Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 3e section, 7 novembre 2013, n° 12/05658

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 3e sect., 7 nov. 2013, n° 12/05658
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/05658

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

9e chambre

3e section

N° RG : 12/05658

N° MINUTE : 2

Assignation du :

02 Avril 2012

JUGEMENT

rendu le 07 Novembre 2013

DEMANDEUR

Monsieur Y X

[…]

[…]

représenté par Maître Z BRASSENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1266

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/021922 du 21/11/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Bobigny)

DÉFENDEURS

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE OUEST

[…]

[…]

S.A. NATIXIS FINANCEMENT

[…]

[…]

représentées par Maître Valérie DESFORGES de l’AARPI DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T0007

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Martine BOITTELLE-COUSSAU, Vice-Présidente

Pascale LIEGEOIS, Vice-Président

Z-A B, Juge

assistées de Aurélie BOUIN, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 12 Septembre 2013 tenue en audience publique devant Mme BOITTELLE-COUSSAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux Conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2013.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

*****

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 21 septembre 1996, Monsieur Y X a ouvert un compte «ྭSatellis Auroreྭ» n° 42767875550100 dans les livres de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, avec un montant de découvert maximum autorisé de 10.000 francs.

Par offre préalable acceptée le 15 janvier 2003, la CAISSE D’EPARGNE FINANCEMENT a accordé à Monsieur X un contrat renouvelable TEOZ n° 4276787551100 lui octroyant un découvert en compte à hauteur de 3.100 euros consenti dans le cadre d’un compte courant. A cette occasion, Monsieur X a demandé que son compte «ྭSatellis Auroreྭ» soit clôturé après remboursement complet du solde restant dû par prélèvement sur son compte TEOZ, correspondant à un crédit revolving.

En 2007, une offre modificatrice de ce crédit portant à 8.600 euros le montant du découvert maximum autorisé a été accordée à Monsieur X.

Par offre préalable acceptée le 8 juin 2007, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Monsieur X un prêt personnel n° 41273977039001 d’un montant de 12.000 euros, remboursable en 121 mensualités de 140,14 euros, portant intérêts au taux de 7% l’an.

Le 04 décembre 2008, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE a consenti à Monsieur X un second prêt personnel n° 41656544949001 d’un montant de 24.000 euros, en vue de procéder au rachat des prêts n° 41273977039001 et n° 49781840301116117 remboursable en 85 mensualités de 383,89 euros et portant intérêts au taux de 8,590 % l’an et Monsieur X a remis à la banque une attestation dྭ'affectation des fonds où il s’engageait à utiliser les fonds empruntés pour rembourser ses crédits antérieurement contractés.

La gestion de ces crédits a été reprise par la société NATIXIS FINANCEMENT en novembre 2007.

Suivant courriers en date du 3 février et du 14 février 2012, la société NATIXIS FINANCEMENT a mis en demeure Monsieur X de lui rembourser la somme de 916,66 euros et celle de 1.317,35 euros.

A la suite d’un échange de courriers entre la société NATIXIS FINANCEMENT et Monsieur X, ce dernier a, par acte du 2 avril 2012, fait assigner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT devant ce tribunal.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par huissier le 29 janvier 2013, Monsieur X demande au tribunal au visa de l’article 1147 du Code civil, des articles L.311-9 et L.311-33 du Code de la consommation, de :

A titre principal,

— condamner solidairement la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et NATIXIS FINANCEMENT à l’indemniser à hauteur de deux fois le montant de l’ouverture de crédit TEOZ, soit 17.200 euros, en raison de son caractère manifestement excessif au regard des capacités de remboursement de l’emprunteur, cette indemnité s’imputant sur la dette de Monsieur X à l’égard de ces établissements ;

Subsidiairement,

— prononcer la déchéance des intérêts relatifs au contrat dit TEOZ, en raison de l’absence de production d’une offre préalable de crédit avant relèvement du plafond de la réserve de crédit ;

— les condamner à lui payer la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

— prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le demandeur soutient en substance que :

— les défenderesses ont manqué à leurs obligations d’information, de conseil et de mise en garde et, octroyé à Monsieur X des prêts excédant manifestement ses capacités de remboursement ;

— à titre subsidiaire, que le défaut de remise de l’offre préalable de crédit, conformément aux articles L.311- 9 et L.311-33 du Code de la consommation, entraîne la déchéance pour le prêteur du droit aux intérêts.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT demandent au tribunal dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 27 février 2013 de :

— débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes ;

— dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts du prêt TEOZ ne peut commencer à courir qu’à compter du 1er janvier 2007 ;

— condamner Monsieur X au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Valérie DESFORGES, avocat, en application des dispositions de l’article 696 et suivants du Code de Procédure Civile ;

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Elles opposent en substance que :

— l’action du demandeur à leur encontre au titre du prêt TEOZ souscrit le 15 janvier 2003 est prescrite ;

— elles n’ont commis aucune faute à l’encontre de Monsieur X ;

— les sommes réclamées par le demandeur ne constituent pas un préjudice indemnisable ;

— si le tribunal faisait droit au demandes de Monsieur X, la seule sanction possible à l’encontre du prêteur serait la déchéance du droit aux intérêts sur l’ouverture de crédit renégociée et donc ne pourrait courir qu’à compter du 1er janvier 2007.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions susvisées pour l’exposé détaillé des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2013.

MOTIFS

Sur la prescription de l’action en responsabilité à l’encontre des banques,

L’article L.110-4 du Code de commerce en sa version applicable au moment de la conclusion du prêt litigieux le 21 juin 2003 dispose que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans.

L’article 2241 du Code civil dispose : «ྭla demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.ྭ»

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT estiment que l’action en responsabilité dirigée contre elles pour manquement au devoir de mise en garde de Monsieur X au titre du prêt TEOZ, souscrit le 15 janvier 2003, est prescrite depuis le 16 janvier 2013, conformément au droit antérieur à la loi du 17 juin 2008. Par conséquent, selon elles, le manquement au devoir de mise en garde n’ayant été soulevé que par conclusions signifiées du 29 janvier 2013, l’action de Monsieur X sur ce fondement est irrecevable.

Il ressort de lྭ'acte de signification que Monsieur X a fait assigner les défenderesses le 2 avril 2012 de telle sorte qu’à partir de cette date, la prescription de l’action du demandeur était interrompue.

En conséquence, c’est à tort que les défenderesses soulèvent la prescription de l’action relative à la responsabilité professionnelle des organismes prêteurs.

Sur la responsabilité contractuelle de la banque,

Le requérant reproche à la banque un défaut d’information, de conseil et de mise en garde lié au fait que le type de contrat et le montant du crédit souscrit étaient inadaptés à sa situation et fait un amalgame des défaillances du banquier qui s’analysent en réalité à un reproche concernant un défaut de mise en garde.

La banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti, est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d’un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d’endettement excessif né de l’octroi du prêt.

En l’espèce, Monsieur X est un emprunteur non averti dans la mesure où au moment de l’octroi du prêt, il était aide boulanger.

Il percevait un salaire mensuel net d’environ 1.200 euros. Par ailleurs, Monsieur X supporte le remboursement au titre du contrat TEOZ de sommes allant jusqu’à 343,99 euros par mois.

Monsieur X n’apporte cependant pas de précisions concernant d’autres charges qu’il supporterait laissant en conséquence apparaître un taux d’endettement d’environ 29 %.

En ce qui concerne les deux prêts personnels du 8 juin 2007 et du 4 décembre 2008 remboursés par Monsieur X dont les échéances sont respectivement de 140,14 euros et de 383,89 euros, ayant pour objectif de permettre une restructuration de sa dette, il n’y a pas lieu de les intégrer au calcul du taux d’endettement.

Toutefois, le relèvement du plafond de la réserve en 2007 par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE du crédit revolving, sans bilan préalable de sa situation financière, sans mise en garde particulière sur le risque de surendettement encouru et dont l’offre préalable n’est pas rapportée par les défenderesses, a fait perdre à Monsieur X une chance de ne pas aggraver sa situation.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE se défend en indiquant que ce relèvement n’a pas eu d’incidence sur le taux d’endettement. Toutefois, les faits ont démontré que le montant de découvert utile a été augmenté à hauteur de 8.600 euros, alors même que la banque aurait dû conseiller à Monsieur X de clôturer ce crédit qui faisait l’objet d’un refinancement.

Ainsi, la faute de la banque ne consiste pas en l’octroi du crédit litigieux, mais en l’absence de mise en garde préalable au moment du relèvement du plafond de réserve du contrat TEOZ.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT doivent réparation de leur faute.

Le préjudice ou le dommage né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter.

L’emprunteur, pour obtenir indemnisation de son préjudice, doit apporter la preuve de ce qu’il aurait pu obtenir en ne contractant pas un meilleur rendement ou une diminution des pertes.

En l’espèce, et en l’absence de justificatifs précis concernant le préjudice subi, une somme de 5.000 euros sera allouée à Monsieur X.

Il y a lieu en conséquence de condamner solidairement la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT à verser la somme de 5.000 euros à Monsieur Y X.

Sur la déchéance des intérêts relatifs au contrat TEOZ,

L’article L.311-33 du Code de la consommation, en vigueur à la date des prêts considérés, dispose : «ྭle prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L.311-8 à L.311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.ྭ»

En l’espèce, il ressort des conclusions des défenderesses que celles-ci ne sont pas en mesure de verser aux débats l’offre de prêt relative au relèvement du plafond de la réserve de crédit du contrat TEOZ.

En conséquence, les sommes perçues au titre des intérêts qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La déchéance ne portera que sur les intérêts relatifs à l’ouverture du crédit renégociée et courra en conséquence à compter du 1er Janvier 2007.

Sur les autres demandes,

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT sont condamnées aux dépens.

Il y a lieu de condamner in solidum la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT à payer à Monsieur Y X la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le TRIBUNAL,

statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE et NATIXIS FINANCEMENT ;

Condamne solidairement la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT à verser la somme de 5.000 euros à Monsieur Y X à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance subie ;

Prononce la déchéance des intérêts sur l’ouverture de crédit renégociée relatifs au contrat dit TEOZ à compter du 1er janvier 2007 ;

Condamne la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT aux dépens ;

Condamne in solidum la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et la société NATIXIS FINANCEMENT à payer à Monsieur Y X la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Ordonne l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 07 Novembre 2013

Le Greffier Le Président

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