Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 2 juin 2017, n° 15/14903

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 2 juin 2017, n° 15/14903
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/14903

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S



JUGEMENT rendu le 02 Juin 2017

DEMANDEUR

Monsieur A X […]

représenté par Maître Ingrid-mery HAZIOT de la SELEURL IMH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0852

DÉFENDERESSE

LES EDITIONS D, représentée par son gérant en exercice, Monsieur B C […]

représentée par Me Stéphane FOLACCI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2144

COMPOSITION DU TRIBUNAL

François ANCEL, Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL, Vice-Présidente Laure ALDEBERT, Vice-Présidente

assistés de Jeanine ROSTAL, Faisant fonction de Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 20 Avril 2017 tenue en audience publique devant François ANCEL, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

_______________

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur A X se présente comme un spécialiste de la vente, animant notamment une société de formation et de conseil commercial, et comme l’auteur de plusieurs ouvrages de management et d 'efficacité professionnelle.

La SARL LES EDITIONS D (RCS 539 477 091) est une société d’édition française, créée le 26 janvier 2012 et immatriculée à Paris, ayant pour gérant Monsieur B C. Elle expose avoir acquis en 2012 le fonds de commerce de la SA LES EDITIONS D, société toujours existante et immatriculée au RCS de BLOIS ( RCS 592 036 131).

A la suite de l’édition en 2002 d’un premier ouvrage de Monsieur X intitulé « l’évaluation du personnel » par la SA LES EDITIONS D, plusieurs autres contrats d’édition ont été conclus entre ces deux parties :

— un contrat d’auteur du 16 avril 2004 portant sur l’ouvrage intitulé « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente » et un contrat du même jour de cession des droits d’adaptation audiovisuelle de cet ouvrage ;

— un contrat d’auteur du 16 octobre 2006 portant sur l’ouvrage intitulé « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » ;

— un contrat d’auteur du 2 mars 2008 portant sur l’ouvrage intitulé « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et protocole pour les managers » et un contrat du même jour de cession des droits d’adaptation audiovisuelle de cet ouvrage ;

— un contrat d’auteur du 10 novembre 2009 portant sur l’ouvrage intitulé « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir-faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » et un contrat du même jour de cession des droits d’adaptation audiovisuelle de cet ouvrage ;

— un contrat d’auteur du 3 décembre 2010 portant sur l’ouvrage « l’art de la vente : les fondamentaux : 77 préceptes de la vente » ;

En outre, un contrat de « directeur d 'une collection » a été conclu entre les parties le 15 novembre 2010.

A la suite de la reprise du fonds de commerce de la SA LES EDITIONS D par la SARL LES EDITIONS D, deux autres ouvrages de Monsieur A X ont été édités par cette dernière en vertu des contrats suivants :

— un contrat d’auteur du 30 juin 2012 pour l’ouvrage intitulé « 100 conseils malins pour entreprendre » ; – un contrat d’auteur du 30 juin 2012 pour l’ouvrage intitulé « 100

règles d’or du savoir-vivre dans les affaires » ;

Enfin, un dernier ouvrage intitulé « vendre mieux pour vendre plus » a été écrit par Monsieur A X mais n’a pas été publié par la SARL LES EDITIONS D.

Estimant que la SARL LES EDITIONS D avait manqué à ses obligations contractuelles d’éditeur notamment celle relative à la reddition des comptes, Monsieur A X après avoir par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2014 rappelé à l’éditeur ses obligations de rendre des comptes pour chaque ouvrage et de procéder au versement des droits d’auteur correspondants, a assigné la SARL LES EDITIONS D devant le Tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier délivré le 24 septembre 2015.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2016, Monsieur A X demande au tribunal, au visa des articles L. 132-12, L. 132-13, L. 132-14, L. 132- 17-2 et L. 132-17- 3 du Code de la Propriété Intellectuelle et des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil, de :

— Débouter les Éditions D de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions présentées dans leurs écritures en réponses.

— Constater l’absence d’exploitation permanente et suivie des ouvrages « l’évaluation du personnel » ; « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente » ; « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » et « vendre mieux pour vendre plus » ;

— Constater l’absence de versement de la rémunération due au titre des droits d’auteur contractuellement prévue pour l’ensemble des ouvrages de Monsieur X pour les années 2012, 2013 et 2014 et 2015;

— Constater l’absence de reddition de comptes complète et conforme aux prescriptions légales sur les années 2010 à 2015 pour l’ensemble des ouvrages de Monsieur X ;

— Constater la mauvaise foi délibérée de la société EDITIONS D ;

En conséquence :

— Prononcer la résiliation de tous les contrats d’édition et contrats de cession des droits d’adaptation audiovisuelle, aux torts exclusifs de l’éditeur en raison de ses manquements flagrants, répétés et délibérés à ses obligations essentielles d’éditeur :

- « l’évaluation du personnel » (contrat d’édition du 19 février 2002); - « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente

» (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 16 avril 2004) ;

- « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » (contrat d’édition 16 octobre 2006) ; - « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et protocole pour les managers » (contrat d’édition du 2 mars et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle 2008) ;

- « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir- faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » (contrat d’édition du 10 novembre et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle 2009) ;

- « l’art de la vente : les fondamentaux : 77 préceptes de la vente » (contrat d’édition du 3 décembre 2010) ; - « guide des 100 conseils malins pour entreprendre et bien plus : pour faire partie de ceux qui survivent à la première année » (paru le 30 novembre 2012) ;

- « guide des 100 règles d’or et un peu plus du savoir-vivre dans les affaires » (paru le 30 novembre 2012) ; – « vendre mieux pour vendre plus » (non paru).

— Prononcer la résiliation du contrat de directeur de collection du 15 novembre 2010 aux torts exclusifs de l’éditeur en raison de ses manquements flagrants, répétés et délibérés à ses obligations essentielles;

— Interdire à la socié té EDITIONS D de continuer à fabriquer, vendre et diffuser par quelque moyen, support et réseau que ce soit, l’ensemble des ouvrages précités ;

— Ordonner la destruction de l’intégralité des stocks par devant huissier, aux frais de la société EDITIONS D, sous astreinte de 300 euros par jours de retard, à compter de la signification du présent jugement ;

— Ordonner à la société EDITIONS D, pour l’ensemble des ouvrages édités, la production des comptes détaillés d’exploitation des années 2011 à 2014 ainsi que des documents contractuels et comptables justifiant ces comptes, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter du de la signification du présent Jugement ;

— Condamner la société EDITIONS D à verser à Monsieur A X une somme de 15.000 euros à titre de dommages- intérêts dus en réparation des préjudices financiers et moraux subis par l’auteur.

— Ordonner la publication dans le magazine Livres Hebdo, et sur le site Internet www.livreshebdo.fr, aux frais du défendeur et en page d 'accueil du site Internet de la société EDITIONS D (http://www.editionschiron.com), dans la limite de 3.000 euros H.T pour la globalité des communiqués, du communiqué suivant :

COMMUNIQUE JUDICAIRE

Le Tribunal de Grande Instance de PARIS, a prononcé dans son Jugement du_______ la résiliation des contrats d’édition conclus entre Monsieur A X et les EDITIONS D aux torts exclusifs de l’éditeur, outre les mesures de destruction des ouvrages et l’allocation de dommages-intérêts ».

— Ordonner l’exécution provisoire du Jugement à intervenir compatible avec la nature de l’affaire

— Condamner la socié té EDITIONS D à verser à Monsieur A X la somme de 7 000 € par application de l’article 700 du CPC ;

— La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL IMH.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2016, la société LES EDITIONS D demande au tribunal, au visa des articles L. 132-12 et suivants du code de la propriété intellectuelle et des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil, de :

— Constater l’absence de fondement des demandes des demandes de Monsieur X ;

— Constater que la société SARL LES EDITIONS D est bien fondée et recevable en ses demandes,

PAR CONSEQUENT :

— REJETER l’ ensemble des demandes de Monsieur X en tant que sans fondement,

— CONDAMNER Monsieur X à verser à la société SARL LES EDITIONS D la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes formées à l’encontre de la SARL LES EDITIONS D pour les contrats conclus avec la société SA LES

EDITIONS DU D ;

La SARL LES EDITIONS D rappelle qu’elle n’a été constituée qu’en janvier 2012 de telle sorte que les manquements antérieurs à son existence ne lui sont pas imputables et qu’il appartient à Monsieur A X d’agir contre la société SA LES EDITIONS D qui existe toujours. Elle ajoute que s’il existe des dettes relatives à ces exploitations ou des créances, elles ne sont pas opposables à la société SARL LES EDITIONS D, en ce que les dettes et créances ne font pas parties des éléments du fond de commerce, qu’elles ne sont donc ni transmises ni supportées par l’acquéreur. La SARL LES EDITIONS D considère que le litige ne porte que sur les deux derniers titres qu’elle a publiés, lesquels constituent une tentative de « remise au goût du jour » de ses ouvrages plus anciens, et que Monsieur X qui reconnaît que la SARL LES EDITIONS D ne devait qu’écouler les stocks restants des autres ouvrages peut difficilement lui reprocher des défauts d’exploitation continue.

En réponse, Monsieur X considère que les griefs invoqués résultent de l 'inexécution par la SARL Les Éditions D des contrats d’édition qui la lient à l’auteur et portent sur une période impliquant la seule société défenderesse alors que les trois derniers contrats d’édition ont été conclus directement par la Société SARL Les Editions D, à savoir « 100 conseils malins pour entreprendre », « 100 règles d’or du savoir-vivre dans les affaires » et « vendre mieux pour vendre plus ». Il rappelle que le rachat du fonds de commerce de la SA les Éditions D a emporté transfert automatique des contrats d’édition existant à son profit, comme cela résulte de l’article L.132-16 du Code de la propriété intellectuelle.

Sur ce,

En application de l’article L. 142-2 du Code de commerce font partie d’un fonds de commerce « les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés ». En outre, par dérogation au principe selon lequel les contrats ne rentrent pas dans la composition du fonds de commerce, l’article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle autorise la transmission du contrat d’édition même sans l’autorisation de l’auteur, dès lors que ce contrat est compris dans le transfert du fonds.

En l’espèce, la SARL LES EDITIONS D reconnaît dans ses écritures avoir « racheté le fonds de commerce de la société SA LES EDITIONS D », sans au demeurant contester la reprise des contrats d’édition, l’acte de cession du fonds de commerce n’étant cependant pas produit.

Il convient en conséquence de considérer que faute de preuve contraire rapportée par la SARL LES EDITIONS D, la cession du fonds de commerce de la SA LES EDITIONS D, dont font partie « les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés » en application de l’article L. 142-2 du code de commerce, a emporté cession des contrats d’édition conclus par cette dernière avec Monsieur A X et par voie de conséquence transfert de l’ensemble des droits et obligations nés de ces contrats d’édition de telle sorte que Monsieur A X est bien recevable à agir contre la SARL LES EDITIONS D pour l’ensemble de ces contrats.

Sur la résiliation des contrats d’édition ;

Sur la résiliation fondée sur le non respect de l’obligation de reddition des comptes et de l’obligation de paiement des droits d’auteur ;

Monsieur A X expose que les comptes n’ont plus été rendus après l’année 2010, qu’il est resté sans information sur l’exploitation de ses ouvrages, ni paiement de ses redevances malgré ses demandes répétées et qu’en conséquence cette absence de reddition de comptes constitue une violation légale et contractuelle par la société EDITIONS D de son obligation essentielle et substantielle de rendre, spontanément, ponctuellement et loyalement les comptes.

Monsieur X rappelle que la communication des comptes d’exploitation est une obligation portable et non quérable et que ce faisant, quel que soit le montant des droits d’auteur, l’éditeur doit spontanément communiquer les comptes ; que ceux communiqués sont très lacunaires en ce qu’ils ne contiennent pas tous les ouvrages de Monsieur X puisque « L’art de la vente » en est absent et qu’ils ne comportent pas de justificatifs du diffuseur permettant de contrôler leur exactitude. Il ajoute que les comptes ne sont pas conformes puisqu’ils ne mentionnent pas le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et ne précisent pas la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock.

Il expose que la SARL LES EDITIONS D ne peut s’exonérer en indiquant que les comptes étaient négatifs alors que le relevé de compte pour l’année 2014 qu’elle produit mentionne une somme due positive et ce alors que les chiffres de vente pour les années antérieures à 2012 augmentaient d’année en année.

Il précise que la SARL les Éditions D prélève sur son compte de droits d’auteur, au titre des versements effectués à l’AGESSA un montant fixe de 235 € chaque année, alors qu’aucun droit d’auteur ne lui a été versé, de sorte que la déduction des cotisations sociales ne se justifie pas ; que cette anomalie ne fait que renforcer le défaut d’exactitude et de fidélité des comptes qui ne reposent sur aucun justificatif probant ; et que l’application des dispositions des articles 1184 et 1134 du code civil, combinée à celle des articles L.132-13 et L.132-14 du code de propriété intellectuelle, l’autorise à demander la résolution judiciaire des contrats d’édition conclus aux torts exclusifs de la société EDITIONS D, qui a rompu la confiance établie entre les parties et a empêché Monsieur X de connaître de manière transparente la réalité de l’exploitation de ses œuvres.

En réponse, la SARL LES EDITIONS D fait valoir que les redditions de compte de Monsieur Z font apparaitre au titre des droits d’auteurs un total négatif de droit de – 63,813 euros. Elle précise que la jurisprudence antérieure aux nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle a aménagé les obligations de l’éditeur en le condamnant à des dommages intérêts symboliques du fait de sa faute, sans que celle-ci ne justifie la résiliation du contrat, et que pour les contrats antérieurs au 1er décembre 2014, seules les dispositions relatives à l’obligation d’envoi des comptes ainsi qu’à leur contenu sont applicables à compter du 28 mars 2015, que les articles L 132-17-3 alinéa II et III qui prévoient une résiliation de plein droit en cas de défaillance persistante de l’éditeur à respecter l’obligation de compte ne sont applicables qu’à partir de l’exercice 2016/2017 et que par conséquent, ils ne sont pas applicables en l’espèce.

Sur ce,

Sur les dispositions légales applicables au présenté litige ;

Aux termes de l’ordonnance n°2014-1348 du 12 novembre 2014, un article L. 132-17-3 a été ajouté au code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel « -I.-L’éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l’auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente.

« A cette fin, l’éditeur adresse à l’auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant :

1° Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et en fin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l’exercice ;

2° Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l’unité de chacun des autres modes d’exploitation du livre ;

3° Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l’exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l’auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d’édition.

« Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l’exploitation du livre sous une forme numérique.

« La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes.

« II.-Si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus au I, l’auteur dispose d’un délai de six mois pour mettre en demeure l’éditeur d’y procéder.

« Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.

« III.-Lorsque l’éditeur n’a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l’auteur, le contrat est résilié de plein droit dans les six mois qui suivent la seconde mise en demeure.

« IV.-L’éditeur reste tenu, même en l’absence de mise en demeure par l’auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes. ».

Ces dispositions nouvelles issues de l’ordonnance du 12 novembre 2014 sont, en vertu de l’article 11 de cette même ordonnance, applicables aux contrats d’édition d’un livre conclus avant le 1er décembre 2014.

Cependant, s’agissant de l’application de l’article L. 132-17-3, cet article 11 dispose que « Les dispositions des deuxième au sixième alinéas de cet article sont applicables à compter de l’exercice débutant après l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministre chargé de la culture mentionné au I de l’article L. 132-17-8 de ce code ou, en l’absence de cet arrêté, du décret en Conseil d’Etat mentionné au III du même article », lequel arrêté daté du 10 décembre 2014 a été publié le 28 décembre 2014 de telle sorte que ces mesures et sanctions ne sont applicables aux contrats en cours qu’à compter de l’année 2015 s’agissant des obligations de reddition de comptes, sous réserve de combiner ces dispositions avec la date à laquelle, aux termes des contrats conclus, l’arrêté de compte a été contractuellement prévu.

A cet égard, il convient de relever que l’obligation de rendre compte a été fixée par les contrats litigieux dans les 4 mois suivants l’arrêté de compte lui-même effectué le 31 décembre de chaque année.

Dès lors, les nouvelles dispositions n’ont vocation à s’appliquer dans le cadre de l’espèce que pour l’exercice 2016. Or, Monsieur A X sollicite des demandes au titre des redditions de compte dues pour les années 2010 à 2015.

Il ne peut donc être fait application pour ces années des dispositions nouvelles de l’article L. 132-17-3 précité.

Sont dès lors applicables les dispositions de l’article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure au 12 novembre 2014, en vertu duquel « L’éditeur est tenu de rendre compte. L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur ».

En outre, l’article L. 132-14 dudit code dispose que « L’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes ».

En l’espèce, il ressort des contrats d’édition conclus avant 2014 entre Monsieur A X et la société SA LES EDITIONS D mais aussi entre celui-là et la SARL LES EDITIONS D que l’éditeur s’est pour chacun des contrats engagé contractuellement à rendre des compte à Monsieur A X et à les lui adresser.

Ainsi, aux termes du contrat d’édition du 16 avril 2004, l’article 11 stipule que « Le compte des droits dus à l’Auteur sera arrêté le 31 décembre de chaque année. Les relevés de comptes seront adressés au cours du quatrième mois suivant la date de l’arrêté des comptes ; les sommes dues seront versées au cours du quatrième mois suivant la date de l’arrêté des comptes ». Les contrats d’édition conclus le 16 octobre 2006, 2 mars 2008, 10 novembre 2009, 3 décembre 2010, 30 novembre 2012 et 30 juin 2012 comportent des clauses identiques ou similaires.

Aux termes du contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 16 avril 2004, l’article 6 stipule que « Le compte des droits dus à l’Auteur sera arrêté le 31 décembre de chaque année. Le relevé des comptes sera adressé par l’Editeur à l’Auteur dans les quatre mois de l’arrêté, accompagné de la liste des cessions et autorisations éventuellement consenties par l’Editeur à un tiers ». Les contrats de cessions des droits d’adaptation audiovisuelle du 2 mars 2008, 10 novembre 2009 comportent des clauses identiques.

Si les contrats d’édition pour les ouvrages intitulés « l’évaluation du personnel » et « vendre mieux pour vendre plus » ne sont pas versés aux débats, le premier ouvrage est mentionné dans les relevés de compte produits par la SARL LES EDITIONS D et il n’est pas contesté que le second n’est pas paru.

Il ressort de ces contrats que, nonobstant les dispositions légales précitées, l’éditeur était tenu par une obligation contractuelle de reddition de compte chaque année pour chacun des contrats conclus, laquelle obligation devait être exécutée spontanément et adressée, au moins pour les 5 premières années, à l’auteur.

Or la SARL LES EDITIONS D ne justifie nullement du respect d’une communication spontanée des relevés de compte à Monsieur A X au titre de ces divers contrats depuis 2010 et particulièrement à compter de 2012, date à laquelle elle a repris le fonds de commerce de la SA LES EDITIONS D. Si elle a communiqué des tableaux intitulés « droit d’auteur 2013 », « droit d’auteur 2014 », et « droit d’auteur 2015 », portant sur les 9 ouvrages de Monsieur A X, ces documents n’ont été communiqués que dans le cadre de la présente instance.

En outre, les comptes communiqués sont manifestement insuffisants dès lors qu’ils ne comportent pour seules rubriques (outre le nom de l’auteur, son adresse, et le titre de l’ouvrage), le pourcentage attribuée à l’auteur, le prix public de l’œuvre, le prix hors taxe, le nombre d’exemplaires, le « CA » (le chiffre d’affaires) et une rubrique intitulée « total des droits », que l’on comprend comme étant le montant des droits de Monsieur A X sur les ventes.

Ainsi, ces comptes ne comportent aucune information sur le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock, le nombre des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure.

Il convient de considérer la SARL LES EDITIONS D a donc manqué à son obligation contractuelle de reddition des comptes envers Monsieur A X et que ces comptes n’étant pas précis, ne permettent pas d’attester de l’exécution subséquente par cette société de son obligation de paiement des droits d’auteur revenant à Monsieur A X pour l’ensemble de ces ouvrages.

Sur la résiliation fondée sur l’absence d’exploitation permanente et suivie :

Monsieur A X expose qu’aux termes de l’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession, et que l’article L. 132-17-2 prévoit pour le contrat d’édition d’un ouvrage sous une forme imprimée que l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie du livre édité sous une forme imprimée ou sous une forme numérique. Il soutient que la sanction de la résiliation automatique et de plein droit du contrat s’applique lorsque l’éditeur ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent aux termes d’un délai de six mois suivant une mise en demeure qui lui est adressée mais que si l’éditeur reprend l’exécution de ses obligations mais de manière défectueuse et de mauvaise foi, l’auteur est toujours fondé à solliciter la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l’éditeur en application du droit commun des contrats, et qu’en l’espèce les ouvrages « l’évaluation du personnel » et « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie », ne sont pas disponibles à la vente selon les fiches Electre et qu’en outre l’ouvrage « L’essentiel de la vente… » est indisponible à la vente depuis le 6 avril 2011, ce que vient confirmer le site Internet du distributeur. Il ajoute que la consultation du site internet des Éditions D ne fait apparaître que deux ouvrages disponibles à la vente sur les sept ouvrages dont les droits sont bloqués par les Éditions D.

Il précise que la lettre recommandée qu’il a envoyée aux Éditions D en date du 5 janvier 2012, sans équivoque sur son objet, est constitutive d 'une mise en demeure présentant un formalisme suffisant, qu’elle fait part de « la non-réimpression de « L’évaluation du personnel » prévue pour septembre 2011, ni celle de « Gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » », mais aussi du fait que Monsieur X souhaite reprendre ses « droits sur ces deux ouvrages», que depuis janvier 2012 elles ont été régulièrement sommées de répondre aux demandes de Monsieur X, qu’elles n’ont pas plus répondu à sa dernière réclamation en date du 3 février 2015 et nullement réagi suite à la délivrance de l’assignation en date du 24 septembre 2015, laquelle vaut aussi mise en demeure d’exécuter l’obligation d’exploitation suivie des ouvrages en cause.

Monsieur X prétend ensuite que sa demande de résiliation des contrats d’édition conclus avec les Éditions D se justifie pleinement pour les ouvrages « gérer son temps : manager son travail, manager sa vie» et « l’évaluation du personnel », pour lesquels l’éditeur reconnaît expressément dans les comptes versés aux débats que les ouvrages ne sont plus commercialisés et qu’en ce qui concerne « le Guide du savoir vivre dans les affaires » et « Le savoir vendre de l’auto entrepreneur », que les Editions D considèrent à tort que les deux petits guides « savoir vivre dans les affaires » et « Conseils malins pour entreprendre » étaient des versions réactualisées de ce deux premiers ouvrages qui n’avaient donc plus à être commercialisés. Il prétend n’avoir jamais donné d’accord en ce sens pour privilégier la vente de l’une ou l’autre des versions, que les quatre ouvrages devaient donc être commercialisés de manière égale et continue, ce qui n’a pas été le cas.

Monsieur X ajoute, concernant l’ouvrage « Vendre mieux pour vendre plus », dont les Éditions D ne lui ont pas retourné son exemplaire, qu’en dépit de son absence d’exploitation, les droits de Monsieur X sont bloqués de façon injuste et qu’il est en droit de récupérer l’intégralité de ses droits par résiliation du contrat d’édition non honoré, les Éditions D reconnaissant par ailleurs n’avoir jamais procédé à la publication de cet ouvrage, ce qui justifie bien la résiliation du contrat d’édition et permet à Monsieur X de recouvrer ses droits.

La SARL EDITIONS D fait valoir que les dispositions de l’article L. 132-17-2 du Code de la propriété intellectuelle issue de l’ordonnance du 12 novembre 2014 ne sont pas applicables. Elle ajoute que Monsieur X n’a pas pu viser une loi qui n’existait pas au moment où il a écrit les lettres dont il entend se prévaloir. Elle soutient que ces inexécutions sont imputables à la SA LES EDITIONS D, que l’on peut difficilement reprocher à la SARL LES EDITIONS D de ne pas avoir exploité des versions antérieures des ouvrages pour lesquels elle a signé en 2012 de nouveaux contrats qui donnent lieu à exploitation, et réfute l’argument consistant à dire qu’une assignation serait équivalente à une mise en demeure d’exécuter en ce que cette assignation vise à obtenir la résiliation judiciaire des contrats en cause. Elle ajoute que si la cession du fonds de commerce a bien entraîné le transfert des contrats, conformément à l’exception légale prévu par le Code, elle n’a en rien entrainé le transfert des dettes et des créances que peuvent avoir les tiers envers le cédant, qu’en effet dans le cadre de la cession de fonds de commerce, c’est le principe de non- transmission des dettes qui signifie que le vendeur du fonds de commerce reste tenu des dettes qu’il avait contractées avant la cession qui s’applique.

Sur ce,

Sur les dispositions légales applicables au présent litige ;

En application de l’article L. 132-17-2, issu de l’ordonnance n°2014- 1348 du 12 novembre 2014, « I. L’éditeur est tenu d’assurer une exploitation permanente et suivie du livre édité sous une forme imprimée ou sous une forme numérique ».

« II.-La cession des droits d’exploitation sous une forme imprimée est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception aux obligations qui lui incombent à ce titre. « Cette résiliation n’a pas d’effet sur la partie distincte du contrat d’édition relative à la cession des droits d’exploitation du livre sous une forme numérique. (…) ».

Aux termes de l’article 11 de l’ordonnance précitée, « Sont applicables aux contrats d’édition d’un livre conclus avant le 1er décembre 2014 : 1° Les obligations prévues au I de l’article L. 132-17-2 du même code, dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministre chargé de la culture mentionné au I de l’article L. 132-17-8 du même code ou, en l’absence de cet arrêté, du décret en Conseil d’Etat mentionné au III du même article ».

Ainsi, force est de constater que le législateur n’a pas entendu appliquer aux contrats conclus avant le 1er décembre 2014 les dispositions relatives au II de l’article L. 132-17-2 consacrées à la résiliation de plein droit après une mise en demeure, seules les dispositions visées au I de cet article étant visée par l’article 11.

Il convient en conséquence de considérer que l’ensemble des contrats objet du présent litige ayant été conclus avant le 1er décembre 2014, ces contrats seront soumis s’agissant de la sanction du non respect de l’obligation d’exploitation permanente aux dispositions applicables avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 novembre 2014, si bien que Monsieur A X ne peut se prévaloir d’une résiliation de plein droit et que la résiliation des contrats doit être appréciée, conformément au droit commun, selon les exigences de l’article 1184 du code civil.

En l’espèce, l’obligation légale d’assurer une exploitation et un suivi de livre édité est au demeurant insérée expressément dans les contrats conclus avec Monsieur A X pour les contrats conclus relatifs aux ouvrages suivants :

— « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente » ; – « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie », – « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et

protocole pour les managers » – « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir-faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » ;

— « l’art de la vente : les fondamentaux : 77 préceptes de la vente » ; – « 100 conseils malins pour entreprendre » ; – « 100 règles d’or du savoir-vivre dans les affaires » ;

Monsieur A X justifie par la production notamment des fiches « electre » mais aussi des relevés de compte qu’elle a produit aux débats, de l’arrêt de la commercialisation des ouvrages suivants :

- « l’évaluation du personnel » (contrat d’édition du 19 février 2002);

- « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » (contrat d’édition 16 octobre 2006) ;

Il justifie de ce que l’ouvrage « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente » (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 16 avril 2004) est indisponible.

De même, la SARL LES EDITIONS D reconnaît n’avoir pas réédité les ouvrages intitulés « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et protocole pour les managers » et « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir-faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » en considérant n’être pas tenue de le faire alors que des versions actualisées de ces ouvrages ont été publiées en 2012 sous la forme de guides.

Enfin, sans que cela ne soit contesté, l’ouvrage intitulé « vendre mieux pour vendre plus » n’est jamais paru.

Il ressort de ces éléments que pour six des ouvrages précités de Monsieur A X avec lequel elle était contractuellement tenue, la SARL LES EDITIONS D a manifestement manqué à son obligation contractuelle d’assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession étant observé qu’un éditeur ne peut, quand bien même le contenu des nouveaux ouvrages serait proche, unilatéralement décider d’arrêter la commercialisation d’un ancien ouvrage aux motifs qu’il a conclu avec l’auteur des contrats plus récent portant sur de nouveaux ouvrages.

Sur la violation du contrat de directeur de collection

Monsieur A X soutient que le contrat de directeur de collection signé le 15 novembre 2010 prévoit en son article 5 que les droits d’auteur du directeur de collection s’élèvent à 2% du prix public HT pour chaque exemplaire vendu des livres publiés et qu’il n’a reçu aucune reddition de compte ni rémunération en sa qualité de directeur de collection à l’exception de l’ouvrage « le savoir vendre de l’auto- entrepreneur » uniquement pour les années 2010 et 2011. Il ajoute qu’en le mentionnant comme directeur de collection sur de nombreux ouvrages, l’éditeur reconnaît qu’il participait bien au choix, à la conception et à la mise au point des ouvrages de la collection dont il était chargé de telle sorte que les Éditions D ont commis une faute en refusant de payer les droits d’auteur lui revenant au titre de ce contrat de directeur de collection.

La SARL LES EDITIONS D rétorque que le directeur de collection a pour mission de rechercher les auteurs et de présenter à l’éditeur des projets de livres relevant de la collection qu’il dirige, qu’il participe au choix, à la conception et à la mise au point des ouvrages de la direction et qu’il doit recevoir un « intéressement » en contrepartie de ses services. Elle soutient que Monsieur X ne justifie pas des services qu’il aurait accomplis et d’avoir rempli auprès de la société SARL LES EDITIONS D des fonctions effectives de directeur de collection et par conséquent qu’il ne saurait exiger une contrepartie s’il ne rapporte pas la preuve d’avoir rempli ses obligations contractuelles, qu’il ne peut pas plus invoquer la résiliation du contrat pour non exécution tant qu’il n’a pas rapporté la preuve avoir exécuté ses propres obligations, que pour ce faire il prétend en rapporter la preuve par le biais d’un courrier datant de 2009 qui fait état de son dynamisme et qui est antérieur à la création de la défenderesse, et qu’il ne peut être demandé au défendeur de faire la preuve d’une absence d’exécution de ses fonctions. La société ajoute qu’une lettre de 2009 antérieure de plus d’un an au contrat du 15 novembre 2010 dont il est demandé exécution, ne saurait prouver que Monsieur X exerçait bien ses fonction à partir de la date d’entrée en vigueur dudit contrat, que le demandeur ne produit la preuve d’aucune exécution postérieurement à l’entrée en vigueur de ce contrat.

Sur ce,

En application de l’ancien article 1315 du code civil, devenu l’article 1353, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il est constant que Monsieur A X a conclu avec la SA LES EDITIONS D le 15 novembre 2010 un contrat « de directeur de collection » aux termes duquel Monsieur A X avait pour mission de diriger une collection portant sur l’aspect commercial et la vie en entreprise pour le grand public.

En contrepartie « des idées qu’il apportera et de son activité au bénéfice de la collection » le contrat stipule que le « directeur bénéficiera d’un intéressement proportionnel aux recettes provenant de l’exploitation des livres de la collection » à hauteur « de 2% du prix public HT pour chaque exemplaire définitivement vendu des livres publiés ». En outre, il est stipulé dans le contrat que le « compte des droits dus à l’auteur sera arrêté le 31 décembre de chaque année ».

Il ressort de ce contrat que celui-ci s’apparente, non à un contrat de travail, mais à un contrat d’auteur spécifique aux termes duquel la rémunération de Monsieur A X était prévue sous forme de droits d’auteur, celui-ci ayant cédé à l’éditeur « l’ensemble des droits de reproduction, d’adaptation et de représentation afférents à ses contributions ».

Ce faisant, ce contrat, comme les autres contrats d’édition, a été inclus dans le transfert du fonds de commerce au profit de la SARL LES EDITIONS D de telle sorte que cette dernière est tenue contractuellement après ce transfert des obligations y afférents.

La preuve de l’existence de ce contrat ainsi rapportée, il appartient à la SARL LES EDITIONS D qui s’estime libérée de ses obligations, de prouver que Monsieur A X n’a pas exécuté ou imparfaitement exécuté ses propres obligations contractuelles, ce qu’elle ne fait nullement, pas plus qu’elle ne justifie d’une résiliation antérieure dudit contrat.

Il convient en conséquence de considérer que la SARL LES EDITIONS D a également manqué à ses obligations envers Monsieur A X au titre de ce contrat qui s’est poursuivi après le rachat du fonds de commerce de la la SA LES EDITIONS D.

Sur la perte de confiance et la violation de l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi :

Monsieur A X soutient que l’absence de réponse aux courriers et mises en demeure de la société EDITIONS D témoigne d’une mauvaise foi proche de l’intention de nuire, que son attitude négligente et fautive contrevient en tous points au rôle de protection et de gardien des droits de l’auteur, qui lui incombe originellement. Elle ajoute que cette attitude s’explique par un manque de disponibilité du seul interlocuteur et animateur de la société

EDITION D, Monsieur B C, qui est très peu disponible pour répondre aux demandes de l’auteur et assumer pleinement les rôles et obligations d’un professionnel de l’édition en raison d’autres activités qu’il exerce, et donc que Monsieur X ne peut plus faire confiance aux éditions D puisqu’elles ne sont pas en mesure de remplir leurs fonctions d’éditeur.

Il rappelle que la négligence délibérée des éditions D ces dernières années a suscité le mécontentement de plusieurs autres auteurs qui ont alerté la Société des gens de lettres. Il ajoute que la perte de confiance est aussi, une nouvelle fois, illustrée par la modification du prix de l’ouvrage « L’art de la vente : les fondamentaux », ainsi que la réédition d’un ouvrage non autorisée par Monsieur X, qui ne saurait avoir confiance en un éditeur prenant des décisions d’une telle envergure sans préalablement le consulter.

La SARL LES EDITIONS D fait valoir que le demandeur ne rapporte la preuve d 'aucune mauvaise foi de la part de la société D, que Monsieur X indique lui-même que « ces nombreuses activités permettraient de mieux comprendre l’absence et le silence de Monsieur B C en tant que seul gérant, responsable et animateur » des Editions D, donc par conséquent le demandeur lui-même constate qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise foi de son éditeur, qu’il n’y a donc ni intention de nuire ni perte de confiance réciproque. Elle ajoute qu’il se contente de dénigrer le dirigeant et la défenderesse, sans rapporter aucune preuve au soutien de ses allégations, et que Monsieur X sait pertinemment que la majorité des prétendues violation qu’il invoque seraient le fait de la société SA LES EDITIONS D contre laquelle il n’a jamais intenté d’action et qu’il n’a pas attrait aux présentes, donc que les conditions exigées par la jurisprudence invoquée par le demandeur n’étant pas réunies, sa demande est dépourvue de fondements.

Sur ce,

Il ressort des pièces versées que Monsieur A X a, à plusieurs reprises depuis 2012, sollicité de son éditeur des explications sur les conditions d’exploitation de ses ouvrages ainsi que sur le paiement des droits d’auteur ou encore sur l’arrêté des comptes sans que la SARL LES EDITIONS D ne justifie avoir répondu à ces demandes réitérées, si ce n’est dans le cadre de la présente instance.

Une telle attitude atteste, si ce n’est d’une mauvaise foi, l’intention de nuire de la SARL LES EDITIONS D n’étant pas prouvée, d’une négligence manifeste et fautive dans le suivi de la relation contractuelle.

Sur la sanction applicable à ces divers manquements ;

Conformément aux motifs précités, la résiliation des contrats doit être appréciée, conformément au droit commun, et notamment s’agissant de contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations fixée au 1er octobre 2016, selon les exigences de l’ancien article 1184 du code civil.

Aux terme de cet article, la condition résolutoire est toujours sous- entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement et « la résolution doit être demandée en justice ».

Il appartient donc au tribunal d’apprécier si l’inexécution de ses obligations par la SARL LES EDITIONS D est suffisamment grave pour emporter la résiliation des contrats litigieux.

A cet égard, il y a lieu de constater que la SARL LES EDITIONS D a manqué à plusieurs des obligations essentielles des contrats d’édition en omettant de procéder à une reddition complète et précise des comptes à Monsieur A X générant une incertitude quant aux droits d’auteur lui restant dus mais aussi en n’assurant nullement le suivi de l’exploitation pour six de ses ouvrages et en ne répondant pas aux demandes d’explication réitérées de ce dernier.

Le cumul de ces manquements constitue une inexécution grave des obligations incombant à la SARL LES EDITIONS D en sa qualité d’éditeur et justifie dès lors la résiliation de l’ensemble des contrats d’édition et contrats de cession des droits d’adaptation audiovisuelle et plus précisément des contrats portant sur les ouvrages « l’évaluation du personnel » (contrat d’édition du 19 février 2002) ; « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente » (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 16 avril 2004) ; « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » (contrat d’édition 16 octobre 2006) ; « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et protocole pour les managers » (contrat d’édition du 2 mars et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle 2008) ; « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir-faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » (contrat d’édition du 10 novembre et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle 2009) ; « l’art de la vente : les fondamentaux : 77 préceptes de la vente » (contrat d’édition du 3 décembre 2010) ; « guide des 100 conseils malins pour entreprendre et bien plus : pour faire partie de ceux qui survivent à la première année » (paru le 30 novembre 2012) ; « guide des 100 règles d’or et un peu plus du savoir- vivre dans les affaires » (paru le 30 novembre 2012) ; « vendre mieux pour vendre plus » (non paru) ainsi que du contrat de directeur de collection du 15 novembre 2010.

Sur les demandes d’information et indemnitaires

Monsieur A X sollicite la communication complète et justifiée des comptes d 'exploitation de ses ouvrages sur les exercices 2010 à 2014 afin de déterminer la créance exacte de redevances de droits d’auteur due et demande également le paiement de dommages- intérêts, soutenant que la société EDITIONS D retient abusivement les droits d’auteur, en ce que l’absence totale de reddition des comptes et de versements de redevances de droits d’auteur pour les années 2012, 2013 et 2014 prive l’auteur d’informations et de revenus légitimes, bloqués abusivement par l’éditeur qui alimente ainsi artificiellement sa trésorerie de fonctionnement au préjudice de Monsieur X, et que suivant les statistiques de vente de ces ouvrages pour le mois de février 2014, les ventes seraient importantes,

ce qui représente un véritable manque à gagner pour l’auteur.

Monsieur X ajoute que la socié té EDITIONS D bloque l’exploitation des ouvrages épuisés et que le maintien de l’indisponibilité des ouvrages « l’évaluation du personnel » et « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie », et la non exploitation de l’ouvrage «Vendre mieux pour vendre plus» lui causent un important préjudice financier correspondant au manque à gagner s’élevant à 10% du prix public H.T sur chaque ouvrage pour la vente des 5.000 premiers exemplaires et de 12% à compter de 5 001 exemplaires.Il estime également avoir subi un préjudice moral, prétendant que l’éditeur qui ne transmet pas un état détaillé des relevés de comptes l’a privé de la possibilité de contrôler leur exactitude et de suivre l’évolution de son œuvre et sa réception par le public. Il considère que la carence de l’éditeur est nuisible à sa carrière et à sa réputation en ce qu’il intervient régulièrement auprès des professionnels de la vente en tant qu’enseignant ou consultant et que ses auditeurs sont autant d’acheteurs potentiels qui ne peuvent avoir accès à ces ouvrages en raison de l’absence de disponibilité, cette situation nuisant gravement à sa réputation et à sa crédibilité.

La société EDITIONS D expose qu’elle n’a jamais bloqué l’exploitation d’ouvrages épuisés, que la mention à son catalogue d’ouvrages qui ont été publiés, même s’ils sont potentiellement épuisés, ne bloque pas l’exploitation d’une œuvre, et que le prétendu blocage n’est pas prouvé et le calcul du préjudice non explicité. Elle ajoute qu’aucun préjudice moral n’est justifié par le demandeur qui dispose de manuels vendus par de plus grandes maisons d’édition spécialisées dans le domaine de l’éducation, qu’il ne peut donc raisonnablement prétendre que la société SARL LES EDITIONS D l’aurait privé d’une visibilité auprès de son public et que les demandes ne sont ni individualisées ni chiffrées.

La société EDITIONS D considère que la mesure d’interdiction demandée est sans fondement, qu’une demande in futurum en considération d’une éventuelle exploitation par l’éditeur est illégale, l’éditeur s’étant toujours strictement inscrit dans le cadre d’une exploitation contractuelle, que la demande de destruction des stocks est sans fondement si ces ouvrages ne sont plus exploités et épuisés et que concernant les ouvrages les plus récents, elle est également sans fondement puisque ceux-ci sont exploités à la demande expresse et insistante de l’auteur. La société ajoute que la mesure de publication demandée est disproportionnée et sans rapport avec l’objet du litige, qu’elle a pour seul objet d’obtenir une condamnation punitive et non pas la réparation d’un préjudice.

Sur ce,

En application de l’ancien article 1147 du code civil, devenu l’article 1231-1, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Conformément à l’ancien article 1149 du code civil, devenu l’article 1231-2, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de

la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

En l’espèce, l’absence d’exploitation continue de plusieurs ouvrages de Monsieur A X l’a privé de revenus potentiels et préjudicie à sa réputation de telle sorte qu’il est fondé à solliciter la condamnation de la SARL LES EDITIONS D au paiement de dommages et intérêts qui seront évalués à la somme globale provisionnelle de 2 000 euros.

Il sera également fait interdiction à la défenderesse d’éditer à l’avenir les ouvrages litigieux et ordonné à la SARL LES EDITIONS D de communiquer au demandeur sous astreinte dans les conditions précisées au présent dispositif pour l’ensemble des ouvrages édités par elle un état des comptes pour les années 2010, 2011, 2013 et 2014 mentionnant pour chacun des ouvrages le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en fin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur et le montant des redevances due ou versées à l’auteur.

En revanche, le surplus des demandes sera rejeté et notamment les mesures de destruction des stocks et de publication, comme n’étant nullement nécessaires en l’espèce à la réparation du préjudice subi.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de condamner la SARL LES EDITIONS D, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, elle doit être condamnée à verser à Monsieur A X, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 5 000 euros.

Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire qui apparaît compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe en premier ressort et par jugement contradictoire,

— PRONONCE la résiliation des contrats d’édition et contrats de cession des droits d’adaptation audiovisuelle portant sur les ouvrages suivants :

- « l’évaluation du personnel » (contrat d’édition du 19 février 2002); - « l’essentiel de la vente : les 60 préceptes fondamentaux de la vente

» (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 16 avril 2004) ;

— « gestion du temps : manager son travail, manager sa vie » (contrat d’édition 16 octobre 2006) ; – « guide du savoir-vivre dans les affaires : étiquette, savoir-vivre et protocole pour les managers » (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 2 mars 2008) ;  – « le savoir vendre de l’auto-entrepreneur : 100 conseils et savoir- faire à pratiquer pour ne pas faire partie de ceux qui ne survivront pas à la première année » (contrat d’édition et contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle du 10 novembre 2009) ;

- « l’art de la vente : les fondamentaux : 77 préceptes de la vente » (contrat d’édition du 3 décembre 2010) ; – « guide des 100 conseils malins pour entreprendre et bien plus : pour faire partie de ceux qui survivent à la première année » (paru le 30 novembre 2012) ;

- « guide des 100 règles d’or et un peu plus du savoir-vivre dans les affaires » (paru le 30 novembre 2012) ; – « vendre mieux pour vendre plus » (non paru) ;

— PRONONCE la résiliation du contrat de directeur de collection en date du 15 novembre 2010. – ENJOINT à la SARL LES EDITIONS D, sous astreinte de 50

euros par jour de retard pendant 90 jours à compter de l’expiration du délai d’un mois courant dès la signification du présent jugement, de communiquer à Monsieur A X, pour l’ensemble des ouvrages précités (sauf pour l’ouvrage “vendre mieux pour vendre plus”) et sous réserve de leur édition à ces dates, un état des comptes pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en fin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur et le montant des redevances dues ou versées à l’auteur ;

— DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;

— CONDAMNE la SARL LES EDITIONS D à payer à Monsieur A X la somme provisionnelle de 2000 euros à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi et dit que les parties pourront saisir à nouveau par voie d’assignation le tribunal en cas de désaccord sur le calcul définitif des dommages-intérêts selon ce que les éléments ci-dessus produits auront pu révéler ;

— FAIT interdiction à la SARL LES EDITIONS D d’éditer à compter du présent jugement l’ensemble des ouvrages précités ;

— DEBOUTE Monsieur A X pour le surplus de ses demandes ;

— CONDAMNE la SARL LES EDITIONS D à payer à Monsieur A X la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNE la SARL LES EDITIONS D aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 02 Juin 2017

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 2 juin 2017, n° 15/14903