Tribunal Judiciaire de Rennes, 1er février 2021, n° 17/00568

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Sur la décision

Référence :
TJ Rennes, 1er févr. 2021, n° 17/00568
Numéro(s) : 17/00568

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

01 Février 2021 DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

2ème Chambre civile COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

3EB

N° RG 17/00568 – N° PRESIDENT : Z A, P o r t a l i s DBYC-W-B7B-HED5 ASSESSEUR : Mélanie FRENEL, Vice-Présidente,

ASSESSEUR : Sabine MORVAN, Vice-Présidente, AFFAIRE :

GREFFIER : Philippe LE BOUDEC lors des débats et lors du prononcé qui a signé T H E K O O P L E S la présente décision. PRODUCTIONS T H E K O O P L E S DIFFUSION DEBATS

Initialement prévue le 04 Mai 2020, date de fixation prévue par l’ordonnance de clôture C/ en date du 06 Février 2020, l’affaire a été renvoyée au 07 Décembre 2020, l’audience publique n’ayant pu se tenir pour cause de crise sanitaire,

CAFAN A l’audience publique du 07 Décembre 2020 BE GIRL

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire, prononcé par Monsieur Z A par sa mise à disposition au Greffe le 01 Février 2021, date indiquée à l’issue des débats. Jugement rédigé par Madame Mélanie FRENEL,

ENTRE :

DEMANDERESSES :

La société THE KOOPLES PRODUCTION, Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 507 769 164, représentée par son Président, Monsieur B C, […] Représentée par la SELARL AVOXA RENNES, Me Bertrand ERMENEUX, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant, et par ATLAN & BOKSENBAUM Avocats, Me Alexandra ATLAN-ELHAIK, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,



-2-

La société THE KOOPLES DIFFUSION Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 500 539 507, agissant poursuites et diligences de son Président, Monsieur D C, […] Représentée par la SELARL AVOXA RENNES, Me Bertrand ERMENEUX, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant, et par ATLAN & BOKSENBAUM Avocats, Me Alexandra ATLAN-ELHAIK, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

ET :

DEFENDERESSES :

CAFAN SAS, immatriculée au RCS de SAINT MALO sous le numéro 493 983 431, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, […] Représentée par la SCP LHERMITTE, Me Christophe LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant, et par la SELARL MOIROUX K-Marie, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

La société BE GIRL, SARL immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 443 027 552, prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège, […] Représentée par la SELARL KERMEUR AVOCAT, Me Yohann KERMEUR, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant, et par Me Myriam WITUKIEWICZ SEBBAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,



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EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION créé, fabrique et distribue en France et à l’international des produits de prêt-à-porter sous la marque “THE KOOPLES” depuis 2008. Elle vend directement ses collections sur le site internet www.thekooples.com et par l’intermédiaire de la SAS THE KOOPLES DIFFUSION qui exploite 240 points de vente à l’enseigne THE KOOPLES en France.

Parmi ces produits figurent notamment :

- une robe référencée FR 1108 (devenue FR1369) vendue au sein de la collection automne-hiver 2015 et reconduite au sein de la collection automne-hiver 2016 au prix public de 255 € TTC ;



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- une robe référencée FR1247 vendue au sein de la collection printemps-été 2016 au prix public de 225 € TTC ;

- un chemiser référencé FCC1162 vendu au sein de la collection automne-hiver 2015 au prix public de 155 € TTC.

La SAS CAFAN créé ou achète et revend des articles de prêt à porter et des accessoires pour femme de la marque “MORGAN”.

Les sociétés THE KOOPLES exposent qu’elles ont constaté l’offre à la vente par la SAS CAFAN dans ses boutiques à l’enseigne MORGAN DE TOI et sur son site internet www.morgandetoi.fr, de deux robes et d’un chemisier respectivement référencés 63516/162-ROSP.N, 6630/162-RIVALA.N et 6214/162- CDENTA.N qu’elles estiment comme reproduisant de façon identique ou similaire les caractéristiques de leurs produits sus-visés.



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- robe 162-ROSP.N :

- robe 162-RIVALA.N :

-chemisier 162-CDENTA.N :



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Après avoir fait réaliser le 14 septembre et le 13 octobre 2016 des constats d’achat par huissier dans une boutique parisienne à l’enseigne MORGAN DE TOI, les sociétés THE KOOPLES ont fait procéder suivant procès-verbal des 30 novembre et 12 décembre 2016, à une saisie contrefaçon au siège social de la SAS CAFAN, y ayant été autorisées préalablement par ordonnance du 18 novembre 2016 du président du tribunal de grande instance de Rennes.

Par acte du 10 janvier 2017, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION ont fait assigner la SAS CAFAN devant le tribunal de grande instance de Rennes en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale.

La SAS CAFAN a fait assigner en intervention forcée le fournisseur du chemisier référencé […], la SARL BE GIRL, par acte d’huissier du 29 mai 2017.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2019, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION demandent au tribunal,

* Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 331-1-3 et suivants, et L. 332-1 et suivants du Code la propriété intellectuelle ;

* Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil ;

* Vu les procès-verbaux de saisie contrefaçon en date des 30 novembre et 12 décembre 2016 ;

En tout état de cause,

- DÉBOUTER la société CAFAN de sa demande reconventionnelle en parasitisme;

- DIRE ET JUGER que la société CAFAN s’est rendue coupable :

* de contrefaçon de droits d’auteur appartenant à la société THE KOOPLES PRODUCTION ;

* d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l’encontre de la société THE KOOPLES PRODUCTION ;

* d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l’encontre de la société THE KOOPLES DIFFUSION ;

A titre subsidiaire, et si la protection des modèles FR1108/1369, FR1247 et FCC1162 par le droit d’auteur n’était par reconnue, DIRE ET JUGER que la société CAFAN s’est rendue coupable, à l’encontre de la société THE KOOPLES PRODUCTION, de parasitisme et de concurrence déloyale du fait de la reproduction quasi-servile desdits modèles, compte tenu du risque de confusion généré dans l’esprit du public ;

En conséquence,

- E F à la défenderesse, sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée après l’expiration d’un délai de 24 h à compter du jugement à intervenir, de fabriquer, E fabriquer, importer, commercialiser directement ou indirectement, détenir, ou continuer à exploiter des produits contrefaisant les modèles de la société THE KOOPLES PRODUCTION ;

- X, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, la destruction,



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dans les 48 h suivant la signification du jugement à intervenir, de tous stocks contrefaisants et de tous documents ou supports s’y rapportant détenus ou appartenant à la défenderesse et ce, en tous lieux où ils se trouveraient ;

- CONDAMNER la défenderesse au paiement des sommes provisionnelles suivantes, sous réserve d’actualisation du préjudice :

* 558.609 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la contrefaçon de droits d’auteur, au bénéfice de la société THE KOOPLES PRODUCTION;

* 50.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale, au bénéfice de la société THE KOOPLES PRODUCTION ;

* 247.234 euros à titre de dommages-intérêts au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale, au bénéfice de la société THE KOOPLES DIFFUSION;

A titre subsidiaire, si la protection des trois modèles revendiqués par le droit d’auteur n’était pas reconnue, condamner la société CAFAN au paiement de la somme de 628 488 € dont :

* 381.254€ au bénéfice de la société THE KOOPLES PRODUCTION correspondant à son manque à gagner,

* et 247.234 € au bénéfice de la société THE KOOPLES DIFFUSION, correspondant à son manque à gagner ;

- X la parution, aux frais de la défenderesse, du dispositif du jugement à intervenir dans 3 journaux au choix des demanderesses et dans la limite de 5.000 euros HT par insertion, soit 15.000 euros HT au total, ainsi que, sous 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sur le site internet www.morgandetoi.fr édité par la société CAFAN, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- X en raison des faits avérés et de l’urgence, l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- CONDAMNER également la défenderesse à la somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant notamment les frais des Etudes d’Huissiers LAZIMI ET GROSSIN- GOULARD-CORLAY.

poursuivent la cessation et l’indemnisationLes sociétés THE KOOPLES du préjudice subi du fait d’actes contrefaisants et/ou de concurrence déloyale et parasitaire qu’elles imputent à la SAS CAFAN qui commercialise selon elle trois modèles litigieux par son réseau de magasins à l’enseigne “MORGAN DE TOI” et son site internet. Il s’agit de la robe référencée 63516/162-ROSP.N, de la robe 62630/162-RIVALA.N et du chemisier […]

Elles entendent établir la réalité des actes qu’elles imputent à la SAS CAFAN par la production de deux constats d’achat en date des 14 septembre pour la robe référencée 63516/162-ROSP.N et du 13 octobre 2016 pour la robe 62630/162-RIVALA.N et le chemisier […] effectués au sein du magasin situé […] à Paris. A propos de la nullité des constats d’achat soulevée par la SAS CAFAN en application d’une jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, les demanderesses rétorquent que ces actes de procédure ont été réalisés en conformité avec les règles en vigueur au moment de leur établissement. Elles font état à ce titre de décisions rendues par le tribunal de grande instance de Paris le 1 décembre 2017, le 5er



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avril et le 22 novembre 2018 ayant refusé dans un cas identique au sien de E jouer immédiatement la jurisprudence de la Cour de cassation. Elles ajoutent qu’il n’est démontré aucun stratagème déloyal dans l’administration de la preuve, la seule qualité de stagiaire du tiers ayant effectué l’achat ne pouvant en être un.

S’agissant de la protection des articles litigieux par le droit d’auteur,

invoque d’abord le bénéfice de lala SAS THE KOOPLES PRODUCTION présomption de titularité des droits d’auteur attachée à la commercialisation des robes et du chemisier objets du litige, résultant des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle revendique ensuite pour ses deux robes et le chemisier litigieux, la combinaison originale des caractéristiques suivantes :

* robe RF1108/1369

- une robe sans manche, à l’encolure arrondie présentant une coupe cintrée, avec une fermeture par un zip invisible dans le dos,

- une robe rehaussée d’empiècements de dentelle ton sur ton sur le buste, les épaules et le dos ;

- une robe structurée par bandes graphiques au niveau du buste, du dos et de la taille ;

- la dentelle se compose d’éléments végétaux (feuille, fleurs) et d’arabesques,

- la dentelle sur les épaules respecte la forme des éléments végétaux.

* robe FR1247 :

- robe à manche courtes,

- col rond,

- coupe ajustée,

- forme de bustier à motif écailles,

- bustier en M,

- taille soulignée par de fines lignes et un effet drapé,

- robe rehaussée d’empiècements de dentelle ton sur ton sur le buste et le dos,

- ouverture “goutte d’eau” dans le dos.

* chemisier FCC1162 :

- chemisier fluide à manches longues,

- col mao,

- patte de boutonnage non apparente,

- poignets fermés par un bouton unique,

- chemiser rehaussé de bandes de dentelle ton sur ton au niveau des bras,

- les bandes de dentelle bordent le chemisier, des trapèzes jusqu’au poignet,

- la dentelle se compose de fleurs.

Elle estime que l’originalité de ces vêtements réside dans l’association de plusieurs genres opposés (mélange du strict avec du sexy et du sage), typique de la maison THE KOOPLES, et qui ne répond à aucune contrainte technique mais résulte au contraire de choix arbitraires et d’un processus créatif qui traduit un parti pris esthétique et porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. Aux prétendues antériorités qui lui sont opposées par la SAS CAFAN, elle répond, après avoir fait leur analyse, qu’aucune n’est pertinente, s’agissant d’éléments pris séparément, appartenant au fonds commun de la mode ne présentant pas l’opposition des genres et codes vestimentaires qui résulte d’une combinaison particulière d’occurrences et caractérisant ses modèles. Elle en déduit que ses trois modèles sont protégeables au titre du droit d’auteur.



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A propos des actes contrefaisants, elle affirme que les deux robes 63516/162- ROSP.N 62630/162-RIVALA.N et le chemise […] commercialisés par la SAS CAFAN sont la reproduction servile ou quasi servile de ses modèles en ce qu’ils en reprennent la physionomie et les éléments caractéristiques combinés. Elle détaille toutes les ressemblances entre les modèles en cause dans le corps de ses écritures auxquelles il est renvoyé, et rappelle que la contrefaçon s’apprécie uniquement en considération de ces dernières et non pas des différences.

Sur le fondement de l’article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION affirme que la violation de ses droits patrimoniaux d’auteur par la SAS CAFAN lui a causé un préjudice commercial qu’elle chiffre à 558.609 € correspondant au bénéfice réalisé par la société contrefactrice et à son manque à gagner. Ainsi, à partir des chiffres tirés du procès-verbal de saisie-contrefaçon, elle évalue le bénéfice réalisé par cette dernière à la date du 12 décembre 2016 à 118.356€ pour la robe 162-ROSP.N, à 32.722 € pour la robe 162-RIVALA.N et à 26.277 € pour le chemisier 162-CDENTA.N, soit la somme totale 177.355€ au total, obtenue en multipliant la quantité de produits vendus par le bénéfice unitaire réalisé. Elle dénie les affirmations de la défenderesse selon lesquelles la réparation du préjudice subi devrait être limité au bénéfice réalisé sur le territoire français, dès lors que c’est le préjudice occasionné par le fait générateur, à savoir les ventes réalisées à partir du territoire français, qui doit servir à chiffrer l’indemnisation. Puis, arguant d’une répartition de la marge dégagée sur les ventes à hauteur de 60 % pour elle et de 40 % pour la SAS THE KOOPLES DIFFUSION, elle chiffre son manque à gagner à 381.254 € calculée en considération d’une marge globale de 175 € pour 2.474 robes FR1108/FR1369, de 158 € pour 686 robes FR1247 et de 105 € pour 830 chemisiers FCC1162 non vendus du fait de la contrefaçon dont la SAS CAFAN s’est rendue coupable.

S’il ne lui était pas reconnu l’existence de droits privatifs à l’égard des trois vêtements litigieux, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION soutient subsidiairement que la SAS CAFAN avec laquelle elle est en situation de concurrence, a commis des actes fautifs qui lui ont été préjudiciables dès lors qu’elle a imité servilement ou quasi- servilement ses modèles et s’est servie de la notoriété de la marque THE KOOPLES pour créer une confusion dans l’esprit des clients et capter sa clientèle par la pratique de prix bas. Elle indique formuler les mêmes demandes indemnitaires sur ce fondement que celles présentées au titre de la contrefaçon.

La responsabilité de la SAS CAFAN pour concurrence déloyale et parasitaire est également recherchée à titre principal par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION.

A l’appui de ses prétentions, la SAS THE KOOPLES DIFFUSION expose que la SAS CAFAN s’est rendue coupable de comportements déloyaux distincts de ceux de la contrefaçon en créant un effet de gamme et en vendant à bas prix des articles identiques à ceux de sa collection. Elle considère qu’en agissant de la sorte, la SAS CAFAN qui s’est placée dans son sillage, a sciemment cherché à provoquer un risque de confusion et à capter indûment sa clientèle composée de jeunes femmes ; qu’elle a en outre provoqué la banalisation des produits de la marque THE KOOPLES sur le marché et porté atteinte à son image, les produits vendus par la défenderesse étant de piètre qualité. Elle réclame 50.000 € en réparation du trouble commercial occasionné.



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La SAS THE KOOPLES DIFFUSION fait valoir quant à elle qu’en sa qualité de distributeur détaillante (magasins à l’enseigne THE KOOPLES) des modèles revendiqués, la commercialisation des articles contrefaisants par la SAS CAFAN constitue à son égard de la concurrence déloyale, de sorte qu’elle est bien fondée à lui réclamer l’indemnisation du trouble commercial qu’elle a subi par sa faute, constitué des pertes financières qui ont résulté de la commercialisation des produits contrefaisants qu’elle évalue à 247.234 €, chiffre correspondant à 40 % du manque à gagner total des sociétés THE KOOPLES.

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION concluent au rejet des demandes indemnitaires reconventionnelles formées par la SAS CAFAN. Elles estiment que le parasitisme allégué n’est pas établi en son principe, en l’absence de démonstration de la commercialisation des modèles dont la SAS CAFAN se prévaut, de la correspondance entre les références avancées et les vêtements photographiés dans le catalogue, ainsi que du travail intellectuel prétendument réalisé. Elles ajoutent que le quantum du préjudice réclamé n’est pas justifié non plus. Elles nient que leur action puisse présenter un caractère abusif et refusent d’être tenues pour responsables de la privation de ventes sur les articles litigieux arguée par la SAS CAFAN, elle-seule ayant pris la décision de les retirer du marché.

***

Par écritures dernières notifiées par RPVA le 4 février 2020, la SAS CAFAN conclut au rejet des prétentions des sociétés THE KOOPLES formées à son encontre.

A titre reconventionnel elle réclame de les voir solidairement condamnées à lui payer une indemnité de 150.000 € en réparation du préjudice subi du fait du parasitisme et de 92.466 € en réparation de son manque à gagner.

A titre subsidiaire, elle demande à être garantie par la SARL BE GIRL de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre concernant le modèle de chemisier référencé “CDENTA”.

Elle sollicite également la condamnation solidaire des sociétés THE KOOPLES au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que celle de 5.760 € TTC en remboursement des frais de recherches d’antériorités, outre les entiers dépens.

En premier lieu, la SAS CAFAN remet en cause la validité des procès- verbaux de constat communiqués par les demanderesses au soutien de leur action. Elle fait valoir que le tiers ayant réalisé l’achat était une stagiaire du cabinet d’avocats de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et que l’huissier, resté en dehors du magasin, n’a pas assisté à la vente, alors que le droit à un procès équitable commande en vertu d’une jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 rendue dans une espèce similaire au présent litige, que la personne qui assiste l’huissier soit indépendante de la partie requérante. Elle estime, au contraire des demanderesses, que la seule présence d’un tiers lié au requérant suffit à vicier la procédure et que la jurisprudence de la Cour de cassation s’applique également aux instances en cours même à propos de faits antérieurs à cet arrêt, nonobstant la position fluctuante et dissidente du tribunal de grande instance de Paris dans trois décisions rendues le 1 décembre 2017, le 5 avril 2018 et le 22er novembre 2018.

La SAS CAFAN dénonce en second lieu l’absence de démonstration de



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l'originalité revendiquée par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION pour les vêtements en cause. Elle soutient que la demanderesse se limite à décrire les vêtements, sans expliquer comment s’exprimerait la personnalité de son auteur, dès l’instant qu’elle se borne à arguer de l’existence d’un genre, lequel ne peut pas constituer l’originalité d’une oeuvre, étant insusceptible de protection. Elle ajoute que les articles litigieux ne font que reprendre des éléments appartenant au fonds commun de la mode, dans des combinaisons dénuées d’originalité ; qu’en effet, de nombreux modèles comportant le mélange des genres prétendument caractéristique des deux robes et du chemisier querellés antériorisent ces derniers, la date de comparaison à retenir étant celle de leur commercialisation respective (pour la robe FR1108/1369 : le 26 juin 2015 ; pour la robe FR1247 : 18 décembre2015 ; pour le chemisier FCC1162 : le 2 octobre 2015) faute de justification d’une date de création plus précoce. Elle en donne notamment pour preuve :

- une robe référencée “RUMP.N” qu’elle justifie avoir elle-même proposé pour la saison hiver 2010 sous la marque MORGAN, associant la structure de bandes en tissu noir avec de la dentelle, comme la robe FR1108/1369;

- un modèle de robe “REDAR.N” dont la commercialisation sous la marque MORGAN pour la saison hiver 2013 est démontrée, combinant un mélange des genres par la conjugaison d’une robe façon bustier à manche courte rehaussée de dentelle, tout comme la robe FR1247 ;



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- un chemiser ONITA.P qui faisait partie de la collection hiver 2013 distribué dans le réseau exclusif MORGAN, sur lequel figurait des bandes de dentelle au niveau des bras;

outre d’autres modèles qu’elle communique pour démontrer la banalité des deux robes et du chemisier de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION.

La SAS CAFAN conteste la matérialité de la contrefaçon alléguée à son encontre. Elle fait valoir que les ressemblances relevées par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION portent sur des éléments banals et que les différences entre les articles litigieux -qu’elle liste dans ses écritures- aboutissent à une impression d’ensemble qui n’est pas similaire.



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Relativement au quantum du préjudice invoqué évalué sur le fondement de l’article L. 331-3-1 du Code de la propriété intellectuelle, la SAS CAFAN soutient qu’il doit uniquement être tenu compte du bénéfice qu’elle a obtenu sur le territoire français , soit 131.434,94 €, et que la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne rapporte pas la preuve du manque à gagner dont elle se prévaut dès lors que ne sont versés aux débats ni le contrat de distribution ni les factures de vente intervenus entre les deux sociétés demanderesses. Elle ajoute que la demanderesse ne justifie ni de ses dépenses publicitaires et promotionnelles, ni de l’atteinte portée à sa marque.

A propos de l’action en concurrence déloyale exercée à titre subsidiaire à l’action en contrefaçon par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION, elle soutient que celle-ci ne rapporte pas la preuve d’actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon et qu’aucun risque de confusion ne peut exister entre les vêtements qui ne se ressemblent pas, ni celle d’un détournement de clientèle, n’étant pas des concurrentes directes sur le marché du prêt-à-porter et chacune d’entre elle disposant d’une force de vente sous un signe distinctif notoire (leurs marques MORGAN et THE KOOPLES). Elle observe que les moyens tenant à la création d’un effet de gamme et d’une vente à bas prix sont également invoqués au soutien de l’action en concurrence déloyale exercée à titre complémentaire par la demanderesse, ce qui revient à réclamer deux fois la réparation du même préjudice.

Concernant l’action en concurrence déloyale et parasitaire exercée à titre complémentaire à l’action en contrefaçon par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION, la SAS CAFAN expose qu’il ne peut lui être imputé la création d’un effet de gamme dès lors d’une part que le risque de confusion qu’il doit avoir provoqué n’est pas établi par la demanderesse et n’existe d’ailleurs pas compte tenu des différences entre les produits en cause, d’autre part qu’un effet de gamme suppose que les modèles copiés fassent partie d’une même collection ce qui n’est pas le cas, les articles de la demanderesse correspondant à deux saisons distinctes. Elle soutient que la vente à des prix inférieurs mais correspondant aux prix qu’elle pratique, ne peut être constitutive de concurrence déloyale. Elle poursuit en indiquant que la commercialisation de modèles dépourvus d’originalité, dans les tendances de la mode, ne constitue pas le parasitisme et que la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne rapporte pas la preuve d’investissements réalisés au titre des trois modèles de vêtement en cause. Elle ajoute que le préjudice de 50.000 € allégué n’est pas explicité, ni même justifié.

Relativement à l’action en concurrence déloyale et parasitaire poursuivie à son encontre par la SAS THE KOOPLES DIFFUSION, elle objecte qu’outre l’absence de démonstration de la réalité d’actes contrefaisants, les prétentions de cette société ne peuvent prospérer dès lors que celle-ci ne justifie ni de sa qualité de distributeur, ni du risque de confusion dans l’esprit de la clientèle soit-disant créé par la commercialisation des robes 162-ROSP.N et 162-RIVALA.N ainsi que du chemisier 162-CDENTA.N.

A titre reconventionnel, la SAS CAFAN présente une demande de dommages et intérêts en invoquant des actes de parasitisme commis à son encontre par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION, dès lors qu’elle démontre à propos des modèles revendiqués, la reprise par ces dernières, sans bourse délier, de trois de ses modèles(référencés RUMP.N, REDAR.N et ONITA.P), fruits d’un travail intellectuel. Elle expose qu’il s’infère nécessairement de tels actes parasitaires un trouble commercial, notamment un préjudice moral, qu’elle chiffre à 150.000 €.



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Elle sollicite également à titre reconventionnel la condamnation des demanderesses à des dommages et intérêts considérant l’action des demanderesses abusive et à l’origine d’un préjudice commercial qu’elle chiffre à 92.466 € au titre du manque à gagner résultant du retrait des articles incriminés auquel elle a dû procéder à titre de précaution du fait de l’action entreprise par les demanderesses et qui ne peuvent plus être proposées à la vente eu égard à l’ancienneté du litige du fait du manque de diligence de ces dernières.

Elle fait valoir que les mesures complémentaires réclamées par les sociétés demanderesses (F de vente des produits en cause, destruction des produits contrefaisants, publication judiciaire) sont inutiles dès lors qu’elle a cessé de vendre les produits en cause depuis le 13 décembre 2016 et qu’elle ne peut être tenue au remboursement de procès-verbaux de constat d’achats qui sont nuls.

A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de la garantie contractuelle et de la garantie légale d’éviction à laquelle est tenue le vendeur, la SAS CAFAN demande à être garantie par la SARL BE GIRL pour les condamnations qui pourraient intervenir à son encontre concernant le modèle de chemisier […].

***

Selon conclusions en réponse signifiées par la voie électronique le 7 juin 2018, la SARL BE GIRL demande au tribunal de :

 – CONSTATER et JUGER que le modèle « FCC1162 » revendiqué par la société THE KOOPLES PRODUCTION est dépourvu de caractère original et qu’il ne peut en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur ;

- CONSTATER et JUGER en conséquence, le caractère irrecevable et/ou infondé de la demande en contrefaçon formulée au titre du droit d’auteur sur le modèle « FCC1162 » par la société THE KOOPLES PRODUCTION » ;

- CONSTATER et JUGER s’il y a lieu, que les actes de contrefaçon ne sont pas constitués s’agissant du modèle de chemisier « CDENTA.N », et débouter par conséquent, la société THE KOOPLES PRODUCTION de sa demande en contrefaçon à l’égard dudit modèle ;

- CONSTATER et JUGER qu’aucun acte de concurrence déloyale ne peut être imputé à la société BE GIRL au titre de la demande subsidiaire formulée par la THE KOOPLES PRODUCTION ;

- CONSTATER en conséquence, l’absence de préjudice subi par la société THE KOOPLES PRODUCTION relatif au modèle « CDENTA.N » ;

- En tout état de cause, CONSTATER et JUGER que la société BE GIRL n’est pas concernée par les demandes en concurrence déloyale formulées à titre principal par les sociétés demanderesses, et par conséquent juger qu’aucun acte en concurrence déloyale ne peut lui être imputé ;

- Condamner « in solidum » les sociétés THE KOOPLES PRODUCTION et THE KOOPLES DIFFUSION à verser à la société BE GIRL une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner « in solidum » les sociétés THE KOOPLES PRODUCTION et THE KOOPLES DIFFUSION aux entiers dépens de l’instance.



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La SARL BE GIRL prétend que la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne caractérise aucunement une quelconque physionomie propre à la chemise FCC1162 reflétant la personnalité de son auteur, se contentant de lister des caractéristiques banales et objectives. Elle conteste l’originalité du chemisier revendiqué par la demanderesse et soutient que la coupe droite avec un col mao/officier appartient au fonds commun de l’univers de la chemise, considérant que le travail de cette dernière s’est réduit à l’association d’un chemiser commun à des bandes de dentelles à fleurs sans particularité. Elle ajoute que l’ensemble des caractéristiques prétendument originales pour la chemise FCC1162 ont fait l’objet antérieurement au 2 octobre 2015 – seule date certaine de l’existence de ce vêtement – d’une large commercialisation. Elle soutient que le grief de reproduction n’est pas établi compte tenu des différences entre les chemisiers litigieux, notamment quant à la dentelle, et de la banalité des éléments relevés par la demanderesse comme étant ressemblants.

La SARL BE GIRL considère que l’action en concurrence déloyale exercée à titre subsidiaire par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne peut pas être accueillie en l’absence de démonstration d’un risque de confusion fautif sur l’origine des produits, en tout état de cause exclu du fait de l’apposition des marques sur chacun des vêtements et de la notoriété équivalente des deux marques en cause faisant obstacle à ce que la clientèle puisse se tromper entre elles deux.

Elle conteste devoir sa garantie à la SAS CAFAN pour les actes de concurrence déloyale tirés de la création d’un effet de gamme associé à des prix bas au détriment de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION dont elle n’est pas responsable eu égard à sa seule qualité de fournisseur grossiste d’un seul des trois vêtements litigieux. S’agissant des actes de concurrence déloyale à l’égard de la SAS THE KOOPLES DIFFUSION, elle estime que sa garantie n’est pas due à la SAS CAFAN, dès lors que le préjudice subi par la société demanderesse outre qu’il n’est pas démontré, n’est que la conséquence de la vente au détail des articles litigieux.

***

Il convient de se reporter à ces écritures pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.er

La clôture de l’instruction est intervenue le 6 février 2020.

MOTIFS

I – Sur les demandes fondées sur le droit d’auteur

A – Sur la qualité à agir de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION invoque le bénéfice de la présomption de titularité des droits d’auteur attaché à la commercialisation des robes et du chemisier objets du litige, résultant des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Mais même si la SAS CAFAN indique dans ses écritures que la SAS THE KOOPLES PRODUCTION “prétend être titulaire de droits d’auteur” ou encore page 37 “La société THE KOOPLES PRODUCTION n’est même pas en mesure de dire à quelles dates ces trois modèles ont été créés, ce qui, comme indiqué précédemment, laisse à penser qu’elle n’est pas à l’origine de leur création”, le tribunal constate que la



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défenderesse ne développe aucun moyen tendant à contester la recevabilité de l’action intentée sur le fondement du droit d’auteur.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur ce point qui n’est pas débattu.

B – Sur l’originalité permettant de bénéficier de la protection au titre du Livre I du Code de la propriété intellectuelle

Les dispositions de l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.

Est considérée comme étant originale, une oeuvre révélant les choix arbitraires et le parti-pris esthétique du créateur, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Selon l’article L. 112-2 14° du Code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme oeuvres de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure.

Il appartient à celui qui se prévaut de ces dispositions de justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète la personnalité de son auteur.

1 – Sur la robe référencée FR1108/FR1369

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION expose que cette robe présente la combinaison originale des caractéristiques suivantes :

“Cette robe est stricte au regard des caractéristiques suivantes:

Robe très couvrante sur l’avant du fait :

* de l’absence de décolleté plongeant

* de sa longueur juste au-dessus du genou

* de son encolure arrondie, au ras du cou

* de la présence de dentelle couvrant la seule partie qui n’est pas pleine

Elle est également sexy au regard des caractéristiques suivantes:

* présence de bandes

* dos relativement dénudé

* coupe ajustée

Elle est, enfin, romantique au regard des caractéristiques suivantes:

* présence de dentelle

* présentant des arabesques et des motifs végétaux

* découpage dentelle à bords francs.

Cette robe combine donc plusieurs genres opposés qu’elle fait harmonieusement coexister par de subtils contrastes:

- tout en étant ajustée et près du corps, elle présente une certaine longueur,

- les bandes, élément sexy, couvrent paradoxalement une importante partie du corps sur l’avant,

- elles sont associées à de la dentelle romantique en forme d’arabesques et d’éléments végétaux,

- l’encolure arrondie, très fermée, est contrebalancée par l’absence de manches

- l’arrière de la robe laisse percevoir le dos nu, quand l’avant est particulièrement couvrant.”

Seul le ticket de caisse portant la référence de la robe litigieuse datant du 26 juin 2015 que la demanderesse verse aux débats permet de donner une date certaine à l’achat ce



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vêtement, étant précisé que cette occurrence, si elle est indispensable pour étudier le caractère de nouveauté en matière de dessins et modèles, ne peut au cas d’espèce servir qu’à apprécier si à cette date, la robe s’inscrivait ou non dans une tendance générale de la mode susceptible de E obstacle à la reconnaissance de l’originalité revendiquée.

La SAS CAFAN considère que le modèle référencé FR1108/FR1369 ne remplit pas la condition d’originalité nécessaire à la protection par le droit d’auteur, alléguant l’antériorité de son propre modèle RUMP.N qui daterait de la collection hiver 2010, outre une robe G H de janvier 2015, la robe de K-L M créée et confectionnée pour le film “Le cinquième élément” sorti en 1997 et une robe

-bandage qui signe les créations d’I J depuis 1985.

Mais l’antériorité de son propre modèle n’est pas démontrée. Les pièces produites, qui sont toutes internes à la SAS CAFAN, ne sont en effet pas probantes, notamment quant à la date de divulgation du modèle en cause. Il n’est versé aux débats aucune attestation de client établissant une date de vente de nature à corroborer les bons de commandes au fabricant émis par la société, ni des parutions dans la presse ou un catalogue promotionnel présentant le modèle.

Par ailleurs, les robes de créateurs opposées n’ont comme point commun avec le modèle revendiqué par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION que la présence de bandes horizontales structurant le dos et les côtés d’une robe très près du corps, qui alternent avec un autre tissu ou simplement la peau.

Ils ne comportent ni encolure ronde ras du cou, ni empiècement de dentelle sur le buste au motif floral, arabesque et avec des bordures effet cil sur les épaules, et à laquelle le tissu plein laisse place par endroits de la robe fourreau, de façon à E apparaître par transparence la peau du corps sur lequel les broderies de la dentelle donnent un effet tatouage, alors que ces éléments pris tous ensemble apportent à la robe revendiquée un jeu particulier d’une silhouette assurée alliant sophistication et délicatesse, stéréotypes de la séduction féminine et modernité. Cette combinaison de caractéristiques relève donc d’un parti-pris esthétique qui justifie la protection de l’oeuvre au titre du droit d’auteur.

2 – Sur la robe référencée FR1247

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION considère que la combinaison des caractéristiques suivantes confère à cette robe droite courte, son originalité :

“La forme du bustier en pointe, son ouverture échancrée au niveau de la poitrine, la longueur mi-cuisses de la robe, l’ouverture en goutte d’eau dans le dos et l’effet écaille leur confèrent un aspect très sexy, d’autant que la robe est conçue pour se porter sans soutien-gorge.

A l’inverse, la présence de petites manches, d’un col rond, de dentelle et d’un effet drapé, confèrent à la robe un aspect plus sage et romantique.

Cette robe FR1247 présente de nombreux contrastes :

- elle associe un bustier en « M » très décolleté à une encolure ras du cou,

- tout en couvrant le dos par une dentelle légère, elle a une ouverture en goutte d’eau laissant entrevoir la peau,

- la coupe ajustée et sexy est contrebalancée par un effet drapé,

- le motif « écailles » sexy de la robe, coexiste avec une dentelle fine et ajourée au niveau du buste et du dos.”

Seul le ticket de caisse portant la référence de la robe litigieuse datant du 18 décembre 2015 que la demanderesse verse aux débats permet de donner une date certaine à l’achat de ce vêtement, étant précisé que cette occurrence, si elle est indispensable pour étudier le caractère de nouveauté en matière de dessins et modèles, ne peut au cas



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d’espèce servir qu’à apprécier si à cette date, la robe s’inscrivait ou non dans une tendance générale de la mode susceptible de E obstacle à la reconnaissance de l’originalité revendiquée.

La SAS CAFAN prétend que les caractéristiques dont se prévaut la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne témoignent d’aucune créativité et se retrouvent dans son propre modèle REDAR.N faisant partie de sa collection Hiver 2013.

Elle oppose également à titre d’antériorités – et pour justifier son affirmation selon laquelle la robe revendiquée s’inspirerait largement de modèles antérieurs présents sur le marché – des robes présentées en 2013 et 2014 par MANGO, Les 3 Suisses, La Redoute ainsi qu’un grossiste dans le prêt à porter.

Mais pour les mêmes raisons que développées supra, l’antériorité de son propre modèle n’est pas démontrée.

Du reste, si les modèles opposés donnent à voir des robes bustiers à col rond, droites et courtes, rehaussées de dentelle ou de tulle entre le col et le haut du bustier, aucun d’eux ne présente la combinaison revendiquée qui donne à la robe son aspect à la fois simple et raffiné tenant à :

- une encolure ras du cou qui contraste avec un bustier très pointu et très échancré en son milieu ainsi qu’une longue ouverture goutte d’eau dans le dos,

- une robe droite dans un tissu souple présentant une coupe près du corps, travaillée sur le devant de manière à donner un effet drapé et à mettre en valeur la taille,

- un tissu à discrets motifs (effet reptile ou écaille) sur la partie inférieure du vêtement, sur le bustier et sur les mancherons, qui est associé à une dentelle résille sur la partie supérieure avant et arrière de la robe et rappelée dans le bas de la robe.

Les pièces de comparaison versées aux débats ne sont donc pas de nature à justifier de la prétendue banalité de la robe référencée FR1247, étant précisé que si certains des éléments qui la composent sont effectivement connus et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l’univers de la mode, cette occurrence est indifférente au regard de leur combinaison telle que revendiquée et réalisée, dès lors que l’appréciation du tribunal doit s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement.

En l’occurrence, la dite combinaison confère à la robe querellée une physionomie particulière qui la distingue de vêtements du même genre et qui traduit de manière suffisamment nette et significative un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

Il s’ensuit que la robe de marque THE KOOPLES référencée 1247 doit bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur.

[…]

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION expose que ce chemisier se caractérise par la “ combinaison d’éléments mélange plusieurs codes vestimentaires.

En effet, la chemise col mao est un vêtement traditionnellement strict, appartenant au vestiaire masculin. Ce côté rigide est contrebalancé par une touche de féminité résidant dans la dentelle, apposée au surplus, de manière inhabituelle, des trapèzes jusqu’aux poignets.

Ce chemisier FCC1162 présente ainsi de nombreux contrastes :

- un vêtement appartenant d’ordinaire au vestiaire masculin adapté à la silhouette féminine,

- un vêtement traditionnellement rigide réalisé dans une matière fluide et légère



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et de la dentelle se composant de fleurs,

- un col mao, par essence strict et fermé, combiné avec l’ouverture sur les bras de dentelle féminine en transparence laissant entrevoir tout le bras et l’épaule.”

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION démontre une date certaine de commercialisation de ce vêtement en fournissant un duplicata de ticket de caisse du 2 octobre 2015 faisant apparaître l’achat d’une “chemise femme” référencée “FCC 1162 W15".

La SAS CAFAN et la SARL BE GIRL contestent l’originalité du modèle revendiqué en faisant valoir que les caractéristiques du modèle de chemise revendiqué étaient largement connues avant le 2 octobre 2015.

Il ressort effectivement des pièces qu’elles produisent aux débats que les chemises à manches longues, déclinées au féminin grâce au boutonnage caché, aux poignets fermés par un bouton unique et à l’utilisation d’un tissu souple, appartient au fonds commun de la mode féminine, tout comme l’apposition d’empiècements de dentelles sur les manches et les épaules d’une chemise ou de ses variations (chemisiers, tuniques ou blouses) laissant le cas échéant voir la peau.

En outre, l’assemblage de ces éléments connus et ci-dessus décrits correspondait à la tendance générale de la mode de la première moitié des années 2010.

Les distinctions que la SAS THE KOOPLES PRODUCTION met en avant (forme de chemise, positionnement de la dentelle du poignet jusqu’aux trapèzes, col français) sont indifférentes puisqu’une antériorité de toute pièce n’est pas exigée en matière de droit d’auteur où la discussion porte sur l’originalité et non sur la nouveauté du produit revendiqué.

Or, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne justifie pas d’un effort créatif reflétant la personnalité de son auteur du fait de la reprise de toutes les caractéristiques d’un chemisier rehaussé de dentelle sur les bras.

II s’ensuit que l’association revendiquée, qui appartient au domaine public, ne confère pas au modèle pris dans son ensemble, une physionomie propre, qui le distingue des autres modèles du même genre.

Le chemisier FCC 1162 n’est donc pas éligible au titre du droit d’auteur et la SAS THE KOOPLES PRODUCTION doit être déboutée de ses demandes y afférentes sur ce fondement.

C – Sur la matérialité et l’imputabilité de la contrefaçon

1 – Sur la validité des procès-verbaux de constats d’achat des 14 septembre 2016 et 13 octobre 2016

En tant que fait juridique, la contrefaçon de droits d’auteur peut être prouvée par tout moyen, notamment en recourant à un constat d’achat par huissier de justice.

Il est acquis que pour que cet acte soit valable, l’huissier de justice dont la mission se borne à des constatations purement matérielles, et qui ne peut pénétrer dans un lieu privé en l’absence d’autorisation judiciaire, doit E appel à un tiers acheteur pour procéder à l’achat dans le magasin.

Par un arrêt du 25 janvier 2017 opérant revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a posé pour principe que “le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés



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fondamentales commandait que la personne qui assistait l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante”.

Sur la base de cette décision, la SAS CAFAN conclut à la nullité des procès-verbaux de constat d’huissier des 14 septembre et 13 octobre 2016, au motif que le tiers acheteur est une stagiaire du cabinet d’avocats de la société demanderesse ayant mandaté l’huissier.

Mais E rétroagir le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation aux constats querellés aboutirait à une solution inéquitable pour la demanderesse, qui a agi de bonne foi en se confortant à l’état du droit alors applicable.

Il appartient en outre au tribunal, dans le cadre du respect de l’exigence d’un procès équitable, d’apprécier la pertinence des éléments de preuve dont une partie souhaite la production, et en cela, de vérifier si la manière dont la preuve a été administrée s’est opérée loyalement.

En l’occurrence, l’identité et la qualité de la stagiaire ayant procédé aux achats sont expressément mentionnées dans son procès-verbal. Il n’est du reste démontré ni même argué de quelconques manoeuvres ou stratagèmes témoignant d’un procédé déloyal.

Rien ne s’oppose donc à ce que ces constats, dont la seule finalité est de constater l’achat d’un produit dans un lieu déterminé, puissent tenir lieu de preuve et être soumis au débat contradictoire devant la juridiction.

Le moyen tiré de l’irrégularité des constats d’achat sera donc écarté.

2 – Sur les actes de contrefaçon

En vertu de l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite.

En matière de contrefaçon, la bonne foi est indifférente.

En l’espèce, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION a fait dresser les 14 septembre et 13 octobre 2016 des procès-verbaux de constat d’achat. Elle communique des captures d’écran effectuées sur le site internet www.morgandetoi.fr. Elle a en outre fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon les 30 novembre et 12 décembre 2016.

Ces pièces établissent la commercialisation des robes référencés 162-ROSP.N et 162- RIVALA.N par la SAS CAFAN.

Il résulte par ailleurs de la comparaison entre les modèles en cause à laquelle s’est livré le tribunal que ces dernières robes constituent une copie servile des robes de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION référencées FR1108/1369 et FR1247, en ce qu’elles reproduisent les caractéristiques originales de ces dernières.

Les différences pointées par la SAS CAFAN et constituées

- pour la robe 162-ROSP.N, d’un haut structuré de façon différente, notamment avec une surface de dentelle de forme triangulaire et non pas sous forme d’un trapèze, d’un buste de robe comportant deux bandes graphiques de largeurs différentes et non pas trois bandes de même largeur, des dentelles qui ne sont pas les mêmes, de l’absence de fronces ;

- pour la robe 162-RIVALA.N , de son caractère moins ajusté, de son absence



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de fronce, de son effet drapé sous la taille, des extrémités d’épaulettes constituées uniquement de dentelle, d’une dentelle moins présente sur le haut du dos de la robe, de l’absence de dentelle au bas de la robe ; ne sont pas de nature à produire une impression d’ensemble différente de celle produite par les modèles revendiqués par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION.

Elles sont donc insusceptibles de retirer aux robes litigieuses leur caractère contrefaisant.

Il s’ensuit que la contrefaçon par la SAS CAFAN des modèles de robe référencés FR1108/1369 et FR1247 est caractérisée.

D – Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon

Selon les dispositions de l’article L. 331-1-3 Code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives que sont le manque à gagner subi par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits de propriété intellectuelle du fait de l’atteinte.

* la masse contrefaisante

Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 novembre 2016, qu’à cette date, la SAS CAFAN avait vendu :

- au prix public de 80 €, 2.474 pièces de la robe ROSP.N contrefaisant la robe THE KOOPLES FR1108/1369 sur un total de 5.047 pièces acquises pour un prix total de 114.014, 94 €,

- au prix public de 75 €, 686 pièces de la robe RIVALA.N contrefaisant la robe THE KOOPLES FR 1247 sur un total de 1.926 pièces acquises pour un prix total de 30.061,20 dollars US.

La SAS CAFAN prétend que les ventes réalisées hors de France n’ont pas lieu d’être prises en considération au titre des produits contrefaisants vendus.

Le rapprochement entre les bons de commandes, les factures et le nombre de pièces vendues dans le monde entier, tel que cela résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon et de l’attestation du commissaire aux comptes de la SAS CAFAN, tend pourtant à démontrer que les ventes de produits contrefaisants à l’étranger ont été faites à partir de produits introduits en France.

Faute d’élément contraire apporté par la SAS CAFAN, il doit donc être considéré qu’il s’agit bien de ventes réalisées à partir de la France et qu’elles n’ont pas lieu d’être écartées du calcul de la masse de produits contrefaisants vendus telle que retenue par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION en considération des chiffrages obtenus par l’huissier de justice auprès de la société défenderesse.

Le tribunal observe qu’en tout état de cause, rapproché des chiffres attestés par le commissaire aux comptes de la SAS CAFAN, le nombre de ventes dont il est fait état dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon et sur lequel la demanderesse effectue ses calculs, semble ne correspondre qu’aux seules ventes réalisées en France.

* le manque à gagner subi par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION

Selon les pièces versées aux débats, la robe ROSP.N était vendue par la SAS CAFAN à la clientèle au prix de 80 € et le modèle RIVALA-N au prix de 75 € alors que la société THE KOOPLES proposait à la vente sa robe FR 1108/1369 au prix de 255 €



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avec une marge de 170,95 € par robe référencée FR 1108, de 179,67€ par robe référencée FR 1369 et de 158,93 € par robe référencée FR 1247 vendue au prix de 225€.

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION évalue le manque à gagner subi pour elle- même et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION à la somme totale de 541.975, 98 €

[(2.474 pièces contrefaites vendues x 175 €) + (686 pièces contrefaites vendues x 158 ,93 €)].

Cette évaluation des ventes manquées ne tient cependant pas compte de la forte disparité de pouvoir d’achat de la clientèle ciblée par chacune des sociétés au litige ni de l’existence de produits concurrents sur le marché, éléments qui doivent pourtant conduire à pondérer le gain manqué ainsi allégué dès l’instant qu’ils permettent d’exclure qu’en l’absence de produits contrefaits, la clientèle se serait automatiquement reportée sur les modèles sur lesquels la SAS THE KOOPLES PRODUCTION est titulaire de droits d’auteur.

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION affirme par ailleurs qu’elle réalise 60 % de la marge globale sur la vente en gros des produits, les 40% restant l’étant par la SAS THE KOOPLES DIFFUSION.

L’argument de la SAS CAFAN tenant à l’absence de justification de cette répartition est sans emport, dès l’instant qu’elle est tenue d’indemniser l’intégralité du préjudice subi (autrement dit la perte de marge totale), seule l’une des parties en demande étant à même d’élever à l’encontre de l’autre une contestation quant à la hauteur de sa participation à la marge commerciale globale de l’entreprise.

* le bénéfice réalisé par le contrefacteur

S’agissant du bénéfice réalisé par la SAS CAFAN à partir des produits contrefaits, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION chiffre la marge unitaire réalisée par la SAS CAFAN à 47,84 € pour une robe ROSP.N vendue et à 47,70 € pour une robe RIVALA.N vendue.

Elle n’explicite cependant pas comment elle arrive à ces résultats, alors qu’au regard de l’attestation du commissaire au comptes de la SAS CAFAN versée aux débats, celles-ci doivent respectivement être fixées à 32,06 € par unité pour la première et à 28,71 € par unité pour la seconde.

Il s’ensuit que le total des bénéfices réalisés par la SAS CAFAN peut être évalué à 99.011,50 € (2.474 € x32,06 € ) + (686 € x 28,71 €)].

* le préjudice moral

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION argue de l’atteinte aux investissements publicitaires réalisés et de l’avilissement de ses modèles portant atteinte à l’image créative de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION exploitant la marque THE KOOPLES mais ne formule aucune demande spécifique en indemnisation d’un préjudice moral, le montant de sa prétention indemnitaire correspondant uniquement selon ses propres écritures (page 66) “à la violation de ses droits patrimoniaux d’auteur correspondant à son manque à gagner et au bénéfice réalisé par la SAS CAFAN.”

Eu égard à ce qui précède, la juridiction est en mesure de liquider définitivement le préjudice patrimonial subi par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION. Il n’y a donc pas lieu d’allouer une provision.



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En conséquence, compte tenu de la masse contrefaisante, du manque à gagner subi par la demanderesse, des bénéfices réalisés par la SAS CAFAN, de l’atteinte aux investissements évalués selon l’expert comptable de la demanderesse à 5.161.235 entre le 1 septembre 2015 et le 31 août 2016 et à 2.144.106 € entre le 1 septembre 2016er er et le 28 février 2017, le préjudice patrimonial de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION sera justement évalué à 200.000 €, somme au paiement de laquelle la SAS CAFAN sera condamnée.

II – Sur l’action subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION s’agissant du chemisier référencé FCC 1162

La concurrence déloyale et le parasitisme, fondés sur l’article 1240 du Code civil, sont caractérisés par application de critères distincts, la première l’étant au regard du risque de confusion avec l’activité ou les produits du concurrent et le second consistant à tirer ou entendre tirer profit de la valeur économique acquise par autrui au moyen d’un savoir-E, d’un travail de création, de recherches ou d’investissements, de façon à en retirer un avantage concurrentiel.

Au cas d’espèce, s’agissant du chemisier référencé FCC 1162, l’existence d’un risque de confusion sur l’origine du chemisier commercialisé par la SAS CAFAN et la marque ou le style “THE KOOPLES” ne peut résulter de la reprise d’une combinaison d’éléments qui – ainsi qu’il est indiqué plus haut – se retrouvant dans le fonds commun de la mode féminine, ne sont pas de nature à conduire le consommateur à opérer une association.

Pour les mêmes raisons, elle ne peut davantage E grief à la SAS CAFAN de s’être inscrite dans son sillage.

Les actes de concurrence déloyale et parasitaire dénoncés par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION à propos de sa chemise référencée FCC 1162 ne sont donc pas caractérisés.

En conséquence, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION doit être déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

III – Sur l’action en concurrence déloyale et parasitaire exercée à titre complémentaire par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION

A – Sur la concurrence déloyale et parasitaire exercée par la SAS CAFAN à l’encontre de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION au titre de faits distincts de la contrefaçon

Il est constant qu’en cas de succès d’une action en contrefaçon, il convient, pour que puisse aboutir en parallèle une action en concurrence déloyale et parasitaire, que cette dernière soit fondée sur des faits distincts.

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION évoque d’abord un effet de gamme, que la SAS CAFAN aurait recherché à créer en reprenant les caractéristiques originales de ses deux robes.

Cependant, la copie, même servile comme en l’espèce, de deux produits ne constitue pas en elle-même un effet de gamme constituant un fait de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon.

Du reste, la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ne démontre pas que les



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contrefaçons ont pu entretenir la confusion avec une gamme de produits bien identifiée et connue des consommateurs, dans le sillage de laquelle elles auraient été destinées à s’insérer, pas plus qu’elle n’établit que la SAS CAFAN aurait recherché à reproduire une famille de produits cohérente qui aurait pu constituer un effet de gamme.

La SAS THE KOOPLES PRODUCTION évoque ensuite la pratique d’un prix largement inférieur par la SAS CAFAN, qui serait fautive.

Mais la modestie du prix des produits contrefaisants doit être prise en compte au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon eux-mêmes – les économies faites par le contrefacteur sur les frais de publicité et de développement permettant cette vente à moindre coût – sans pouvoir à elle seule être considérée comme un fait distinct de concurrence déloyale.

Il s’ensuit que les faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire, allégués par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION, ne sont pas suffisamment caractérisés.

B – Sur la concurrence déloyale et parasitaire exercée par la SAS CAFAN à l’encontre de la SAS THE KOOPLES DIFFUSION

La SAS THE KOOPLES DIFFUSION soutient que la contrefaçon par la SAS CAFAN des droits d’auteur de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION relatifs aux deux robes litigieuses, est constitutive d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice.

En l’espèce, par la commercialisation illicite de vêtements reproduisant les caractéristiques originales des références FR 1108/1369 et FR 1247, la SAS CAFAN a à l’évidence entendu créer un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs au détriment des produits authentiques THE KOOPLES et a pu profiter, sans investissement, des efforts créatifs et financiers consentis pour créer et développer ces produits originaux et leur style.

Ces agissements fautifs ont causé un préjudice en la forme de troubles commerciaux, propre à la SAS THE KOOPLES DIFFUSION, dont il est suffisamment établi par les pièces produites aux débats, qu’elle distribue bien des produits de marque THE KOOPLES dans ses magasins exclusifs et dans des corners de grands magasins.

La SAS THE KOOPLES DIFFUSION réclame l’indemnisation du préjudice économique qu’elle a subi par la faute de la défenderesse, constitué des pertes financières qui ont résulté de la commercialisation des produits contrefaisants qu’elle évalue à 247.234 €, chiffre correspondant à 40 % du manque à gagner total qu’elle avait calculé pour les deux sociétés.

Si il est certain que les robes contrefaites ont nécessairement interféré dans son activité commerciale en lui faisant manquer des gains, il ne peut en revanche être affirmé, à l’instar de ce qui a été indiqué supra, que sans les produits contrefaits, la clientèle se serait forcément reportée sur les produits commercialisés par la SAS THE KOOPLES DIFFUSION. Sous cette réserve, et en tenant compte de la participation de cette société à la marge totale réalisée de l’entreprise, il convient de lui allouer la somme de 100.000€.

III – Sur les demandes reconventionnelles de la SAS CAFAN

A – Sur la demande de dommages et intérêts au titre du parasitisme

La SAS CAFAN présente une demande de dommages et intérêts en invoquant des actes



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de parasitisme commis à son encontre par la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION soutenant que les modèles revendiqués par ces dernières ne sont en réalité que la reprise sans bourse délier, de ses propres modèles, fruits de son travail intellectuel.

Mais il a été dit supra que la SAS CAFAN ne démontrait pas que ses deux modèles référencés RUMP.N et REDAR.N pouvaient être opposés à titre d’antériorités aux deux robes sur lesquelles la SAS THE KOOPLES PRODUCTION revendique des droits.

Quant à son modèle référencé ONITA.P, il emprunte, à l’instar du constat fait à propos du chemisier FCC 1162, au fonds commun de la mode féminine.

Il s’ensuit que la SAS CAFAN, qui ne caractérise aucun acte de parasitisme commis par les sociétés demanderesses à son encontre, doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts de ce chef.

B – Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les demandes des sociétés demanderesses ayant en partie été admises, la procédure qui tend à la cessation et l’indemnisation du préjudice subi du fait d’actes contrefaisants et de concurrence déloyale et parasitaire est fondée, et ne peut dès lors ouvrir droit en faveur de la SAS CAFAN à l’allocation de dommages et intérêts.

La SAS CAFAN sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.

V – Sur la garantie due par la SARL BE GIRL

Il s’infère du sens de la décision que l’appel en garantie dirigé contre la SARL BE GIRL, fournisseur du chemisier CDENTA.N commercialisé par la SAS CAFAN, est sans objet.

VI – Sur les mesures accessoires complémentaires

La SAS CAFAN fait valoir que les mesures complémentaires réclamées par les sociétés demanderesses (F de vente des produits en cause, destruction des produits contrefaisants, publication judiciaire) sont inutiles dès lors qu’elle a cessé de vendre les produits en cause depuis le 13 décembre 2016.

Mais une telle circonstance n’interdit pas d’X les mesures sollicitées et est même davantage de nature à les justifier. Il y sera donc fait droit, dans les conditions fixées au dispositif ci-après.

Compte tenu par ailleurs de l’ampleur des actes fautifs (nombre de produits contrefaits, montant des préjudices subis) il est justifié d’X les mesures de publicité de la décision, qui constituent un mode réparatoire habituel en la matière.

VII- Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile

La SAS CAFAN qui perd le procès, sera condamnée au paiement de l’intégralité des dépens de l’instance, en ce compris ceux afférents à la procédure de saisie-contrefaçon.

Les frais d’huissier relatifs aux constats d’achat effectués par maître Y, qui ne font pas partie des dépens tels que définis à l’article 696 du Code de procédure civile, seront pris en considération au titre de l’indemnité allouée aux sociétés demanderesses au titre des frais irrépétibles.



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La SAS CAFAN sera ainsi condamnée à verser à la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et à la SAS THE KOOPLES DIFFUSION une somme au titre des frais non répétibles que l’équité commande de fixer à 10.000 €.

La SARL BE GIRL, qui n’a pas été attraite à la cause par les sociétés demanderesses doit quant à elle être déboutée de sa demande tendant à voir condamner ces dernières à lui verser une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige, sauf pour ce qui concerne la mesure de publication et de destruction.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

- DIT que les procès-verbaux de constat d’achat dressés par huissier de justice en date des 14 septembre et 13 octobre 2016 sont valables ;

- DIT que la SAS CAFAN a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur sur les modèles de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION référencés FR 1108/1369 et FR 1247 ;

- CONDAMNE la SAS CAFAN à payer à la SAS THE KOOPLES PRODUCTION la somme de deux cents mille euros (200.000 €) en réparation de son préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon de ses droits d’auteur ;

- DÉBOUTE la SAS THE KOOPLES PRODUCTION de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon de droits d’auteur et d’actes de concurrence déloyale et parasitaire concernant le chemisier référencé FCC 1162 ;

- DÉBOUTE la SAS THE KOOPLES PRODUCTION de sa demande de dommages et intérêts complémentaire au titre d’actes de concurrence déloyale ou parasitaires distinct des actes de contrefaçon ;

- CONDAMNE la SAS CAFAN à payer à la SAS THE KOOPLES DIFFUSION la somme de cent mille euros (100.000 €) au titre du préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre ;

- ORDONNE, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du présent jugement, à la SAS CAFAN de cesser de fabriquer, E fabriquer, importer, commercialiser directement ou indirectement, détenir ou continuer à exploiter les robes ROSP.N et RIVALA.N contrefaisant les modèles de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION ;

- ORDONNE sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, la destruction dans le mois suivant la signification du présent jugement, de toutes les robes contrefaisantes ROSP.N et RIVALA.N restant en stock, ainsi que de tous documents ou supports s’y rapportant détenus ou appartenant à la SAS CAFAN et ce, en tous lieux où ils se trouveraient ;

- ORDONNE sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, la publication dans 3 journaux ou revues au choix de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, de l’extrait suivant:



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La société CAFAN a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur sur les modèles de robe de la SAS THE KOOPLES PRODUCTION référencés FR 1108/1369 et FR 1247, en les commercialisant dans ses boutiques à l’enseigne

“MORGAN DE TOI” et sur le site internet www.morgandetoi.fr en conséquence de quoi elle a été condamnée à verser à la SAS THE KOOPLES PRODUCTION la somme de 200.000 et à la SAS THE KOOPLES DIFFUSION la somme de 100.000 € en réparation de leur préjudicecommercial ”. DIT que le coût de chaque publication ne pourra excéder 5.000 € HT; RAPPELLE que les dites publications sont ordonnées aux frais de la SAS CAFAN ;

- ORDONNE sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, la publication du même extrait, sur la page d’accueil du site de la SAS CAFAN accessible sous l’adresse URL www.morgandetoi.fr ou tout autre adresse URL qui s’y substituerait, pendant une durée d’un mois à compter du 8 jour suivant la signification du présent jugement ; ème

- DÉBOUTE la SAS CAFAN de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ;

- DIT que l’appel en garantie dirigé contre la SARL BE GIRL est sans objet ;

- CONDAMNE la SAS CAFAN à payer à la SAS THE KOOPLES PRODUCTION et la SAS THE KOOPLES DIFFUSION la somme de dix mille euros (10.000 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- DÉBOUTE la SARL BE GIRL de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SAS CAFAN au paiement des entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût de la procédure en saisie-contrefaçon ;

- ORDONNE l’exécution provisoire, sauf pour ce qui concerne les mesures de publication et de destruction qui interviendront une fois le jugement devenu définitif.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Tribunal Judiciaire de Rennes, 1er février 2021, n° 17/00568