Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 6 juin 2013, n° 11/15587

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 6 juin 2013, n° 11/15587
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 11/15587
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 000234208-0007
Classification internationale des dessins et modèles : CL16-06
Référence INPI : D20130107
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 06 Juin 2013

3e chambré 1re section N° RG : 11/15587

DEMANDERESSE Société JULBO, SAS Rue Lacuzon 39400 LONGCHAUMOIS représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSE Société France JAPON OPTIQUE, SARL- FJO 26 Rocade de la Croix Saint-Georges 77600 BUSSY SAINT GEORGES représentée par Maître Sylvie BENOLIEL CLAUX de l’Association ANTOINE-LALANCE BENOLIEL-CLAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R64

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice Présidente Thérèse ANDRIEU, Vice Présidente Mélanie BESSAUD, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DÉBATS A l’audience du 21 Mai 2013 tenue publiquement devant Marie-Christine C, Thérèse ANDRIEU, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE : La société JULBO, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lons le Saunier le 5 septembre 1955 sous le numéro 645 950 197, a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de lunettes. Celle-ci affirme avoir créé au mois de septembre 2004 des lunettes pour enfants référencé LOOPING, qu’elle décrit de la manière suivante :

- deux verres ayant une forme ovale particulière reliés par un nez ;

- le pincement de la monture au niveau du pont nasal de forme singulière, l’arrête autour des verres et du nez est totalement continue et forme un 8
- le contour extérieur de l’œil s’affine de manière fluide et symétrique au niveau du tenon, qui se termine par une ligne en arc de cerclé ;

- l’intérieur de la branche symétrique selon le plan horizontal est garni d’une seconde matière de couleur contrastée avec la face, avec des résurgences au niveau du tenon (de forme « boomerang ») et de l’extrémité de branche ;

- la branche à la silhouette en plume dégage une forme ovoïde sur l’extérieur des spatules ;

— la section de cette branche est ovoïde et non rectangulaire comme la plupart des branches de lunettes. D’une hauteur donnée à la racine de la branche et de la face, cette section se réduit progressivement jusqu’au centre de la branche de manière symétrique puis s’évase généreusement pour définir un appui élargi se terminant en forme de spatule ;

- l’extrémité de cette spatule de branche présente un trou centré sur l’axe de la branche dans lequel s’insère un dispositif d’attache cordon. Ce modèle de lunette a fait l’objet d’un dépôt de dessin et modèle communautaire auprès de l’OHMI sous le numéro 0000234208-0007. La société FRANCE JAPON OPTIQUE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Meaux le 16 mars 1999 sous le numéro 389 488 032. est une filiale de la société LOCAPLAST ayant pour activité la création et la commercialisation de montures et d’accessoires de lunettes. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1 er février 2011, la société JULBO a mis en demeure les sociétés FJO et LOCAPLAST de cesser toute fabrication et / ou importation, toute offre de vente et commercialisation du modèle de lunettes référencé «45 KID BLEU MONOBLOC», exposé au cours du salon OPTI tenu en janvier 2011, qu’elle estime reproduire servilement son modèle de .lunettes LOOPING. La société FJO retira ce produit. A l’occasion du Salon Mondial de l’Optique (SILMO) se déroulant du 29 septembre au 2 octobre 2011, la société JULBO a constaté que la société France Japon Optique exposait et offrait à la vente un modèle de lunettes référencé «77» qu’elle estime reproduire les caractéristiques de son modèle de lunettes LOOPING, Suivant procès-verbal de saisie contrefaçon en date du 30 septembre 2011, la société JULBO a fait procéder à la saisie de deux exemplaires du modèle de lunettes argué de contrefaçon, et évalué la masse contrefaisante globale à environ 2.100 unités (300 pièces par 7 coloris au prix Unitaire de 6 euros). Par exploit d’huissier du 21 octobre 2011, la société JULBO a fait assigner la société FJO en contrefaçon des droits de dessins et modèles détenus sur son modèle de lunette LOOPING ainsi qu’en contrefaçon de ses droits d’auteur. Dans ses dernières conclusions en date du 9 novembre 2012, la société JULBO a demandé au tribunal de : CONSTATER que la société JULBO est titulaire des droits de création sur le modèle de lunettes LOOPING sus-décrit et qu’elle a déposé ce modèle auprès de l’OHMI le 22 septembre 2004 sous le numéro n°000234208-0007 ; CONSTATER que la société F.J.O. a importé, offert à la vente et commercialisé un modèle de lunettes référencé 77 qui est la contrefaçon de celui créé par la société JULBO. DIRE ET JUGER que la société F.J.O. a commis des actes de contrefaçon en application des dispositions des articles L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 19 du Règlement communautaire (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires. DIRE ET JUGER que la société F.J.O. a par ailleurs commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à rencontre de la société JULBO en application des dispositions de l’article 1382 du Code civil. EN CONSEQUENCE, FAIRE INTERDICTION à la société F.J.O. d’importer, d’exporter de faire fabriquer, de fabriquer et/ou de commercialiser dans l’ensemble des pays de la communauté européenne, atout le moins sur le territoire français, le modèle de lunettes reproduisant celui de la société JULBO et d’une manière générale reproduisant les caractéristiques originales de ce modèle et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.

ORDONNER en application des articles L. 331 -1 -4 et L.521 -8 du Code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 2.000,00 euros par jour de retard, que les modèles reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servis à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits et confisqués au profit de la demanderesse et aux frais de la société F.J.O. ORDONNER, sous la même astreinte, en application de l’article L. 331-1-2 et L.521-5 du Code de la propriété intellectuelle, à la société F.J.O. de communiquer les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues et commandées ainsi que le prix des marchandises en cause. CONDAMNER la société F. J.O. à payer à la société JULBO la somme provisionnelle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société F.J.O. CONDAMNER la société F. J.O., à payer à la société JULBO la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre. ORDONNER et ce à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société JULBO et aux frais de la société F. J.O. et sans que le coût de chacune de ces insertions ne soit inférieur à la somme de 5.000 euros HT. CONDAMNER la société F.J.O. au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. CONDAMNER la société F.J.O. en tous les dépens. DEBOUTER la société FJ.O. de ses demandes reconventionnelles. ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

À l’appui de ses prétentions, la société JULBO fait notamment valoir que: Le modèle communautaire n°0000234208-0007 déposé le 22 septembre 2004 auprès de l’OHMI est parfaitement valide dans la mesure où aucune antériorité pertinente n’est apportée par la défenderesse, notamment en raison de dates postérieures ou de caractéristiques différentes. À ce titre, la société JULBO allègue de nombreuses différences entre son modèle de lunette «LOOPING» et les modèles de lunette «pour enfants du 19e siècle», «TUTTO OILILY», «PER SPOOK», «GUILLERMINA B», «SOLISTYLE», «BABY BANZ» et «OAKLEY». La société JULBO estime que le modèle de lunettes «LOOPING» a été créé sur la base d’un parti pris esthétique, et non d’une nécessité fonctionnelle, notamment dans la mesure où l’absence de législation dans ce domaine industriel octroie aux créatifs un important degré de liberté. À ce titre, la demanderesse indique pouvoir bénéficier de la protection relative au droit d’auteur dans la mesure où les lunettes «LOOPING» seraient la combinaison nouvelle d’un certain nombre de caractéristiques originales. En outre, la société JULBO fait valoir que la défenderesse se contente de produire, aux fins de contester la nouveauté des lunettes «LOOPING», des lunettes postérieures à leur date de création, fixée à septembre 2004. S’agissant des actes de contrefaçon commis à rencontre de la société JULBO, celle-ci estime que les lunettes référencées «77» dont la société FRANCE OPTIQUE JAPON est titulaire reprennent à l’identique les caractéristiques des lunettes référencées «LOOPING», et que les quelques différences visuelles invoquées par la défenderesse ne seraient que des différences de détails sans incidence. Enfin, la société JULBO estime :

- que la concurrence déloyale est caractérisée en ce sens que le modèle 77 conçu par la société FRANCE JAPON OPTIQUE est une copie- servile susceptible d’engendrer un risque d’association dans l’esprit du consommateur, risque renforcé du fait du nombre de lunettes LOOPING vendues entre 2004 et 2011 ainsi que le montant des investissements publicitaires réalisés,

— que la concurrence parasitaire est caractérisée du fait que les lunettes LOOPING jouissent d’une forte notoriété, de sorte que la société FRANCE JAPON OPTIQUE s’est immiscée dans le sillage de la société JULBO sans procéder au moindre investissement. Dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2012, la société FRANCE JAPON OPTIQUE a demandé au tribunal de : DECLARER la société JULBO irrecevable en toutes ses demandes, DIRE ET JUGER que le modèle LOOPING, déposé par la société JULBO le 22 septembre 2004 et publié le 14 décembre 2004 sous le numéro 000234208-0007 est exclusivement fonctionnel, à tout le moins dénué de caractère individuel et d’originalité, ANNULER le modèle communautaire n°000234208-0007 de la société JULBO, ORDONNER par application de l’article 86 du Règlement communautaire n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 l’inscription par l’OHMI, dans un premier temps, de la date à laquelle la demande reconventionnelle en nullité a été introduite par la société FJO et, dans un second temps, de la mention de la décision passée en force de chose jugée, prononçant la nullité du modèle communautaire n°000234208- 0007, SUBSIDIAIREMENT, DECLARER la société JULBO mal fondée en toutes ses demandes, DIRE ET JUGER que la société FJO n’a commis aucun acte de contrefaçon du modèle de lunettes LOOPING revendiqué par la société JULBO, EN TOUT ETAT DE CAUSE, ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société FJO et aux frais exclusifs et avancés de la société JULBO, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 15.000 euros HT, CONDAMNER la société JULBO à verser à la société FJO la somme de 1 € en réparation de l’atteinte portée à son image et à sa réputation, CONDAMNER la société JULBO à verser à la société FJO la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, CONDAMNER la société JULBO en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Sylvie B avocat aux offres de droit par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

À l’appui de ses prétentions, la société FRANCE JAPON OPTIQUE fait notamment valoir que : En premier lieu, la société FRANCE JAPON OPTIQUE allègue que modèle revendiqué est nul car purement fonctionnel au regard des impératifs de commodité, de sécurité, de solidité et de protection devant être respectés, ou, à tout le moins, dépourvu de caractère individuel au regard des nombreux modèles similaires présents dans le commerce, tels que les modèles «LOUBSOL», «DECATHLON», «OAKLEY», «SOLISTYLE», «NEXT», «QUECHUA», «POLAROÏDE», «BIDULE», «DEMETZ», «CENTROSTYLE», «BEABA», «Kl ET LA», «AZR» et «VUARNET». En outre, la défenderesse affirme que les lunettes «LOOPING» sont dépourvues d’originalité, estimant que d’autres marques ont conçu des produits de même type dans les années 1990, notamment les lunettes «OAKLEY» datant de 1994. À ce titre, la société FRANCE OPTIQUE JAPON estime que la contrefaçon n’est en l’espèce pas caractérisée du point de vue du droit des dessins et modèles, des différences prépondérantes et manifestes étant visibles entre les différents modèles de lunettes, que ce soit au niveau de l’intérieur ou de l’extérieur de la branche des lunettes «LOOPING», de sa forme générale ou encore de son tenon. S’agissant du droit d’auteur, la société FRANCE OPTIQUE JAPON allègie également l’absence de contrefaçon entre les lunettes «LOOPING» et les lunettes «77», notamment au regard de

différences de proportions dans l’écartement, des différences liées aux charnières, courbures des branches et décors respectifs, des différences liées aux tenons, des différences dans les formes des branches et leurs proportions, et enfin des différences dans les extrémités des branches, de sorte que les lunettes référencées «77» ne reprendraient aucune des deux seules caractéristiques véritablement mises en avant par la société JULBO, à savoir la réversibilité et l’absence de charnières. Enfin, s’agissant des demandes en concurrence déloyale et parasitaire, la société FRANCE OPTIQUE JAPON les estime infondées en ce sens que ses lunettes «77» ne constitueraient pas la copie quasi- servile des lunettes «LOOPING», et qu’aucun risque de confusion, d’association, ou d’une reprise de ses efforts créatifs n’a été caractérisé par la société JULBO. L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2012. EXPOSÉ DES MOTIFS : Sur la recevabilité à agir de la société JULBO en contrefaçon des droits de dessins et modèles portant sur le modèle de lunettes «LOOPING». Selon l’article 4 du Règlement communautaire (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires «la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel». Ainsi, selon 5 du même règlement, «Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants». Enfin, selon l’article 6 du même règlement, «Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur final averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.». Ainsi, afin de bénéficier de la protection afférente au droit des dessins et modèles communautaires, ceux-ci doivent présenter un caractère nouveau et individuel. En l’espèce, la société JULBO décrit son modèle de lunettes de la manière suivante :

-deux verres ayant une forme ovale particulière reliés par un nez ;

-le pincement de la monture au niveau du pont nasal de forme singulière, l’arrête autour des verres et du nez est totalement continue et forme un 8,
-le contour extérieur de l’œil s’affine de manière fluide et symétrique au niveau du tenon, qui se termine par une ligne en arc de cercle ;

-l’intérieur de la branche symétrique selon le plan horizontal est garni d’une seconde matière de couleur contrastée avec la face, avec des résurgences au niveau du tenon (de forme « boomerang ») et de l’extrémité de branche ;

- la branche à la silhouette en plume dégage une forme ovoïde sur l’extérieur des spatules ;

- la section de cette branche est ovoïde et non rectangulaire comme la plupart des branches de lunettes. D’une hauteur donnée à la racine de la branche et de la face, cette section se réduit progressivement jusqu’au centre de la branche de manière symétrique puis s’évase généreusement pour définir un appui élargi se terminant en forme de spatule ;

— l’extrémité de cette spatule de branche présente un trou centré sur l’axe de la branche dans lequel s’insère un dispositif d’attache cordon. La société FRANCE OPTIQUE JAPON oppose notamment, à titre d’antériorité, les modèles de lunettes LOUBSOL; déposé le 18 février 2003 et publié le 6 juin 2003, ainsi qu’un modèle de lunette JULBO, déposé le 19 juin 2002 et publié le 27 septembre 2002. Le modèle de lunettes LOUBSOL présente des caractéristiques que l’on retrouve sur le modèle de lunettes « LOOPING », à savoir :

- un trou centré sur l’axe de la branche dans lequel s’insère un dispositif d’attache cordon, et situé à l’extrémité de la spatule,
- des branches permettant d’englober le crâne de son utilisateur. Le premier modèle de lunettes JULBO présente, des caractéristiques que l’on retrouve sur le modèle de lunettes « LOOPING », à savoir :

- un trou centré sur l’axe de la branche dans lequel s’insère un dispositif d’attache cordon, et situé à l’extrémité de la spatule,
- un système de pincement de la monture situé au niveau du pont nasal,
- des branches permettant d’englober le crâne de son utilisateur,
- des stries anti-dérapantes situées sur la face interne des branches, en jonction des verres solaires. En l’espèce, ces antériorités ne sont pas de toutes pièces en ce que le modèle de lunettes « LOOPING » déposé le 22 septembre 2004 constitue une évolution du modèle de lunettes JULBO déposé le 19 juin 2002 et publié le 27 septembre 2002, et présente à ce titre :

- des branches englobantes, droites et élargies à leurs extrémités,
- une absence de charnières, -
- un ajout de stries anti-dérapantes en forme d’écaillés à l’extérieur des branches, sur leur face intérieure et extérieure,
- un aspect bicolore rouge et jaune qui ne se retrouve dans aucune des antériorités opposées par la société FRANCE JAPON OPTIQUE. S’il est exact que certaines des caractéristiques des lunettes objet du modèle communautaire sont fonctionnelles notamment car dictées par le choix de réaliser des lunettes réversibles ce qui ne peut être assimilé à un choix esthétique (forme absolument symétrique des lunettes : pincement du nez au milieu des verres, branches de même forme et droites), trou à l’extrémité des branches de lunettes permettant de fixer un cordon pour éviter de perdre des lunettes, flexibilité des lunettes pour éviter de les casser et suppression de la charnière qui impose une certaine forme, il n’en demeure pas moins que d’autres caractéristiques comme le bicolorisme jaune/rouge, la forme des stries ou l’élargissement des branches de lunettes droites ne sont dictées par aucune contrainte technique. Ces éléments suffisent à conférer un caractère individuel au modèle. En conséquence, le modèle de lunettes LOOPING sera déclaré valable, et la société JULBO recevable à agir en contrefaçon des droits de dessins et modèles portant sur ce modèle de lunettes «LOOPING». La société FRANCE OPTIQUE JAPON sera déboutée de sa demande de nullité portant sur ce modèle. Sur la recevabilité à agir de la société JULBO en contrefaçon des droits d’auteur portant sur les lunettes «LOOPING».

Sur l’originalité des lunettes «LOOPING». Selon l’article L.112-i du code de la propriété intellectuelle : «Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination». Cependant, afin de bénéficier de la protection conférée par le droit d’auteur, il appartient à leur auteur d’expliciter l’originalité de l’œuvre revendiquée. À ce titre, il est acquis que l’originalité d’une œuvre s’apprécie au regard des choix arbitraires ayant conduit à sa réalisation, qui sont propres à leur auteur et marqués par l’empreinte de sa personnalité. En l’espèce, la société JULBO décrit les caractéristiques des lunettes «LOOPING» de la manière suivante :

- deux verres ayant une forme ovale particulière reliés par un nez ;

- le pincement de la monture au niveau du pont nasal de forme singulière, l’arrête autour des verres et du nez est totalement continue et forme un 8,
-le contour extérieur de l’œil s’affine de manière fluide et symétrique au niveau du tenon, qui se termine par une ligne en arc de cercle ;

-l’intérieur de la branche symétrique selon le plan horizontal est garni d’une seconde matière de couleur contrastée avec la face, avec des résurgences au niveau du tenon (de forme « boomerang ») et de l’extrémité de branche ;

- la branche à la silhouette en plume dégage une forme ovoïde sur l’extérieur des spatules ;

- la section de cette branche est ovoïde et non rectangulaire comme la plupart des branches de lunettes. D’une hauteur donnée à la racine de la branche et de la face, cette section se réduit progressivement jusqu’au centre de la branche de manière symétrique puis s’évase généreusement pour définir un appui élargi se terminant en forme de spatule ;

-l’extrémité de cette spatule de branche présente un trou centré sur l’axe de la branche dans lequel s’insère un dispositif d’attache cordon. Cependant, l’absence totale d’explications concernant l’originalité des lunettes LOOPING ou des choix créatifs et arbitraires ayant conduit à leur conception, fait que la combinaison ainsi revendiquée, que la société demanderesse présente comme traduisant «un parti pris esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur», est insuffisante pour obtenir la protection relative au droit d’auteur. De même, la simple affirmation que le produit en question aurait rencontré un important succès en raison de ses caractéristiques est dépourvue de pertinence dans la démonstration de leur originalité. En conséquence, la société JULBO est irrecevable à agir en contrefaçon des droits d’auteur portant sur les lunettes «LOOPING». Sur les actes de contrefaçon au titre du droit des dessins et modèles communautaires portant sur le modèle de lunettes «LOOPING». Selon l’article 10 du Règlement (CE) n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires « La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle gui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente » et que "pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle". En outre, selon l’article 19 du même texte, « le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement ». En l’espèce, il ressort de l’examen du modèle de lunettes « 77 » argué de contrefaçon que celui-ci présente des différences avec le modèle LOOPING les unes ayant trait à la fonctionnalité du modèle puisqu’il ne s’agit pas de lunettes réversibles et qu’elles ont une charnière et les autres ayant trait aux caractéristiques esthétiques à savoir :

— des anti-dérapants en forme de stries et non d’écaillés situées à l’extrémité des branches, sur leur face intérieure et extérieure,
- un aspect certes bi-colore, mais utilisant une combinaison de couleurs (bleu et blanc) différentes du rouge et jaune sur laquelle le modèle de lunettes « LOOPING » bénéficie d’une protection. Il convient ainsi de dire que l’utilisateur averti qui en l’espèce est le père ou la mère d’un enfant en bas âge, et qui n’a pas le modèle des lunettes LOOPING sous les yeux au moment de son achat, aura une impression visuelle globale différente du seul fait de l’existence d’une charnière et du caractère non réversible des lunettes, accentuée par le fait que les stries anti-dérapantes et que les deux couleurs des lunettes ne sont les mêmes que celles du modèle Du simple fait que les caractéristiques fonctionnelles sont radicelement différentes, aucune impression globale similaire ne peut se dégager. De surcroît, la société JULBO qui ne dispose que d’un modèle déposé en couleurs, ne peut s’approprier un droit exclusif sur toutes les lunettes bicolores de sorte qu’aucune contrefaçon n’est caractérisée. La société JULBO sera déboutée de sa demande en contrefaçon. Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à rencontre de la société JULBO. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit par quiconque, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice loyal et paisible du commerce. Ainsi, l’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, quant à lui, est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. La société JULBO estime :

- que la concurrence déloyale est caractérisée en ce sens que le modèle 77 conçu par la société FRANCE JAPON OPTIQUE est une copie servile susceptible d’engendrer un risque d’association dans l’esprit du consommateur, risque renforcé du fait du nombre de lunettes LOOPING vendues entre 2004 et 2011 ainsi que le montant des investissements publicitaires réalisés,
- que la concurrence parasitaire est caractérisée du fait que les lunettes LOOPING jouissent d’une forte notoriété, de sorte que la société FRANCE JAPON OPTIQUE s’est immiscée dans le sillage de la société JULBO sans procéder au moindre investissement. Il importe de préciser que les produits litigieux, à savoir des lunettes solaires pour enfants, sont des produits de consommation courante s’adressant à une gamme d’utilisateurs constituée de parents d’enfants en bas âge, raisonnablement avertis, dont l’objectif est d’acheter des montures solaires solides et sures présentant de bonnes caractéristiques d’enveloppement. La liberté du commerce et le jeu de la libre concurrence suppose que chaque opérateur économique présent sur un même marché puisse, en l’absence de titre de propriété intellectuelle valable, librement développer sa propre gamme de produits.

La société FRANCE JAPON OPTIQUE produit aux débats de nombreuses lunettes aux lignes et proportions similaires, de sorte que le risque d’association dans l’esprit des consommateurs allégué par la société JULBO ne peut pas plus se faire avec les lunettes LOOPING, qu’avec d’autres lunettes du même type. Enfin, la société JULBO ne démontre aucune atteinte à sa réputation. En conséquence, la société JULBO sera déboutée de sa demande formulée au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Sur les autres demandes.

La société JULBO ayant été déboutée de ses demandes principales, ses demandes subséquentes sont sans objet; L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, et sera ordonnée dans les termes du présent dispositif. Il convient de condamner la société JULBO à verser à la société FRANCE JAPON OPTIQUE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code’ de procédure civile. PAR CES MOTIFS. Le tribunal, statuant publiquement par remise au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, DÉBOUTE la société FRANCE OPTIQUE JAPON dé sa demande de nullité du modèle communautaire n°000234208-0007 dont la société JULBO est titulaire; DECLARE la société JULBO recevable en ses demandes formulées au titre du droit des dessins et modèles. DECLARE la société JULBO irrecevable en ses demandes formulées au titre du droit du droit d’auteur relatives aux lunettes «LOOPING»; DIT qu’aucun acte de contrefaçon n’a été commis à rencontre de la société JULBO s’agissant des lunettes «LOOPING»; DÉBOUTE la société JULBO de ses demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à rencontre delà société FRANCE JAPON OPTIQUE et de toutes ses demandes subséquentes. CONDAMNE la société JULBO à verser à la société FRANCE JAPON OPTIQUE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile; ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ; CONDAMNE la société JULBO aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Sylvie B avocat aux offres de droit par application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

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