s’expliquer autrement que par l’existence d’un lien de causalité directe entre ces variations du prix des titres de Z et le fait d’avoir rendu publique l’Offre et surtout son prix ;

Attendu que l’expert de J fait valoir que la violente chute du cours le 29 janviers 2019 et son retour au niveau antérieur au communiqué du 4 septembre 2018 s’expliquerait par l’annonce du dépôt de l’action pénale engagée par Z contre les deux défenderesses (cf. p 13 du 2*"* rapport de SORGEM du 18 septembre 2020 pièce 49 J) ; que cependant, si une action pénale à l’encontre d’une société cotée est susceptible d’avoir une certaine influence sur son cours, on ne comprend pas par contre pourquoi elle impacterait la valeur de celui qui dépose plainte ; que l’argument, selon lequel les investisseurs auraient été inquiets de découvrir le conflit entre un actionnaire et le Conseil de Z, n’est pas crédible car depuis le communiqué de Z du 4 septembre 2018 le marché n’ignore plus l’existence dudit conflit ; que les autres arguments de SORGEM des p. 6 à 16 de son 2°"°* rapport du 13 septembre 2020 ( pièce 49 de J) ne sont pas plus convaincants et que l’expert de J n’a, malgré deux rapports, pas été en mesure d’expliquer, par une cause autre que le communiqué du 29 janvier 2020 de cette dernière, la brutale et immédiate rechute du cours de l’action de Z le jour même de ce communiqué à son niveau antérieure à l’annonce de l’Offre ;

Attendu en conséquence que le tribunal fera sienne l’analyse faite par l’expert de Z, I, dans sa note de réponse du 30 aout 2020 (p 6 à 9 de la pièce 123 Z) au rapport de l’expert de J, SORGEM, et dira que Z a bien rapporté la preuve du lien de causalité directe entre la variation du cours de son action et les communiqués de J, variation à l’origine du préjudice puisque les prix auxquels elle a dû racheter ses actions ont été plus élevés du seul fait de la communication volontairement ambiguë de J sur son intention d’engager une OPA non-sollicité et qualifiée d’hostile par Z,

Attendu en ce qui concerne le volume des obligations de rachat de titres de Z par elle- même pour honorer ses obligations, relatives aux plans d’actions gratuites, à l’exercice des stock-options et au programme de rachat d’actions destinées à être annulées, que Z soutient qu’il correspondait au mandat donné à H (cf. annexe 2 de la pièce 110 Z ), qui a été exécuté et lui a permis d’acquérir 4.650.000 titres (cf. pièce 122 de Z) ; que, toutefois la détermination du volume d’achat, que Z aurait été contrainte de racheter, est en partie hypothétique notamment parce que Z avait déjà procédé à d’importants rachats au cours du premier semestre ( 6 mandats donnés à H), et qu’elle aurait donc disposer donc d’actions si elle ne les avait pas toutes annulées, qu’il n’existe aucune obligation de racheter ses propres actions pour neutraliser l’effet dilutif de l’exercice des plans de stock-options et que l’annonce à son assemblée générale du 27 juillet 2017 de son

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intention de racheter un montant maximum d’actions, afin d’exercer un effet relutif en les annulant, était juste une faculté et surtout était conditionnée par le fait que le cours devait être inférieur à 43€ ; qu’en 2017, Z non seulement n’avait aucun moyen de savoir si et quand ce plafond de 43€ serait atteint car son cours ne dépendait pas seulement de paramètres propres à son activité mais plus largement de l’évolution des marchés financiers ; que les deux rapports de SORGEM contestent que Z aurait été contrainte par ses engagements antérieurs de racheter 4.650.000 titres, conformément au mandat qu’elle avait donné à H ;

Attendu.

Attendu en ce qui conceme le calendrier que Z allègue que, ne pouvant connaître à l’avance la date du retrait de l’Offre de J ,elle se devait de racheter le plus grand nombre possible d’actions avant que le cours ne dépasse 43€, plafond de son autorisation (donnée par son assemblée générale en 2017) de rachat de ses propres titres, afin de les annuler pour exercer un impact relutif, que cependant elle avait déjà au cours du premier semestre annuler un très grand nombre ds titres et avait jusqu’au 30 juillet 2019 pour procéder à ses rachats ; qu’en ce qui concerne les stocks options et les actions gratuites, les deux rapports d’experts ne permettent pas de déterminer le rythme prévisible en septembre 2018 de l’exercice d’un grand nombre de plans du passé ; que surtout Z en ce qui concerne les actions gratuites et les stock-options ne rapporte pas la preuve d’une quelle conque politique qu’elle aurait menée dans le passé à ce sujet des rachats d’actions pour neutraliser l’impact de l’exercice de stock-options et pour l’attribution des actions gratuites.

Attendu que le tribunal considère que seuls les rachats d’actions correspondant à des engagements de Z préalables à l’offre de J peuvent donner lieu à réparation ; qu’il convient donc de déterminer les volumes et rythmes auxquels ces rachats auraient vraisemblablement eu lieu en l’absence des fautes commises par J ;

Attendu que pour se faire il conviendrait d’analyser les politiques suivies par Z les années précédentes en matière de rachats d’actions en terme de volume et de

calendrier par rapport à ses anticipations de contraintes liées aux plans d’action gratuites et de stock-options; mais que Z, à qui la preuve en incombe, ne verse aux débats aucun élément permettant de déterminer de manière probante les politiques qu’elle a suivies dans le passé en termes de couverture de ses engagements d’attribution d’actions gratuites ou de couverture de l’impact dilutif des levées de stock-options ; qu’en effet la description, qui en est faite dans les rapports de I, est purement déclarative et n’est étayée par aucune pièce ; qu’il est juste indiqué , en ce qui concerne les attributions d’actions gratuites, que

« Z a dû donner un mandat de rachat d’actions en quantité suffisante pour couvrir les plans arrivant à échéance sur l’année 2019 et non encore couverts » ( p 20 du rapport I du 5 janvier 2020 pièce Z ) et, en ce qui concerne les stock-options, que

« Z a pour politique de neutraliser l’impact dilutif que pourrait avoir l’émission d’actions résultants de tels plans » et « I{ n’existe pas chez Z de politique définie quant à la date à laquelle doivent s’effectuer les rachats. Dans la pratique, Z préfère effectuer ces rachats en fin d’année afin d’avoir la meilleure visibilité possible sur le nombre de levées de l’année » (p21 du rapport I du 5 janvier 2020 page 21 pièce Z) ; qu’il résulte de ces éléments que I a fondé sa démonstration, sur les volumes d’actions devant être impérativement effectués pendant la période de l’OPA rampante, sur les seules déclarations de Z selon lesquelles le mandat donné à H correspondait à la mise en oeuvre de ses politiques passés et notamment à ses anticipations des dates auxquelles elle devait être en mesure de servir les actions gratuites et les levée des stock-options ;

Attendu en conséquence que le tribunal ne peut que se référer à la pratique effectivement constatée au cours de l’année précédente l’annonce de l’Offre et qu’il a donc estimé les

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volumes de rachat d’actions correspondant aux engagements de Z sur la seule base des termes des mandats précédemment confiés par Z à H et versés aux débats ; que sur cette base, il ressort que Z a procédé au rachat de 2,8 millions d’actions sur une période d’environ 13 mois courant du 27 juillet 2017 au 3 septembre 2018, soit un rythme d’environ 215.000 actions rachetées par mois ; qu’il en résulte que le volume de rachat, auquel le tribunal estime que Z aurait procédé en l’absence d’offre et en répliquant ses politiques passées, aurait été, sur la période d’environ cinq mois courant du 4 septembre 2018 au 29 janvier 2019, d’environ 1,1 millions d’actions au lieu des 4,65 millions effectivement achetés par H , soit un écart de 3,15 millions de titres ;

Attendu qu’en conséquence le préjudice subi n’est que de la différence, sur ce volume de 1,1 millions d’ actions, entre le prix payé en raison de l’effet sur le cours de l’offre et 35€ le cours antérieur à l’offre ;

Attendu en ce qui concerne l’évaluation de ce coût supplémentaire, que la méthode de mathématique financière, retenue par l’expert de Z, pour déterminer l’écart entre le coût effectif de ces rachats comparé à ce qu’il aurait dû être en l’absence d’Offre, régression linéaire pour déterminer un cours contrefactuel ( p35 à 37 de la pièce 110 de Z), est usuelle en la matière et que le tribunal la fera sienne ; que I aboutit un coût supplémentaire de 31 millions d'€ pour 4.650.000 titres et qu’il en résulte que pour 1,1 millions de titres, volume retenue par le tribunal, le surcoût résultant de l’augmentation du cours provoqué par les communiqués, a été de 7,3 millions€ ( 31 :4,65 *1,1).

— - Sur la réparation du préjudice financier :

Attendu que J soutient que la qualification d’un tel préjudice, qui n’est constitué que de la perte de l’opportunité pour Z de réaliser une opération dans des conditions plus favorables qu’elle l’escomptait, relève de la perte de chance ; qu’en effet de nombreux aléas affectent l’évolution du cours d’une action, aléas reflétés par le mandat confié à H pour les rachats, entre le 25 octobre et le 10 décembre 2018, qui « aura toute liberté d’acheter à son seul gré les titres aux dates qui lui paraîtront les plus appropriés en fonction des conditions de marché et dans le respect d’un prix maximal de 43€ » (pièce 110 annexe 2 Z) ; qu’elle ajoute que la jurisprudence exclut que la perte de chance soit réparable dès lors que Z a pu réaliser les acquisitions des titres qu’elle souhaitait conformément au mandat donné à H et ce à un prix inférieur au plafond qu’elle avait fixé ; que Z conteste qu’il se soit agi d’une perte de chance ;

Attendu que, même en l’absence de communication publique de l’Offre de J, de nombreuses raisons pouvaient conduire le cours des actions de Z à monter pendant cette période ;qu’en effet le marché s’attendait à des opérations de rapprochement dans la réassurance et que la note de Citi du 6 juin 2018, analysant les rapprochements possibles parmi lesquels figurait une fusion entre Partner Ré et Z, avait été largement commentée par d’autres analystes financiers ; que Z, en la personne de son Président, communiquait sur le fait que sa valorisation intrinsèque, avant toute prime de contrôle, était supérieure à son cours du moment et devrait atteindre 51€ ( p12 pièce 26 M. Y) et que, même si comme le montre l’étude FINEXS) cette déclaration n’avait pas été immédiatement prise en compte par certains analystes financiers, l’objectif recherché par Z était bien de faire monter son cours, ce qui correspondait à son intérêt stratégique en cas de de décision de fusionner avec Partner Ré, et qu’il ne saurait être exclu qu’elle aurait pu parvenir à convaincre d’autres analystes ; que les exemples donnés ci-dessus ne sont en rien exhaustifs mais qu’ils montrent la multiplicité des aléas pouvant affecter le cours constaté le 3 septembre 2018 ( avant le communiqué de J du 4.09.18), aléas bien pris en compte par Z en fixant un plafond de 43€ au mandat donné à H ; que ce

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montant de 43€ correspondait donc à un risque qu’elle anticipait dès 2017 quand ce plafond avait été fixé par son assemblée générale ; que ,dès lors il est établi que Z ne pouvait être certaine d’acquérir ses titres au cours de 35€, ce dont elle avait conscience et qu’elle acceptait par avance, la publication du communiqué du 4 septembre ne lui a fait perdre qu’une opportunité ce qui est bien constitutif d’une perte de chance ;

Attendu cependant que le tribunal, pour évaluer le préjudice de Z, n’a pas retenu le volume de titres de 4,65 millions, effectivement acquis pour un prix de 31 millions€, mais ce qu’il a estimé comme étant le nombre minimum d’actions qu’elle devait obligatoirement se procurer, sait 1,1 millions pour un prix de 7,3 millions€ et surtout que cet aléa sur le cours a déjà été pris en compte, par la méthode de régression linéaire utilisée par I pour déterminer un cours contrefactuel, dans son rapport sur l’évaluation du préjudice; que dès lors le montant déterminé par le tribunal de 7,3 millions € ci-dessus correspond donc bien à l’évaluation du préjudice, au titre de la perte de chance, qui sera retenue

En conséquence le tribunal condamnera in solidum J K, J M et M. B Y à payer à Z SE, au titre de la perte de chance relatif au prix des actions rachetées, la somme de 7,3 millions €, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, date de l’assignation avec anatocisme, déboutant pour le surplus ;

7) Sur l’article 700 du CPC, l’exécution provisoire et les dépens :

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Z les frais irrépétibles qu’elle a dû supporter pour faire valoir ses droits ;

Le tribunal condamnera in solidum M. B Y, J K et J M à payer à Z SE, au titre de l’article 709 du CPC, la somme de 150.000 ; Attendu que les défenderesses succombent, le tribunal les condamnera aux dépens. Attendu que l’exécution provisoire est sollicitée, que le tribunal ne l’estime pas compatible et nécessaire avec la nature de l’affaire, il ne l’ordonnera pas.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :

« - Déboute J K et J M de leurs demandes de production de pièces,

+ – Déboute M. B Y de sa fin de non-recevoir fondée sur le principe de non cumul des responsabilités,

+ – Dit que M. B Y a commis des fautes contractuelles engageant sa responsabilité civile, en violant les engagements qu’il avait contractés à l’égard de Z SE, en tant qu’administrateur à titre personnel de cette dernière, relatifs au conflit d’intérêt, à la confidentialité et à la loyauté,

« - Condamne M. B Y à payer à Z SE, au titre des préjudices consistant en frais juridiques exclusivement imputables à ses fautes commises en tant qu’administrateur de cette dernière, la somme de […]9.376€ majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, avec anatocisme, déboutant pour le surplus,

+ – Déboute Z SE de sa demande à l’encontre de M. B Y au titre de la violation du secret des affaires,

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« - Dit que J K et J M sont tierces complices des fautes commises par M. Y, en tant qu’administrateur de Z, consistant en la violation de son obligation de confidentialité des informations communiquées aux membres du conseil d’administration de cette dernière,

e – Dit que le communiqué de presse de J du 4 septembre, réitéré le 27 septembre, 2018 est constitutif d’une faute délictuelle en tierce complicité, engageant sa responsabilité civile, que les préjudices, ayant pu en résulter pour Z SE, se sont produits pendant la période du 4 septembre 2018 au 29 janvier 2019 et doivent être réparés,

« - Déboute Z SE de sa demande sur le fondement d’une faute délictuelle de J SGAAM et J M pour violation du secret des affaires,

+ – Dit que M. B Y sera condamné in solidum avec J K et de J M,

« - Condamne in solidum J K et J COOPERATION et M. B Y à payer à Z SE, en réparation des préjudices économiques que leurs fautes lui ont fait subir :

Au titre des honoraires et frais de conseils juridiques, la somme de 7.109.820€, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, date de l’assignation avec anatocisme, déboutant pour le surplus,

Au titre des frais de conseil en communication à la somme de 620.216€ majorée des intérêts au taux légal, à compter du 6 février 2019, avec anatocisme, déboutant pour le surplus,

Au titre des commissions des banques conseils, la somme de 4.773.155€, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019,

Au titre de la perte de chance relatif au prix de ses actions, qu’elle a été obligée du fait d’engagements antérieurs au communiqué, de racheter entre le 25 octobre et 10 décembre 2018, la somme de 7.100.000€, majorée des intérêts au taux légal, depuis le 6 février 2019, avec anatocisme, déboutant pour le surplus,

» – Déboute Z de ses demandes à l’encontre des défenderesses au titre du temps passé par son management et des jetons de présence,

« - Condamne in solidum les sociétés J K et J M et M. B Y à payer à Z SE la somme de 150.000€ à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboute pour le surplus,

« - Condamne in solidum les sociétés J K et J M et M. B Y aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 216,59 € dont 35,67 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21/09/2020, en audience publique de plaidoirie, devant M. R S, Mme T U et M. V W,

Un rapport oral a été présenté lors de cette audience par M. R S,

Délibéré le 8 octobre 2020 par les mêmes juges.

Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

L

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La minute du jugement est signée par M. R S président du délibéré et par Mme Lucilia Jamois, greffier.

Le greffier Le président «/p>

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Tribunal de commerce de Paris, 10 novembre 2020, n° 2019036759