Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section, 30 juillet 2009, n° 06/07110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 2e sect., 30 juill. 2009, n° 06/07110
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 06/07110

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

5e chambre 2e section

N° RG :

06/07110

N° MINUTE :

Assignation du :

28 Avril 2006 (footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 30 Juillet 2009

DEMANDERESSE

S.A.S. TELE VITALE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Géraud BOMMENEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire C928 et Me Philippe TRAVERT de l’association TRAVERT ROBERT CEYTE, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES

[…]

[…]

représentée par Me Laurent DERUY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire T0003

S.A.R.L. X Y

[…]

[…]

[…]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles L.311-10 du Code de l’Organisation Judiciaire et 801 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

C D, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

assistée de Anne LOREAU, greffière, lors des débats et de Z-A B, greffière F.F., lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 30 Janvier 2009

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

réputé Contradictoire

en premier ressort

[…]

La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines ( ci après la CANSSM ), organisme de droit privé, avait lancé le 29 juillet 2005 une procédure d’appel d’offres dit “ouvert ” en vue de conclure une marché à bons de commandes portant sur “ l’informatisation des infirmiers des centres de santé du régime minier” ( fourniture de logiciels et de prestations associées) qui a abouti à l’attribution du marché à la société X Y.

Par acte d’huissier du 28 avril 2006 la SAS TELE VITALE a fait citer la CANSSM devant ce tribunal afin d’obtenir l’annulation du marché et la condamnation de la CANSSM à lui payer la somme de 140.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi à la suite du choix de cette autre société à l’issue de la procédure d’appel d’offres.

Par acte d’huissier du 04 juin 2008 la CANSSM a attrait dans la cause la société X Y et les deux affaires ont été jointe par ordonnance du 05 septembre 2008.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 août 2008 la SAS TELE VITALE demande au tribunal, vu le Code des marchés publics, l’arrêté du 9 mai 1995, l’arrêté du 24 octobre 2005, et la procédure ayant abouti à l’attribution du marché à la société X Y, de :

A titre principal :

— constater que de nombreuses irrégularités entachent la procédure consécutive à l’appel d’offre publié le 3 août 2005 au BOAMP par la CANSSM et ayant abouti à l’attribution du marché à la société X Y;

en conséquence :

— annuler le marché signé entre la CANSSM et la société X Y;

— condamner la CANSSM à payer à la SAS TELE VITALE la somme de 140.800 euros en réparation du préjudice subi;

A titre subsidiaire :

— constater que de nombreuses irrégularités entachent la procédure consécutive à l’appel d’offre publié le 3 août 2005 au BOAMP par la CANSSM et ayant abouti à l’attribution du marché à la société X Y;

en conséquence :

— dire et juger que la procédure ayant abouti à l’attribution du marché à la société X Y est irrégulière;

— condamner la CANSSM à payer à la SAS TELE VITALE la somme de 140.800 euros en réparation du préjudice subi;

En tout état de cause :

— débouter la CANSSM de l’ensemble de ses demandes;

— condamner la CANSSM au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maître BOMMENEL.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir que la CANSSM n’aurait pas respecté les mesures de publicité, manquant ainsi gravement au respect des règles de concurrence;

Qu’elle aurait commis de nombreuses irrégularités dans la procédure d’appel d’offre;

Que le choix de la société X Y – dont la candidature aurait du être éliminée dès l’ouverture des plis sans être examinée puisque ne satisfaisant pas au CCP faute de présenter des solutions opérationnelles pour les fonctions obligatoires liées à la gestion de la “démarche des soins infirmiers” et pour celles liées à la gestion des tournées-, résulterait d’une erreur manifeste d’appréciation;

Que le fait d’avoir rejeté les offres les plus coûteuses avant même de savoir si l’offre la moins coûteuse présentée par la société X Y était techniquement recevable et que son offre ait été reçue alors même que deux fonctions obligatoires n’avaient pas été examinées suivant la procédure démontre que le choix effectué n’a pas été le résultat d’une procédure équitable, et que les nombreuses irrégularités qui entachent la procédure d’appel d’offre publié le 03 août 2005 au BOAMP par la CANSSM ayant abouti à l’attribution du marché à la société X Y justifient d’indemniser la SAS TELE VITALE du préjudice subi.

Par conclusions signifiées le 12 décembre 2008 la CANSSM soulève la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’action de la SAS TELE VITALE pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile, conclut subsidiairement sur le fond au débouté des demandes et sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la SAS TELE VITALE au paiement de la somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La CANSSM soutient que la SAS TELE VITALE n’a aucune qualité ou intérêt pour agir en nullité de la convention dans la mesure où elle n’est pas partie à cette convention et qu’elle n’apporte pas la preuve que la méconnaissance alléguée des règles issues de l’arrêté du 31 janvier 2002 soit de nature à entraîner la nullité de la convention ou soit sanctionnée par une nullité absolue.

Sur le fond elle fait principalement valoir que la procédure d’appel d’offre a été respectée; Que le demandeur a pu régulièrement participer à la procédure d’appel d’offres et remettre une offre à la suite de la publication de l’avis de marché concerné;

Qu’il ne peut être prétendu que le choix opéré traduirait un détournement de procédure qui aurait visé à favoriser la société X Y qui était déjà titulaire d’un autre marché de fourniture de service informatique ( logiciel Hello-doc) et aurait pu bénéficier d’une baisse significative du prix du marché;

Que la SAS TELE VITALE ne justifie enfin d’aucun préjudice.

La société X Y, régulièrement citée, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2009 .

Conformément aux articles 455 et 753 du code de procédure civile il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande :

La CANSSM soutient que la SAS TELE VITALE n’aurait aucune qualité à agir en nullité de la convention, n’étant pas partie à cette convention.

Attendu toutefois qu’un tiers peut demander la nullité d’une convention en se fondant sur la violation des règles sanctionnées par une nullité absolue;

Qu’il est constant que le code des marchés publics prévoit des procédures en matière de publicité et de sélection des candidatures dont le non respect entraîne la nullité absolue de la convention conclue au mépris de ces dispositions d’ordre publics;

Que la SAS TELE VITALE a donc bien qualité pour agir à l’encontre des défendeurs;

La CANSSM fait également valoir que la SAS TELE VITALE n’aurait aucun intérêt à agir dans la mesure où elle n’aurait aucun intérêt matériel ou pécuniaire à faire prononcer la nullité dès lors qu’en cas d’annulation de la convention il n’existerait aucune obligation pour la CANSSM de relancer un appel d’offre permettant à la SAS TELE VITALE de déposer une nouvelle candidature;

Attendu toutefois qu’un candidat évincé d’un marché public à la suite d’une procédure irrégulière peut obtenir réparation de son préjudice;

Que l’intérêt à agir de la SAS TELE VITALE, qui n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de son action, doit être retenu;

Que la demande de la SAS TELE VITALE est en conséquence recevable;

Sur le fond :

Sur les mesures de publicité :

Attendu que la SAS TELE VITALE fait grief à la CANSSM de ne pas avoir respecté les mesures de publicité au motif que l’avis de publicité utilisé ne serait pas conforme aux modèles annexés à la directive communautaire n° 2001/78/CE du 13 septembre 2001 transposés par l’arrêté du 4 décembre 2002, ne précisant pas si le marché est couvert ou non par l’accord, le jour, l’heure d’ouverture des offres, ainsi que les personnes admises à y assister, et la rubrique relative aux modalités essentielles de financement et de paiement étant restée vierge;

Attendu que la CANSSM réplique qu’outre le fait que les mesures de publicité ont été respectées, le principe a été retenu que l’omission de mentions d’un avis de marché ne peut en soit constituer un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence sauf si cette omission est susceptible de léser le candidat qui l’invoque et que tel n’est pas le cas si le requérant a pu régulièrement participer à la procédure d’appel d’offres et remettre une offre à la suite de la publication de l’avis de marché concerné;

Attendu qu’aux termes de l’article 40 du code des marchés publics “ tout marché doit être précédé d’une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective…” , que les avis d’appel public à la concurrence sont, aux termes de l’article 40-VI du code des marchés publics établis conformément aux modèles fixés par arrêté au ministère chargé de l’économie, et que l’avis devant être publié au BOAMP doit correspondre au modèle d’avis annexé à l’arrêté du 30 janvier 2004 pris en application des articles 40 et 80 du code précité;

Qu’il résulte des pièces produites que la publicité de l’avis d’appel public à la concurrence envoyée le 29 juillet 2005 a été réalisée par annonce publiée le 03/08/2005 dans le BOAMP ( Bureau des Annonces des Marchés publics) avec une date limite de dépôt au 20 septembre 2005 et que la SAS TELE VITALE a pu remettre une offre dans ce délai;

Que la CANSSM a respecté les rubriques prévues pour le modèle d’avis national qui ne comporte aucune rubrique intitulée marché couvert ou non par l’accord , ou jour, heure, ouverture des offres et personne admise à y assister,

Qu’elle a fait figurer les mentions obligatoires contenues dans le modèle national, à savoir le nom et l’adresse officiels de l’organisme acheteur ( la CANSSM), l’objet du marché, la mention relative aux critères d’attribution, le type de procédure suivie ( appel d’offre ouverts) et la date limite de réception des offres;

Que dès lors la CANSSM a effectué les mesures de publicité prévues et satisfait à l’exigence de transparence de la procédure de publicité et de mise en concurrence;

Sur la procédure d’appel d’offres :

Attendu que la SAS TELE VITALE fait grief à la CANSSM d’avoir enfreint l’article 20 du code du marché public suivant laquelle c’est la personne responsable du marché et non la commission responsable du marché qui serait habilitée à ouvrir les enveloppes contenant les candidatures et à en enregistrer le contenu;

Attendu qu’il n’est pas contesté que c’est la Commission des marchés qui a procédé à l’ouverture des premières enveloppes lors de sa séance du 21 septembre 2005;

Qu’il résulte toutefois de l’article 2 al.1 de l’arrêté du 31 janvier 2002 applicable à la passation du marché litigieux que le code des marchés publics s’applique aux marchés conclus par la CANSSM “ sous réserve des dispositions du présent arrêté”;

Qu’il résulte de l’article 4 de cet arrêté que “ la commission des marchés ouvre les plis pour les marchés par appel d’offre, élimine les candidatures non recevables et les offres non conformes à l’objet du marché”;

Que la CANSSM a donc bien respecté les dispositions de l’arrêté qui déroge à la règle énoncée à l’article 20 susvisé;

Attendu que la SAS TELE VITALE fait encore valoir que la CANSSM s’est contentée de joindre une note et que la personne responsable du marché n’a pas rédigé le rapport de présentation des offres en violation de l’article 75 du code des marchés publics;

Qu’il résulte toutefois des pièces produites que la note de présentation des offres a été rédigée par les services du directeur de la caisse, personne responsable du marché aux termes de l’article 2 al.2 de l’arrêté du 31 janvier 2002, et que la procédure a donc été respectée;

Attendu que la SAS TELE VITALE critique également la composition de la Commission d’appel d’offres au motif qu’elle ne comprendrait pas de représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en contradiction avec les dispositions de l’article 21 du code des marchés publics,;

Attendu que l’article 3 de l’arrêté du 31 décembre 2002 qui fixe la composition de la commission déroge aux dispositions de l’article 21 précité;

Attendu que la SAS TELE VITALE conteste en outre les critères de sélection des offres et plus particulièrement le critère financier de coût total de mise en place et de possession sur cinq ans, alors que les marchés à bons de commande définis à l’article 71 du code des marchés publics ne peuvent avoir une durée supérieure à 4 ans;

Attendu toutefois qu’aux termes de l’article 71 I al 3 du code des marchés publics “ les marchés à bons de commande sont passés pour une durée qui ne peut excéder 4 ans sauf dans ces cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par l’objet du marché. Le marché précise la durée maximale d’exécution des bons de commande”;

Qu’il en résulte que le délai d’exécution des bons de commande peut dépasser la durée du marché et que la CANSSM était fondée à utiliser en l’espèce un critère de sélection basé sur le coût total de mise en place et de possession sur 5 ans;

Attendu que la SAS TELE VITALE invoque enfin une erreur manifeste d’appréciation qui aurait conduit à retenir à tort l’offre de la société X Y;

Qu’elle soutient en premier lieu qu’elle aurait été favorisée dans la mesure où elle était déjà titulaire d’un marché de fourniture de service informatique auprès de la CANSSM ( Hello-doc);

Qu’il résulte toutefois de la note du contrôleur général économique et financier du 28 novembre 2005 que la commission des marchés n’a pas tenu compte de la compatibilité entre les deux logiciels et qu’elle a accordé la note la plus élevée à une autre société YYY qui proposait pourtant un logiciel non compatible avec le logiciel Hello-doc;

Qu’elle fait encore valoir que l’offre initiale de la SAS TELE VITALE ne présentait pas de solutions opérationnelles pour les fonctions obligatoires liées à la gestion de la “démarche des soins infirmiers” et pour celles liées à la gestion des tournées, contrairement aux dispositions du Cahier des Clauses particulières;

Qu’il convient toutefois de relever qu’à la date de remise des offres les fonctions précitées n’avaient pas à être opérationnelles, les candidats ayant trois possibilités de réponse et notamment d’indiquer, comme l’a fait la société X Y dans son offre initiale ; que ces fonctions litigieuses étaient en cours de développement;

Qu’il sera d’ailleurs souligné que la SAS TELE VITALE a elle-même fait usage de cette possibilité de recourir à un développement en cours de réalisation pour l’interface avec le logiciel GALAXIE;

Qu’il n’est enfin pas établi que la commission n’aurait pas eu le temps d’examiner le logiciel litigieux dans sa version définitive;

Attendu que la SAS TELE VITALE n’apporte ainsi pas d’élément permettant de caractériser une erreur manifeste d’appréciation pouvant être reprochée à la Commission des marchés de la CANSSM;

Qu’elle sera en conséquence déboutée de l’intégralité de ses demandes;

Sur les autres demandes :

Attendu que la partie perdante supporte les dépens et sera condamnée à payer à la CANSSM les frais irrépétibles engagés évalués à la somme de 5.000 euros;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en premier ressort :

Déclare la SAS TELE VITALE recevable en son action à l’encontre de la CANSSM et de la société X Y.

Déboute la SAS TELE VITALE de ses demandes.

Condamne la SAS TELE VITALE à payer à la CANSSM la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la SAS TELE VITALE aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 30 Juillet 2009

La Greffière F.F. La Présidente

Z-A B C D

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