Tribunal Judiciaire de Paris, 5 décembre 2023, n° 21/15827

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bctg-avocats.com · 19 décembre 2023

Actualité jurisprudentielle : La saisine du DREETS sur la répartition du personnel et des sièges proroge de plein droit les mandats Cass. Soc., 8 novembre 2023, n°22-22.524 Lorsque la négociation menée sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges en vue des élections du CSE ne débouche sur aucun accord, l'employeur doit saisir l'administration. Cette saisine a légalement pour effet de proroger les mandats en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin et ce même si le Dreets refuse de statuer en raison d'une absence de tentative loyale de négociation. …

 
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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 5 déc. 2023, n° 21/15827
Numéro(s) : 21/15827

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS 1
1/4 social
N° RG 21/15827 N° Portalis 352J-W-B7F-CVY3T
N° MINUTE : JUGEMENT rendu le 05 Décembre 2023
Admission partielle P.R
Assignation du : 22 Décembre 2021
DEMANDERESSE
Fédération DES SYNDICATS SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES DES ACTIVITES POSTALES ET DE TELECOMMUNICATIONS (SUD PTT) […]
représentée par Maître Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0075
DÉFENDERESSE
S.A. LA POSTE […]
représentée par Maître Emmanuelle BARBARA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Catherine DESCAMPS, 1er Vice-Président Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-présidente Paul RIANDEY, Vice-président
assistés de Elisabeth ARNISSOLLE, Greffier,
Expéditions exécutoires délivrées le :
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Décision du 05 Décembre 2023 1/4 social N° RG 21/15827 N° Portalis 352J-W-B7F-CVY3T
DÉBATS
A l’audience du 19 Septembre 2023, tenue en audience publique devant Emmanuelle DEMAZIERE et Paul RIANDEY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition Contradictoire En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
La Poste est une société anonyme détenue à 66 % par la Caisse des Dépôts et à 34 % par l’État français. Avec ses filiales, elle compose un groupe multimétiers de services. Son chiffre d’affaires s’élevait en 2021 à 34,6 milliards d’euros. Elle emploie près de 250.000 collaborateurs et est organisée autour de quatre branches :
- la branche services-courrier-colis qui regroupe les activités traditionnelles de livraison de courrier relationnel et publicitaire, de presse et de colis postal ;
- GeoPost, filiale à 100 % qui regroupe les activités d’express du groupe en France et à l’international, avec pour cœur de métier le transport routier des colis en délai rapide ;
- la Banque Postale, héritière des services financiers de La Poste et également filiale à 100 % qui exerce une activité de banque-assurance
- la branche grand public et numérique qui commercialise les produits et services postaux, financiers et téléphoniques auprès des particuliers, des professionnels et des petites collectivités locales en s’appuyant sur le réseau La Poste et sur les solutions et services numériques du groupe.
Elle est soumise à la loi n°2017-399 du 27 mars 2017 codifiée aux articles L.225-102-4 et 5 du code de commerce qui impose à « Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger » un plan de vigilance relatif à leur activité et à celle de l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elles contrôlent.
Considérant que le plan de vigilance de La Poste présenté en annexe du document d’enregistrement universel 2019 ne répondait pas aux exigences légales, le syndicat SUD PTT l’a mise en demeure de s’y conformer le 9 juillet 2020.
Le 8 octobre 2020, la Poste a répondu à cette mise en demeure et fait valoir qu’elle avait respecté l’ensemble de ses obligations.
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Puis le 14 décembre 2020, le syndicat SUD PTT lui a adressé une nouvelle mise en demeure à laquelle La Poste a répondu le 5 mars 2021.
Considérant que malgré les quelques remaniements opérés, le plan de vigilance issu du document universel d’enregistrement de 2020 ne répondait toujours pas aux exigences légales, le syndicat SUD PTT, le 17 mai 2021, a de nouveau mis en demeure la Poste de se conformer à ses obligations et plus précisément : 1) de compléter le plan de vigilance en intégrant dans celui-ci :
- une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
- la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, par filiale, par service et par secteur géographique avec les indicateurs indispensables quant aux obligations de vigilance (volume des activités sous traitées, pénibilité des tâches, dépendance du Groupe La Poste par rapport à ses activités, etc.) ;
- des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques ;
- un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements établi après concertation avec les organisations syndicales ;
- des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves à la sécurité et à la santé des postiers et des sous- traitants dans des situations de crise sanitaire ainsi que les actions spécifiquement mises en œuvre pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs pendant la crise sanitaire du Covid 19,
- des mesures adéquates pour éviter les situations de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre dans le cadre de la sous-traitance et pour assurer la sécurité des sous-traitants présents sur site ;
- des mesures adéquates de prévention des risques psycho-sociaux au sein du Groupe, des filiales et des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie ;
- des mesures adéquates de lutte contre le harcèlement. 2) la mise en œuvre effective des mesures de vigilance suivantes :
- des mesures adéquates de lutte contre le harcèlement
- des mesures de lutte contre le travail dissimulé étant relevé que la société Derichebourg recourait pour l’agence d’Alfortville au travail dissimulé et qu’il est demandé au groupe La Poste, afin de mettre fin à cette situation, qu’elle lui enjoigne de se conformer à ses obligations de déclaration du personnel ou de résilier les contrats pour lesquels Derichebourg a recours au travail dissimulé et qu’il devrait en être de même pour tous les cas où le groupe est informé du recours à du travail dissimulé par ses fournisseurs ou sous-traitants
- des mesures effectives de lutte contre la sous-traitance illicite 3) d’établir un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance incluant les ressources affectées et les objectifs poursuivis et à ce titre de faire figurer dans l’évaluation de l’efficacité des risques psycho-sociaux les données anonymisées relatives à la cellule de crise et au numéro vert de la cellule psychologique.
Le syndicat SUD PTT indiquant en outre, aux termes de sa mise en demeure, que si elle devait rester infructueuse, il envisageait des actions judiciaires sur le fondement de l’article L.225-102-4 du code de commerce.
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La Poste a répondu à cette dernière mise en demeure le 30 juillet 2021 en indiquant notamment que le plan de vigilance et sa mise en œuvre faisaient l’objet d’un examen annuel dans le cadre d’une commission de dialogue social (CDSP) et qu’ainsi avait été inscrit à l’ordre du jour de la réunion de la CDSP du 11 février 2021 précédant la finalisation du nouveau plan de vigilance un compte-rendu d’exécution du précédent plan dans le but d’initier un dialogue social. Elle indiquait contester l’ensemble des griefs allégués et faisait valoir notamment que :
-SUD PTT crée une confusion entre les obligations du groupe La Poste résultant du code du travail (notamment sous-traitance et externalisation) et celles résultant de la loi relative au devoir de vigilance, que la cartographie des risques était le fruit d’un travail collectif, réévalué chaque année, la Poste étudiant les remontées des risques opérationnels, la cartographie des risques fournisseurs ainsi que les résultats de la campagne d’auto évaluation pour mettre à jours sa cartographie, ces éléments étant présentés en CDSP avant publication du plan de vigilance ;
- les documents publiés sont la consolidation des travaux menés par le groupe et n’ont pas vocation à être le reflet exhaustif de toutes les mesures entreprises au niveau opérationnel ;
- aucune obligation légale ne lui impose de publier la liste de ses fournisseurs ou sous-traitants, une telle publication étant contraire au secret des affaires ;
- un dispositif d’alerte a été mis à disposition des collaborateurs dès 2011 et a été refondu en 2019 avec un outil permettant de renforcer les garanties de confidentialité par un traitement externalisé et assurer l’uniformisation du traitement des alertes reçues, lequel a été présenté aux organisations syndicales lors de la CDSP du 25 juillet 2019 et a fait l’objet d’un examen spécifique lors de la CDSP du 11 févier 2021 sans susciter de commentaire ni de question de fond ;
- la politique relative aux risques psycho sociaux a été renforcée après concertation avec les partenaires sociaux.
Par acte extra judiciaire du 22 décembre 2021, le syndicat Sud PTT assignait la Poste devant le tribunal de céans.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA) le 12 décembre 2022, le syndicat SUD PTT demande au tribunal, au visa des articles L.225-102-4 et L.225-102-5 du code de commerce, du Code civil, et notamment ses articles 1240 et suivants de:
- DECLARER SUD PTT recevable et bien fondé en ses demandes ; Sur le fondement de l’article L.225-102-4 I et II du Code de commerce:
- D’ENJOINDRE A LA POSTE, sous astreinte de 50 000 (cinquante mille) euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, de compléter le plan de vigilance en intégrant dans celui-ci :
- une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
- la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, par filiale, par service et par secteur géographique avec les indicateurs indispensables quant aux obligations de vigilance (volume des activités sous traitées, pénibilité des tâches, dépendance du Groupe La Poste par rapport à ses activités, etc.) ;
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- des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques ;
- un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements établi après concertation avec les organisations syndicales ;
- des mesures adéquates pour éviter le travail dissimulé par les sous-traitants, les situations de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre dans le cadre de la sous-traitance et pour assurer la sécurité des sous-traitants présents sur site ;
- des mesures adéquates de prévention des risques psycho- sociaux au sein du Groupe, des filiales et des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie ;
 – des mesures adéquates de lutte contre le harcèlement ;
- un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance incluant les ressources affectées et les objectifs poursuivis. A ce titre, les données anonymisées relatives à la cellule de crise et au numéro vert de la cellule psychologique devront figurer dans l’évaluation de l’efficacité des mesures de prévention des risques psycho-sociaux.
- D’ENJOINDRE A LA POSTE, sous astreinte de 50.000 (cinquante mille) euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, de procéder à la mise en œuvre effective des mesures de vigilance suivantes :
! des mesures de lutte contre le harcèlement
! des mesures de lutte contre le travail dissimulé, y compris en résiliant immédiatement les contrats conclus avec les sous-traitants ou prestataires ayant recours à du travail dissimulé ; des mesures effectives de lutte contre la sous-traitance illicite.
- ASSORTIR le jugement de l’exécution provisoire ;
- DE CONDAMNER la société LA POSTE SA à verser à la demanderesse la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- DE CONDAMNER la société LA POSTE SA aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA) le 13 février 2023, La Poste demande au tribunal au visa de l’article L. 225-102-4 du Code de commerce et de l’article 700 du Code de procédure civile :
- DÉBOUTER le syndicat SUD PTT de l’intégralité de ses demandes;
- CONDAMNER le syndicat SUD PTT à verser à La Poste la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER le syndicat SUD PTT aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour l’exposé de leurs moyens, qui seront repris en substance dans le cadre des motifs de la présente décision.
Après clôture des débats par ordonnance du 11 avril 2023 du Juge de la mise en état, et évocation de cette affaire lors de l’audience civile collégiale du 19 septembre 2023, la décision suivante a été mise en délibéré pour être rendue le 5 décembre 2023.
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DISCUSSION
La loi n°2017-399 du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance, dont les motifs et les travaux parlementaires s’appuient sur les principes des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme adoptés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en juin 2011 et aux principes directeurs de l’Organisation de coopération du développement économique (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales, a pour objectif de renforcer les obligations des sociétés françaises en matière de prévention des atteintes graves aux droits humains, à l’environnement, à la santé et à la sécurité des personnes afin d’éviter la survenance de dommages s’y rapportant. Elle instaure une obligation de vigilance à l’égard des sociétés mères avec un périmètre étendu qui inclut non seulement les activités de la société mère mais également celle de ses filiales et celle de ses sous-traitants et fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie.
Cette législation a été codifiée aux articles L.225-102-4 et 5 du code du commerce, le premier de ces textes imposant l’instauration, le suivi, l’évaluation ainsi que la publication d’un plan de vigilance, suivant la rédaction suivante :
« I.-Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger, établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance. Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au premier alinéa sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle, au sens de l’article L. 233-3, établit et met en œuvre un plan de vigilance relatif à l’activité de la société et de l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elle contrôle. Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L.233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation. Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :
1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
2° Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques;
3° Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;
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4° Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;
5° Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. Le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en œuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l’article L.[…]. Un décret en Conseil d’Etat peut compléter les mesures de vigilance prévues aux 1° à 5° du présent article. Il peut préciser les modalités d’élaboration et de mise en œuvre du plan de vigilance, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale.
II.-Lorsqu’une société mise en demeure de respecter les obligations prévues au I n’y satisfait pas dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de les respecter. Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins ».
Le second de ces textes se rapporte au régime de responsabilité civile de la société mère et donneur d’ordre, question étrangère au présent litige.
En l’espèce, le syndicat SUD PTT a estimé que la poste n’avait pas satisfait à la mise en demeure qu’il lui avait préalablement adressée et a décidé de l’assigner devant la juridiction de céans statuant au fond.
Il convient donc, au vu du dernier plan de vigilance communiqué par la poste (plan de vigilance figurant en annexe du document d’enregistrement universel 2021) d’apprécier, point par point le bien fondé des critiques émises par le syndicat Sud PTT au regard des dispositions de l’article L.225-102-4 du code de commerce.
1) Sur la cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation
Pour mémoire, dans son courrier du 17 mai 2021, SUD PTT a mis en demeure La Poste d’établir :
- une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;
- la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, par filiale, par service et par secteur géographique avec les indicateurs indispensables quant aux obligations de vigilance (volume des activités sous traitées, pénibilité des tâches, dépendance du Groupe La Poste par rapport à ses activités, etc.).
Le syndicat Sud PTT fait valoir que la cartographie des risques telle que publiée n’est pas satisfaisante en ce qu’elle ne mentionne qu’une méthodologie et non la cartographie en elle-même, laquelle paraît pourtant exister. Il fait également valoir que, conformément à la loi, le périmètre de la cartographie doit couvrir l’ensemble des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie et que pour répondre à cette obligation la liste des fournisseurs et sous-traitants couverts par le plan doit nécessairement être publiée.
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Il soutient également que cette liste doit être effectuée par filiale, par service et par secteur géographique et doit comporter des indicateurs indispensables à savoir notamment la pénibilité des tâches sous traitées, la dépendance de la Poste par rapport à ces activités en particulier par rapport à la continuité du service et une hiérarchisation en fonction du volume des activités sous-traitées. Il ajoute que la partie intitulée résultats de la cartographie ne comporte que des considérations générales non exhaustives et sans lien systématique avec un risque identifié et ce notamment relativement aux recours au travail irrégulier dans le cadre de la sous-traitance. Il considère que le secret des affaires ne peut être opposé aux institutions représentatives du personnel qui sont astreintes à une obligation de confidentialité et qui sont parties prenantes au plan et que celles-ci, faute de connaître l’ensemble des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, ne peuvent préconiser les mesures de vigilance adaptées en termes de santé et de sécurité des travailleurs ni s’assurer de leur mise en œuvre effective.
La Poste soutient qu’elle a réalisé une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ; qu’il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire de publier une cartographie exhaustive de ces risques ; que la forme que doit revêtir cette cartographie n’est pas précisée ; qu’il en résulte que les entreprises assujetties à la Loi Devoir de Vigilance sont libres de déterminer les modalités de publication de ladite cartographie et qu’elle n’a pas l’obligation de publier l’intégralité des mesures de vigilances qu’elle déploie. Elle fait valoir qu’elle étudie de manière collégiale les risques opérationnels et ceux résultant de ses relations avec des tiers ; que dans le cadre du processus d’élaboration et de mise à jour du plan de vigilance, des échanges sont systématiquement organisés avec les organisations syndicales représentatives dont le syndicat SUD PTT, afin de leur présenter et d’échanger sur les résultats de l’évaluation des thématiques relatives au devoir de vigilance et la cartographie en résultant et que les mesures envisagées dans le cadre du plan de vigilance sont présentées avant sa mise à jour, lors des réunions annuelles organisées par la Commission du Dialogue Social à La Poste (« CDSP »). Elle souligne que dans ce cadre et alors que lors de la CDSP du 11 février 2021, elle présentait non seulement la méthodologie retenue pour conduire l’exercice cartographique, mais également les résultats détaillés de l’actualisation réalisée, cette présentation n’a suscité aucune question de fond de la part de SUD PTT. Elle ajoute que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DEU) présente, par catégorie, chacun des risques évalués dans le cadre de l’exercice cartographique, étant précisé que chacun d’entre eux est accompagné d’un descriptif permettant à chaque lecteur d’en définir les contours. Elle fait valoir également que la Loi Devoir de Vigilance ne prévoit pas l’inclusion de la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie dans la cartographie des risques et que la publication de cette liste en ce qu’elle constitue une information confidentielle à valeur stratégique pour les entreprises, se heurterait au principe même du secret des affaires. Elle soutient également qu’elle n’a pas l’obligation de la publier.
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Sur ce,
1) Sur l’existence d’une cartographie des risques suffisamment précise
Il convient de préciser que la cartographie des risques des activités est la première étape de l’élaboration du plan de vigilance qui revêt un caractère fondamental dans la mesure où ses résultats conditionnent les étapes ultérieures et donc l’effectivité de l’ensemble du plan. Ainsi, il résulte de l’article 225-102-4 2° du code de commerce que les procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous- traitants ou fournisseurs avec lesquels l’entreprise entretient une relation commerciale établie sont effectuées au regard de la cartographie des risques, que les actions d’atténuation des risques et de prévention des atteintes devront par définition être adaptées aux résultats de la cartographie des risques et que le plan devra prévoir un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques.
Il s’agit, en concertation avec les parties prenantes, d’identifier et d’analyser l’impact potentiel des activités de l’entreprise sur les droits fondamentaux des personnes, leur santé et sécurité ou sur l’environnement en prenant concrètement en compte, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, des facteurs précis susceptibles d’engendrer la réalisation des risques tels que le secteur et la nature de l’activité, sa localisation, le mode de relation commerciale et le cadre juridique lui servant de support, la dimension, la structure ou les moyens des filiales ou des partenaires ainsi que les conditions matérielles de production ou de réalisation de la prestation.
En outre, les objectifs monumentaux de la loi sur le devoir de vigilance exigent, sauf à ne disposer que d’une liste indifférenciée dans un champ insuffisamment délimité, de hiérarchiser les risques précédemment identifiés selon leur gravité, afin de fixer, dans le cadre d’une dynamique d’autorégulation certes contrôlée mais néanmoins active et évolutive, des priorités d’actions raisonnables.
Une telle phase d’identification, d’analyse et de hiérarchie des risques précède nécessairement la définition et les modalités des mesures adéquates propres à mieux les prévenir ou les atténuer.
Enfin, si rien n’interdit à la société mère et donneuse d’ordre de disposer confidentiellement d’une cartographie détaillée enrichie de données chiffrées répertoriées par unités opérationnelles, la version publiée doit permettre au public et aux parties prenantes de connaître l’identification précise des risques que l’activité fait courir aux droits humains, à la santé et à la sécurité ainsi qu’à l’environnement.
En l’espèce, dans la dernière version communiquée au tribunal, la cartographie des risques est ainsi présentée :
« Les activités du groupe ont des impacts sur son environnement et son écosystème. Il est de sa responsabilité d’identifier et d’analyser ces impacts et de prévoir des mesures de prévention et d’atténuation. Pour ce faire, il procède à un exercice de cartographie qui s’appuie sur une méthodologie détaillée d’évaluation des risques qui intègre les éléments de la loi relative au devoir de vigilance. La synthèse de l’ensemble de
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ces travaux est présentée au comité des risques du groupe puis au comité d’audit pour apporter au management une vision globale des enjeux, des risques liés au devoir de vigilance et de mesure d’atténuation de ces risques.
a) La méthodologie globale d’analyse des risques La démarche de cartographie des risques devoir de vigilance est intégrée dans les dispositifs existants de gestion des risques et de contrôle du groupe. Au titre de l’exercice 2021, elle a été menée en tenant compte de la méthodologie de la direction des risques et de l’évolution du process de management des risques. (cf. chapitre 2 Le management des risques). L’exposition au risque de non-conformité lié au devoir de vigilance a été évaluée selon deux typologies de risques : M les activités en propre du groupe incluant ses salariés (France et International) ; M les fournisseurs, les prestataires et les sous-traitants incluant leurs salariés (France et International). Les trois thématiques de la loi (droits et libertés fondamentales, santé sécurité au travail et environnement) ont été couvertes. Pour l’international, à ce stade, le groupe a cartographié ses risques dans des filiales représentatives des trois continents d’implantation. La démarche consiste à : M évaluer les risques potentiels (risques bruts) liés au devoir de vigilance afin d’identifier les risques d’atteintes graves à adresser en priorité ; M identifier les dispositifs de maîtrise des risques mis en place pour couvrir ces risques prioritaires, et les analyser afin d’en évaluer l’efficacité, et ainsi déterminer le risque résiduel (risque net) pour chacun des risques identifiés. L’évaluation des risques combine la probabilité d’occurrence d’un risque donné avec le degré de gravité des conséquences de ce risque. La probabilité de survenance est déterminée selon l’échelle suivante : très improbable, possible, probable et très probable et la gravité selon l’échelle d’appréciation suivante : majeur, critique, modéré et faible. La gravité s’entend en nature d’impacts et de dommages potentiels : activité, financier, juridique, social/humain, image. Les situations à risque ainsi évaluées sont ensuite hiérarchisées avec une matrice de criticité en quatre niveaux (risques mineurs, modérés, majeurs ou critiques). À l’international, pour les filiales non couvertes par des entretiens, de façon prudente, le niveau de risque net a été évalué comme égal au risque brut. Parmi les faits marquants de l’année, l’exercice de cartographie à inclus de nouvelles entités élargissant le périmètre de couverture. Toutes les entités ont utilisé la même méthodologie, à l’exception d’une filiale, GeoPost, qui a procédé à quelques adaptations en lien avec ses spécificités et en sélectionnant un échantillonnage représentatif de ses activités, en fonction des différents pays d’implantation et de la taille de ses filiales.
b. Les risques évalués
1. Les activités en propre du groupe intégrant ses salariés
En France L’exercice de cartographie 2021 des risques devoir de vigilance a été mené, comme les années précédentes, sur les volets relatifs :
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M aux droits humains et aux libertés fondamentales ; M à la santé et la sécurité au travail ; M à la protection de l’environnement.
Le tableau reprend en les illustrant les grandes catégories de risque cartographiées par les entités.
Catégorie Risque Descriptif
R i s q u e Droits humains et Atteinte aux droits d’expropriation, d’ l i b e r t é s des communautés atteinte aux droits fondamentales des communautés i m p l a n t é e s à proximité des sites de production
Atteinte à la liberté Risque de ne pas d’association, au respecter le droit des droit à la négociation travailleurs à créer collective ou intégrer un syndicat
Risque de non mise e n œ u v r e d u dialogue social avec les représentants du personnel
Travail forcé, travail Risque de travail des enfants forcé des travailleurs migrants pouvant être abusé du fait de leurs conditions
Enfants employés pour une activité du groupe
R é m u n é r a t i o n Ris que d e non décente versement d’une r é m u n é r a t i o n permettant à un salarié de faire vivre dignement sa famille
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Santé et sécurité
Environnement
Risque de ne pas Divulgati on des respecter la vie données personnelles p r i v é e d e s collaborateurs ou des c l i e n t s p a r u n transfert illicite de d o n n é e s c o m m e r c i a l e s nominatives
Discrimination en Discrimination fonction du genre, de l’âge, de l’état de s a n t é o u d u h a n d i c a p , l’orientation sexuelle, l ' o r i g i n e , l e s c o n v i c t i o n s politiques syndicales ou religieuses
Hygiène et sécurité Risque de ne pas f o u r n i r u n e n v i r o n n e m e n t salubre et bénéficiant d ' é q u i p e m e n t s c o n f o r m e s a u x normes de sécurité en vigueur
Accident du travail Risque lié au défaut d’équipements de protection et de f o r m a t i o n d e s collaborateurs
Risque de violence H a r c è l e m e n t e t liée au genre ou de r i s q u e s harcèlement moral psychosociaux ou sexuel
Émission de GES R i s q u e d ' a t t ei n t e g r a v e l i é e à l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère
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Risque d’atteinte P o l l u a n t s g r a v e l i é e à atmosphériques l ' é m i s s i o n d e p o l l u a n t s a t m o s p h é r i q u e s comme les particules f i n e s d a n s l’atmosphère
Risque d’atteinte Déchets g r a v e l i é à l’environnement lié à u n e g e s t i o n déf ec t ueu s e des déchets
À l’international
XXX TABLEAU
2 – Les fournisseurs, les prestataires et sous-traitants incluant leurs salariés
Deux « catégories » ont fait l’objet d’une évaluation spécifique :
M les fournisseurs, prestataires et sous-traitants en France, pour lesquels le groupe s’est appuyé pour l’essentiel sur la cartographie des risques de l’AFNOR, afin d’identifier les catégories d’achats les plus à risques (prenant en compte les trois catégories visées par la loi) ; M les fournisseurs et sous-traitants à l’international, catégorie pour laquelle l’exercice a été dans un premier temps réalisé pour les prestataires au cœur de l’activité opérationnelle (transport, livraison et intérim).
Fournisseurs, prestataires et sous-traitants en France
La direction des achats du groupe et les entités opérationnelles ont identifié et évalué les risques chez les fournisseurs, prestataires et sous- traitants, dans le cadre de la cartographie des risques achats. Cette cartographie se base sur celle de l’AFNOR (Cartographie des risques bruts sectoriels) qui évalue les risques de 118 secteurs d’activité sur les trois thématiques (respect des droits de l’homme et des conditions sociales, loyauté des pratiques et protection de l’environnement). Pour chacun d’entre eux, l’AFNOR évalue la probabilité et la gravité des conséquences en cas de réalisation du risque sur le plan financier, juridique, organisationnel et d’atteinte à la réputation de l’entreprise. Elle étudie le risque de l’ensemble de la chaîne de valeur pour chaque secteur d’activité et constitue une base d’analyse pour Le groupe La Poste car elle permet de connaître l’exposition aux risques bruts de chaque secteur d’activité sur les différents domaines concernés.
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Sur ces 118 secteurs d’activités, 11 ont été sélectionnés par la direction des achats du groupe pour les besoins de la présente cartographie comme étant particulièrement représentatifs de catégories d’achats à risques pour le groupe. Ces catégories d’achat prioritaires sont : les secteurs : transport, l i v r a i s o n , t r a n s p o r t d e f o n d , c e n t r e d ' a p p e l , construction/rénovation/bâtiment, énergie/électricité, prestations informatiques et télécoms, intérim, petits travaux tous corps d’état, nettoyage, et restauration. Les branches et les filiales ont ensuite complété ces 11 catégories en fonction des spécificités de leurs activités, en ajoutant cinq catégories complémentaires concernant l’équipement bâtiment (maintenance), les prestations intellectuelles (maîtrise d’œuvre travaux), les matériels et équipements industriels, les matériels et équipements informatiques et les prestations de sécurité de transport de fonds.
XXX TABLEAU
Les fournisseurs et sous-traitants à l’international
Les activités du groupe à l’international prises en compte dans le cadre de la cartographie des risques devoir de vigilance sont principalement celles des filiales GeoPost et Docaposte, pour laquelle, l’exercice a été réalisé pour les prestataires au cœur de son activité opérationnelle que sont le transport, la livraison et l’intérim.
c. Évolution globale des risques 2021
L’exercice de cartographie réalisé en 2021 n’a pas révélé de changement significatif concernant l’exposition du groupe au risque d’atteinte grave aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité au travail et à l’environnement.
Les activités en propre du groupe
En France
Le risque net global d’atteintes graves aux droits et les libertés fondamentales demeure bien maîtrisé et a été évalué comme étant mineur. Il n’y a pas eu d’évolution de l’exposition au risque par rapport à 2020. Le risque net d’atteintes graves à la santé sécurité au travail est évalué mineur (il était modéré en 2020) grâce aux dispositifs de maîtrise des risques, présentés dans la partie suivante, qui sont majoritairement opérationnels et efficients. Le risque net d’atteintes graves à l’environnement demeure mineur. Il n’y a pas eu d’évolution de l’exposition au risque par rapport à 2020.
À l’international
Le risque net d’atteintes graves aux droits humains et aux libertés fondamentales ainsi qu’à la santé et à la sécurité a été évalué globalement maîtrisé.
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Concernant l’environnement, le risque net global portant sur les gaz à effet de serre et sur les polluants atmosphériques reste globalement maîtrisé et limité avec une absence d’évolution comparativement à 2020. Le groupe La Poste reste vigilante sur ses secteurs d’activité émissifs de GES et de polluants (transport et livraison) qui font l’objet de pilotages spécifiques et d’actions adaptées notamment à l’international. En ce qui concerne le niveau d’exposition global aux risques pour les déchets, celui-ci est faible.
Les fournisseurs, prestataires et sous-traitants incluant leurs salariés
En France Le niveau d’exposition au risque reste stable par rapport à 2020. Le risque net demeure globalement mineur, sauf pour neuf catégories d’achats pour lesquels le risque a été évalué comme étant modéré : transport, livraison, matériel et équipements industriels, matériel et équipements informatiques, restauration, construction et rénovation bâtiment, petits travaux tout corps d’état, prestations informatiques et télécoms. Les dispositifs d’évaluation et les actions d’atténuation adaptées aux risques liés au recours à des fournisseurs ont été déployés et continuent d’être renforcés.
À l’international
Concernant les libertés fondamentales et les droits humains, les risques d’atteintes graves ont été globalement évalués limités. Les risques d’atteintes graves à la santé sécurité au travail ont été globalement évalués maîtrisés. Enfin, sur le volet environnement, les risques ont également été évalués comme étant limités du fait des dispositifs mis en place ».
La cartographie établie par La Poste applique ainsi une méthodologie conduisant à répertorier les risques en distinguant au sein du groupe ou chez les fournisseurs, partenaires et sous-traitants, les entités établies en France et à l’international, puis en listant pour chacune de ces catégories une description des risques identifiés (risques bruts). Une hiérarchie s’établit ensuite suivant un critère de « criticité » subsistante, après prise en compte des actions existantes (risques nets).
Toutefois et en premier lieu, la cartographie élabore une description des risques à un très haut niveau de généralité. Par exemple, pour les sociétés du groupe établies en France, le risque lié aux discriminations se traduit par la « Discrimination en fonction du genre, de l’âge, de l’état de santé ou du handicap, l’orientation sexuelle, l’origine, les convictions politiques syndicales ou religieuses » pour les fournisseurs, prestataires et sous-traitants, l’un des items des droits humaines et libertés fondamentales se rapporte généralement à « La discrimination (handicap, origines, genre, sexe, âge, orientation sexuelle, religion…). L’égalité professionnelle ».
En outre, la cartographie ne permet pas de déterminer quels facteurs de risque précis liés à l’activité et à son organisation engendrent une atteinte aux valeurs protégées. Tout au plus, il est renvoyé pour les fournisseurs, prestataires et sous-traitants exerçant en France à un classement réalisé par l’AFNOR qui a évalué de manière générale l’impact potentiellement négatif de 118 secteurs d’activité dont 11 ont
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été sélectionnés par la direction des achats du groupe « pour les besoins de la présente cartographie » en les considérant « comme étant particulièrement représentatifs de catégories d’achats à risque pour le groupe », auxquels les branches et filiales ont rajouté 5 catégories supplémentaires, sans que les facteurs de risque ne soient plus précisément explicités.
En second lieu l’analyse des risques et leur hiérarchisation se réalise à un niveau particulièrement global, puisque c’est au niveau des droits humains et libertés fondamentales, de la santé et de la sécurité et de l’environnement, que le niveau d’atteinte est jugé mineur pour les activités propres réalisées en France, globalement maîtrisé ou faible pour les activités propres réalisées à l’international, globalement mineur pour les activités des partenaires en France, sauf pour neuf catégories d’achats considérés où il est jugé modéré et enfin limité ou maîtrisé pour les activités des partenaires à l’international.
La Poste a décidé de hiérarchiser les risques en fonction de leur gravité, tels qu’ils subsistent après l’application des mesures d’ores et déjà appliquées par le groupe. Ce procédé a pour effet de relativiser sensiblement les implications concrètes de l’activité et par voie de conséquence de niveler l’ensemble des risques « nets » à un niveau de faible intensité. Par suite, la cartographie ne fait pas suffisamment émerger des domaines de vigilance prioritaires. Cette méthodologie ne présente pas de cohérence avec la suite du plan, en particulier avec la présentation des mesures adéquates de vigilance qui paraissent en réalité déjà prises en compte lors de l’état des lieux pour apprécier les « risques nets ».
Ainsi, la cartographie ne permet pas de connaître, même de manière synthétique, quels sont les facteurs liés à l’activité ou l’organisation pouvant concrètement faire naître les risques. La hiérarchisation à un niveau très général, en intégrant d’ores et déjà les effets des mesures en vigueur, ne permet pas plus d’identifier les actions devant être instaurées ou renforcées prioritairement.
Il est inopérant de soutenir que ni SUD PTT ni les autres parties prenantes n’ont contesté la pertinence de la cartographie des risques lors de l’élaboration du plan de vigilance. Certes, le rôle des parties prenantes est essentiel pour contribuer à l’élaboration de mesures pertinentes, mais l’absence d’expression lors de la phase de discussion ne peut les empêcher d’user de leur droit de mettre en demeure la société mère et/ou donneuse d’ordre d’améliorer son plan, cette formalité participant d’ailleurs à la phase amiable d’élaboration. En outre, il n’est pas communiqué de comptes-rendus retraçant les positions exprimées par l’ensemble des parties prenantes lors de la phase d’élaboration, de sorte qu’aucune conséquence ne peut être tirée de la position exprimée à cette occasion par l’une ou l’autre des parties.
En conséquence, l’étape initiale de cartographie des risques n’est pas conforme aux exigences de l’article L.225-102-4 du code de commerce. La demande d’injonction de SUD PTT tendant à compléter le plan de vigilance par une cartographie destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation doit en conséquence être accueillie.
1.2. Sur la publication de la liste des fournisseurs et sous-traitants
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Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 23 mars 2017 (n° 2017- 750 DC) a dit pour droit que la Loi Devoir de Vigilance ne portait pas atteinte à la liberté d’entreprendre précisément parce qu’elle n’imposait pas aux sociétés de « rendre publiques des informations relatives à leur stratégie industrielle ou commerciale ».
En application de l’article L.151-1 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive n° 2016/943/UE du 8 juin 2016, lorsque leur confidentialité procure un avantage concurrentiel, certaines données commerciales, telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs nommément désignés, les plans d’affaires et les études et stratégies de marché (considérant n° 2 de ladite directive), sont couvertes par le secret des affaires.
SUD PTT affirme que la liste des fournisseurs et sous-traitants devrait être fournie par filiale, par service et par secteur géographique avec des indicateurs indispensables tels que la pénibilité des tâches sous-traitées et la dépendance à l’égard de LA POSTE mais également inclure une hiérarchisation en fonction du volume des activités sous-traitées.
Toutefois, alors que la liste des partenaires disposant d’une relation commerciale établie peut recouvrir des milliers de sociétés et fluctuer dans le temps, il n’est pas démontré dans quelle mesure leur identification à la date d’établissement et de la publication du plan serait nécessaire pour sa mise en œuvre et son évaluation. Ce dernier peut en effet adopter les mesures adéquates selon des critères précis se rattachant à ces fournisseurs, prestataires et sous-traitants, classés le cas échéant suivant certains critères sollicités par la partie demanderesse, comme par exemple leur secteur d’activité, localisation géographique, structure et dimension ou moyens, sans qu’à ce stade leur identification ne soit indispensable.
Au demeurant, SUD PTT convient dans ses écritures que la liste sollicitée pourrait « a minima » être communiquée aux institutions représentatives du personnel compétentes pour toute question relative à la santé et à la sécurité, dans la mesure où ces dernières sont tenues à une obligation de confidentialité. C’est donc bien admettre qu’il existe des moyens de garantir la mise en œuvre effective du plan à l’égard des partenaires réguliers du groupe sans qu’il soit besoin d’en divulguer publiquement l’identité.
Ainsi, la demande tendant à intégrer la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie sera rejetée.
2) Sur les procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques
SUD PTT soutient que les mesures d’évaluation ne sont pas suffisamment précises, celles élaborées relevant soit d’une charte dont le caractère obligatoire pour les acheteurs ou prescripteurs n’est pas établi, soit d’un dispositif d’évaluation « RSE & conformité réglementaire » mis en place par l’AFNOR ; qu’en outre, ces mesures d’évaluation ne permettent pas de déterminer leur lien avec des risques précisément identifiés dans la cartographie ; que s’agissant
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particulièrement du recours au travail illégal dans la sous-traitance, l’absence d’évaluation de ce phénomène dans les entreprises de moins de dix salariés est particulièrement préjudiciable au regard des risques importants existants pour ce type d’entreprise dans le domaine du transport.
La Poste fait valoir qu’elle dispose, dans le cadre de la marge de manœuvre que lui laisse la loi, de nombreuses procédures d’évaluation lui permettant de traiter les risques identifiés dans la cartographie ; que le dispositif « RSE & Conformités Réglementaires » élaboré par l’AFNOR comprend une phase d’auto-évaluation, complétée par un questionnaire spécifique pour les fournisseurs et sous-traitants de la branche Services-Courriers-Colis (transport livraison et logistique), une seconde phase d’audit documentaire réalisée par un expert évaluateur pour les entreprises dont la note d’autoévaluation est insuffisante et une phase de réalisation d’audits sur site réservé à une partie de ceux ayant fait l’objet de la deuxième étape ; que la complexité des questionnaires est adaptée à la taille de l’entreprise partenaire, étant précisé que la question relative au travail des étrangers non ressortissants de l’Union européenne sera intégrée dans le questionnaire destiné aux entreprises de moins de 10 salariés ; qu’un dispositif parallèle de contrôle opérationnel est également mis en œuvre régulièrement ; que depuis 2018, il existe une plateforme de gestion des contrats et consultations des fournisseurs et sous-traitants de rang 1 selon un outil automatisé.
Sur ce,
L’article L.225-102-4 du code de commerce prescrit une évaluation régulière tant des filiales (ou sociétés contrôlées) que des partenaires réguliers portant sur leur situation au regard de la cartographie des risques.
Il résulte du plan de vigilance que La Poste énumère dans son plan des procédures concrètes d’évaluation, en particulier tournées vers ses fournisseurs et sous-traitants, en combinant une évaluation externalisée, un contrôle opérationnel interne et un système automatisé de contrôle documentaire. Il est également mentionné une action particulière d’évaluation à l’égard de la catégorie d’achat prioritaire que constitue le secteur « transport, livraison et logistique », considéré comme cœur de métier de la branche Services-Courriers-Colis et que la cartographie identifie parmi 15 autres catégories comme étant prioritaire.
Néanmoins, cette cartographie ne précisant ni les facteurs précis de risque ni leur hiérarchisation, le plan ne permet pas réellement de mesurer si la stratégie d’évaluation est conforme à la gravité des atteintes.
A titre d’exemple, il est indiqué que des contrôles opérationnels sur site de la branche Services-Courrier-Colis portent notamment sur le permis de conduire et le taux d’alcoolémie des chauffeurs, bien que la cartographie n’ait mentionné aucun risque lié à la sécurité routière. Ce contrôle, bien qu’à l’évidence bienvenu, illustre cependant la difficulté de déterminer si l’évaluation mise en œuvre couvre réellement les risques identifiés comme prioritaires.
Il en est de même du contrôle sur le travail illégal. Dans ses écritures,
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La Poste semble admettre la nécessité d’introduire dans les questionnaires d’auto-évaluation une question portant sur les autorisations de travail des travailleurs étrangers non européens, y compris pour les entreprises de moins de dix salariés, au motif que les mesures doivent évoluer de façon continue en lien avec les résultats de la cartographie des risques. Si une telle approche évolutive et dynamique de l’établissement et du suivi du plan de vigilance est pleinement conforme au dispositif légal, en revanche, la cartographie ne fait nullement ressortir l’existence de risques liés au travail illégal.
Il doit être noté à cet égard que le plan établi pour l’année 2021 qui fait l’objet de la présente instance paraît s’alimenter des évaluations intermédiaires, sans que toutefois la cartographie n’ait pu gagner en précision utile.
Ainsi, malgré l’existence d’outils d’évaluation potentiellement performants, il ne peut être vérifié qu’ils sont stratégiquement orientés vers l’appréhension des risques devant être prioritairement traités.
La demande tendant à enjoindre à La Poste d’établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques doit en conséquence être accueillie.
3) Sur l’existence d’un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements
SUD PTT considère que le mécanisme d’alerte a été instauré sans aucune concertation avec les organisations syndicales représentatives, comme la loi l’exige, les syndicats ayant seulement été informés du dispositif sans que leur avis n’ait été sollicité.
Au contraire, La Poste précise qu’elle a adapté un mécanisme ancien d’alerte, qui avait déjà évolué pour tenir compte de l’entrée en vigueur de la Loi Sapin II ; que les organisations syndicales avaient ainsi été consultées en amont même de l’obligation d’instauration de ce mécanisme d’alerte ; que de nouvelles consultations sont intervenues en Commission de dialogue social de La Poste (CDSP) des 25 juillet 2019, 11 février 2021 et 14 février 2021 pour tenir compte de la loi sur le devoir de vigilance, étant précisé que la loi ne prévoit aucune forme particulière pour organiser la concertation devant avoir lieu avec les organisations syndicales représentatives.
Sur ce,
Selon l’article L.225-102-4, 4° le mécanisme d’alerte et de recueil de signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques est établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives.
La concertation s’entend comme la volonté d’élaborer une mesure ou une décision de concert et ne peut se limiter au simple recueil d’un avis sur un dispositif d’ores et déjà finalisé.
Il appartient en conséquence à la société mère d’établir qu’elle s’est efforcée de bâtir en coopération avec les organisations syndicales représentatives un mécanisme d’alerte et de recueil de signalements adaptées aux différentes étapes de sa chaîne de valeur.
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En l’espèce, il est rapporté que La Poste a fait le choix d’adapter le système d’alerte préexistant fonctionnant pas l’interface Whistle B lors de l’entrée en vigueur de la loi dite Sapin II puis d’en étendre le champ au devoir de vigilance. A cet égard, les consultations initiales relatives à la mise en place de l’interface Whistle B ne permettent pas d’apprécier la réalité de la concertation sur le dispositif spécifique d’alerte relatif au devoir de vigilance, quand bien même il résulterait d’une simple adaptation.
La Poste communique les lettres de convocation à la CDSP du 25 juillet 2019 consacrée au devoir de vigilance. Toutefois Il n’y est fait référence à aucune annexe à laquelle les organisations syndicales représentatives auraient pu se référer, de sorte qu’il n’est pas établi qu’ elles aient pris connaissance à ce stade ni avant la réunion du 25 juillet 2019 du projet de mécanisme d’alerte et de recueil de signalement.
Lors de la réunion, il n’apparaît pas qu’une information soit intervenue sur un autre support que des slides, dont deux ont été consacrés au dispositif d’alerte, avec la présentation des évolutions suivantes : l’ouverture du dispositif aux collaborateurs des fournisseurs de rang 1 de La Poste, une précision sur la méthodologie de traitement, et l’amélioration de la sécurité et la traçabilité du système avec utilisation d’un nouvel outil informatique.
Il n’est pas communiqué de compte rendu de cette réunion, de sorte qu’il n’est pas établi que les organisations syndicales aient pu exprimer leur point de vue et échanger sur le dispositif présenté par la direction de La Poste.
A fortiori, il n’est pas établi que La Poste ait cherché à établir un dispositif de concert avec les organisations syndicale.
En l’absence de la preuve d’une concertation, il y a lieu d’accueillir la demande de compléter le plan de vigilance par un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements après avoir procédé à une concertation des organisations syndicales représentatives.
4) Sur l’existence d’actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves
Pour mémoire, la lettre de SUD PTT du 17 mai 2021 met en demeure La Poste de compléter le plan de sauvegarde par :
- des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves à la sécurité et à la santé des postiers et des sous- traitants dans des situations de crise sanitaire ainsi que les actions spécifiquement mises en œuvre pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs pendant la crise sanitaire du Covid 19,
- des mesures adéquates pour éviter les situations de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre dans le cadre de la sous-traitance et pour assurer la sécurité des sous-traitants présents sur site ;
- des mesures adéquates de prévention des risques psycho-sociaux au sein du Groupe, des filiales et des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie ;
- des mesures adéquates de lutte contre le harcèlement.
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Au vu des dernières écritures de SUD PTT, le tribunal est saisi en application de l’article 768 du code de procédure civile de prétentions reprenant seulement les trois dernières mesures ci-dessus énumérées.
SUD PTT soutient que les actions décrites ne sont pas adaptées aux risques précisément identifiés dans la cartographie et se limitent à une liste documentaire éparse de normes sociales et environnementales sans caractère systématique.
Le demandeur déplore en premier lieu l’insuffisance des mesures de prévention des risques graves à la santé et à la sécurité liées au recours intensif à la sous-traitance au sein de certaines filiales comme Chronopost ou DPD, devenue Géopost, du fait du contrôle insuffisant du travail illégal, comme l’illustrent l’affaire Bagaga du nom d’un travailleur non déclaré d’une entreprise sous-traitante de Coliposte décédé des suites d’un accident du travail intervenu en décembre 2012, les mouvements de grève de travailleurs sans-papiers travaillant dans des dépôts de DPD ou de Chronopost (en 2019 puis en décembre 2021 à Alfortville, en novembre 2021 à Coudray-Montceau) ou la lettre d’observation de l’inspection du travail d’Evry-Courcouronnes du 31 janvier 2022 ; qu’il importe peu selon le syndicat que ces atteintes soient constatées en France où il existe une législation sociale sur le sujet, alors que seule compte l’adéquation des mesures prévues aux risques constatés ; que le caractère seulement facultatif de la résiliation du contrat avec les sous-traitants en cas de recours au travail illégal ou le nombre très limité d’audits rendent très insuffisantes les mesures figurant au plan ainsi que l’intensité de leur mise en œuvre effective, mais aussi révèlent qu’en amont l’identification du risque est demeurée très parcellaire ; que la sécurité du personnel des entreprises sous- traitantes travaillant sur les sites de La Poste devraient donner lieu à des mesures plus précises, telles que la communication aux syndicats des noms et coordonnées des prestataires, des conventions conclues avec ces entreprises, les noms et qualités des salariés concernés avec le lieu de leur affectation et le récapitulatif succinct de leurs tâches ; que le plan de vigilance doit également veiller au respect des dispositions réglementaires se rapportant aux plans de prévention.
SUD PTT se prévaut en second lieu de l’urgence de prévenir les risques psycho-sociaux en raison de l’alerte des médecins du travail ou des cabinets d’expertise pour mieux les prévenir dans les unités, mais également de la nécessité de lutter contre le harcèlement moral et sexuel ; que le plan se limite à faire référence aux dispositifs mis en place sans les décrire dans leur détail, alors qu’ils devraient être complétés par des mesures concrètes dont elle énumère une liste dans les motifs de ses conclusions :
- Pour la prise en charge des cas de harcèlement et violences dans le Groupe La Poste, création d’un pôle indépendant, sans lien hiérarchique avec les entreprises du Groupe, les branches ou les NOD, qui puisse être contacté directement (sur le modèle de la médiation « vie au travail
» à La Poste maison mère). Il s’agirait d’assurer l’indépendance et l’impartialité des personnes qui devront prendre en charge ces dossiers. Les personnes en charge de ce « pôle » devront être formées particulièrement à l’écoute et l’accompagnement des victimes.
- Possibilité d’être accompagné, dans le cadre de ce protocole par un-e représentant-e du personnel.
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- Mise en place de mesures d’accompagnement des personnes victimes de violences conjugales ou intra familiales : Autorisations spéciales d’absence pour les démarches administratives, enveloppes d’aide pécuniaire.
- Dans le cadre d’une action de bannissement des propos et comportements sexistes dans les services : formation obligatoire pour l’ensemble des managers et représentant-es du personnel (membres CHSCT) sur la lutte contre les stéréotypes, violence et harcèlement.
- Enquête sur le sexisme au sein du groupe La Poste, à intégrer dans les différents baromètres sociaux.
- Création d’un outil accessible à l’ensemble des salarié-es du Groupe permettant le signalement de ces actes. Ces outils et les formations/informations / communication devraient porter sur tous les stéréotypes notamment ceux à l’encontre des personnes LGBTQ++.
En réponse, La Poste fait valoir que sous couvert du devoir de vigilance, SUD PTT tend à suppléer les nombreuses obligations légales en matière d’hygiène et de sécurité, alors que l’objectif de la loi est de développer particulièrement des actions dans les pays où la loi ne présente pas les mêmes exigences ; qu’elle n’a pas l’obligation de détailler l’ensemble des actions qu’elle met en œuvre dans le compte- rendu publié du plan de vigilance ; qu’en outre, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, il existe des mesures adéquates de prévention des risques pour les personnels des sous-traitants travaillant sur site, tels que les plans ou protocoles locaux de prévention, les instructions reprises dans les clauses contractuelles de vérification quotidienne des identités pour lutter contre le travail illégal, ou d’autres mesures concrètes détaillées dans le plan, telles que la résiliation du contrat de prestation en cas de manquement à la production documentaire par le sous-traitant ; que les exemples donnés par SUD PTT ne démontrent pas de manquements à ses obligations de vigilance, mais résultent soit d’un comportement frauduleux de la part de personnes dénuées d’autorisation de travail, soit d’une négligence du prestataire de Chronopost et de DPD, dont le contrat a été résilié, étant précisé que plusieurs décisions de justice ont en dernier lieu écarté la responsabilité de ses filiales.
S’agissant de la prévention des risques psycho-sociaux ainsi que du harcèlement, son action renforcée est soulignée dans le plan de prévention, avec une démarche spécifique sur la qualité de vie au travail ou l’instauration d’un dispositif d’écoute 24 heures sur 24, outre un protocole de formation sur les formes de harcèlement.
Sur ce,
En application de l’article L.225-102-4, 3° du code de commerce, les actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ne peuvent se limiter à des déclarations générales d’intention mais doivent porter sur les risques identifiés, prioritairement ceux pour lesquels les risques d’atteinte aux personnes et à l’environnement ont été jugés les plus critiques dans la cartographie. Même raisonnables, les mesures doivent être suffisamment précises pour revêtir l’efficacité attendue afin d’empêcher la réalisation des atteintes les plus graves et limiter l’impact des autres risques identifiés.
En l’espèce, les mesures du plan sont classées entre celles s’appliquant
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aux activités en propre du groupe et celles des fournisseurs et sous- traitants.
Certaines mentions s’apparentent davantage à un rappel des politiques du groupe ou à des engagements pris par ce dernier et s’ils se rapportent parfois à des dispositifs existants, les modalités et les effets n 'en sont pas décrits. A cet égard, il peut être cité à titre d’exemples, dans les domaines donnant lieu aux critiques de la partie demanderesse : la publication d’un nouveau dispositif de prévention et de traitement des situations de harcèlement comportant un nouveau protocole accompagné d’un guide, sans que les actions concrètes qui en découlent ne soient connues, le projet BOLOCO pour garantir les conditions d’hygiène et de sécurité dans tous les lieux de travail dont la seule référence ne permet pas d’en déterminer le contenu, les engagements des prescripteurs ou des responsables de la filière d’achat ou même des fournisseurs et sous- traitants, dans le cadre de chartes d’achats responsables et éthiques, certes symboliquement porteurs, mais dont l’énoncé porte sur des principes généraux peu mesurables en soi (engagement d’alerter en cas d’atteinte grave aux droits humains, aux libertés, à la santé et la sécurité notamment, ou de respecter les principes du Pacte mondial des Nations unis et les conventions internationales portant sur certains droits fondamentaux).
Par leur généralité ou leur imprécision, ces mesures telles que formulées ne peuvent conduire ni à une mise en œuvre concrète et effective ni à un dispositif de suivi et d’évaluation de leur efficacité.
En revanche, le plan de vigilance édicte des mesures plus précises et concrètes susceptibles de donner lieu à des résultats mesurables, dans le champ du présent litige et ce, s’agissant du recours à la sous-traitance ou à la prévention des risques psycho-sociaux et des formes de harcèlement : la diffusion d’un guide sur le sexisme, la formation et la mise en ligne d’un outil d’enregistrement en ligne des actes et propos sexistes ; la démarche « Les essentiels QVT » réalisée avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail visant à évaluer le ressenti des équipes, étant toutefois noté que son ampleur ou sa diffusion ne sont pas connus, le plan évoquant seulement leur généralisation ; la formation de 7 230 managers et opérationnels aux règles de prévention santé-sécurité au travail et la mise en place d’une procédure de contrôle en cas d’intervention d’entreprises extérieures sur un site postal, la formalisation d’engagements précis du groupe et des entreprises extérieures lorsqu’elles interviennent sur un site postal (identification des risques, élaboration d’un protocole de sécurité ou d’un plan de prévention, communication au personnel, mise en place d’une procédure en cas d’événement grave ou en cas de difficultés),
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l’instauration dans certaines filiales de plateformes de contrôle documentaire avec une fréquence de contrôle biannuelle ainsi qu’un mécanisme de mises en demeure et de pénalités en cas de carence ou d’incohérence, pouvant aller jusqu’à la résiliation du contrat, la démarche de contractualisation permettant d’intégrer aux contrats de sous-traitance les éléments du plan de vigilance (information du personnel du dispositif d’alerte, engagement à respecter la démarche d’autoévaluation et d’accepter l’audit, ou chez Géopost, clause d’interdiction de recours au travail illégal, étant toutefois noté qu’il n’est pas apporté de précision sur les modalités de contrôle).
Cependant, il a été précédemment constaté que les facteurs de risques susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité, tout comme aux autres objectifs du plan de vigilance, ne sont pas intégrés à une cartographie des risques identifiés et hiérarchisés. En particulier, celle- ci ne livre aucune analyse de l’impact de la sous-traitance sur le risque de travail illégal, en fonction de la nature des entreprises sous-traitantes et de leurs modalités concrètes de recrutement. Il n’y est pas davantage fait référence aux conditions d’emploi et de travail de cette catégorie de personnel pas plus que le risque d’atteinte à leurs droits fondamentaux, à leur santé et à leur sécurité.
En conséquence, SUD PTT soutient à juste titre qu’il ne peut être considéré que ces mesures sont « adaptées » au sens de l’article L.[…].
Toutefois, les prétentions du syndicat demandeur tendent spécifiquement à délivrer à La Poste l’injonction d’adopter des mesures très précises et concrètes en matière de sous-traitance, de risques psycho-sociaux ou de harcèlement, dont les détails sont exposés comme mentionnés ci-avant dans la partie « discussion » de ses conclusions, alors que l’article L.225-102-4 II, ne prévoit pas de donner au juge le pouvoir d’enjoindre à l’entreprise de prendre des mesures adéquates spécifiques, mais vise simplement « à faire respecter » à la société mère/donneuse d’ordre « les obligations prévues au I », dont celle d’intégrer au plan « des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prétention des atteintes graves ».
La loi instaure ainsi un contrôle judiciaire sur l’intégration au plan de mesures concrètes, adéquates et efficaces en cohérence avec la cartographie des risques. En cas de manquement à cette obligation, elle lui donne le pouvoir d’enjoindre à la société d’élaborer, dans le cadre du processus d’autorégulation des mesures de sauvegarde que cette dernière doit définir en association avec les parties prenantes ainsi que des actions complémentaires plus concrètes et efficaces en lien le cas échéant avec un risque identifié. Mais cette disposition ne saurait conduire le juge à se substituer à la société et aux parties prenantes pour exiger d’elles l’instauration de mesures précises et détaillées.
Pour prendre l’exemple discuté par les parties de la nécessité d’instaurer dans les contrats de sous-traitance une clause systématique de résiliation de plein droit lorsque le prestataire recourt au travail illégal, il n’est pas sans intérêt de relever que selon une coupure de
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presse produite par la partie demanderesse, certains travailleurs « sans- papiers » ont pu continuer à travailler sur un site après la résiliation du contrat d’une première entreprise sous-traitante qui les employait. Déterminer s’il est plus vertueux de résilier le contrat de sous-traitance dès le premier manquement constaté ou plus efficace de prévoir un système de pénalités avec mise en demeure relève d’une discussion stratégique dépassant très largement l’office du juge. Elle se rapporte au contraire à une démarche d’analyse des facteurs de risque qui doit être effectuée en association entre l’entreprise et les parties prenantes afin d’ élaborer raisonnablement une mesure efficace pour éviter ou limiter le risque.
Quoiqu’il en soit, la nécessité de prendre des mesures complémentaires dans le domaine de la sous-traitance, de la prévention des risques psycho-sociaux ou du harcèlement n’est pas démontrée en l’état à défaut d’une identification, d’une analyse et d’une hiérarchisation précise des risques faite en amont
En conséquence, sera rejetée la demande d’injonction d’établir des mesures de sauvegarde se rapportant :
- à la prévention du travail dissimulé par les sous-traitants, les situations de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre dans le cadre de la sous-traitance et pour assurer la sécurité des sous-traitants présents sur site ;
- à la prévention des risques psycho-sociaux au sein du Groupe, des filiales et des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie ;
- la lutte contre le harcèlement.
5) Sur l’existence d’une mise en œuvre effective et d’un dispositif de suivi
SUD PTT indique que les mesures qui pourraient s’assimiler à des mesures de vigilance ne sont pas mises en œuvre, ou à tout le moins le sont avec une parfaite inefficacité, s’agissant en particulier des mesures tendant à prévenir les risques psycho-sociaux, ou à assurer un management des risques externes liés au recours aux prestataires, en particulier par l’absence de mise en œuvre de la clause de résiliation en cas de recours au travail illégal, dont il devrait être fait un usage systématique ou par l’absence de délimitation de la sous-traitance selon la note de cadrage, qui n’est pas même intégrée dans le plan de vigilance.
Il soutient également qu’il n’existe pas de mesures de suivi permettant d’apprécier l’effectivité et l’efficacité des mesures mises en œuvre, les indicateurs publiés étant généraux et sans rapport avec des risques préalablement identifiés ; qu’il n’est pas donné de retour du bureau d’analyse et de coordination opérationnelle des risques psycho-sociaux ni de la part de la cellule psychologique de crise, dont les données anonymisées devraient être publiées ; que le nombre de protocoles mis en œuvre par établissement pour traiter les situations de harcèlement reste également inconnu.
En réponse La Poste précise que le dispositif de la cellule d’écoute en ligne donne lieu à un bilan annuel auprès de la Commission nationale santé sécurité au travail, auquel SUD PTT participe et qu’un dispositif
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d’évaluation auprès de chaque entité et filiale, avec un système de déclaration complété par des investigations complémentaires ; que le compte-rendu public n’a pas vocation à être exhaustif et que les indicateurs publiés sont les plus pertinents.
Sur ce,
En l’espèce, s’agissant en premier lieu des critiques relatives à la mise en œuvre effective, elles portent d’abord sur des mesures dont SUD PTT aurait souhaité la présence dans le plan de vigilance, et qui n’y figurent pas en l’état (clause de résiliation automatique ; note de cadrage sur la sous-traitance). Le moyen tend sous couvert d’un prétendu défaut d’exécution à critiquer de nouveau l’élaboration du plan.
De plus, il ne peut être relevé une absence de mise en œuvre de certaines mesures liées aux risques psycho-sociaux (selon les motifs des conclusions) ou des risques de harcèlement (dispositif des conclusions), alors qu’aucun compte-rendu précis ne se rapporte à ces mesures.
La demande tendant à enjoindre La Poste la mise en œuvre effective des mesures de vigilance sera donc rejetée.
Concernant l’élaboration d’un dispositif de suivi de la mise en œuvre effective du plan de vigilance, il apparaît dans le plan de vigilance sous forme d’un tableau d’indicateurs chiffrés complété par une courte analyse générale des tendances (document d’enregistrement universel 2021 pages 508 à 510). il peut être noté que : les indicateurs sociaux renseignent notamment sur le taux d’absentéisme, le taux d’accident du travail et leur gravité et sont complétés de quelques indicateurs comparatifs sur la rémunération et les responsabilités des hommes et des femmes indicateurs environnementaux se rapportent à la consommation énergétique et l’empreinte carbone et l’émission des polluants atmosphérique
la synthèse des indicateurs fournisseurs permettent de déterminer le taux de couverture de la clause vigilance, le nombre de fournisseurs informés du dispositif d’évaluation, le nombre d’autoévaluation, d’audits documentaires ou d’audits sur site réalisés. les indicateurs relatifs au dispositif permettent de connaître le nombre de saisines du dispositif d’alerte en interne et en externe. l’analyse se concentre ensuite uniquement sur les résultats de la politique sociale en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et d’emploi des personnes handicapées et répertorie enfin les notations extra-financières obtenues par La Poste
Ainsi, le compte-rendu présente succinctement et de manière aléatoire certaines mesures comprises dans le plan de vigilance, avec une analyse centrée seulement sur deux sujets spécifiques.
En outre et quand bien-même certaines mesures donnent lieu à des bilans séparés, comme le bilan de l’activité de la ligne d’écoute et de
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soutien psychologique devant la Commission nationale santé sécurité au travail, le compte-rendu du plan de vigilance n’y fait pas référence, même de manière synthétique.
Aussi, au-delà d’une communication externe sur la reconnaissance de sa politique en matière de responsabilité sociétale des entreprises, il ne permet pas de mesurer utilement l’efficacité des mesures prises ni de servir de bilan utile pour orienter l’action en matière de vigilance.
Il doit donc être fait injonction à La Poste de publier un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance.
6) Sur l’astreinte
Il résulte des débats que La Poste modifie et enrichit annuellement son plan de vigilance qu’elle a commencé à élaborer dès l’entrée en vigueur de la loi n°2017-399 du 27 mars 2017. La comparaison des plans établis pour l’année 2020 et pour l’année 2021 démontre une évolution notable, dans le cadre d’une démarche dynamique d’amélioration.
Dans ces circonstances, il n’est pas démontré à ce stade l’utilité d’assortir les injonctions figurant au dispositif de la présente décision d’une astreinte.
7) Sur les mesures accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La Poste qui succombe devra supporter les dépens de la présente procédure.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
L’équité commande de condamner La Poste à verser à SUD PTT la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, il est rappelé que la présente décision est exécutoire de droit, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’ordonner.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
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Enjoint à la société La Poste de :
- compléter le plan de vigilance par une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation,
- établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques,
- compléter son plan de vigilance par un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements après avoir procédé à une concertation des organisations syndicales représentatives,
- publier un réel dispositif de suivi des mesures de vigilance,
Déboute la Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunication (SUD PTT) de :
- sa demande tendant à intégrer la liste des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie,
- la demande d’injonction d’établir des mesures de sauvegarde se rapportant :
• à la prévention du travail dissimulé par les sous- traitants, les situations de marchandage et de prêt illicite de main d’œuvre dans le cadre de la sous-traitance et pour assurer la sécurité des sous-traitants présents sur site,
• à la prévention des risques psycho-sociaux au sein du Groupe, des filiales et des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie,
• la lutte contre le harcèlement,
- sa demande de mise en œuvre effective des mesures de vigilances en matière :
• de lutte contre le harcèlement,
• de lutte contre le travail dissimulé, y compris en résiliant immédiatement les contrats conclus avec les sous-traitants ou prestataires ayant recours à du travail dissimulé,
• de lutte contre la sous-traitance illicite,
Dit n’y avoir lieu d’assortir l’injonction de compléter le plan de vigilance d’une astreinte,
Condamne la société La Poste aux entiers dépens,
Condamne la société La Poste à verser à la Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunication (SUD PTT) une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande sur ce fondement,
Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision ;
Fait et jugé à Paris le 05 Décembre 2023
Le Greffier Le Président
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Tribunal Judiciaire de Paris, 5 décembre 2023, n° 21/15827