Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 26 novembre 2010, n° 09/01522

  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Désorganisation de l'entreprise·
  • Poursuite des actes incriminés·
  • Droits antérieurs d'un tiers·
  • Absence de droit privatif·
  • Demande reconventionnelle·
  • Exploitation sous son nom·
  • Présomption de titularité·
  • Attestation d'un salarié·
  • Fabrication à l'étranger

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La présomption de titularité, qui s’attache à une exploitation réelle et non équivoque d’un produit par une personne morale vise à faciliter l’action du titulaire des droits d’exploitation à l’encontre d’un contrefacteur. Elle ne peut être utilisée pour créer artificiellement un droit d’auteur détaché de tout acte de création. Aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme n’est caractérisé. En effet, dès lors que l’évolution actuelle du marché consiste pour les acteurs économiques à prospecter et commercialiser des produits étrangers, notamment asiatiques dans le domaine de la mode, la défenderesse n’a commis aucun acte fautif en commercialisant un produit libre de droits privatifs, régulièrement acquis auprès d’un fournisseur indien.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 26 nov. 2010, n° 09/01522
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/01522
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 10 mars 2010, 2009/01522
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20100304
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 26 Novembre 2010

3e chambre 3e section N°RG: 09/01522

DEMANDERESSE Société SYBILLE ACCESSOIRES SARL […] 75006 PARIS représentée par Me Maxime VIGNAUD, Cabinet RENAULT-THOMONETTE- VIGNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P248

DEFENDERESSE Société CYRILLUS SA […] 75016 PARIS représentée par Me André BERTRAND, de la SELARL ANDRE BERTRAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0207

COMPOSITION DU TRIBUNAL Agnès T, Vice-Président, signataire de la décision Anne CHAPLY, Juge Mélanie B. Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 12 Octobre 2010 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société SYBILLE ACCESSOIRES a pour activité la création .d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires qu’elle diffuse sous la marque « PETITE MENDIGOTE » dans sa boutique située […] et dans des points de vente qu’elle sélectionne. Elle indique commercialiser depuis 2007 un modèle de sac dénommé « GWEN », dont l’originalité revendiquée se caractérise notamment par la combinaison des éléments suivants: forme de bourse, fermeture plissée, ourlet plissé, couture surpiquée centrale, renforcement ovale, une grande poche intérieure et une petite poche intérieure, deux anses. Le 6 décembre 2008, la société SYBILLE ACCESSOIRES indique avoir identifié dans une boutique à l’enseigne « CYRILLUS » des sacs dont elle estime qu’ils reproduisent illicitement et servilement son modèle de sac « GWEN ».

La société SYBILLE ACCESSOIRES a fait acheter un exemplaire du sac litigieux au prix de 99 euros T.T.C. dans la boutique concurrente puis, sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris du 11 décembre 2008, elle a fait procéder, le 15 décembre 2008 à une saisie-contrefaçon au siège social et dans la boutique de la société CYRILLUS située […] XVIe. Par la suite, la société SYBILLE ACCESSOIRES a assigné, par acte du 14 janvier 2009, la société CYRILLUS devant le présent tribunal en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire. Par décision du 10 mars 2010, le juge de la mise en état a fait injonction à la société CYRILLUS de produire des documents comptables actualisés établissant les quantités de sacs argués de contrefaçon importés et commercialisés. Dans ses dernières écritures récapitulatives signifiées le 25 mai 2010, la société SYBILLE ACCESSOIRES demande au tribunal de: DIRE que les sacs fabriqués et distribués par la défenderesse, objets de l’ordonnance de saisie-contrefaçon du 11 décembre 2008 et des saisies- contrefaçons du 15 décembre 2008, correspondent au modèle original de sac « GWEN » commercialisé par la société SYBILLE ACCESSOIRES ; DIRE qu’en reproduisant et en assurant la fabrication, distribution, promotion et diffusion des sacs contrefaisants en France sans autorisation préalable, notamment dans les points de vente à enseigne « CYRILLUS », la défenderesse s’est rendue coupable de contrefaçon au sens des articles L.122-1, L.122-4 et L.335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, et d’actes distincts de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice de la société SYBILLE ACCESSOIRES ; En conséquence, INTERDIRE à la défenderesse de fabriquer, importer, commander, commercialiser, distribuer, diffuser, utiliser, offrir ou exploiter commercialement ou non, de quelque manière et à quelque titre ou fin que ce soit, directement ou indirectement, les sacs ayant illicitement reproduit le modèle original de sac « GWEN » commercialisé par la société SYBILLE ACCESSOIRES ou tout sac reproduisant les caractéristiques originales du sac « GWEN », sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision ; ORDONNER la destruction, devant huissier et sous astreinte, des sacs contrefaisants détenus en stock et aux frais de la défenderesse ; CONDAMNER la défenderesse à verser à la société SYBILLE ACCESSOIRES la somme de 278.827,20 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser le préjudice patrimonial subi au titre des actes de contrefaçon; CONDAMNER la défenderesse à verser à la société SYBILLE ACCESSOIRES la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser le préjudice que cette dernière a subi du fait des actes distincts de parasitisme et de concurrence déloyale commis à son encontre ;

ORDONNER sous astreinte la publication judiciaire de la décision à intervenir dans trois (3) revues ou magazines au choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse dans la limite d’une somme de 30.000 euros ; En toute hypothèse, DEBOUTER la société CYRILLUS de ses demandes ; DIRE que le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi en la forme des référés, sera compétent pour la liquidation des astreintes ordonnées ; CONDAMNER la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 9.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la défenderesse aux entiers dépens ;

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement en tous ses chefs. Au soutien de ses demandes, la société SYBILLE ACCESSOIRES fait valoir que le modèle de sac « GWEN », appartenant à la ligne printemps/été 2008 est original du fait de la combinaison originale des caractéristiques essentielles dont l’agencement unique traduit un parti pris esthétique et confère à ce modèle toute son originalité.

Elle prétend que les sacs commercialisés par la société CYRILLUS reproduisent les principales caractéristiques originales du modèle de sac « GWEN » dans un agencement identique, qui confère aux deux modèles une même impression d’ensemble, résultant d’une copie servile. La demanderesse souligne que les documents comptables initialement fournis à l’huissier instrumentaire suite aux opérations de saisie-contrefaçons ont été contredits par les éléments obtenus sur injonction du juge de la mise en état mais qu’en tout état de cause, la matérialité de la contrefaçon est établie. Sur ses préjudices, la société SYBILLE ACCESSOIRES se plaint d’une atteinte à son image de marque liée à la vulgarisation et à la banalisation du modèle et à l’effet négatif de la contrefaçon par une société plus importante, pouvant amener la clientèle à croire que la société SYBILLE ACCESSOIRES s’est elle-même rendue coupable de contrefaçon. Elle se plaint en outre de la confusion résultant nécessairement de la copie servile de son sac et des économies indues réalisées par le contrefacteur, ainsi que de la perte d’attractivité de son produit. Elle souligne la mauvaise foi de la défenderesse dans l’établissement de la masse contrefaisante et évalue son préjudice économique à la perte de marge correspondant au nombre de pièces contrefaisantes. La société SYBILLE ACCESSOIRES prétend enfin que la société CYRILLUS se serait rendue coupable d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale. En réplique aux moyens soulevés en défense, elle conteste la force probante des éléments produits par la société CYRILLUS pour combattre la présomption de

titularité au profit de la société SYBILLE ACCESSOIRES et se prévaut d’une date de création antérieure à toute commercialisation par le fournisseur indien du sac à la société CYRILLUS. Dans ses dernières conclusions récapitulatives signifiées le 21 juillet 2010, la société CYRILLUS demande au tribunal, au visa de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, de : RECEVOIR la société CYRILLUS dans l’ensemble de ses arguments, fins et moyens et déclarer ceux-ci bien fondés. DIRE que si l’exploitation d’une œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, en l’absence de revendications judiciaires du ou des auteurs contre elle, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre, qu’elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l’auteur, que toutefois, cette présomption devant être regardée comme simple ; CONSTATER que le sac GWEN a été fourni à la demanderesse, la société SYBILLE ACCESSOIRES, par la société indienne PUNIHANI INTERNATIONAL qui a également fourni le sac litigieux argué de contrefaçon à la société CYRILLUS ;

CONSTATER qu’il ressort des conclusions de la demanderesse que le modèle GWEN, comme modèle argué de contrefaçon, portent les mêmes « numéros de série apparentes sur les pièces fermantes du sac » ; DIRE que la société indienne PUNIHANI INTERNATIONAL est donc présumée être titulaire des droits tant sur le modèle GWEN que sur le modèle argué de contrefaçon; CONSTATER que la société S YBILLE ACCESSOIRES ne produit aux débats aucun élément de nature à renverser cette présomption de titularité, notamment une attestation de la société indienne PUNIHANI INTERNATIONAL de nature à confirmer les droits qu’elle revendique ; CONSTATER que la société CYRILLUS verse aux débats une attestation de la société PUNIHANI INTERNATIONAL selon laquelle celle-ci serait l’auteur du modèle litigieux argué de contrefaçon; DEBOUTER, en conséquence, la société SYBILLE ACCESSOIRES de son action et de ses demandes au titre de la contrefaçon; CONSTATER, en tout état de cause, que malgré leur forme générale similaire, pour ne pas dire même quasi-identiques, le mode de fermeture des deux sacs et le nœud qui caractérise le sac GWEN donne à celui-ci une configuration générale différente ; DIRE ET JUGER que le modèle CYRILLUS ne peut donc en tout état de cause être considéré comme la contrefaçon du modèle GWEN ; DÉBOUTER de plus fort la société SYBILLE ACCESSOIRES de son action et de ses demandes au titre de la contrefaçon;

Vu la loi Le Chapelier des 2 et 17 mars 1791 qui a valeur constitutionnelle, Vu l’article 1er de la loi Royer du 27 décembre 1973, Vu l’article 1er de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, Vu l’article 1382 du code civil, DIRE qu’on ne saurait reprocher aucun acte fautif à la société CYRILLUS qui n’a fait que s’approvisionner auprès du même fournisseur que la société SYBILLE ACCESSOIRES; DEBOUTER la demanderesse, la société SYBILLE ACCESSOIRES, de son action et de ses demandes en concurrence déloyale et en concurrence parasitaire ; DEBOUTER la demanderesse, la société SYBILLE ACCESSOIRES, des mesures de publications judiciaires sollicitées ; Reconventionnellement, Vu l’article 1382 du code civil et l’article 32-1 du code de procédure civile CONSTATER que la société SYBILLE ACCESSOIRES savait que la société CYRILLUS avait le même fournisseur qu’elle avant d’engager la présente procédure ;

CONSTATER également que la société SYBILLE ACCESSOIRES a commis un acte contraire aux usages loyaux du commerce en se prétendant le créateur du sac GWEN qui a été en réalité crée par la société indienne PUNIHANI INTERNATIONAL ; En conséquence, CONDAMNER la société SYBILLE ACCESSOIRES à payer :

-100.000 euros de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale résultant de la désorganisation du fonds de commerce et de l’activité de la société CYRILLUS dont elle s’est rendu responsable au moyen de manœuvres frauduleuses d’instrumentalisation de l’autorité judiciaire ;

-100.000 euros de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale résultant d’une saisie-contrefaçon sans droits ni titre parfaitement abusive ; DIRE qu’il serait inéquitable pour la société CYRILLUS de supporter les frais engagés à ses dépens dans le seul but d’éviter sa condamnation, au titre de ce qu’il convient d’appeler un mauvais procès, dès lors que la demanderesse ne pouvait se méprendre sur l’inexistence des actes allégués de contrefaçon et de concurrence déloyale ; CONDAMNER également la demanderesse, à savoir la société SYBILLE ACCESSOIRES, à payer à la société CYRILLUS 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; CONDAMNER la société SYBILLE ACCESSOIRES aux frais et dépens de la présente instance dont distraction au profit de Me André BERTRAND, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

A titre liminaire, la société CYRILLUS fait valoir que les deux parties ont le même fournisseur indien, la société PUNIHANI INTERNATIONAL, qui bénéficie en conséquence de la présomption de titularité, en ce qu’elle est la première société à avoir commercialiser sous son nom et sous la dénomination GWEN le modèle de sac sur lequel la société SYBILLE ACCESSOIRES revendique des droits; que cette présomption est corroborée en outre par les pièces qu’elle verse aux débats et qu’en toute hypothèse, la société demanderesse n’établit aucun acte de création et n’apporte aucune preuve de nature à renverser la présomption de titularité existant au profit de la société indienne. Sur la contrefaçon, la défenderesse soutient que malgré la similitude de la forme générale, le mode de fermeture des deux sacs et le noeud qui caractérise le sac « GWEN » donne à celui-ci une configuration générale différente excluant tout grief de contrefaçon. Sur les actes de parasitisme et concurrence déloyale, la société CYRILLUS considère n’avoir commis aucune faute en se fournissant auprès du même fabricant indien que la société SYBILLE ACCESSOIRES et soutient que la commercialisation de son sac à un prix inférieur au sac « GWEN » ne peut constituer un acte fautif.

A titre reconventionnel, elle soutient que la présente action en justice constitue une fraude à la loi et un outrage manifeste au tribunal dès lors que la société SYBILLE ACCESSOIRES revendique des droits qu’elle sait inexistants, ce qui constitue une procédure abusive à l’égard de la défenderesse ainsi qu’une concurrence déloyale par désorganisation d’une entreprise concurrente et par exécution d’une procédure de saisie-contrefaçon abusive et vexatoire. L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 21 septembre 2010.

EXPOSE DES MOTIFS * Sur la titularité des droits Selon les dispositions de l’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. Il est constant que l’exploitation d’une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, en l’absence de revendication judiciaire du ou des auteurs contre elle, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle de l’auteur. Toutefois, cette présomption de titularité des droits, qui est une présomption simple et peut être renversée par le défendeur à l’action en contrefaçon, n’exonère pas la partie qui entend s’en prévaloir de rapporter la preuve d’une création déterminée à une date certaine lorsque le défendeur prétend s’être approvisionné chez le même fabricant. En l’espèce, la société SYBILLE ACCESSOIRES revendique la présomption de titularité des droits d’auteur sur le modèle de sac « GWEN » présenté dans les

catalogues automne/hiver 2007 et printemps/été 2008 de la marque PETITE MENDIGOTE, sous laquelle elle exerce son activité. Cependant, il est constant que les sociétés SYBILLE ACCESSOIRES et CYRILLUS ont le même fournisseur indien, la société PUNIHANI INTERNATIONAL. Il s’ensuit que la première personne morale ayant commercialisé sous son nom le modèle de sac « GWEN » est la société PUNIHANI INTERNATIONAL, notamment par la vente de son modèle à la société SYBILLE ACCESSOIRES. La présomption de titularité doit en conséquence bénéficier au fournisseur et il appartient à la société SYBILLE ACCESSOIRES de rapporter la preuve de sa création du modèle renvendiqué. A cette fin, la société SYBILLE ACCESSOIRES se prévaut de deux attestations. Cependant, ces documents ne remplissent pas les conditions posés par l’article 202 du code de procédure civile et n’indiquent notamment pas le lien de subordination des deux personnes.

Or, Mme C, qui prétend avoir créé le modèle de sac « GWEN » en octobre 2006 est une salariée de la demanderesse et Mme B, qui atteste avoir transmis les patrons relatifs au modèle « GWEN » à la société PUNIHANI INTERNATIONAL en novembre 2006, travaille en qualité d’agent de la société SYBILLE ACCESSOIRES. Il s’ensuit que ces deux attestations dactylographiées, qui émanent de deux personnes subordonnées de la société SYBILLE ACCESSOIRES, sont dépourvues de force probante, dès lors qu’en outre, aucun autre document ne vient les corroborer, notamment aucune télécopie, aucune directive de la société demanderesse à son fournisseur indien, ni aucune facture du fournisseur antérieure au 4 février 2008. A toutes fins, le tribunal relève que la copie de fiche technique du sac « GWEN » jointe aux deux attestations, ne mentionne aucune date et qu’elle est donc également dépourvue de toute valeur probante, s’agissant d’un document qui émane de la partie demanderesse et n’est confirmé par aucun élément ; qu’enfin, il n’est ni allégué, ni établi que la société SYBILLE ACCESSOIRES dispose d’un bureau de style ni qu’elle fabrique les sacs qu’elle commercialise. A titre surabondant, les éléments produits par la demanderesse manquent de cohérence puisque le catalogue automne/hiver 2007 a été imprimé en juin 2007 mais que les premières factures correspondant à l’achat de sacs « GWEN » sont postérieures au mois de février 2008 alors que les attestations écartées par le tribunal font état d’une création en octobre 2006. En tout état de cause, le tribunal rappelle que la présomption de titularité, qui s’attache à une exploitation réelle et non équivoque d’un produit par une personne morale vise à faciliter l’action du titulaire des droits d’exploitation d’un produit à l’encontre d’un contrefacteur mais qu’elle ne peut être utilisée pour créer artificiellement un droit d’auteur détaché de tout acte de création; qu’il s’induit de l’ensemble de ces éléments que la société SYBILLE ACCESSOIRES, qui n’est pas fondée à se prévaloir de la présomption rappelée ci-dessus, succombe dans

l’administration de la preuve de la création du sac « GWEN » et doit être déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de ce chef. * Sur les actes de parasitisme et de concurrence déloyale La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce. L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, s’il est à l’instar de la concurrence déloyale fondé sur l’article 1382 du code civil, est caractérisé au regard de critères distincts auxquels est étranger le risque de confusion et qui résident dans la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. En l’espèce, la demanderesse reproche à la société CYRILLUS d’avoir, en connaissance de cause, proposé à la vente des copies serviles de son sac « GWEN » et d’avoir persisté dans ces agissements malgré des mises en demeure d’avoir à, cesser tout acte de contrefaçon, ce qui caractériserait sa volonté de se placer dans le sillage de la société SYBILLE ACCESSOIRES. S’il n’est pas contesté que les deux parties sont en situation de concurrence, la société SYBILLE ACCESSOIRES ne rapporte pas la preuve de la volonté de la société CYRILLUS de créer une situation de confusion entre les sacs qu’elles commercialisent et il ressort au contraire des faits de l’espèce que la défenderesse, à l’instar de la demanderesse, s’est approvisionnée auprès d’un fournisseur indien réputé, qui lui a proposé un modèle qu’il commercialise depuis de nombreuses années auprès de ses clients en Europe. Dès lors que l’évolution actuelle du marché consiste pour les acteurs économiques à prospecter et commercialiser des produits étrangers, notamment asiatiques dans le domaine de la mode, la société CYRILLUS n’a commis aucun acte fautif en commercialisant un produit libre de droits privatifs, régulièrement acquis auprès d’un fournisseur indien. En toute hypothèse, en dehors de la forme générale du sac, le tribunal observe que le produit commercialisé par la société CYRILLUS n’a pas repris le noeud qui confère au modèle « GWEN » une identité singulière. Par ailleurs, la demanderesse, qui s’est simplement approvisionnée auprès d’un tiers, ne justifie pas d’investissements spécifiques pour la création du sac « GWEN ».

Enfin, en l’absence de droits privatifs sur le modèle « GWEN », le seul fait de commercialiser des produits similaires relevant d’un genre bien connu n’est pas en soi fautif, s’agissant au contraire du libre jeu de la concurrence et il en est de même du prix de vente, dont il n’est pas démontré en l’espèce qu’il serait vil au regard des matériaux utilisés. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de débouter la société SYBILLE ACCESSOIRES de sa demande en indemnisation du chef de concurrence déloyale et parasitisme.

* Sur la demande reconventionnelle de la société CYRILLUS L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

La société CYRILLUS ne rapporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la demanderesse, qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits, ni d’un quelconque préjudice, distinct des frais de procédure sur lesquels il sera statué ci-après. En outre, le tribunal constate que malgré la procédure en cours, la défenderesse a poursuivi les actes de commercialisation du sac litigieux et aucune désorganisation ayant entraîné un préjudice réel et actuel n’est démontrée. La société CYRILLUS sera donc déboutée de sa demande de concurrence déloyale de ce chef. Enfin, la procédure de saisie-contrefaçon, dûment autorisée par une décision judiciaire, ne constitue pas un acte fautif constitutif de concurrence déloyale, alors que la demanderesse a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. En toute hypothèse, la société CYRILLUS est irrecevable à solliciter une amende civile aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile. En conséquence, elle sera déboutée de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles..

* Sur les autres demandes Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société SYBILLE ACCESSOIRES, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, qui comprendront les frais de saisie-contrefaçon et qui pourront être directement recouvrés par Maître BERTRAND, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il convient de la condamner en outre, à payer la somme de 10 000 euros à la société CYRILLUS, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la nature de la présente décision, il n’y a pas lieu d’en ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant par jugement rendu publiquement par mise à la disposition du public au greffe, contradictoire et en premier ressort, Déclare la société SYBILLE ACCESSOIRES irrecevable en ses demandes en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur; Déboute la société SYBILLE ACCESSOIRES de sa demande en dommages- intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ; Déboute la société CYRILLUS de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la société SYBILLE ACCESSOIRES aux entiers dépens de l’instance qui pourront être directement recouvrés par Maître BERTRAND, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile; Condamne la société SYBILLE ACCESSOIRES à payer à la société CYRILLUS la somme de 10 000 euros (DIX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile; Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

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