Tribunal de grande instance de Douai, 5 octobre 2017, n° 14/00195

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Douai, 5 oct. 2017, n° 14/00195
Juridiction : Tribunal de grande instance de Douai
Numéro(s) : 14/00195

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DOUAI afhe

AUDIENCE DU 05 OCTOBRE 2017

DEMANDEUR :

PROCEDURE Monsieur Z A N° : 14/00195 né le […] à […], demeurant […] représenté par Me Loïc BUSSY, avocat au barreau de DOUAI

JUGEMENT

D’UNE PART. N° 17/189

DU 05 OCTOBRE 2017

DEFENDERESSES :

SOCIETE […], SARL au capital de 7 622€, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le n° B 390 940 674, agissant poursuites et diligences de son représenant CONDAMNE légal, dont le siège social est sis […] représentée par Maître X Y de la SCP FRANCOIS DELEFORGE-X Y, avocats au barreau de DOUAL Me

Richard MALKA, avocat au barreau de PARIS A

METROPOLE TELEVISION S.A. (éditrice de la chaîne de télévision

M6) au capital de 50353585,60€ inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro b 339 012 452 dont le siège social est […] S O C I E T E à […]agissant poursuites et diligences de ses PRODUCTIONS TONY représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis […], […] POLE représentée par Maître X Y de la SCP FRANCOIS TELEVISION SA DELEFORGE-X Y, avocats au barreau de DOUALMe

Copies exécutioines Pierre DEPREZ, avocat au barreau de PARIS substitué à l’audience par Me

Aurélie BREGOU, avocat au barreau de PARIS, défidnées de 11 octobre 2017

D’AUTRE PART,

-Je Love BUSSY

-Je X Y COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS:

+ tape palatene b Nathalie PERRAUDIN, Vice-Présidente, juge rapporteur, qui a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, ceci en 20/11/2017 (cu 2 shes). l’absence d’opposition des avocats, les parties ayant été avisées à l’issue des débats que le jugement serait prononcé par sa mise au disposition au greffe. en application de l’article 450 du code de procédure civile, 11 2020 2

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DELIBERE: Jething

Président Nathalie PERRAUDIN, Vice-Présidente

Assesseur Agathe ALIAMUS, Vice-Présidente

Assesseur : Perrine DEBEIR, Juge

DEBATS en audience publique du 06 JUILLET 2017. assisté d’Aurélie DUVAL-LEROY, Greffière

Après communication de la procédure et avis du Ministère public

JUGEMENT: prononcé publiquement le 05 OCTOBRE 2017 par sa mise à disposition au greffe, et signé par Nathalie PERRAUDIN. Vice-Présidente et Aurélie DUVAL-LEROY, Greffière

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier de justice du 07 novembre 2013, Z A a assigné la société

METROPOLE TELEVISION, éditrice de la chaine de télévision M6, devant la présente juridiction aux fins d’obtenir réparation de ses préjudices personnel et professionnel sur le fondement de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) pour violation de sa vie privée et de son droit à l’image consécutive à la diffusion le 1 avril 2012 de sa photographie dans le cadre de l’émission « 66 minutes » consacrant un reportage au terroriste toulousain Z A.

Le 18 février 2014 le dossier a été communiqué au ministère public à l’initiative du juge de la mise en état.

Par réquisitions du 20 février 2014 le Procureur de la République a demandé que le dossier lui soit communiqué quand il serait en état pour apprécier à ce moment l’opportunité de son intervention.

La SAS […] est intervenue volontairement à l’instance en sa qualité de réalisateur et de producteur du reportage litigieux.

Sur incident à l’initiative de la société METROPOLE TELEVISION, par ordonnance du 20 mars 2015 à laquelle il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des motifs, le juge de la mise en état a notamment :

dit que l’action en réparation de l’atteinte de son droit à l’image et à sa vie privée introduite par

Z A ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun d’une atteinte à sa personne, débouté la SA METROPOLE TELEVISION et la SAS […] de leur demande en nullité de l’assignation fondée sur l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, ditque le juge de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action fondée sur l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, cet examen relevant du tribunal, condamné in solidum la SA METROPOLE TELEVISION et la SAS PRODUCTIONS TONY

COMITI, prises en la personne de leurs représentants légaux respectifs, à payer à Z

A la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles afférents à l’incident, condamné in solidum la SA METROPOLE TELEVISION et la SAS PRODUCTIONS TONY

COMITI, prises en la personne de leurs représentants légaux respectifs, aux dépens afférents à

l’incident dont distraction au profit de la SCP DELEFORGE et Y avocats.

Sur appel interjeté par la société METROPOLE TELEVISION, la cour d’appel de Douai a, par arrêt du 06 octobre 2016 auquel il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des motifs, notamment :

infirmé l’ordonnance du 20 mars 2015, dit que le juge de la mise en état était incompétent pour statuer sur la demande de requalification de l’action engagée par Z A sur le fondement de l’article 9 du code civil et

l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en une action en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 qui aurait le cas échéant comme conséquence la nullité de l’assignation et la prescription de l’action ainsi requalifiée, condamné la société METROPOLE TELEVISION et la SAS […] in solidum aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maitre



Y, avocats aux offres de droit, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

à titre plus subsidiaire,

condamner la société […] à la garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge.

Au soutien de ces demandes la société METROPOLE TELEVISION indique que l’action engagéc par Z A tend en réalité à la réparation d’une atteinte à son honneur, à sa considération de sorte qu’il aurait dû fonder son action sur les dispositions impératives de la loi du 29 juillet 1881 et respecter les prescriptions de l’article 53 de cette loi.

Il s’ensuit selon elle la nullité de l’assignation délivrée puisqu’elle ne précise pas le texte applicable à la poursuite, que Z A n’a pas fait élection de domicile expresse dans la ville de Douai et qu’il n’a pas notifié cette assignation au ministère public.

Elle affirme que l’action en diffamation est prescrite comme ayant été introduite plus de trois mois après le documentaire litigieux.

Elle fait valoir que la diffusion sans autorisation de l’image d’une personne ne génère pas ipso facto une atteinte à sa vie privée et que Z A, demandeur à la présente instance, ne démontre pas en quoi la photographie qu’il incrimine porterait atteinte à sa vie privée.

d'uneTout au plus Z A, demandeur à la présente instance, ne peut se plaindre que atteinte à son droit à l’image dont il n’est pas démontré qu’elle a généré un préjudice à la hauteur du montant réclamé par lui, la cause du préjudice invoqué étant son homonymie et non la diffusion de son image à une reprise.

Au dernier état de la procédure, par conclusions signifiées par voie électronique le 07 novembre

2016, la SAS […] demande de :

dire et juger nulle l’assignation délivrée le 17 juillet 2013 qui s’analyse en une action en diffamation mais qui ne précise pas et ne qualifie pas clairement les faits poursuivis et le texte applicable, et ne respecte pas les formes et délais de procédure prescrits en la matière,

subsidiairement,

déclarer irrecevable l’action de Z A faute d’intérêt à agir,

très subsidiairement,

dire et juger que l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image n’est pas constituée, débouter Z A de l’intégralité de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

dire et juger que Z A ne démontre pas l’existence d’un préjudice,

en tout état de cause,

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d’autorisations.

2. l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mensures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

La CEDH protège ainsi tant le droit au respect de la vie privée que la liberté d’expression.

Lorsque ces derniers sont en conflit il appartient aux autorités judiciaires nationales de rechercher un juste equilibre entre l’information du public d’une part et d’autre part la vie privée d’autrui et sa réputation.

Ainsi la liberté d’expression et d’information, principe essentiel d’une société démocratique, trouve sa limite dans l’atteinte à la vie privée d’autrui, à son droit à l’image et à sa réputation.

Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés que sur le fondement de cette loi à l’exclusion de tout autre disposition générale, notamment les articles 9 el 1382 du code civil.

Il revient au juge lorsque les parties invoquent à la fois le régime spécifique de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse et l’article 9 du code civil, concernant le respect de la vie privée, de dire au cas par cas, quelle est la réglementation applicable tandis que dans le souci d’une protection de la liberté d’expression, la loi sur la presse pose des exigences de forme et de délai strictes.

Ne constitue pas une diffamation la diffusion d’une photographie d’une personne pour illustrer un reportage qui ne lui impute aucun des faits litigieux relatés.

En revanche la diffusion de cette photographie, prise sans l’autorisation de l’intéressé qui est reconnaissable et en dehors de tout événement d’actualité le concernant, est susceptible, en raison de la teneur de l’article, du reportage ou de l’émission, de porter une atteinte à sa personne que ne légitime pas la liberté de communication des informations ou plus largement la liberté de la presse. Cette atteinte recouvre l’atteinte à son image, à sa réputation, à sa vie privée.

Ainsi la demande tendant à obtenir réparation du préjudice consécutif à l’utilisation de l’image d’une personne, même faite par erreur, pour illustrer des faits expressément imputés à une autre personne ne relève pas d’une action en diffamation régie par la loi du 29 juillet 1881 mais d’une action distincte en réparation de droit commun, peu important que le préjudice consécutif constitue notamment une atteinte à la réputation.

En l’espèce, les faits matériels suivants ne sont pas contestés dans le cadre de l’émission « 66 minutes » diffusée sur la chaîne M6 le 1er avril 2012 consacrant un reportage au terroriste toulousain Z A une photographie de Z A, demandeur à la présente instance, né le […]

1988, habitant de Douai et boxeur de profession, a été diffusée.

Il n’est nullement question dans le fond du reportage de la personne physique dont la photographie est diffusée, le reportage portant uniquement sur les évènements d’actualité concernant le terroriste

Z A à l’exclusion de toute évocation du sportif douaisien Z A auquel alcun des faits litigieux de terrorisme n’était imputé.

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La seule constatation de l’atteinte au respect dû à la vie privée et/ou au droit à l’image ouvre droit à réparation dont la forme est laissée à la libre appréciation du juge.

En l’espèce, il est acquis que le 1er avril 2012 la photographie de Z A, demandeur à la présente instance, a été diffusée dans le cadre de l’émission «< 66 minutes » consacrant un reportage au terroriste toulousain des mêmes nom et prénom.

La société METROPOLE TELEVISION ne prétend pas dans ses dernières écritures, comme le fait la SAS

[…], que la photographie était floutée.

En page 10 de ses dernières écritures elle indique ainsi que « la photographie qu’il incrimine […] s’agit d’un portrait qui le représente entouré d’amis dans des circonstances totalement anodines '>.

Si les captures de l’écran de télévision produites à la présente instance par le demandeur sont floues cela résulte d’une mauvaise qualité des pièces communiquées et non d’une volonté délibérée du diffuseur de ne pas rendre reconnaissable Z A.

La photographie a été présentée derrière la présentatrice de l’émission en grand format et en plan,serré sur lui.

Z A, demandeur à la présente instance, était parfaitement reconnaissable.

Il appartenait à la société METROPOLE TELEVISION de prendre toutes précautions préalables en

s’assurant que la photographie diffusée était bien celle du terroriste toulousain décédé.

Elle a ainsi commis une faute en diffusant cette photographie sans autorisation en dehors de tout événement d’actualité concernant Z A, demandeur à la présente instance.

Cette diffusion fautive a nécessairement porté atteinte au droit à l’image du demandeur à la présente instance et lui ouvre un droit à réparation.

S’agissant d’une atteinte à sa vie privée, force est en revanche de constater qu’il n’en rapporte pas la preuve.

Aucune référence n’est faite et aucune information n’est donnée même de manière allusive quant à la vie privée de Z A, demandeur à la présente instance.

Il n’établit par ailleurs aucune atteinte à sa réputation en lien exclusif avec cette seule diffusion.

Les attestations qu’il produit imputent les préjudices dont il se plaint à son homonymie avec le terroriste sans jamais faire état de manière précise et exclusive d’un lien de cause à effet avec la diffusion du reportage dont il est question en l’espèce.

L’impact précis de cette diffusion n’est pas justifié.

De la même manière il n’établit pas avoir reçu des insultes ou menaces suite à cette diffusion.

Les messages dont il se prévaut en pièces 8, 9 et 10 ne peuvent être authentifiés s’agissant de textes dactylographiés sur des pages blanches avec des dates, heures et pseudo écrits manuscritement.

Et, en tout état de cause, aucun de ces messages ne fait référence à l’image diffusée.

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PAR CES MOTIFS

Le Tribunal de Grande Instance, statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DIT que l’action en réparation de l’atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée engagée par Z A ne s’analyse pas en une action en réparation pour diffamation au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse mais en une action en réparation de droit commun ;

DEBOUTE la société METROPOLE TELEVISION et la SAS […] de leur demande en nullité de l’acte introductif d’instance et de leur demande tendant à voir déclarer l’action prescrite;

DECLARE recevable l’action de Z A;

DIT que la société METROPOLE TELEVISION prise en la personne de son représentant légal a commis le 1 avril 2012 une faute en diffusant sans autorisation la photographie de Z A, demandeur à la présente instance, en dehors de tout événement d’actualité ;

DIT que la société METROPOLE TELEVISION prise en la personne de son représentant légal doit réparation de l’entier préjudice subi par Z A, demandeur à la présente instance, du fait de

l’atteinte à son droit à l’image ;

CONDAMNE la société METROPOLE TELEVISION prise en la personne de son représentant légal à payer à Z A, demandeur à la présente instance, la somme de dix mille euros (10 000 euros) en réparation de l’atteinte à son droit à l’image ;

CONDAMNE la SAS […] prise en la personne de son représentant légal à garantir la société METROPOLE TELEVISION prise en la personne de son représentant légal de la condamnation ainsi prononcée à son encontre ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum la société METROPOLE TELEVISION et la SAS PRODUCTIONS TONY

COMITI prises en la personne de leurs représentants légaux aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP DELEFORGE & Y conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum la société METROPOLE TELEVISION et la SAS PRODUCTIONS TONY

COMITI prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à Z A, demandeur à la présente instance, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Le Greff ep

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