Tribunal de grande instance de Rennes, 2e chambre civile, 1er octobre 2018, n° 15/7395

  • Absence de risque de confusion dans l'esprit du public·
  • L'absence totale de distinctivité des termes·
  • Similitude des noms de domaine·
  • Activités similaires·
  • Concurrence déloyale·
  • Nom de domaine·
  • Marque·
  • Artisan·
  • Site·
  • Contrefaçon

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www.quantic-avocats.com · 6 novembre 2018

Imitation d'un nom de domaine : faute de distinctivité, pas de risque de confusion ! A l'heure où la visibilité sur internet devient une priorité pour les entreprises, il est utile de rappeler les critères essentiels à la démonstration d'actes de concurrence déloyale du fait de l'imitation du nom de domaine d'un concurrent ; un rappel bienvenu par un arrêt rendu le 1er octobre 2018 par le TGI de Rennes. En l'espèce, une société prétendait être titulaire de la marque française « Les Artisans Déménageurs ». Elle exerçait également à partir du site internet www.lesartisansdemenageurs.com …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Rennes, 2e ch. civ., 1er oct. 2018, n° 15/7395
Juridiction : Tribunal de grande instance de Rennes
Numéro(s) : 15/7395

Texte intégral

Le 9 avril 2009, la Sarl Daily Call, sise .. rue ….. ….. à …….. a déposé à l’INPI la marque “Les Artisans Déménageurs” dans la classe 39 “Organisation de voyages ; distribution de journaux ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; réservation pour les voyages”.

Elle exploite un site dont l ’adresse URL est www.lesartisansdemenageurs.com et dont l’activité consiste à mettre en relation des internautes avec les sociétés de déménagement appartenant à son réseau.

La Sarl GV Communication gérée par M. X., a créé en 2010 un site internet spécialisé dans l’organisation de déménagements sous l’URL www.artisans-demenageurs.com

Elle a par la suite cédé ce site à la société Picard Déménagement dont M. X. est également gérant.

La société Ariase Group (devenue par la suite la SA BeMOve, mais qui sera nommée dans la présente décision Ariase), prétendant être devenue titulaire de la marque “Les Artisans Déménageurs” par l’effet d’une fusion/absorption, a d’abord mis en demeure la société Picard Déménagement de cesser toute utilisation des termes “artisans déménageurs” sur son site, en vain.

Par acte délivré le 10 novembre 2015, Ariase a fait assigner M. X. et les sociétés GV Communication et Picard Déménagement devant ce tribunal.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2017, Ariase Group devenue la SA BeMove demande au tribunal, aux visas des articles L711-1 et s., L712-1 et s., L713-1 et s. et L716-1 et s. du Code de la propriété intellectuelle et anciens 1382 et 1383 du Code civil, de :

Avant dire droit, s’il l’estime nécessaire

DONNER INJONCTION aux sociétés GV Communication et Picard Déménagement de produire aux débats leur comptabilité afférente à l’exploitation du site www.artisans-demenageurs.com DESIGNER tel expert qu’il lui plaira afin de procéder à l’évaluation comptable du préjudice financier subi par la société Ariase Group du fait de l’utilisation du site www.artisans-demenageurs.com ;

A titre préliminaire

DIRE ET JUGER la société Ariase Group recevable à agir ;

DIRE ET JUGER recevable la mise en cause de M. X. et de la Société GV Communication

A titre principal

DEBOUTER Monsieur X., la société GV Communication et la société Picard Déménagement de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

DIRE ET JUGER que les agissements de Monsieur X., des sociétés GV Communication et Picard Déménagement tels qu’exposés ci-dessus constituent des faits de contrefaçon de la marque « Les Artisans Déménageurs » dont la société Ariase Group est titulaire des droits ;

DIRE ET JUGER valable et distinctive la marque française n°09 3 643 421 « Les Artisans Déménageurs » dont la société la société Ariase Group est titulaire ;

En conséquence

CONDAMNER solidairement Monsieur X., les sociétés GV Communication et Picard Déménagement à payer à la société Ariase Group la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes des contrefaçon ;

ORDONNER le transfert de propriété du site inscrit sous le nom de domaine « artisans-demenageurs.com » entre les mains de la société Ariase Group ;

A tout le moins

INTERDIRE à Monsieur X., aux sociétés GV Communication et Picard Déménagement l’utilisation du nom de domaine litigieux et de reproduire sur le site concerné les termes assimilables à la marque « Les Artisans Déménageurs » et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

Subsidiairement

DIRE ET JUGER que Monsieur X., les sociétés GV Communication et Picard Déménagement se sont livrés à des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Ariase Group ;

En conséquence

CONDAMNER solidairement Monsieur X., les sociétés GV Communication et Picard Déménagement à payer à la société Ariase Group la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et moral qui en découle ;

CONDAMNER Monsieur X. et les sociétés GV Communication et Picard Déménagement à cesser leurs agissements sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

En tout état de cause

CONDAMNER solidairement Monsieur X., les sociétés GV Communication et Picard Déménagement à payer à la société Ariase Group la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement les mêmes aux entiers dépens.

La demanderesse objecte à la fin de non recevoir tirée de son défaut de qualité à agir que la marque a bien été enregistrée sous l’ancienne dénomination sociale de la société Daily Call, la cour de cassation estimant que l’absence de mention de changement d’adresse ou dénomination sociale au registre national des marques n’affecte pas la qualité de propriétaire d’une marque. Elle ajoute qu’elle resterait quoiqu’il en soit recevable à agir en concurrence déloyale.

S’agissant de la mise hors de cause de M. X. et de GV Communication, elle réplique que le premier, en sa qualité de gérant a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, dont il est responsable à titre personnel et que la seconde a bien été antérieurement, propriétaire du site litigieux.

Elle soutient que les défendeurs ont commis des actes de contrefaçon par reproduction ou imitation de la marque française “Les Artisans Déménageurs” régulièrement enregistrée à l’INPI, par reproduction des signes – peu important l’utilisation de tirets – dès lors similaires sur les plans visuel, conceptuel et phonétique. Elle ajoute qu’au delà du principe de spécialité, la protection s’étend aux produits et services similaires et que pour le public de référence, les services proposés par elle et ceux proposés par les défendeurs sont similaires. Elle conclut que de l’identité des signes utilisés et de la similarité des services, découle nécessairement un risque de confusion chez le consommateur d’attention moyenne, qui peut légitimement croire entre autres qu’elle-même aurait consenti aux défendeurs une licence de marque.

Elle affirme que sa marque ne peut être déclarée nulle pour défaut de distinctivité dès l’instant que le vocable déménageur est distinct du terme générique désignant le métier puisqu’il renvoie à une activité d’établissement de devis et mise en relations des utilisateurs avec des entreprises de déménagement membres du réseau. Elle ajoute que le pluriel et le déterminant “Les” renvoient précisément à l’idée de réseau ce qui tend à distinguer la marque des termes usuels qui la composent. Elle précise encore que la marque ne décrit pas les services désignés et que le caractère distinctif peut s’acquérir par l’usage intensif, le cas en l’espèce, “Les Artisans déménageurs étant le 1er réseau de déménageurs indépendants en France et en Europe.

A titre subsidiaire, elle invoque la concurrence déloyale compte tenu de l’utilisation d’un nom de domaine et d’un site entraînant un risque de confusion avéré, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est critiquée, n’étant cette fois pas une condition du bien fondé de la demande, mais un critère d’appréciation du risque de confusion. Or, l’utilisation de l’adresse www.artisans-demenageurs.com alors qu’elle même utilise www.lesartisansdemenageurs.fr crée à l’évidence un tel risque, ainsi que les mentions “Artisans Déménageurs” sur les pages du site, le tout relevant d’un détournement d’une partie d’internautes en anticipant les erreurs dans la saisie du nom de l’adresse, tout en escomptant profiter d’un référencement avantageux par le moteur de recherche.

Ariase estime que les actes de contrefaçon ont entraîné pour elle un préjudice économique lié à son manque à gagner et ses pertes ainsi qu’une atteinte à son image et sa réputation et que la concurrence déloyale engendre nécessairement un trouble commercial. Elle souligne qu’en regard, les faits ont permis aux défendeurs de faire des économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels.

Elle annonce que son site a subi une forte diminution de fréquentation à l’apparition du site concurrent, et une recrudescence lorsqu’il a été temporairement indisponible, diminution corrélée par une baisse du chiffre d’affaire, qui la conduit à chiffre son préjudice à environ 200.000 € mais à solliciter le cas échéant une expertise aux fins d’évaluation.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2017, les Sarl GV Communication et Picard Déménagement et M. X. demandent au tribunal, aux visas des articles L714-3, L714-7 et 711-2 et s. Du Code de la propriété intellectuelle, 122 du Code de procédure civile et 1382 et s. anciens du Code civil, de :

A titre liminaire

DIRE ET JUGER que la société Ariase Group ne justifie pas de qualité pour agir.

DIRE ET JUGER que M. X. et la société GV Communication sont étrangers à la présente instance.

En conséquence

DIRE ET JUGER irrecevables les demandes, fins et conclusions de la société Ariase Group. PRONONCER la mise hors de cause de M. X. et la société GV Communication.

Subsidiairement

DIRE ET JUGER que la marque «Les Artisans Déménageurs» est dépourvue de tout caractère distinctif.

En conséquence

DIRE ET JUGER que l’utilisation des termes « artisans déménageurs » n’est pas constitutif d’un acte de contrefaçon.

DIRE ET JUGER que l’utilisation des termes « artisans déménageurs » n’est pas constitutif d’un agissement déloyal.

PRONONCER la nullité de la marque « Les Artisans Déménageurs», enregistrée sous le numéro 3643421.

DÉBOUTER la société Ariase Group de toutes ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire

DIRE ET JUGER que la société Ariase Group ne justifie d’aucun préjudice et l’en débouter.

En tout état de cause

CONDAMNER la société Ariase Group aux entiers dépens.

CONDAMNER la société Ariase Group à payer à la société Picardie (sic) Déménagement la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du CPC.

Les défendeurs soulèvent d’abord la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir d’Ariase au motif que c’est la société Daily Call qui a déposé la marque objet du litige, et que quand bien même est-il affirmé qu’Ariase aurait bénéficié du transfert de la marque par fusion/absorption, la preuve n’en est pas rapportée, la notice INPI ne mentionnant d’ailleurs pas de cession ou transfert de titularité. Ils ajoutent que les extraits du BODACC produits ne démontrent pas le transfert de la marque “Les Artisans Déménageurs” par la seule fusion de la société Ariase ayant entraîné cession de certains noms commerciaux, toute transmission des droits devant être inscrite au registre des marques pour être opposable aux tiers.

Ils sollicitent en outre la mise hors de cause de M. X. et de GV Communication dès lors que ni l’un ni l’autre n’exploitait le site litigieux au jour de l’assignation.

Au fond, ils estiment que la marque n’est pas distinctive dès lors que les termes d’artisan déménageur ne sont que l’appellation du corps de métier dont relèvent ses activités, ainsi que la demanderesse l’illustrait elle-même dans son assignation en évoquant le “métier d’artisan déménageur”, termes largement repris sur nombreux de sites internet dédiés voir dans l’adresse utilisés par de nombreux sites idoines, ce qui démontre d’ailleurs l’absence de risque de confusion tant les termes sont communément employés. Ils font observer que la marque a d’ailleurs été déposée dans la classe 39 “Organisation de voyages ; distribution de journaux ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; réservation pour les voyages” qui ne correspond en rien aux activités d’Ariase. Elle objecte encore que l’utilisation du pluriel, d’un déterminant ou encore de majuscule ne confère pas un caractère distinctif à une appellation purement descriptive.

Ils ajoutent que Ariase ne saurait revendiquer l’acquisition de la distinctivité par l’usage, procédant par affirmation sans rien démontrer de son usage et de sa visibilité.

Par ailleurs, ils sollicitent reconventionnellement la nullité de la marque, pour ce même défaut de distinctivité.

Enfin, ils concluent au rejet de la demande fondée sur la concurrence déloyale, au motif qu’elle est exclusive de l’action en contrefaçon, s’agissant des mêmes faits. Ils ajoutent que l’utilisation d’un nom de domaine proche de celui d’un concurrent, peut relever de la concurrence déloyale, mais à la condition que le nom de domaine soit distinctif condition sine qua none de sa protection. Ils ajoutent que la reproduction des fonctionnalités ou de l’apparence générale du site, n’est ni démontrée ni explicitée. Ils avancent encore que les manoeuvres dont on les accuse avec pour but de détourner la clientèle repose sur un tableau établi sur une feuille volante dénuée de force probante et que l’avantage lié au référencement du moteur de recherche n’est nullement démontré par le procès-verbal de constat d’huissier.

M. X. et les sociétés GV Communication et Picard Déménagement soulignent enfin que le préjudice n’est pas davantage démontré, ni la prétendue baisse de fréquentation du site d’Ariase (sans corrélation temporelle avec le commencement du leur), ni la prétendue atteinte son image et sa réputation. Ils estiment que le chiffrage de son préjudice repose sur des calculs abscons.

DISCUSSION

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

L’article 122 du Code de procédure civile dispose que “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée”.

L’article 31 du même code précise “L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé”, l’article 32 d’ajouter “Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.”

Plus précisément, l’article L716-1 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que “l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit”.

Il s’en déduit que seul le propriétaire de la marque – en dehors du bénéficiaire d’un droit exclusif dont il n’est présentement pas question – a qualité pour agir en contrefaçon. Encore faut-il pour ce faire, démontrer son droit de propriété sur la marque.

La marque “Les Artisans Déménageurs” a été déposée le 09 avril 2009 par la Sarl Daily Call sise .. rue ….. ….. à ………

Ariase produit deux extraits de BODACC, l’un du 29 mai 2015 évoquant une fusion/ absorption par absorption de la société absorbée Ariase Forme, Sarl sise à Cesson-Sévigné par la société absorbante Daily Call, Société anonyme sise .. rue ….. ….. à …….. le tout créant une société Ariase, l’autre en date du 09 août 2015 modifiant le nom de la société en Ariase Group.

Ariase ne communique que son propre extrait Kbis à l’exclusion de l’extrait Kbis de Daily Call comme indiqué par erreur dans ses écritures. Elle ne verse pas les statuts de l’un ou l’autre entité, ni les actes de cession, fusion ou absorption dont il est question.

Or, faute d’éléments d’information sur la réalité et la teneur de ces actes, aucune preuve n’est apportée que Ariase est bien à ce jour propriétaire de la marque dont elle revendique la protection au titre de la contrefaçon.

En effet, d’une part il convient de souligner que la société qui a déposé la marque en 2009 est la Sarl Daily Call tandis que la société absorbante en 2015 est la SA Daily Call, les deux personnes morales ayant en outre deux adresses différentes, si bien que rien ne permet d’affirmer que l’une a succédé à l’autre et que la SA Daily Call qui a fusionné pour donner Ariase était elle-même propriétaire de la marque.

D’autre part, faute de pièces justificatives attestant de ce que les droits de propriété intellectuelle étaient dans le patrimoine de l’une ou l’autre des sociétés au moment de la fusion, rien ne permet d’exclure que les dits droits n’ont pas été cédés antérieurement.

La demanderesse ne démontrant pas être propriétaire de la marque “Les Artisans Déménageurs”, elle ne peut qu’être déclarée irrecevable en son action en contrefaçon faute de prouver sa qualité à agir.

Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque

Cette demande étant présentée à titre subsidiaire par rapport à la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir, laquelle a été retenue, s’agissant de la seule action en contrefaçon, la présente demande ne sera pas examinée.

Sur l’action en concurrence déloyale

L’article L716-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que “les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire”.

En outre, aux termes de l’article 1382 devenu 1240 du code civil “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

Cependant, pour caractériser l’acte ou les actes constitutifs de la concurrence déloyale, il faut établir un ou des actes distincts de ceux constitutifs de la contrefaçon. Au-delà de l’éventuelle reproduction, l’auteur d’une concurrence déloyale doit avoir enfreint la loyauté nécessaire à l’exercice du commerce ou avoir accompli des actes déloyaux distincts de la reproduction elle-même.

Ariase invoque la concurrence déloyale pour l’utilisation du nom de domaine et du site internet, laquelle est de nature à entraîner un risque de confusion lié au caractère original ou distinctif des éléments reproduits et ajoute que les défendeurs ont détourné sa clientèle tout en profitant de son référencement avantageux.

Ariase utilise le nom de domaine www.lesartisansdemenageurs.fr tandis que Picard Déménagement utilise l’adresse www.artisans-demenageurs.com. Il n’est en outre pas contesté que Ariase utilise le premier site, créé en 2009, soit avant le second site, utilisé par les défendeurs.

Quand bien même les organismes chargés d’enregistrer les noms de domaine refuseraient de se livrer à un examen de leur caractère distinctif, il n’en demeure pas moins que les noms de domaine sont soumis à l’exigence de distinctivité laquelle influe en effet sur sa protection dès lors que le risque de confusion invoqué en découle.

En outre, le nom de domaine étant protégé sur le fondement de l’action en concurrence déloyale, elle-même issue de l’action en responsabilité délictuelle de droit commun, le réservataire d’un nom de domaine ne peut reprocher à un tiers de faire usage d’un signe postérieur, identique ou similaire au sien, qu’à condition d’établir l’existence d’une faute préjudiciable commise par ce tiers. Or si le nom de domaine n’est constitué que d’un terme générique ou descriptif, son utilisateur ne peut faire grief à un tiers d’avoir commis une faute en utilisant le même terme afin de désigner des produits, services ou activités identiques ou similaires.

Il s’en déduit que les termes nécessaires ou utiles à la désignation ou à la description des produits, services ou activités proposés, appartiennent au domaine public et doivent rester à la disposition de tous si bien que nul ne peut être considéré comme fautif de l’avoir utilisé.

En l’espèce, il y a lieu de constater que le nom de domaine utilisant les termes artisans déménageurs, s’agissant d’une activité consistant à établir en ligne des devis de déménagement et à mettre en relation le candidat au déménagement avec l’un des déménageurs membres du réseau, est purement descriptif, et ne présente aucun caractère distinctif. Le terme déménageur renvoie en effet au métier auquel il est question de recourir, et le terme artisan renvoyant à un certain savoir- faire doublé d’une proximité, le tout étant censé inspirer la confiance du consommateur.

Il en résulte d’une part que les termes artisans et déménageurs sont largement utilisés sur les sites professionnels dédiés au déménagement, ainsi qu’en atteste par exemple le site répondant à l’adresse URL www.artisan-demenageur.fr de même que largement repris par les société dédiées à cette activité dans leurs dénominations, y compris déposées à l’INPI.

L’examen des captures d’écran contenues dans le procès-verbal de constatations d’huissier du 06 novembre 2015 montre en outre que s’agissant d’Ariase, les termes “Les Artisans Déménageurs” sont systématiquement repris avec un visuel elliptique sous forme d’une ligne évoquant le toit d’une maison, tandis que le site utilisé par Picard Déménagement mentionne de manière apparente le mot “Picard”, adossé à la forme d’une maison avec cheminée et fenêtre.

Il en découle que l’internaute qui tape les mots artisan(s) déménageur(s), cherche soit une entreprise de déménagement, auquel cas il choisit l’une ou l’autre des propositions que lui fait le moteur de recherche, soit la société correspondant à “Les Artisans Déménageurs”, auquel cas, il ne peut à aucun moment se méprendre sur le site auquel il doit se connecter.

Les activités sont bien les mêmes, tout du moins en partie, mais les sites réellement différents, et l’absence totale de distinctivité des termes utilisés pour les noms de domaine ainsi que les différences d’apparence, excluent qu’il puisse y avoir le moindre risque de confusion.

En outre, cette absence de distinctivité permet également d’exclure toute faute.

En conséquence, Ariase ne peut qu’être déboutée de sa demande fondée sur la concurrence déloyale.

La demanderesse succombant elle sera tenue aux entiers dépens ainsi qu’à payer à la société Picard Déménagement, la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

DÉCISION

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

DECLARE IRRECEVABLE l’action de la SA BeMove (anciennement Ariase Group) en contrefaçon de la marque “Les Artisans Déménageurs”, faute de démontrer sa qualité à agir.

DEBOUTE la SA BeMove (anciennement Ariase Group) de sa demande en concurrence déloyale.

CONDAMNE la SA BeMove (anciennement Ariase Group) à payer à la Sarl Picard Déménagement la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la SA BeMove (anciennement Ariase Group) aux entiers dépens.

Le Tribunal : Mélanie Frenel (vice-présidente), Sabine Morvan (vice-présidente), Philippe Boymond (vice-président), Aline Savin (greffier), Christine Thebault (greffier)

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