Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 4e section, 14 avril 2016, n° 14/15677

  • Acquisition du caractère distinctif par l'usage·
  • Commercialisation sur le territoire français·
  • Boîte rectangulaire avec dessin d'animaux·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Boîte rectangulaire de couleur jaune·
  • Application de la loi dans le temps·
  • Opposabilité de la cession du titre·
  • Coffret pour matériel d'aspiration·
  • Conditionnement de kit de secours·
  • Rectification d'erreur matérielle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964 comme sous celui des articles L. 711-2 et L. 714-3 du CPI, pour qu’un signe soit considéré comme distinctif, il est nécessaire qu’il ait un caractère arbitraire et qu’il remplisse la fonction essentielle de la marque qui est l’indication d’origine du produit. La fonction de la marque n’a pas varié de la loi du 31 décembre 1964 à celle du 4 janvier 1991, codifiée au sein du CPI. Les signes complexes ASPIVENIN tels qu’ils ont été déposés comme marques sont dépourvus de distinctivité intrinsèque au regard du produit qu’ils désignent. L’élément verbal ASPIVENIN est dominant, le seul choix d’une police particulière ne pouvant donner au signe un caractère distinctif. Il s’agit d’un néologisme composé de la contraction du terme « aspirer » et du terme « venin » qui correspond à la description de la qualité essentielle du produit désigné, qui est la pompe à venin. Ainsi, pour le public français et pour une partie pertinente du marché communautaire, c’est-à-dire les consommateurs francophones, le mot « aspivenin », même s’il s’agit d’un mot nouveau, signifie nécessairement et du seul fait de sa structure un produit servant à aspirer le venin. Ce signe n’est donc pas apte à remplir la fonction essentielle de la marque. Il n’est pas non plus justifié d’une acquisition du caractère distinctif par l’usage au jour du dépôt. Si l’« aspivenin » a fait l’objet de récompenses prestigieuses comme celle du concours Lépine, ce terme est employé, non à titre de marque pour indiquer l’origine du produit, mais comme nom commun permettant d’en désigner les fonctions. Les marques sont donc annulées. Si l’invention du produit Aspivenin a fait l’objet d’une protection par un brevet français déposé en 1977, ce brevet est désormais expiré. Par conséquent, la mention « breveté France Étranger » figurant sur la pompe est de nature à induire le consommateur en erreur et procure illicitement à la demanderesse un avantage concurrentiel, faisant passer son produit pour le fruit d’une technologie protégée.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 4e sect., 14 avr. 2016, n° 14/15677
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/15677
Publication : PIBD 2016, 1053, IIIM-568
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2018, 2016/14004
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE ; DESSIN ET MODELE
Marques : ASPIVENIN ; ASPIVEX
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1259051 ; 72710 ; 825497 ; 973296 ; 3948347
Brevets cités autres que les brevets mis en cause : FR7733716
Classification internationale des marques : CL10
Classification internationale des dessins et modèles : CL03-01 ; CL24-04
Référence INPI : M20160243
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 14 avril 2016

3e chambre 4e section N° RG: 14/15677

DEMANDERESSES S.A.S. ASPILABO […] 63000 CLERMONT FERRAND

INTERVENANTE VOLONTAIRE S.A.S. LABORATOIRES AUVEX. venant aux droits de la société ASPILABO […] – ZAC Champs Lamet 63430 PONT DU CHATEAU Toutes deux agissant poursuites et diligences de leur représentant légal, domicilié en cette qualité aux dits sièges. et représentées par Me Stéphane PERRIN de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0513 et par Me Emmanuel K et Me É de MELLON, avocats au barreau de LYON, avocats plaidants

DÉFENDERESSES S.A.S. SABAVIAM […] 63130 ROYAT

S.A.R.L. LABORATOIRE NOVODEX PHARMA […] 75008 PARIS

S.A.R.L. N2P DISTRIBUTION […] 75008 PARIS Toutes prises en la personne de leur représentant légal domicilié ès qualités aux dits sièges, et représentées par Maître Henri LEBEN de la S COLBERT PARIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0184 et par Me Albane L, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL Camille LIGNIERES. Vice-Présidente Laurence L, Vice-Présidente Laure A, Vice-Présidente assistées de Sarah BOUCRIS, greffier.

DÉBATS À l’audience du 10 février 2016

tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société ASPILABO a commercialisé une pompe permettant d’aspirer le venin suite à une piqûre d’insecte ou de reptile. Elle était une filiale du groupe DOMES PHARMA spécialisé dans la fabrication, le développement et la vente de produits pharmaceutiques. La société ASPILABO a déposé les marques suivantes :

— la marque française semi-figurative ASPIVENIN n° 1259051, déposée le 30 janvier 1984, renouvelée depuis et valable jusqu’au 30 janvier 2024, avec le terme verbal ASPIVENIN » et sa police, pour désigner les produits suivants de la classe 10 : « pompes à usage médical »;

— la marque communautaire semi-figurative ASPIVENIN n°72710, déposée le 1 er avril 1996 et valable jusqu’au 1 er avril 2016, avec le terme verbal « ASPIVENIN » et sa police, pour désigner les produits suivants de la classe 10 : "pompes d’hygiène à aspirer le venin, appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture";

— la marque communautaire tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497, déposée en noir et blanc le 14 mai 1998 et valable jusqu’au 14 mai 2018, dont l’objet est la forme et l’aspect extérieur du kit de secours ASPIVENIN; pour désigner les produits suivants de la classe 10 : "pompes d’hygiène à aspirer le venin, appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture". La société ASPILABO a également déposé en couleurs les modèles suivants :

- le modèle français n°973296, déposé le 6 juin 1997 et valable jusqu’au 6 juin 2022, dont l’objet est l’aspect extérieur et intérieur du kit de secours ASPIVENIN (Référence du modèle : 973296-001) ;

- le modèle français n°973296, déposé le 6 juin 1997 et valable jusqu’au 6 juin 2022, dont l’objet est la pompe d’aspiration contenue à l’intérieur du kit de secours (Référence du modèle : 973296-002) ; En 2002, il a été créé une société NOREVA PHARMA entre, d’une part, la société DOMES PHARMA et Madame L dirigeante de DOMES PHARMA et, d’autre part, Monsieur Yves-Noël L, actionnaire majoritaire. La société NOREVA PHARMA aurait donc été constituée

en vue de mettre en place un réseau de distribution destiné à assurer la promotion et la vente des produits des filiales du groupe DOMES et notamment de la société ASPILABO, filiale à 100% du Groupe DOMES PHARMA.

La société ASPILABO reproche à Monsieur Yves-Noël L d’avoir créé en marge de la société NOREVA PHARMA un nouveau groupe concurrent autour de la holding SABAVIAM.

La société ASPILABO expose avoir découvert que Monsieur L avait développé un produit « ASPIVEX », commercialisé par la société NOVODEX PHARMA, filiale de la société SABAVIAM, que cette dernière avait déposé une marque française verbale « ASPIVEX » n°3948347 le 24 septembre 2012, pour les produits et services « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin ». La distribution de PASPIVEX serait assurée par la société N2P DISTRIBUTION, filiale de distribution de la société SABAVIAM. Selon la société ASPILABO, la commercialisation du kit de 1er secours et de la pompe ASPIVEX porterait atteinte aux marques françaises et communautaires «ASPIVENIN» et aux modèles français «ASPIVENIN», en raison de la confusion engendrée dans l’esprit du public.

La société ASPILABO affirme aussi que le lancement de cette marque et de ce produit concurrents par le nouveau Groupe créé par Monsieur L autour de sa Holding SABAVIAM, constituerait des actes de parasitisme à son encontre. C’est dans ces conditions que la société ASPILABO a fait assigner les sociétés LABORATOIRES NOVODEX PHARMA, SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION devant ce tribunal par exploit des 15 et 29 octobre 2014, en nullité de la marque ASPIVEX, en contrefaçon des marques et modèles ASPIVENIN, et en concurrence déloyale et parasitaire. Suite à une restructuration au sein du groupe DOMES PHARMA, la société LABORATOIRES AUVEX s’est vue transmettre l’intégralité des droits de propriété intellectuelle de la société ASPILABO et est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 7 juillet 2015 venant aux droits de la société ASPILABO. Dans leurs dernières conclusions en demande notifiées par RPV A en date du 02 novembre 2015, la société ASPILABO et la société LABORATOIRES AUVEX demandent au tribunal de : Vu les articles L513-1 et suivants et L711-1 et suivant du Code de la propriété intellectuelle, Vu le règlement (CE) n°40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, Vu l’article 1382 du Code civil.

CONSTATER que la marque française « ASPIVEX » n°3948347 déposée par la société SABAVIAM, et son usage par les sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION pour commercialiser le kit de 1 er secours et la pompe à venin ASPIVEX, constituent une contrefaçon de la marque française antérieure « ASPIVENIN » n° 1259051 et de la marque communautaire antérieure « ASPIVENIN » n°72710, détenues par la société LABORATOIRES AUVEX; PRONONCER en conséquence la nullité de la marque « ASPIVEX » n°3948347 détenue par la société SABAVIAM, en ce qu’elle porte atteinte au droit exclusif détenu par la société LABORATOIRES AUVEX; CONSTATER que la fabrication et la commercialisation par la société NOVODEX PHARMA et la société N2P DISTRIBUTION du kit de 1er secours ASPIVEX constitue une contrefaçon de la marque tridimensionnelle « ASPIVENIN » n°825497, détenue par la société LABORATOIRES AUVEX ; CONSTATER que la fabrication et la commercialisation par la société NOVODEX PHARMA et la société N2P DISTRIBUTION du kit de 1er secours ASPIVEX constitue une contrefaçon du modèle ASPIVENIN n°973296 détenu par la société LABORATOIRES AUVEX; CONSTATER qu’en fabriquant et commercialisant sous la marque ASPIVEX un kit de 1 er secours similaire aux kits ASPIVENIN et THE EXTRACTOR, les sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION se sont rendues coupables d’actes de concurrence déloyale et parasitaire envers la société LABORATOIRES AUVEX; En conséquence, FAIRE INTERDICTION aux sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION sous astreinte de 100 €uros par infraction constatée, de faire usage dans la vie des affaires du signe « ASPIVEX » contrefaisant ; FAIRE INTERDICTION aux sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION, sous astreinte de 100 €uros par infraction constatée, de fabriquer et commercialiser, et plus généralement de faire usage dans la vie des affaires du kit de 1er secours et de la pompe à venin ASPIVEX contrefaisants ; ORDONNER aux sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION de détruire les produits contrefaisants qu’elles ont en leur possession, ORDONNER la publication de la décision à intervenir, CONDAMNER les sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION, solidairement, à verser à la société LABORATOIRES AUVEX la somme de 150 328,31 €uros en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, CONDAMNER les sociétés SABAVIAM, NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION, solidairement, à payer à la société LABORATOIRES AUVEX la somme de 5 000 €uros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER les sociétés SABAVIAM et NOVODEX PHARMA aux dépens. En défense, les sociétés LABORATOIRES NOVODEX PHARMA, SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION par conclusions notifiées par RPV A en date du 03 décembre 2015 demandent au tribunal de : Vu les Livres V et VII du Code de la propriété intellectuelle, Vu le Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque communautaire, Vu l’article 1382 du Code civil, Vu les pièces, IN LIMINE LITIS CONSTATER que la société ASPILABO est dépourvue d’existence, PAR CONSEQUENT, DIRE la société ASPILABO irrecevable à agir. CONSTATER que le transfert de propriété au profit de la société LABORATOIRES AUVEX des droits de marques et de modèles opposés aux sociétés LABORATOIRES NOVODEX PHARMA, SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION n’est pas opposable à ces dernières, PAR CONSEQUENT, DIRE la société LABORATOIRES AUVEX irrecevable à agir en contrefaçon. CONSTATER que la société LABORATOIRES AUVEX n’apporte pas la preuve qu’elle-même ou la société ASPILABO commercialisait ou commercialise le kit de 1er secours ASPIVENIN ou le kit de 1er secours EXTRACTOR, CONSTATER que le kit de 1er secours ASPIVENIN opposé aux sociétés LABORATOIRES NOVODEX PHARMA, SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION n’est plus commercialisé depuis juin 2013, PAR CONSEQUENT, DIRE la société LABORATOIRES AUVEX irrecevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire. AU FOND : DIRE NUL ET DE NUL EFFET le constat d’achat réalisé par Me H, huissier de justice, le 18 juin 2015, SUR LA CONTREFAÇON DE MARQUE : DIRE la société LABORATOIRES AUVEX déchue partiellement de ses droits pour défaut d’usage sur la marque française ASPIVENIN n° 1259051 au regard des produits suivants : « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques; matériel de suture » ; DIRE la société LABORATOIRES AUVEX déchue partiellement de ses droits pour défaut d’usage sur la marque communautaire tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497 au regard des produits suivants : « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques; matériel de suture » ; ANNULER la marque française ASPIVENIN n°1259051 au regard des « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin » pour défaut de caractère distinctif ;

ANNULER la marque communautaire ASPIVENIN n°72710 au regard des « pompes à usage médical » pour défaut de caractère distinctif ; PAR CONSEQUENT, DIRE sans objet les demandes en contrefaçon de la marque française ASPIVENIN n° 1259051 et de la marque communautaire ASPIVENIN n°72710; À TITRE SUBSIDIAIRE, DEBOUTER la société LABORATOIRES AUVEX de ses demandes en contrefaçon de la marque française ASPIVENIN n° 1259051, de la marque communautaire ASPIVENIN n°72710 et de la marque communautaire tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497 ; SUR LA CONTREFAÇON DE MODELE : ANNULER dans son entier le modèle français n°973296-002 ; ANNULER la représentation 1.2 publiée sous le numéro 480655 du modèle français n°973296-001 : PAR CONSEQUENT, DIRE sans objet les demandes en contrefaçon de ces modèles ; À TITRE SUBSIDIAIRE, DEBOUTER la société LABORATOIRES AUVEX de ses demandes en contrefaçon des modèles français n°973296-001 et n°973296-002 : SUR LA CONCURRENCE DELOYALE ET PARASITAIRE DEBOUTER intégralement la société LABORATOIRES AUVEX de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire : A TITRE RECONVENTIONNEL : CONSTATER qu’en apposant la fausse mention « breveté FRANCE ETRANGER » sur le kit de premier secours ASPIVENIN, les sociétés ASPILABO et LABORATOIRES AUVEX ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société LABORATOIRES NOVODEX PHARMA ; Par conséquent, CONDAMNER la société LABORATOIRES AUVEX à supprimer du kit de premier secours ASPIVENIN la mention « breveté FRANCE ETRANGER » dans les 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1000 € par jour de retard et par infraction constatée ; SE RESERVER la liquidation de l’astreinte ; CONDAMNER la société LABORATOIRES AUVEX à payer à la société LABORATOIRES NOVODEX PHARMA la somme de 5.000 (cinq mille) euros de dommages et intérêts ; EN TOUT ETAT DE CAUSE : DEBOUTER la société LABORATOIRES AUVEX de toute demande ou prétention. CONDAMNER la société LABORATOIRES AUVEX à verser aux sociétés LABORATOIRES NOVODEX PHARMA. SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION, ensemble, la somme de 18.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, CONDAMNER la société LABORATOIRES AUVEX aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 7 décembre 2015.

MOTIFS Sur la recevabilité de la société ASPILABO Il n’est pas contesté que la société ASPILABO a fait l’objet d’une fusion absorption au profit de la société VETO CENTRE, nouvellement dénommée société LABORATOIRES AUVEX, le 15 janvier 2015 avec effet au 31 décembre 2014 (pièces 4-1 à 4-3 en demande).

La société LABORATOIRES AUVEX vient aux droits de la société ASPILABO à compter du 31 décembre 2014. Par conséquent, il convient de constater qu’au jour de l’assignation en octobre 2014 la société ASPILABO avait qualité pour agir, et que depuis le 31 décembre 2014, la société ASPILABO n’existe plus mais que dans les dernières conclusions, les demandes en condamnation ne sont faites qu’au nom de la société LABORATOIRES AUVEX venant aux droits de la société ASPILABO, intervenante volontaire au litige.

Sur la recevabilité à agir de la société LABORATOIRES AUVEX
- en contrefaçon :

Il est soulevé par les défendeurs le défaut de qualité à agir de la société LABORATOIRES AUVEX en contrefaçon en faisant valoir que le transfert au profit de cette dernière des marques et des modèles anciennement détenus par la société ASPILABO ne leur est pas opposable du fait que la transcription de ce transfert sur le registres des marques est entachée d’ une erreur sur le nom du bénéficiaire du transfert.

La société LABORATOIRES AUVEX réplique que cette erreur matérielle a été régularisée. SUR CE ; La cession de marques doit être inscrite au Registre national des marques à la demande de l’une des parties à l’acte conformément aux articles 1.714-7 et R 714-4 du code de propriété intellectuelle. Le défaut de la formalité d’inscription de la cession a pour effet de la rendre inopposable aux tiers, et dès lors de priver le cessionnaire d’intenter une action en contrefaçon de marques. En l’espèce, si l’extrait de la base de données de l’INPI du 29-10-2015 fait apparaître une mention comportant une erreur matérielle sur le nom du bénéficiaire de la transmission totale de propriété de la marque n° 650158 en mentionnant « bénéficiaire : ASPILABO » au lieu de la société LABORATOIRES AUVEX, le demandeur justifie par la production des certificats de propriété des marques et modèle opposés dans le présent litige que la transmission à son profit a bien été inscrite à son nom et apparaît comme tel à ce jour.

Du fait de cette régularisation de transcription au Registre national des marques, la société LABORATOIRES AUVEX est recevable à agir en contrefaçon des marques et modèles dont elle est à ce jour titulaire.

- en concurrence déloyale : Les défendeurs font valoir que du fait de la cessation de commercialisation en France du produit ASPIVENIN tel qu’il est opposé, la société LABORATOIRES AUVEX n’aurait pas d’intérêt à agir en concurrence déloyale.

La validité du procès-verbal établi en date du 18 juin 2015 d’un constat d’achat opéré par l’huissier de justice lui-même dans une pharmacie de Dournazac (Haute-Vienne) est à bon droit contestée en défense, (pièce 20-2 en demande) En effet, l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 n’autorise l’huissier de justice qu’à procéder à des constatations purement matérielles. L’huissier de justice n’avait pas le pouvoir, à défaut d’autorisation judiciaire préalable, de pénétrer et d’opérer dans un lieu privé un achat. Ce procès- verbal sera donc annulé. Il reste un procès-verbal de constat, dont la validité n’est pas contestée, établi par Me F, huissier de justice à Chartres, constatant la présence dans une pharmacie de Mainvilliers (28) d’un produit ASPIVENIN « boîte transparente » offert à la vente à la date du 19 juin 2015 (pièce 20-2 en demande).

Même si la commercialisation du produit tel qu’opposé avait cessé 18 mois avant l’assignation d’octobre 2015 comme le prétendent les défendeurs, des faits qui auraient été commis courant 2013 ne seraient pas prescrits. Or, des factures de commercialisation en France datées de 2013 concernant le produit « ASPIVENIN boîte transparente » sont versées aux débats par la demanderesse (pièces 2-17 en demande). Il sera donc statué sur l’existence d’éventuels actes de concurrence déloyale du fait de la commercialisation du produit ASPIVENIN « boîte transparente » en 2013 et 2015.

La société LABORATOIRES AUVEX, venant aux droits de la société ASPILABO en sa qualité de titulaire des modèles opposés, est aussi recevable à agir sur le fondement de 1382 du code civil. Sur la contrefaçon des marques
- la déchéance partielle pour défaut d’usage sérieux : En défense, il est soulevé la déchéance partielle des marques ASPIVENIN n° 1259051 et n°825497 pour les produits désignés autres que les pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin. Il n’est pas répondu sur ce point en demande.

SUR CE ; Concernant la marque française, aux termes de l’article L.714-5 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui. sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Concernant la marque communautaire, l’article 51 du Règlement UE n°207/2009 du 26 février 2009 prévoit dispose : « Causes de déchéance 1. Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon ; a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si. entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d’usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir an plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande OU la demande reconventionnelle pourrait être présentée ; […] 2. Si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. » L’article 55 du même Règlement UE précise dans son alinéa 1 que « la marque communautaire est réputée n’avoir eu, à compter de la date de la demande en déchéance ou de la demande reconventionnelle, les effets prévus au présent règlement, selon que le titulaire est déclaré déchu de ses droits en tout ou en partie. Une date antérieure, à laquelle est survenue l’une des causes de la déchéance, peut être fixée dans la décision, sur demande d’une partie ».

En l’espèce, il n’est pas contesté en demande que la marque française semi-figurative ASPIVENIN n° 1259051 et la marque communautaire tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497 déposées pour les produits : « Pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin ; appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques; matériel de

suture » n’ont été effectivement exploitées que pour les pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin. La société LABORATOIRES AUVEX sera donc déclarée déchue partiellement de ses droits sur ces deux marques pour les produits désignés dans l’enregistrement autres que les pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin, et ce à compter du 27 juin 1989 (soit cinq ans après la publication) pour la marque française n° 1259051, et pour la marque communautaire n°825497 à compter de la demande en déchéance par les défendeurs qui ne précisent pas d’autre date, soit à compter du 07 avril 2015, date de la signification des premières conclusions en défense. Sur la nullité des marques ASPIVENIN n° 1259051 et n°72710

Selon la défense, ces marques ASPIVENIN sont dépourvues de distinctivité au regard des produits « pompes à usage médical » et ne sont donc pas aptes à assurer la fonction de garantie d’origine d’une pompe à venin. Il est répliqué en demande qu’à l’époque des dépôts de ces marques et au regard des textes en vigueur soit la loi du 31 décembre 1964 pour la marque française et du Règlement CE 40/94 applicable en 1996, l’association des deux mots « ASPI » et « VENIN » est nouvelle et originale et a un caractère distinctif en soit, que ce pur néologisme ne peut être considéré comme la désignation nécessaire et générique du produit. Les demandeurs font valoir que sous l’empire de la loi de 1964 les marques qui ne sont pas distinctives sont celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit. En outre, les demandeurs font valoir que ce terme « ASPIVENIN » avait acquis par l’usage un caractère distinctif du fait de la notoriété du produit existant déjà à l’époque des dépôts. Il est ainsi fait remarquer que l’inventeur de ce produit avait remporté le concours Lépine dès 1983 et reçu diverses médailles pour son invention. SUR CE ; Les marques dont la validité est critiquée ont été déposées en janvier 1984 pour la marque française et en janvier 1996 pour la marque communautaire. La validité du droit attaché à une marque s’apprécie à la date à laquelle est né ce droit selon la loi applicable à cette date conformément aux dispositions de l’article 2 du Code civil.

Sur le caractère distinctif intrinsèque à la date du dépôt : Pour la marque française, il convient d’appliquer l’article 3 de la loi n°64-1360 du 31 décembre 1%4 selon lequel : « Ne peuvent, en outre, être considérées comme marque :

Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ; Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou de la composition du produit. » Or, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, cet article ne définit pas le caractère distinctif d’une marque mais énumère les signes qui ne peuvent en aucun cas être considéré comme distinctif". Sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964 comme sous celui des articles L 711-2 et L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour qu’un signe soit considéré comme distinctif il est nécessaire qu’il ait un caractère arbitraire. De la même façon et ce quelque soit la loi applicable, pour qu’un signe soit distinctif, il doit remplir la fonction essentielle de la marque, c’est- à-dire qu’il doit pouvoir être appréhendé par le consommateur comme une indication d’origine du produit ce que rappelle d’ailleurs l’article 1 de la loi du 31 décembre 1964 en définissant les marques comme « en général, tous signes matériels servant à distinguer les produits, objets ou services d’une entreprise quelconque ». La fonction de la marque n’a pas varié de la loi du 31 décembre 1964 à celle du 4 janvier 1991 codifiée au sein du code de la propriété intellectuelle. Il s’agit de permettre au public visé d’individualiser les produits ou services du titulaire de la marque par rapport à ceux ayant une autre origine commerciale et de savoir que tous les produits ou services désignés par la marque ont été fabriqués sous le contrôle du titulaire de celte marque. En conséquence, la distinctivité du signe ne s’apprécie pas, même sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964, qu’au regard de son caractère arbitraire mais également après une analyse de la capacité du signe à remplir la fonction qui lui est assignée pour les produits visés et au regard du public pertinent. Pour la marque communautaire, il convient d’appliquer l’article 7 du règlement CE 40/94 selon lequel : « /. Sont refusés à l’enregistrement : b) Les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif ; c) Les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ; d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce. "

En l’espèce, il s’agit de deux marques semi-figuratives du fait que le terme verbal a été déposé dans une police particulière, cependant, le seul choix d’une police particulière ne peut donner au signe un caractère distinctif, l’aspect figuratif est donc en l’espèce très faible. Le terme verbal « ASPIVENIN » est dominant. Il s’agit d’un néologisme composé de la contraction du terme « aspirer » et du terme « venin », or, « aspirer le venin » est la description de la qualité essentielle du produit désigné qui est la pompe à venin. Ainsi, pour le public français et pour une partie pertinente du marché communautaire c’est à dire les consommateurs francophones, le mot « aspivenin », même s’il s’agit d’un mot nouveau, signifie nécessairement et du seul fait de sa structure un produit servant à aspirer le venin. Ce signe n’est donc pas apte à remplir la fonction essentielle de la marque qui est l’indication de l’origine du produit. Les signes « aspivenin » tels qu’ils ont été déposés comme marques sous les n° 1259051 et n°825497 sont donc dépourvus de distinctivité intrinsèque au regard du produit qu’ils désignent.

-l’acquisition du caractère distinctif par l’usage au moment du dépôt : Les demandeurs invoquent l’article L 711-2 in fine du code de la propriété intellectuelle et les dispositions de l’article 7 in fine du Règlement CE 40/94 pour prétendre à l’acquisition du caractère distinctif par l’usage au moment du dépôt des deux marques semi- figuratives « ASPIVENIN ». Pour justifier de la notoriété du signe « aspivenin », les demandeurs font valoir que l’inventeur du produit vendu sous cette marque avait déjà reçu, à la date du dépôt des marques, des récompenses prestigieuses comme celle du concours Lépine 1983. Cependant, le terme « aspivenin » est employé non à usage de marque pour indiquer l’origine du produit mais comme un nom commun permettant de désigner les fonctions du produit. Ainsi les inventions ayant remporté le concours Lépine les années suivantes sont désignées ainsi : « bras hydraulique pour transfert de fonds » ou « escalier escamotable » (114 ans d’inventions Concours Lépine : pièce 1-15 en demande). Les articles de presse mentionnant le produit sous le nom « aspivenin » dont la date de parution est certaine sont tous postérieurs à janvier 1984, date du dépôt de la marque française. La production de quelques publicités pour ASPIVENIN ou articles mentionnant le produit sous le nom d’ « aspivenin » ou’aspi-venin" parus dans la presse locale ou nationale en France entre 1984 et 1996 n°72710 ne suffit pas à démontrer que ce signe était suffisamment connu par le public français et les consommateurs francophones, c’est à dire une part pertinente du marché communautaire, pour justifier d’une acquisition du caractère distinctif par l’usage au jour du dépôt de la marque communautaire (pièces 1-14 à 1-15 bis en demande).

Les marques n° 1259051 et n°72710 dont la société LABORATOIRES AUVEX est titulaire pour les produits de pompe à venin seront donc annulées pour défaut de distinctivité.

Sur la contrefaçon de la marque communautaire tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497

En demande, il est reproché la commercialisation par la société NOVODEX PHARMA d’un « kit de 1er secours » sous la marque française verbale « ASPIVEX » dont la société SABAVIAM est titulaire depuis le 12 septembre 2012 sous le n°3948347 pour des produits de la classe 10 désignés « pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin » et qui serait distribué par la société N2P. Selon la société LABORATOIRES AUVEX, la commercialisation de ce kit ASPIVEX serait constitutive d’actes de contrefaçon par imitation de sa marque tridimensionnelle ASPIVENIN par la reprise de ses éléments essentiels visuels et conceptuels, et le risque de confusion serait d’autant plus grand que la boîte ASPIVENIN serait notoirement connue. En défense, il est contesté l’existence d’un risque de confusion en faisant valoir que la forme du boîtier ASPIVENIN est banale et que les autres caractéristiques de la marque tridimensionnelle ASPIVENIN ne sont pas reprises. Les sociétés défenderesses contestent aussi le caractère notoire de la marque opposée. SUR CE ; L’article 9 du Règlement CE 207/2009 dispose notamment : "Droit conféré par la marque communautaire 1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : a) d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque, c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice".

En l’espèce, il y a identité entre les produits visés dans l’enregistrement de la marque ASPIVENIN opposée et le kit litigieux ASPIVEX, s’agissant tous deux de pompes à aspirer le venin. Les signes comparés ne sont pas identiques et il convient de vérifier s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné entre la marque telle qu’elle a été enregistrée (pièce 1-3 en demande) et le kit ASPIVEX tel qu’il est commercialisé.(pièce 1-3 en défense) La marque opposée est une marque tridimensionnelle enregistrée en noir et blanc montrant une boîte fermée de forme rectangulaire sur le dessus de laquelle est mentionné le terme « ASPIVENIN » et sont dessinés en surimpression et en forme ondulée trois insectes et un serpent.

Le kit ASPIVEX est une boîte rectangulaire de couleur jaune sur le dessus de laquelle est inscrit le terme « ASPIVEX » de façon très apparente en rouge au-dessus de la mention en petits caractères « pompe à venin-kit de secours » écrite en blanc sur un bandeau rouge ainsi que des dessins en demi-cercle de cinq petits insectes de couleur rouge dans la partie basse du boîtier.

Sur le plan visuel, le tribunal retrouve dans le kit litigieux la forme rectangulaire de la boîte ASPIVENIN mais cette forme qui est banale ne peut constituer le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle. Sont également semblables les deux premières syllabes du terme « ASPIVENIN », qui est un élément dominant de la marque opposée. Enfin, la présence de dessins d’insectes sur les deux boîtiers en comparaison n’est pas un élément distinctif s’agissant de kit contre des piqûres d’insectes. En outre, les dessins sont très différents comme cela a été décrit plus haut.

Sur les plans conceptuel et auditif, la marque sera appelée par son terme verbal « ASPIVENIN » alors que le kit litigieux sera appelé « ASPIVEX », il a déjà été dit que le seul terme « aspi » était descriptif pour des pompes à aspirer le venin, alors que le suffixe « VEX » est arbitraire. La comparaison fait donc apparaître peu de similitudes pertinentes mais plutôt des différences évidentes. Même si la marque tridimensionnelle ASPIVENIN est bien connue du public, celle-ci est surtout connue comme exploitée avec la couleur verte et le kit de secours ASPIVEX tel qu’il est commercialisé se différencie suffisamment pour ne pas engendrer un risque de confusion ou même un risque d’association avec la marque opposée. Les demandes de la société LABORATOIRES AUVEX fondées sur la contrefaçon de sa marque tridimensionnelle seront donc rejetées.

Sur la contrefaçon du modèle français n°973296 (référencés 973296-001 et 973296-002)

Selon la société LABORATOIRES AUVEX, la commercialisation du kit ASPIVEX serait contrefaisante de son modèle déposé le 6 juin 1997. En défense, il est contesté la validité des modèles référencés 973296-001 et 973296-002. SUR CE ; Le modèle référencé 973296-001 se composent de deux vues du coffret pour matériel d’aspiration et celui référencé 973296-002 se composent de deux vues d’une pompe avec piston d’aspiration. Les modèles ont été déposés le 6 juin 1997. Il convient donc d’examiner la validité des modèles opposés au regard des dispositions de la loi sur les dessins et modèles en vigueur à la date du dépôt, soit le 6 juin 1997. L’article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle en vigueur à cette date résulte de la loi du 14 juillet 1909 relative aux dessins et modèles : « Les dispositions du présent livre sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissante lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle. Mais, si le même objet peut être considéré à la fois comme un dessin ou modèle nouveau et comme une invention brevetable et si les éléments constitutifs de la nouveauté du dessin ou modèle sont inséparables de ceux de l’invention, ledit objet ne peut être protégé que conformément aux dispositions du livre VI. » Concernant la validité du modèle de la pompe (référencé 973296-002) : Selon la demanderesse, la pompe avec piston d’aspiration objet de ce modèle a fait l’objet d’un brevet français n°77 33716 déposé le 9 novembre 1977 par Monsieur André E (pièce n°2-7 en demande) et le modèle de la pompe à aspirer n’est que la reprise des ligures du brevet améliorées. Il n’est donc pas possible de faire bénéficier la pompe à aspirer de la protection du droit des dessins et modèles. Pour cette raison, le modèle référencé 973296-002 sera annulé. Concernant la validité du modèle du coffret pour matériel d’aspiration (référencé 973296-001) :

La première vue montre la boîte ASPIVENIN en position fermée. La validité de cette vue n’est pas contestée en défense. La deuxième vue montre la boîte ouverte et l’agencement des ustensiles qu’elle contient. La validité de cette forme est contestée en ce qu’elle serait exclusivement dictée par des impératifs utilitaires. L’agencement de l’intérieur de la boîte ASPIVENIN est particulier en ce que la pompe à venin est présentée rangée en position fermée le long du côté ouvert du boîtier, et les 4 ventouses d’aspiration sont alignées le long de la pompe et disposées sur des encoches de même forme incorporées au boîtier permettant de les maintenir. Cette forme est nouvelle et a une physionomie propre correspondant à des choix arbitraires puisqu’il est démontré que l’intérieur des kits de secours contre les piqûres d’insectes peut se présenter sous d’autres formes, tel que le démontre la production de kits concurrents VENISTOP. SOS SUPPORT. VENIMEX ou VENIPOMP (pièces 3-1 et 3-3 en défense et pièce 1-8 en demande). Cette vue du modèle est donc valide. Concernant la contrefaçon du modèle du coffret pour matériel d’aspiration (référencé 973296-001) : L’article L 513-4 du Code de propriété intellectuelle dispose : « Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, lu mise sur le marché, l’importation, l’exportation, l’utilisation, ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle.»

En l’espèce, concernant la première vue, c’est à dire celle de la boîte fermée, elle correspond à la même forme que la marque tridimensionnelle ASPIVENIN mais de couleur verte. Aussi pour les mêmes raisons que celles exposées plus haut sur la contrefaçon de la marque, le modèle tel qu’il est enregistré donne une impression d’ensemble différente de celle du kit 1 er secours ASPIVEX et ce dernier n’est donc pas contrefaisant de ce modèle. Concernant la deuxième vue montrant la boîte ouverte et son agencement intérieur, il convient de la comparer avec l’intérieur du kit ASPIVEX. L’agencement de l’intérieur de la boîte ASPIVEX reprend les caractéristiques particulières de celui de la boîte ASPIVENIN : la pompe à venin est présentée de la même façon, rangée en position fermée le long du côté ouvert du boîtier, et les 4 ventouses d’aspiration sont alignées de la même manière le long de la pompe et disposées également sur des encoches de même forme incorporées au boîtier permettant de les maintenir. Malgré la différence de couleurs et des termes verbaux inscrits sur la pompe, c’est la même impression d’ensemble qui se dégage à la vue

du modèle ASPIVENIN version boîte ouverte comparée à celle du kit ASPIVEX en position ouverte. La contrefaçon par la commercialisation du kit ASPIVEX du modèle référencé 973296-001 dans sa vue boîte ouverte dont la société LABORATOIRES AUVEX est titulaire est donc établie. Elle est imputable à la société NOVODEX PHARMA et à son distributeur N2P Distribution, mais pas à la société SABAVIAM qui n’est que le titulaire de la marque ASPIVEX. Sur la concurrence déloyale et parasitaire La société LABORATOIRES AUVEX reproche des actes déloyaux de la part des sociétés défenderesses par l’intermédiaire de leur dirigeant Monsieur L, lequel aurait assuré au détriment du groupe DOMES PHARMA un transfert de compétences et de valeurs au profil de son nouveau groupe et il aurait ensuite déposé une marque concurrente « ASPIVEX » pour commercialiser des produits s’inspirant de ceux vendus sous la marque « ASPIVENIN ». Les sociétés défenderesses auraient ainsi profité de la notoriété et du savoir-faire du groupe DOMES PHARMA et sa filiale ASPILABO.

Il est contesté l’existence d’actes déloyaux et de parasitisme en défense.

SUR CE :

Vu l’article 1382 du code civil. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme est constitué lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Les sociétés parties au litige sont en situation de concurrence pour être des acteurs intervenant sur le marché français des produits pharmaceutiques.

Cependant, il n’est pas démontré par la demanderesse des actes déloyaux et contraires aux usages du commerce autres que ceux constituant la contrefaçon d’un de ses modèles.

Il n’est pas justifié non plus d’acte de parasitisme en ce que les sociétés en litige ont développé leur savoir-faire respectifs dans le domaine de la parapharmacie. Sur la demande en dommages et intérêts Il convient à titre préliminaire de remarquer que la demande en réparation des préjudices au titre de la contrefaçon du modèle et de la concurrence déloyale et parasitaire sont faites globalement et ne sont pas ventilées entre les deux fondements. Le tribunal n’étant pas en mesure d’établir lui-même cette ventilation, la demande en dommages et intérêts sera déclarée irrecevable et ne sera pas examinée au fond. Sur les mesures d’interdiction du fait de la contrefaçon de modèle Ces mesures seront accordées concernant la commercialisation du kit ASPIVEX incorporant le modèle ASPIVENIN dans sa vue de l’intérieur de la boîte ouverte, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Sur la demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 1382 du code civil Les défenderesses font remarquer à bon droit que la pompe à venin actuellement commercialisée sous la dénomination ASPIVENIN comporte la mention « breveté FRANCE ETRANGER », gravée sur le dessus de la pompe. Or, si l’invention du produit ASPIVENIN a fait l’objet d’une protection par un brevet français déposé par André E en 1977, ce brevet est désormais expiré, ce qui n’est pas démenti en demande. Par conséquent, la mention figurant sur la pompe est de nature à induire le consommateur en erreur et procure à la société LABORATOIRES AUVEX illicitement un avantage concurrentiel, faisant passer son produit pour le fruit d’une technologie protégée.

Il sera donc interdit à la société LABORATOIRES AUVEX de faire usage de cette mention selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. L’existence d’un préjudice commercial n’est pas justifiée et la demande en dommages et intérêts à ce titre sera rejetée. Sur les autres demandes

Les parties succombant respectivement dans leurs demandes, il ne sera pas fait droit aux demandes au titre des frais irrépétibles et chacune gardera les dépens avancés par elle à sa charge. Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, à l’exception des annulations de marques et du modèle.

PAR CES MOTIFS, le tribunal. Statuant publiquement par remise au greffe du jugement contradictoire rendu en premier ressort.

Constate qu’au jour de l’assignation la société ASPILABO avait qualité pour agir, et que, depuis le 31 décembre 2014, la société ASPILABO n’a plus d’existence juridique. Reçoit l’intervention volontaire de la société LABORATOIRES AUVEX venant aux droits de la société ASPILABO dans ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire.

Annule le procès-verbal de constat d’achat établi en date du 18 juin 2015 par huissier de justice.

Déclare la société LABORATOIRES AUVEX déchue partiellement de ses droits sur la marque n° 1259051 à compter du 27 juin 1989 et sur la marque n° 825497 à compter du 07 avril 2015, pour les produits désignés dans l’enregistrement autres que les pompes d’hygiène médicale à aspirer le venin. Annule pour défaut de distinctivité les marques n° 1259051 et n°72710 dont la société LABORATOIRES AUVEX est titulaire désignant les produits de pompe d’hygiène médicale à aspirer le venin. Déboute la société LABORATOIRES AUVEX de ses demandes fondées sur la contrefaçon de sa marque tridimensionnelle ASPIVENIN n°825497. Annule le modèle français dont la société LABORATOIRES AUVEX est titulaire référencé 973296-002. Dit valide le modèle de la société LABORATOIRES AUVEX référencé 973296-001. Dit que les sociétés NOVODEX PHARMA et N2P DISTRIBUTION se sont rendues coupables de contrefaçon par la commercialisation du kit ASPIVEX incorporant le modèle référencé 973296-001 dans sa vue version boîte ouverte dont la société LABORATOIRES AUVEX est titulaire.

Rejette la demande de la société LABORATOIRES AUVEX, fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,

Dit irrecevable la demande en dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon de modèle.

Fait interdiction à la société NOVODEX PHARMA et à la société N2P DISTRIBUTION de commercialiser le kit ASPIVEX incorporant le modèle ASPIVENIN dans sa vue de l’intérieur de la boîte ouverte, et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 100 euros par produit contrefaisant. Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte. Dit que la société LABORATOIRES AUVEX a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant son produit ASPIVENIN avec la mention « brevetée » alors que le brevet est périmé. Fait interdiction à la société LABORATOIRES AUVEX de faire usage de la mention « breveté » sur son produit ASPIVENIN et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 euros par produit comportant cette mention. Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte. Rejette la demande reconventionnelle en dommages intérêts des sociétés NOVODEX PHARMA. SABAVIAM et N2P DISTRIBUTION, Rejette toutes les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ordonne l’exécution provisoire de la décision, à l’exception de l’annulation des marques et du modèle. Dit que chacune des parties gardera la charge des dépens avancés dans le cadre de ce litige.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 4e section, 14 avril 2016, n° 14/15677