Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section, 20 janvier 2011, n° 09/18460

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Dimeglio Avocat · 16 mai 2023

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 2e sect., 20 janv. 2011, n° 09/18460
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/18460

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

5e chambre 2e section

N° RG :

09/18460

N° MINUTE :

Assignation du :

18 Novembre 2009(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 20 Janvier 2011

DEMANDEUR

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire R295 et Me Jean DAMY de la SCP DAMY ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A. FREE

[…]

[…]

représentée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2186

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles L.311-10 du Code de l’Organisation Judiciaire et 801 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Z A, Juge, statuant en juge unique.

assistée de B C, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 09 Décembre 2010

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

en premier ressort

[…]

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Y X est professeur de droit public à l’Université d’Angers.

Il estime avoir été l’objet au cours des mois d’avril 2008 de propos mensongers dans un article qui lui était consacré dans l’encyclopédie libre Wikipédia selon lesquels il aurait l’objet d’un blâme de la part de l’Université.

Monsieur X a assigné la fondation Wikimédia devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Poitiers aux fins d’obtenir la communication des coordonnées IP des auteurs de la totalité des propos diffamatoires le concernant.

Par ordonnance du 22 octobre 2008, le juge des référés a fait droit à sa demande et le 4 novembre 2008 Wikimédia a fourni l’adresse IP de l’auteur des propos litigieux au conseil de Monsieur X. Cette adresse provenait du fournisseur d’accès FREE.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 janvier 2009 le conseil de Monsieur X a demandé à la société FREE de lui communiquer les coordonnées de l’internaute concerné.

Par télécopie du 12 février 2009, la société FREE a refusé cette communication en précisant qu’une ordonnance du tribunal était nécessaire pour faire droit à la demande. Elle a également indiqué que l’adresse IP était erronée.

Sur demande du conseil de Monsieur X, la société Wikimédia a donné l’adresse correcte.

Monsieur X a alors saisi sur requête le président du tribunal de grande instance de Paris afin qu’il fasse injonction à la société FREE d’avoir à lui communiquer dans les 15 jours les éléments permettant l’identification du titulaire de l’adresse.

Le 12 mai 2009, le président du tribunal a fait droit à cette demande, par ordonnance signifiée à la société FREE le 18 mai 2009.

Par télécopie du 25 mai 2009, le service juridique de la société FREE a indiqué ne pas être en mesure techniquement de répondre à cette demande sans une date et une heure de connexion.

La société FREE a finalement affirmé ne pas être en mesure d’exécuter l’ordonnance, les dispositions du code des postes et télécommunications électroniques ne permettant pas aux opérateurs de conserver les données pendant plus d’une année, et les connexions litigieuses datant du mois d’avril 2008.

***

Par acte d’huissier en date du 10 décembre 2009, Monsieur X a fait assigner la société FREE devant le tribunal de grande instance de Paris.

***

Dans ses dernières conclusions du 17 août 2010, au visa de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et des articles 1382 et 1383 du code civil, Monsieur Y X demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— condamner la société FREE à verser à Monsieur X la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi,

— dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution forcée devra être réalisée, et le montant des sommes retenues par huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 sera supporté par le débiteur,

— condamner la société FREE à verser à Monsieur X la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que :

✔ les dispositions de l’article L34-1 et celles de l’article R10-13 du code des postes et télécommunications électroniques sont applicables en dehors de tout contentieux judiciaire, et dès lors qu’une juridiction a été saisie dans ce délai d’un an et a prononcé une décision d’injonction, l’opérateur de communication a l’obligation de conserver ces données afin d’exécuter la décision de justice,

✔ la société FREE a été informée dès le 30 janvier 2009, soit moins d’un an à compter de l’enregistrement des données personnelles, de la décision du juge des référés enjoignant la communication de ces données et a malgré tout décidé de ne pas les conserver,

✔ ce comportement constitue une faute engageant sa responsabilité délictuelle,

✔ Monsieur X a renoncé à toute action en diffamation mais envisageait une action sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour information inexacte, qui n’est pas soumise à la prescription de trois mois.

***

Dans ses dernières conclusions du 9 septembre 2010, au visa de l’article L34-1 et de l’article R10-13 du code des postes et télécommunications électroniques, de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 et de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, la société FREE demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— juger que la société FREE n’a commis aucune faute en supprimant toutes les données nominatives dès leur date de péremption acquise,

— condamner Monsieur X à payer la somme de 10 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice occasionné par son abus du droit d’agir,

— condamner Monsieur X à payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Aux motifs que :

— Monsieur X a perdu 7 mois et demi sur les 13 mois écoulés entre la mise en ligne des écrits litigieux et la demande d’identification à la société FREE, dont trois entre le moment où il en a eu connaissance et l’assignation en référé de Wikimédia, trois entre la communication par cette dernière de l’adresse IP et la première demande à la société FREE, et un mois et demi entre le moment où l’adresse correcte lui est communiquée par Wikimédia et la requête au président du tribunal de grande instance de Paris, sans compter une assignation de la société FREE devant le tribunal de grande instance de Poitiers, incompétent territorialement,

✔ seule une décision exécutoire rendue à l’intérieur du délai légal de un an peut permettre une identification nominative,

✔ l’article 34 de la loi informatique et libertés fait obligation aux opérateurs d’empêcher que des tiers non autorisés aient accès aux données,

✔ aucune décision judiciaire n’est venue demander à FREE une identification dans le délai d’un an, la décision du tribunal de grande instance de Poitiers ne concerne pas la société FREE, et celle du tribunal de grande instance de Paris est intervenue au-delà du délai d’un an, se trouvant du fait de la négligence de Monsieur X privée d’effet,

✔ la simple connaissance d’un litige potentiel n’autorisait pas FREE à outrepasser le délai légal,

quel que soit le fondement de la demande de Monsieur X à l’égard de l’auteur de l’écrit litigieux,

✔ Monsieur X n’a pas communiqué les éléments nécessaires pour identifier l’abonné,

✔ Monsieur X a renoncé à son action en diffamation, et n’a donc plus intérêts à agir contre FREE,

✔ la requête déposée auprès du président du tribunal de grande instance de Paris ne vise aucun fondement juridique.

***

Conformément aux articles 455 et 753 du Code de Procédure Civile il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2010.

MOTIFS

Sur la faute reprochée à la société FREE

L’article L32-1 du code des postes et télécommunications électroniques dispose que “pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d’un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l’autorité judiciaire ou de la haute autorité mentionnée à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle d’informations, il peut être différé pour une durée maximale d’un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le V, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l’activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l’Etat, par les opérateurs.”

Il résulte de cet article que les opérateurs ne peuvent conserver les données au-delà d’une année à compter du jour de l’enregistrement, qu’ils ne peuvent les communiquer que sur injonction d’une autorité judiciaire et seulement pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d’un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle.

Les données personnelles dont la communication était sollicitée par Monsieur X ont été enregistrées en avril 2008, comme le démontre la pièce 10 du demandeur.

Or l’ordonnance d’injonction concernant à l’égard de la société FREE a été rendue le 12 mai 2009, date à laquelle la société FREE avait l’obligation légale de supprimer les données personnelles liées à l’adresse IP litigieuse.

Contrairement à ce que prétend Monsieur X, non seulement la société FREE n’avait aucune obligation de conserver les données au-delà d’un an sur le fondement de l’ordonnance rendue à l’égard de Wikimédia le 22 octobre 2008, mais encore elle ne pouvait le faire sans contrevenir aux dispositions légales.

La société FREE n’a donc pas commis de faute en s’abstenant de donner suite à l’ordonnance du 12 mai 2009. Il appartenait à Monsieur X d’agir dans les délais pour obtenir les informations sollicitées.

Monsieur X sera en conséquence débouté de toutes ses demandes.

Sur les demandes reconventionnelles en dommages intérêts

La société FREE n’apporte pas la preuve du caractère abusif de la procédure engagée par Monsieur X ni du dommage qui en aurait résulté pour elle, alors même que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ayant entraîné un préjudice distinct de celui pouvant être réparé sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sa demande en dommages intérêts sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

Monsieur X, qui succombe, devra supporter la charge des dépens conformément à l’article 696 du Code de Procédure Civile.

Les conditions d’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile sont réunies en l’espèce, au profit de la société FREE, et à la charge de Monsieur X à hauteur de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort ;

Dit que la société FREE n’a commis aucune faute à l’égard de Monsieur Y X ;

Déboute Monsieur Y X de toutes ses demandes ;

Condamne Monsieur Y X à payer à la société FREE la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur Y X aux dépens, autorisation étant donnée aux avocats qui en ont fait la demande de recouvrer les dépens conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris le 20 Janvier 2011

Le Greffier Le Président

B C Z A

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