Tribunal de grande instance de Nanterre, 7e chambre, 28 avril 2015, n° 14/00763

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 7e ch., 28 avr. 2015, n° 14/00763
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 14/00763

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE NANTERRE

[…]

7e Chambre

[…]

28 Avril 2015

N° R.G. : 14/00763

N° Minute :

AFFAIRE

Y Z épouse X, D G H X

C/

Société COSMOSPACE

Copies délivrées le :

DEMANDEURS

Madame Y Z épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Samy BOCHNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0245

Monsieur D G H X

[…]

[…]

représenté par Me Samy BOCHNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0245

DÉFENDERESSE

Société COSMOSPACE

[…]

[…]

représentée par Maître Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN713

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Février 2015 en audience publique devant :

Valérie MORLET, Vice-Président, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :

A B, Vice-président

Valérie MORLET, Vice-Président

E-F L’ÉLEU DE LA SIMONE, Vice-Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Emel BOUFLIJA, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame Y C, épouse X, a fin 2008, début 2009, fait appel aux services de voyance par téléphone proposés par la S.A.S. COSMOSPACE. Elle a alors communiqué son numéro de carte bancaire par téléphone, aux fins de paiement.

De nombreux prélèvements ont été effectués par la société COSMOSPACE sur le compte de Madame X, pour un montant final total qu’elle estime à 20.894 euros.

Le compte de Madame X s’est trouvé débiteur et elle a dû restituer sa carte bancaire dont l’usage abusif a fait l’objet d’une inscription au fichier de la Banque de France (courriers de la Société Générale, de la société H.S.B.C., de la société L.C.L.).

Madame X, souffrante, a chargé son époux, Monsieur D X, de "prendre toute décision concernant [ses] problèmes bancaires et leurs conséquences" (courrier à la Société Générale du 23 septembre 2009).

Faute de solution amiable, Monsieur et Madame X ont par acte délivré le 3 décembre 2013 fait assigner en remboursement des sommes indument perçues la société COSMOSPACE.

*

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2014, Monsieur et Madame X demandent au tribunal, sur le fondement de l’article 1116 du code civil et faisant valoir les manœuvres dolosives de la société COSMOSPACE, provoquant sa propre erreur, de dire nul, rétroactivement, le contrat conclu avec celle-ci et de dire que les sommes versées à hauteur de 17.291 euros devront être restituées, avec intérêts. Ils sollicitent également la condamnation de la défenderesse, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. Ils constatent ensuite l’acquisition de la prescription quant à la propre demande en paiement de la société COSMOSPACE, qui en sera donc déboutée. Ils réclament enfin, outre l’exécution provisoire du jugement, la condamnation de la société COSMOSPACE au paiement de la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société COSMOSPACE dans ses écritures du 4 novembre 2014, estime les contrats passés avec Madame X parfaitement valables et conclut donc au débouté de celle-ci de ses prétentions. A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 2.218 euros au titre des factures impayées, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 6 juin 2011. Elle réclame ensuite sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec distraction au profit de S.C.P. C.R.T.D. & Associés.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 18 décembre 2015, l’affaire plaidée le 19 février 2015 et mise en délibéré au 28 avril 2015.

MOTIF DE LA DÉCISION

Sur la validité du contrat

L’article 1109 du code civil dispose qu’il n’y a pas de consentement valable s’il n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol ne se présume pas et doit être prouvé (article 1116 du code civil).

Il appartient donc aux époux X de prouver l’existence de manœuvres dolosives, et non à la société COSMOSPACE de démontrer l’absence de telles manœuvres.

Madame X et la société COSMOSPACE, la première consultant par téléphone les services de voyance de la seconde et réglant par carte bancaire les consultations, ont entretenu des relations contractuelles.

Madame X a reçu des courriers publicitaires de la société de voyance, une fois par mois en fin de mois, dont elle n’établit l’existence qu’à compter du mois d’août 2009, période postérieure aux faits objets du présent litige et qui ne peuvent donc l’avoir incitée à prendre contact avec un médium de la société COSMOSPACE. Un envoi par mois ne saurait en outre suffire à établir une démarche commerciale agressive. Madame X ne démontre pas avoir contacté la société COSMOSPACE afin de faire cesser ces envois mensuels. Si Monsieur X a adressé des courriers à la société COSMOSPACE pour lui demander de cesser ses prélèvements, aucun de ces courriers n’impliquait l’arrêt des envois de périodiques publicitaires.

Aucun élément du dossier ne met non plus en lumière l’existence d’un démarchage par téléphone de la société COSMOSPACE. Madame X indique d’ailleurs avoir elle-même "fait appel« aux services de la société de voyance par téléphone et lui avoir communiqué ses coordonnées bancaires aux fins de paiement, volontairement et »avec confiance" selon les termes de Monsieur X dans sa lettre au Procureur de la République du 18 mai 2011.

Le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 20 septembre 2012 (avant l’engagement de la présence instance par acte d’assignation du 3 décembre 2013) à la demande de la société COSMOSPACE établit le processus d’accueil téléphonique de la société de voyance. Il n’est certes pas prouvé que le contenu de cet accueil quelques années plus tôt, en 2008/2009, au moment où Madame X a utilisé le service, était le même. Il n’est certes pas non plus clairement établi que les conditions générales de vente figuraient au dos de chaque facture adressée à Madame X. La facture (recto) ne porte pas mention de ces conditions. En revanche, il est à plusieurs reprises dans les conditions générales de vente précisé que celles-ci figurent sur les factures (au dos – verso – des factures). Le tribunal de céans constate en outre qu’un autre tribunal, concernant d’autres demandeurs, pour des consultations des services téléphoniques de la même société COSMOSPACE à partir de 2006, a bien relevé que les conditions tarifaires et les conditions générales de vente étaient exposées à la demande des clients lors des entretiens téléphoniques et reprises au dos de chaque facturation (jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 15 janvier 2015). Il est ajouté que dès son assignation Madame X a prétendu avoir utilisé son droit de rétractation (article L121-20 du code de la consommation), rappelé lors des appels téléphoniques et mentionné sur les conditions générales de vente. Le tribunal de céans admet que les conditions générales de vente ont été adressées à Madame X, par le biais du standard téléphonique ou des factures. La demanderesse, à laquelle incombe la preuve, n’établit pas le contraire.

Il ne peut être reproché à la société COSMOSPACE d’avoir abusé de la faiblesse de Madame X, alors que celle-ci n’était pas apparente ni ne paraît avoir été renseignée au téléphone. Il n’est pas démontré que les consultants de la société COSMOSPACE connaissaient le suivi psychiatrique de Madame X depuis 30 ans, ses opérations chirurgicales, la suspicion de cancer fin 2008, les douleurs insoutenables. Ces deux derniers éléments sont affirmés devant le tribunal, mais non prouvés. Il n’est en tout état de cause pas démontré que les troubles de Madame X l’aient rendue inapte à la prise de toute décision, à la gestion de son budget.

Selon l’article 3 des conditions générales de vente, les tarifs appliqués par la société COSMOSPACE prévoient que les dix premières minutes sont facturées 15 euros T.T.C. et qu’ensuite "la minute supplémentaire varie de 3,50 € à 7,50 € T.T.C. par minute supplémentaire en fonction du médium proposé à partir du bip émis indiquant la fin des 10 premières minutes de consultation et le passage à la facturation à la minute ou au forfait« . Ces points sont rappelés au téléphone, le »bip« est clairement émis et le médium en ligne avertit l’appelant de l’émission de ce bip, du changement de tarif et de la possibilité de mettre fin à la conversation. Les conditions générales de vente précisent que »les tarifs des prestations de Cosmospace varient en fonction de l’expérience des médiums en matière d’arts divinatoires« . Quatre catégories de médiums existent : médiums or, platine, rubis et diamant. Selon la qualité du médium consulté, le prix de 140 euros T.T.C. est valable pour 60 minutes avec un »médium Or« , 40 minutes avec un »médium platine« , 30 minutes avec un »médium Rubis« et 25 minutes avec un »médium Diamant« . Les tarifs vont 140 euros T.T.C. pour 60 minutes avec un »médium Or« à 1.300 euros T.T.C. pour 300 minutes avec un »médium Diamant". Tous ces tarifs sont exposés dans les conditions générales de vente. Par téléphone, le médium auquel est transféré l’appel prévient à l’issue des 10 premières minutes le montant du tarif qui va alors être facturé par minute supplémentaire.

Cette pratique entre dans le cadre de la "CHARTE DE DEONTOLOGIE« signée par les voyants de la société COSMOSPACE, qui prévoit en son article 11 que »LE CONSULTANT s’engage clairement à informer ses clients de la fin du temps de consultation choisi. Et ce, afin que ces derniers aient la liberté de continuer cette consultation« et en son article 12 que »LE CONSULTANT s’engage à ne pas mettre en difficulté financière son client. Il ne doit pas user du temps supplémentaire lors des consultations".

Les conditions générales de vente portent en outre un article 7 relatif au risque de l’addiction, au terme duquel "la société COSMOSPACE invite le Client à être particulièrement vigilant sur ses consultations, leurs fréquences et les sommes dépensées. Dans ce contexte, le Client peut également à tout moment demander à COSMOSPACE le blocage de l’utilisation de ses services en l’empêchant toute consultation téléphonique pour une durée déterminée de deux (2) mois ou définitivement. Cette demande devra se faire par écrit à l’adresse serviceclients@cosmospace.com".

Madame X affirme la volonté de la société COSMOSPACE "de profiter de la victime et de lui soutirer le plus d’argent possible", mais ne démontre pas la réalité de cette volonté, ne caractérise pas l’intention dolosive de la société de voyance. Affirmer n’est pas prouver.

Il est ajouté, enfin, que si Madame X a un temps (dans son assignation) prétendu avoir usé de son droit de rétractation (article 8 des conditions générales de vente, article L121-20 du code de la consommation), celui-ci était d’une part impossible pour les "consultations à la minute", exécutées immédiatement à la demande du client et qui constituent une exécution de contrat avant la fin du délai de sept jours francs, et n’est en tout état de cause pas prouvé.

Ainsi, s’il est indéniable que Madame X, qui perçoit une retraite mensuelle de 465,86 euros à laquelle s’ajoute une pension annuelle d’invalidité de 3.722,98 euros depuis le 22 juin 2004 (antérieurement aux relations contractuelles objets du litige), s’est trouvée en suite de la consultation à de nombreuses reprises du service de voyance par téléphone de la société COSMOSPACE en grande difficulté financière, ayant pour ces consultations déboursé une somme située entre 17 et 20.000 euros, il n’est aucunement en l’espèce établi que la société de voyance par téléphone ait usé de manœuvres destinées à surprendre son consentement. Ni les manœuvres (pratiques commerciales agressives, absence d’information sur les tarifs et le mode de tarification, non-respect des obligations en matière de protection du consommateur), ni l’intention dolosive de la société COSMOSPACE ne sont démontrées.

Monsieur et Madame X seront donc déboutés de leurs demandes tendant à voir annuler le contrat conclu avec la société COSMOSPACE et à voir condamner celle-ci à la restitution des sommes qui lui ont été versées en application de ce contrat.

Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaires

Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (article 1382 du code civil). Est ainsi posé le principe de la responsabilité civile délictuelle de droit commun, qui implique, pour sa mise en œuvre, la preuve d’une faute en lien direct avec le préjudice dont il est réclamé la réparation.

Il ne peut être nié que les difficultés financières de Madame X aient causé aux deux époux un préjudice moral et financier certain. Mais il n’est pas démontré que ce préjudice ait été causé par les manœuvres dolosives de la société COSMOSPACE, lesquelles n’ont pas été établies.

Aucun élément du dossier, en outre, ne permet de chiffrer ce préjudice à hauteur de la somme de 10.000 euros réclamée, étant rappelé que les dommages et intérêts ont une vocation purement indemnitaire et non punitive.

Les époux X seront en conséquence déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts supplémentaire.

Sur la demande en paiement de la société COSMOSPACE

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil).

Mais l’article L137-2 du code de la consommation stipule que l’action des professionnels, pour

les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Or la société COSMOSPACE fait état d’un paiement "par carte bancaire en date du 12/05/2010 lequel est revenu impayé en raison d’une contestation (…)". Une mise en demeure amiable a été adressée à Madame X le 9 juin 2011, une mise en demeure avant saisine du service contentieux lui a été adressée par pli recommandé le 22 juin 2011. La société COSMOSPACE n’a engagé aucune action devant le tribunal avant sa première demande à ce titre, le 27 mai 2014, plus de deux ans après.

La société COSMOSPACE est donc irrecevable en sa demande, prescrite, conformément aux dispositions de l’article 122 du code de procédure civile. Il n’y a donc pas lieu à examen au fond de cette prétention.

Sur l’exécution provisoire

Au regard de la solution apportée au litige, l’exécution provisoire de l’article 515 du code de procédure civile n’apparaît pas nécessaire et ne sera pas ordonnée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les époux X, qui succombent à l’instance au principal, seront condamnés aux dépens de celle-ci, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Le conseil de la société COSMOSPACE qui en a fait la demande sera autorisé à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision conformément aux termes de l’article 699 du même code.

L’équité commande en l’espèce, au regard des difficultés financières rencontrées par les époux X, une dispense d’indemnisation au profit de la société COSMOSPACE du chef des frais exposés dans la présente instance pour faire valoir sa défense et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu les articles 1109 et 1116 du code civil,

Vu l’article 1382 du code civil,

DÉBOUTE Monsieur D X et Madame Y C, épouse X de leurs demandes tendant à l’annulation du contrat conclu avec la S.A.S. COSMOSPACE et à la restitution des sommes versées en exécution de ce contrat,

DÉBOUTE Monsieur D X et Madame Y C, épouse X de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires,

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu l’article L137-2 du code de la consommation,

DIT la S.A.S COSMOSPACE irrecevable en sa demande en paiement, prescrite,

Vu les articles 515, 695 et suivants et 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,

CONDAMNE Monsieur D X et Madame Y C, épouse X aux dépens de l’instance, et AUTORISE la S.C.P. C.R.T.D. à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision,

DISPENSE Monsieur D X et Madame Y C, épouse X d’indemnisation de la S.A.S. COSMOSPACE au titre de ses frais irrépétibles.

La minute a été signée par A B, Vice-Président, et par Emel BOUFLIJA, Greffier présent lors du prononcé le 28 avril 2015.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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