Tribunal Judiciaire de Lille, Chambre 04, 19 février 2024, n° 22/05933

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Lille, ch. 04, 19 févr. 2024, n° 22/05933
Numéro(s) : 22/05933
Importance : Inédit
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 25 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

— o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04

N° RG 22/05933 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WPPN

JUGEMENT DU 19 FEVRIER 2024

DEMANDEUR :

M. [S] [Z]

[Adresse 8]

[Localité 10]

représenté par Me Stéphane ROBILLIART, avocat au barreau de LILLE

Mme [K] [V] épouse [Z]

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentée par Me Stéphane ROBILLIART, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [R] [B]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Didier DARRAS, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente

Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente

Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 Mars 2023.

A l’audience publique du 04 Décembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 19 Février 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Février 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [B] est propriétaire d’un vaste ensemble immobilier sis [Adresse 5] à Aubers.

M. [S] [Z] et Mme [K] [V] épouse [Z], ci-après les époux [Z], sont propriétaires d’une habitation dont le terrain jouxte la propriété de M. [R] [B]. Ils se sont montrés intéressés par l’achat d’une partie de la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2] appartenant à M. [R] [B] et se sont rapprochés de celui-ci, par l’intermédiaire de leur notaire, pour connaître ses intentions de vente.

Par courrier du 19 février 2021, M. [R] [B] s’est engagé à vendre aux époux [Z] une parcelle de terre sise à [Localité 10] d’environ 500 m2 (à prendre dans la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2]) donnant front à [Adresse 11] entre le numéro [Cadastre 9] et le numéro [Cadastre 1], moyennant le prix net vendeur de 10.000 euros.

Le 6 août 2021, Me [J], notaire des époux [Z], a sollicité M. [R] [B] afin de régulariser l’acte de vente.

Par courrier du 30 août 2011 adressé à l’assureur des époux [Z], M. [R] [B] a indiqué qu’en l’absence d’accord écrit de la part des époux [Z], aucun accord sur la chose et le prix n’est intervenu de sorte que sa proposition de vente n’était plus d’actualité.

Par courrier recommandé en date du 25 octobre 2021, le conseil des époux [Z] a mis en demeure M. [R] [B] de réitérer l’acte de vente dans un délai de quinze jours.

En l’absence de suite favorable donnée à ce courrier, suivant exploit délivré le 13 janvier 2022, M. [S] [Z] et Mme [K] [V] épouse [Z] ont fait assigner M. [R] [B] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de vente forcée.

Suivant ordonnance en date du 17 mars 2022, et après avoir reçu l’accord des parties, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation. L’affaire a été retirée du rôle le 18 mai 2022.

A la demande des époux [Z] reçue le 5 septembre 2022, l’affaire a été réinscrite au rôle.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 7 novembre 2022 pour les époux [Z] et le 28 février 2023 pour M. [R] [B].

La clôture des débats est intervenue le 15 mars 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 4 décembre 2023.

****

Aux termes de leurs dernières écritures, les époux [Z] demandent au tribunal de :

Vu les articles 1101, 1103, 1104, 1113, 1114, 1116, 1118, 1124, 1217, 1589, 1589-2 du code civil,

ordonner la réitération par acte authentique de la promesse de vente du 19 février 2021 que leur a consenti M. [R] [B] portant sur la parcelle sise à [Localité 10] cadastrée C N°[Cadastre 2] donnant sur front à [Adresse 11] entre le numéro [Cadastre 9] et le numéro [Cadastre 1] pour un prix net vendeur de 10.000 euros,désigner Me [N] [J], notaire, demeurant [Adresse 4] [Localité 7], qui sera chargé de la rédaction de l’acte authentique et de recueillir la signature des parties en les convoquant préalablement par lettre recommandée avec accusé de réception avec un délai de prévenance de 15 jours,dire que les parties devront déférer à la première convocation du notaire aux fins de réitération de l’acte authentique sous peine d’astreinte d’un montant de 100 euros par jour pour la partie qui ne se présenterait pas et ce jusqu’à ce qu’elle réitère l’acte,condamner M. [R] [B] à leur payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctionner sa résistance abusive et en réparation de leur préjudice moral,condamner M. [R] [B] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de publication de la présente assignation au service de la publicité foncière,condamner M. [R] [B] à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures, M. [R] [B] demande au tribunal de :

Vu les articles 1280 A du code général des impôts,

Vu l’article 1589,2 du code civil,

débouter les époux [Z] de l’ensemble de leurs demandes,condamner les époux [Z] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification juridique de l’acte du 19 février 2021

L’article 1124 du code civil définit la promesse unilatérale comme « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». Dans le cas de la vente, le vendeur prend l’engagement de vendre tandis que l’acquéreur se réserve encore un délai de réflexion. La promesse ne crée d’obligations qu’à l’égard du promettant tandis que le bénéficiaire ne contracte aucun engagement.

L’article 1589-2 du même code, qui reprend le texte de l’article 1840 A du code général des impôts, abrogé par l’ordonnance du 7 décembre 2005, prévoit qu’est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble ou à un droit immobilier si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. L’enregistrement est ainsi obligatoire pour une promesse conclue par acte sous seing privé et il est lié à la date d’acceptation de la promesse qui ne doit pas se confondre avec la levée d’option par le bénéficiaire. L’acceptation de la promesse correspond seulement au fait, pour le bénéficiaire, de prendre acte de la promesse sans aucun engagement de sa part. Généralement, cette acceptation intervient le même jour que la signature de la promesse. L’enregistrement doit intervenir dans un délai de 10 jours après cette acceptation et doit se faire auprès de la recette des impôts du domicile d’une des parties.

La promesse synallagmatique de vente est un contrat par lequel les deux parties promettent réciproquement l’une d’acheter et l’autre de vendre l’immeuble moyennant un prix déterminé. Conformément à l’article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a accord des deux parties sur la chose et sur le prix.

Les parties discutent de la qualification, et par conséquent des effets, de l’acte du 19 février 2021 par lequel M. [R] [B] s’est engagé à vendre aux époux [Z] « une parcelle de terre sise à [Localité 10]) d’environ 500 m2 (à prendre sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2]) donnant front à [Adresse 11] entre le numéro [Cadastre 9] et le numéro [Cadastre 1] moyennant le prix net vendeur de 10.000 euros ». L’acte précise que « l’acquéreur prendra en charge les frais d’acte et la division cadastrale et respectera la servitude d’écoulement (tuyaux d’écoulement des eaux dans le sol situé à moins de 0,80 sous ce passage) ». Enfin, M. [R] [B] autorise l’acquéreur à effectuer toutes les démarches concernant la division cadastrale.

Cet acte est signé uniquement de M. [R] [B]. Il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un acte sous seing privé.

Les époux [Z] considèrent que cet acte constitue une promesse synallagmatique de vente et non une promesse unilatérale de vente dès lors qu’aucun délai pour opter ne leur a été laissé. Ils font valoir que la promesse recueillait nécessairement leur acceptation puisqu’elle a été rédigée par leur propre notaire qui l’a transmise à M. [R] [B] qui lui a renvoyé signée. Ils soutiennent que l’auteur d’une promesse de vente qui a eu lieu sans limitation de temps ne peut être dégagé qu’après avoir mis celui à qui elle a été faite en demeure de l’accepter dans un délai déterminé, ce que M. [R] [B] n’a pas fait. Ils estiment donc que celui-ci ne peut révoquer sa promesse et que le contrat de vente a été formé le 22 février 2021, date à laquelle il a retourné au notaire l’acte daté du 19 février 2021.

M. [R] [B] considère quant à lui que la promesse du 19 février 2021 et nulle et de nul effet faute d’avoir été signée par les époux [Z] et enregistrée dans les 10 jours de leur acceptation.

Sur ce, il est acquis que l’initiative de l’engagement des pourparlers vient des époux [Z] qui ont souhaité, pour agrandir leur propriété, acquérir une partie de la parcelle voisine de M. [R] [B].

Il se comprend du mail du notaire des époux [Z] en date du 19 février 2021 qu’un échange téléphonique a eu lieu entre le notaire et M. [R] [B] à la suite duquel le notaire lui a transmis le document litigieux afin qu’il le signe, ce qu’il a fait. Ce document mentionne un prix de 10.000 euros sans qu’il ne ressorte des pièces versées aux débats que ce prix aurait été discuté et accepté par les époux [Z]. De la même manière, il contient des conditions quant à la prise en charge par les bénéficiaires de certains frais et quant au respect d’une servitude sans qu’il ne soit démontré que ces conditions auraient été acceptées par les époux [Z]. Il ne peut donc être considéré, comme ils le font, que leur accord sur la chose et le prix aurait été donné avant même que M. [R] [B] ne signe le document transmis par leur notaire et qu’ainsi l’acte en question serait en réalité une promesse synallagmatique de vente valant vente. Il ne peut être exclu que le promettant, lors des seuls échanges avec le notaire, ait proposé un prix et des conditions qui restaient soumis à l’acceptation des époux [Z].

En outre, il peut arriver qu’une promesse unilatérale de vente ait une durée indéterminée, c’est à dire qu’elle ne comporte pas de délai pour lever l’option comme en l’espèce, de sorte que cet élément ne peut suffire à considérer que l’acte du 19 février 2021 serait en réalité une promesse synallagmatique de vente.

L’acte du 19 février 2021 doit dès lors s’analyser comme une promesse unilatérale de vente qui n’engageait que M. [R] [B] lequel promettait de vendre une partie de sa propriété au prix de 10.000 euros.

Cet acte n’a pas été signé par les époux [Z] et aucun des éléments versés aux débats ne permet de considérer qu’ils auraient levé l’option d’achat le jour de l’envoi au notaire ou dans les 10 jours, ce qui, dans cette hypothèse aurait dispensé les parties de la formalité d’enregistrement dès lors que la promesse unilatérale de vente se serait transformée en promesse synallagmatique de vente. Tout au plus peut-il être considéré qu’une levée d’option tacite est intervenue le 11 mars 2021, date du devis de M. [W] [M], géomètre-expert, qu’ils ont mandaté aux fins de procéder à la division cadastrale, soit plus de 10 jours après la promesse.

Dès lors, s’agissant d’un acte sous seing privé, il appartenait aux parties de procéder à la formalité de l’enregistrement dans les 10 jours de l’acceptation par les bénéficiaires de la promesse, ce qui, ainsi qu’il a été dit, est distinct de la date de la levée d’option. Or, il n’est pas contesté qu’aucun enregistrement n’a été effectué. En application de l’article 1589-2 du code civil, dont les dispositions sont d’ordre public, la dite promesse est donc nulle et de nul effet et les époux [Z] ne peuvent exiger la réalisation forcée de la vente. Ils seront déboutés de leur demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les époux [Z] n’étant pas fondés à réclamer l’exécution forcée de la vente, il ne peut être reproché à M. [R] [B] une quelconque résistance abusive.

La demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […]

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […]”.

Succombant en l’instance, les époux [Z] seront condamnés aux dépens ce qui entraîne rejet de leur demande au titre des frais irrépétibles.

L’équité commande d’allouer à M. [R] [B] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute M. [S] [Z] et Mme [K] [V] épouse [Z] de l’intégralité de leurs demandes,

Condamne M. [S] [Z] et Mme [K] [V] épouse [Z] aux dépens,

Condamne M. [S] [Z] et Mme [K] [V] épouse [Z] à verser à M. [R] [B] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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