ADLC, Décision 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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SW Avocats · 2 mai 2021

Dans ce nouvel épisode jurisprudentiel de l'affaire dite « du cartel des panneaux routiers », le Conseil d'État poursuit, par trois décisions du 27 mars 2020 publiées au Recueil Lebon (après deux premières décisions, dont l'une publiée au Recueil – CE 24 février 2016, Département de l'Eure, req. n°395194, au Recueil – et l'autre mentionnée aux Tables – CE 2 décembre 2019, Société Ysenbaert c/ Département du Nord, req. n°422307, aux Tables) son édification jurisprudentielle relative aux actions en réparation intentées par les personnes publiques victimes de pratiques anticoncurrentielles à …

 

SW Avocats · 2 mai 2021

Dans ce nouvel épisode jurisprudentiel de l'affaire dite « du cartel des panneaux routiers », le Conseil d'État poursuit, par trois décisions du 27 mars 2020 publiées au Recueil Lebon (après deux premières décisions, dont l'une publiée au Recueil – CE 24 février 2016, Département de l'Eure, req. n°395194, au Recueil – et l'autre mentionnée aux Tables – CE 2 décembre 2019, Société Ysenbaert c/ Département du Nord, req. n°422307, aux Tables) son édification jurisprudentielle relative aux actions en réparation intentées par les personnes publiques victimes de pratiques anticoncurrentielles à …

 
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Sur la décision

Référence :
Aut. conc., déc. n° 10-D-39 du 22 déc. 2010
Numéro(s) : 10-D-39
Identifiant ADLC : 10-D-39
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale1

L’Autorité de la concurrence (section II), Vu la décision n° 07-SO-01 du 20 février 2007, enregistrée sous le numéro 07/0026 F, par laquelle le Conseil de la concurrence s’est saisi d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière ; Vu la lettre du 12 mars 2007, enregistrée sous le numéro 07/0031 F, par laquelle la société Signal Concept a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de signalisation routière ; Vu la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le rapporteur général a joint les affaires 07/0026 F et 07/0031 F ; Vu la lettre du 29 mai 2008, enregistrée sous le numéro 08/0060 F, par laquelle la société Nord Signalisation a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de signalisation routière ; Vu la décision du 3 juin 2008 par laquelle le rapporteur général a joint l’affaire 08/0060 F aux deux affaires précédemment jointes 07/0026 F et 07/0031 F ; Vu les décisions du rapporteur général du 18 septembre 2007 et du 3 juin 2008 procédant à la jonction de l’instruction des affaires 07/0026 F, 07/0031 F et 08/0060 F ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu le livre IV du code de commerce dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; Vu l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, et notamment son article 5 ;

1 VERSION NON CONFIDENTIELLE : les passages entre crochets sont protégés par

le secret des affaires.

Vu les décisions de secret des affaires n° 08-DSA-133 du 2 septembre 2008, n° 08-DSA-143 du 4 septembre 2008, n° 08-DSA-149 du 23 septembre 2008, n° 08-DSA-181 du 24 novembre 2008, n° 09-DSADEC-19 du 26 février 2009, n° 09-DSADEC-22 du 30 mars 2009, n° 09-DSADEC-30 du 22 septembre 2009, n° 10-DSADEC-16 du 2 août 2010 et la décision de déclassement n° 08-DECR-28 du 15 octobre 2008 ; Vu les procès-verbaux des 5, 9, 10 et 12 février 2009 par lesquels les sociétés Sécurité et Signalisation (SES) pour le premier, Lacroix Signalisation pour le deuxième, Plastic Omnium pour le compte de Signature et de Sodilor respectivement pour le troisième et le quatrième ainsi que Signaux Girod pour le cinquième ont déclaré ne pas contester le ou les griefs qui leur avaient été notifiés et demandé à bénéficier des dispositions de l’article L. 464-2 III du code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Lacroix Signalisation, Signature, Sécurité et Signalisation (ci-après SES), Signaux Girod, Aximum (anciennement dénommée Somaro), Nadia Signalisation, Laporte Service Route (venant aux droits de Signaux Laporte), Société de diffusion Lorraine (Sodilor), 3M France, par le Syndicat des équipements de la route (SER) et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Lacroix Signalisation, Signature, SES, Signaux Girod, Aximum, Nadia Signalisation, Laporte Service Route, Sodilor, 3M France et du SER entendus lors de la séance du 14 septembre 2010, les sociétés Signal Concept, Franche Comté Signaux (FCS) ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision suivante :

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I. Constatations ………………………………………………………………………………………………….. 6 A. La procédure suivie devant l’Autorité de la concurrence ………………………………………. 6 1. La décision d’auto-saisine du Conseil de la concurrence ……………………………. 6 2. Les saisines des sociétés Signal Concept et Nord Signalisation ………………….. 6 3. La communication de pièces du dossier pénal par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Nantes …………………………………………………………. 7 4. Les décisions de jonction des trois affaires ………………………………………………. 7 B. Les secteurs concernés……………………………………………………………………………………… 7 1. Les produits …………………………………………………………………………………………. 7 a) Les panneaux métalliques de signalisation routière verticale permanente et temporaire ……………………………………………………………………………………………. 7 b) Les équipements de sécurité et de balisage en matière plastique ……………… 8 c) Les films plastiques rétro-réfléchissants ………………………………………………. 8 2. Les procédures préalables à la mise sur le marché des équipements de la route ………………………………………………………………………………………………………………. 9 a) La certification des équipements de la route …………………………………………. 9 b) Les autorisations d’emploi ……………………………………………………………….. 11 3. Le syndicat professionnel du secteur : le SER ………………………………………… 11 4. La réglementation relative aux normes et aux spécifications techniques en matière de marchés publics………………………………………………………………………. 11 5. Les principales entreprises des secteurs concernés en France ……………………. 12 a) Le secteur de la signalisation verticale permanente et temporaire ………….. 12 b) Le secteur de la signalisation plastique ………………………………………………. 14 c) Le secteur des films plastiques rétro-réfléchissants ……………………………… 14 6. La demande en équipements de signalisation routière verticale ………………… 15 C. Les pratiques relevées …………………………………………………………………………………….. 15 1. Les pratiques relevées dans le secteur de la signalisation routière verticale permanente et temporaire ………………………………………………………………………… 15 a) Le document « Règles » …………………………………………………………………… 16 b) Le tableau « T4 » relatif à la répartition des « petites affaires » …………….. 23 c) Les documents « Patrimoines » …………………………………………………………. 24 d) Les marchés ponctuels …………………………………………………………………….. 29 e) La répartition des revendeurs et la « liste noire » figurant en annexe du document « Règles » ……………………………………………………………………………. 31 f) Les ajustements effectués entre les « majors » de l’entente …………………… 34 2. Les pratiques relevées dans le secteur de la signalisation plastique (équipements de sécurité et de balisage) ……………………………………………………. 35

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3. Les pratiques relevées dans le secteur des films plastiques rétro- réfléchissants …………………………………………………………………………………………. 38 a) La politique commerciale suivie par 3M France ………………………………….. 38 b) Le comportement de 3M France vis-à-vis des majors de l’entente de la signalisation routière verticale en France ……………………………………………….. 42 D. Les griefs notifiés ………………………………………………………………………………………….. 43 E. La mise en œuvre du III de l’article L. 464-2 du code de commerce …………………….. 45 1. Les engagements souscrits par SES……………………………………………………….. 45 2. les engagements souscrits par Lacroix Signalisation ……………………………….. 50 3. Les engagements souscrits par Signature ……………………………………………….. 53 4. Les engagements souscrits par Signaux Girod ………………………………………… 57 5. Les engagements souscrits par Sodilor …………………………………………………… 61 6. Le cas particulier de Signaux Laporte ……………………………………………………. 64 II. DISCUSSION ………………………………………………………………………………………… 64 A. Sur la procédure …………………………………………………………………………………………….. 64 1. Sur le déroulement des opérations de communication de pièces du dossier pénal …………………………………………………………………………………………………….. 64 2. Sur l’utilisation de pièces du dossier pénal …………………………………………….. 65 3. Sur la présence au dossier de pièces autres que les procès-verbaux et rapports d’enquête ………………………………………………………………………………………………. 66 4. Sur le déroulement de l’instruction ……………………………………………………….. 67 5. Sur le libellé des griefs notifiés à Somaro (devenue Aximum) ………………….. 68 6. Sur la prescription de certains faits et sur les peines applicables ……………….. 69 7. Sur les griefs notifiés à 3M France ………………………………………………………… 70 B. Sur l’applicabilité du droit communautaire de la concurrence ……………………………… 71 1. En ce qui concerne les griefs notifiés sur le fondement de l’article 81 CE ….. 71 2. En ce qui concerne les griefs notifiés sur le fondement de l’article 82 CE ….. 72 C. Sur le bien-fondé des griefs …………………………………………………………………………….. 73 1. Sur le cartel de la signalisation routière verticale en France (grief n° 1) …….. 73 a) Sur l’objet anticoncurrentiel des pratiques ………………………………………….. 73 b) Sur la participation des mises en cause à l’entente ………………………………. 75 2. Sur les pratiques mises en œuvre par Sodilor sur le marché de la signalisation plastique (grief n° 2) ……………………………………………………………………………….. 83 a) Sur la définition du marché pertinent …………………………………………………. 83 b) Sur l’abus de position dominante ………………………………………………………. 83

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3. Sur les pratiques mises en œuvre par 3M France sur le marché de la fourniture des films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale (grief n° 3) …………………………………………………………….. 84 a) Sur la définition du marché pertinent et sur la position qu’y occupe 3M France ………………………………………………………………………………………….. 84 b) Sur le système d’accréditation mis en place par 3M France en 2003, 2004 et 2005 ………………………………………………………………………………………………….. 88 c) Sur le système de remise mis en place par 3M France ………………………….. 91 d) Sur l’argument selon lequel 3M France se serait trouvée dans l’impossibilité d’augmenter ses prix de vente …………………………………………. 96 4. Sur la concertation entre 3M France et les majors du cartel de la signalisation routière verticale permanente et temporaire (grief n° 4) ………………………………. 97 D. Sur l’imputabilité des pratiques ……………………………………………………………………….. 97 E. Sur les sanctions ………………………………………………………………………………………….. 100 1. Le montant maximal des sanctions ………………………………………………………. 100 2. Sur la gravité des pratiques …………………………………………………………………. 101 3. Sur l’importance du dommage à l’économie …………………………………………. 103 a) L’importance du dommage causé par le fonctionnement du cartel de la signalisation verticale de 1997 à 2006 ………………………………………………….. 103 b) L’importance du dommage causé par les pratiques de Sodilor sur le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique) …………………………………………………………….. 108 c) L’importance du dommage causé par les pratiques mises en œuvre par 3M France sur le marché de la fourniture de films plastiques destinés à la signalisation verticale ………………………………………………………………………… 108 4. Sur la réitération ……………………………………………………………………………….. 112 5. Sur la procédure de non-contestation des griefs …………………………………….. 115 a) Sur l’appréciation des engagements proposés par SES, Signature, Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Sodilor ……………………………………………….. 115 b) Sur la situation particulière de Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route) ……………………………………………………………………………………………… 116 6. Sur la situation individuelle des entreprises ………………………………………….. 117 a) Les membres de l’entente ……………………………………………………………….. 117 b) Sodilor et 3M France ……………………………………………………………………… 118 7. Sur le montant des sanctions ………………………………………………………………. 119 a) Sur la méthode de calcul des sanctions …………………………………………….. 119 b) Sur les sanctions individuelles ………………………………………………………… 120 8. Sur l’obligation de publication ……………………………………………………………. 123 DISPOSITIF …………………………………………………………………………………………………. 125

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I. Constatations A. LA PROCÉDURE SUIVIE DEVANT L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE 1. LA DÉCISION D’AUTO-SAISINE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE 1. Alerté notamment par des articles parus dans la presse, le Conseil de la concurrence s’est saisi d’office, en février 2007, de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière en application de l’article L. 462-5 du code de commerce (affaire 07/0026 F). 2. LES SAISINES DES SOCIÉTÉS SIGNAL CONCEPT ET NORD SIGNALISATION 2. Le 12 mars 2007, la société Signal Concept a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques « visant à l’éviction de [s]a société de marchés de signalisation routière » (affaire 07/0031 F). 3. Dans sa saisine, Signal Concept souligne que seuls deux fabricants français de balises plastiques sont « certifiés » par l’Association pour la qualification des équipements de la route (Asquer), organisme mandaté par l’Association française de normalisation (AFNOR). Il s’agit des sociétés SAAM (groupe Lacroix Signalisation) et Sodilor (groupe Signature). 4. Signal Concept dénonce un « système » qui se serait mis en place concernant la balise délinéateur de type J6 : les acheteurs publics procéderaient à des consultations pour un ensemble de balises dont la balise J6, laquelle ne représenterait, selon la saisissante, qu’environ 1 % des quantités totales prévisionnelles des besoins en balises dans les marchés à bons de commande. Les acheteurs exigeraient soit une certification délivrée par l’Asquer, soit une autorisation d’un fabricant autorisant la revente de la balise J6. Signal Concept estime que ce comportement serait la conséquence de « pressions » exercées par les fabricants sur les acheteurs publics pour les inciter à orienter leurs cahiers des charges dans un sens qui leur est favorable. 5. Signal Concept n’étant pas fabricant de balises J6, elle se heurterait au refus des fabricants de ce type de balises de délivrer les attestations requises et au refus des acheteurs de modifier leurs cahiers des charges. 6. Le 29 mai 2008, la société Nord Signalisation a également saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles qui auraient été mises en œuvre contre elle par des fabricants de panneaux de signalisation routière (affaire 08/0060 F). 7. Cette saisine est intervenue postérieurement à l’audition par le rapporteur du gérant de Nord Signalisation, le 10 mars 2008, au cours de laquelle ce responsable a déclaré avoir informé la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en février 2006, de l’existence d’une entente anticoncurrentielle. Une perquisition sur commission rogatoire a alors été effectuée notamment au restaurant Le Pré Catelan au Bois de Boulogne le 14 mars 2006 et une instruction pénale a été ouverte.

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3. LA COMMUNICATION DE PIÈCES DU DOSSIER PÉNAL PAR LE JUGE D’INSTRUCTION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES 8. Par lettre du 5 février 2008, le rapporteur général a transmis au juge d’instruction, vice-président près le tribunal de grande instance (TGI) de Nantes, chargé d’instruire le dossier pénal, une demande de communication de pièces ayant un rapport direct avec les faits dont le Conseil de la concurrence était saisi et a demandé au procureur de la République d’autoriser la communication de ces pièces. 9. Le 7 février 2008, le procureur de la République du TGI de Nantes a informé le rapporteur général qu’il ne s’opposait pas à la communication des pièces du dossier par le juge d’instruction. 10. Les 1er et 2 avril 2008, le rapporteur chargé des dossiers faisant l’objet des présentes affaires s’est vu remettre par le juge d’instruction différents pièces sélectionnées par lui et ayant un objet direct avec les faits dont le Conseil était saisi. Ces remises ont fait l’objet de deux procès-verbaux de communication, les 1er et 2 avril 2008, co-signés par le rapporteur et par le juge d’instruction. 4. LES DÉCISIONS DE JONCTION DES TROIS AFFAIRES 11. Compte tenu de la connexité des deux premières affaires (07/0026 F et 07/0031 F), le rapporteur général du Conseil de la concurrence les a jointes par décision du 18 septembre 2007. 12. À la suite de la saisine déposée par Nord Signalisation, le 29 mai 2008, le rapporteur général a, par décision du 3 juin 2008, décidé de joindre l’affaire 08/0060 F aux deux affaires précédemment jointes. B. LES SECTEURS CONCERNÉS 1. LES PRODUITS 13. Les pratiques examinées dans les présentes affaires portent sur la signalisation routière verticale au sens large, laquelle concerne tant la signalisation verticale permanente et temporaire (panneaux métalliques) que la signalisation dite plastique (équipements de sécurité et de balisage en matière plastique). Le secteur des films plastiques rétro-réfléchissants est également concerné. 14. Les panneaux de signalisation des routes et autoroutes font l’objet d’une définition et d’une nomenclature dans l’arrêté ministériel du 24 novembre 1967 modifié ainsi que dans l’instruction interministérielle relative à la signalisation routière. a) Les panneaux métalliques de signalisation routière verticale permanente et temporaire 15. Il s’agit de panneaux, en métal ou en aluminium profilé, recouverts de films rétro- réfléchissants afin de garantir une visibilité optimale par les automobilistes. De manière générale, on distingue trois catégories principales de panneaux :

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– les panneaux de signalisation de police, parmi lesquels on trouve les panneaux de danger (par exemple « virage dangereux »), les panneaux d’intersection et de priorité (tels que « stop » ou « cédez le passage »), les panneaux de prescription (se subdivisant en panneaux d’obligation, par exemple « halte péage », en panneaux d’interdiction, tels que « sens interdit » et en panneaux de fin de prescription) et les panneaux d’indication (par exemple « taxis » ou « SOS ») ; – les panneaux de signalisation de direction et de localisation ; – les panneaux de signalisation temporaire : il s’agit de panneaux destinés à être déplacés, par exemple en cas de travaux (« route barrée »). b) Les équipements de sécurité et de balisage en matière plastique 16. Le secteur de la signalisation plastique se distingue de celui de la signalisation routière verticale et fait généralement l’objet d’appels d’offres spécifiques de la part des collectivités territoriales et des services de l’État. Il arrive cependant que certaines collectivités territoriales procèdent à des appels d’offres destinés à satisfaire leurs besoins à la fois en panneaux métalliques de signalisation routière verticale et en équipements de sécurité et de balisage en matière plastique. 17. Les équipements de sécurité et de balisage comprennent principalement : – les délinéateurs en plastique : il s’agit de balises utilisées pour l’équipement des routes nationales et départementales, disposées à intervalles réguliers le long des voies afin de guider les automobilistes, en particulier la nuit. Il existe plusieurs types de délinéateurs : type J1 (virage), J3 (intersection), J6 ; – les balises souples de type J11, J12 ; – les bornes kilométriques en plastique injecté ; – les équipements de sécurité (habillages anti-projections en plastique par exemple) ; – les séparateurs de voie en polyéthylène soufflé ; – les produits en plastique destinés au balisage des chantiers (balises, barrières). c) Les films plastiques rétro-réfléchissants 18. Ces produits, qui entrent notamment dans la fabrication des panneaux de signalisation routière verticale permanente et temporaire dont ils représentent une part significative du coût de fabrication, sont, à l’instar de ces derniers, soumis à certification et/ou homologation. 19. On distingue les films de classe 1 de ceux de la classe 2 (lesquels présentent une plus grande résistance et un meilleur pouvoir de réflexion et sont donc plus coûteux)2. La durée de vie des films destinés aux panneaux permanents est d’environ 7 ans, tandis que celle des films destinés aux panneaux temporaires est d’environ 3 ans.

2 La plupart des autres législations nationales définissent une troisième classe (classe 3).

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20. Deux technologies sont principalement utilisées par les fabricants de films plastiques rétro-réfléchissants : d’une part, la technologie servant à fabriquer les films de type « microbilles », qui réfléchissent la lumière émise par un ensemble de billes à l’aide d’un réflecteur métallique, et, d’autre part, la technologie servant à fabriquer les films de type « microprismatique », qui réfléchissent la lumière grâce à plusieurs milliers de prismes par cm2 juxtaposés à la surface du film. 2. LES PROCÉDURES PRÉALABLES À LA MISE SUR LE MARCHÉ DES ÉQUIPEMENTS DE LA ROUTE 21. Le décret n° 2002-1251 du 10 octobre 2002 relatif aux équipements routiers, modifié, a introduit une définition des équipements routiers dans le code de la voirie routière (article R. 111-1). S’agissant des exigences relatives à leurs caractéristiques et performances minimales, il renvoie à des arrêtés d’application, lesquels sont notifiés à la Commission européenne, conformément à la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37). a) La certification des équipements de la route 22. Pour pouvoir être commercialisés et installés sur le réseau routier, les équipements de la route doivent être préalablement homologués par l’État : il s’agit de vérifier qu’ils présentent les qualités requises pour assurer la sécurité des usagers. 23. Auparavant, l’homologation consistait en la délivrance par l’État d’une attestation de conformité à un cahier des charges de spécifications techniques défini par le ministère de l’Équipement. Puis, la norme « NF-Équipements de la route »3 ayant progressivement remplacé le cahier des charges d’homologation, les équipements de la route doivent désormais faire l’objet d’une certification de conformité à la norme « NF-Équipements de la route ». En application d’un arrêté ministériel de mars 1995, tout produit certifié « NF-Équipements de la route » est alors homologué par l’État. 24. En France, l’organisme habilité à procéder à la certification des équipements de la route est l’Association pour la certification et la qualification des équipements de la route (Ascquer)4. Créée en 1992, l’Ascquer est mandatée par l’AFNOR pour certifier les produits relevant de son domaine de compétence et notamment les panneaux de signalisation permanente et temporaire, les revêtements rétro-réfléchissants et les délinéateurs de type J6. Elle regroupe en son sein les industriels membres du Syndicat des équipements de la route (SER), les représentants de l’État, des collectivités territoriales et des sociétés d’autoroutes ainsi que certains services techniques centraux du ministère de l’Équipement (dont le Service d’études techniques des routes et autoroutes, le SETRA).

3 La normalisation des produits de signalisation routière verticale est confiée au bureau de normalisation sol route (BNSR) de l’AFNOR, lequel supervise 28 commissions, dont celle de la normalisation et de la signalisation verticale, constituée de représentants de l’Administration et des collectivités territoriales, de fabricants de panneaux et de fabricants de films rétro-réfléchissants. 4 Le 1er janvier 2010, l’Association pour la qualification des équipements de la route (Asquer) a changé de dénomination sociale pour devenir l’Association pour la certification et la qualification des équipements de la route (Ascquer).

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25. Les produits certifiés par l’Ascquer sont codifiés de la façon suivante :

26. La conformité du produit à la norme « NF-Équipements de la route » donne lieu à la délivrance d’un droit d’usage. L’Ascquer diffuse sur son site Internet une liste des entreprises bénéficiant d’un tel droit d’usage et commercialisant au moins un produit certifié « NF-Équipements de la route ». Ainsi, au moment des faits de l’espèce, seules deux entreprises commercialisaient des délinéateurs de type J6 avaient été certifiés. 27. Par ailleurs, l’Ascquer est l’organisme certificateur notifié par la France pour délivrer les attestations de conformité relatives au marquage CE des équipements de la route qui entrent dans le champ d’application de la directive 89/106/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12), modifiée à plusieurs reprises5. La mise en place du marquage CE, valable dans tous les États membres contrairement à la norme « NF-Équipements de la route », se fait progressivement au fur et à mesure de l’élaboration des normes harmonisées. 28. Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, les panneaux de signalisation routière permanente et les délinéateurs de type J6 peuvent faire l’objet, en plus de la certification « NF- Équipements de la route », d’un marquage CE. La fin de cette période de coexistence entre l’actuel système de certification et le marquage CE a été fixée, pour ces équipements, au 1er janvier 2013. A compter de cette date, le marquage CE se substituera à la certification « NF-Équipements de la route ».

5 En France, cette directive a été notamment transposée par le décret n° 92-647 du 8 juillet 1992 concernant l’aptitude à l’usage des produits de construction. Ne sont pas concernés les produits qui ne sont pas incorporés de façon durable dans l’ouvrage, tels que les équipements de signalisation temporaire.

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b) Les autorisations d’emploi 29. Le processus de certification des équipements de signalisation routière est long et coûteux. La délivrance d’une autorisation d’emploi permet donc aux fabricants d’équipements innovants non encore certifiés de commercialiser leurs produits, à l’issue d’une phase d’expérimentation au cours de laquelle les nouveaux produits sont testés en situation réelle et selon un protocole rigoureux. Ces autorisations sont délivrées par la direction de la sécurité et de la circulation routière (DSCR) du ministère de l’Équipement à titre expérimental et pour une durée limitée6. 30. Les autorisations d’emploi sont censées faciliter la mise sur le marché de certains équipements de signalisation routière, notamment à l’occasion des appels d’offres lancés par les acheteurs publics. En effet, ces derniers exigent, dans la constitution des dossiers de candidature, la production d’une certification « NF-Équipements de la route » ou, à défaut, d’une autorisation d’emploi pour les produits proposés par les soumissionnaires. 3. LE SYNDICAT PROFESSIONNEL DU SECTEUR : LE SER 31. Le Syndicat des équipements de la route (SER) regroupe des industriels du secteur spécialisés dans la conception et la réalisation d’équipements de sécurité routière. Il figure parmi les membres de l’Asquer et intervient auprès de différents organismes professionnels afin de représenter les industriels du secteur. 32. La liste des membres du SER en 2006 est la suivante : 3M France ; Farcor SA ; Lacroix Signalisation ; NCI France ; SDS ; SES ; Signature SA ; Signaux Girod ; Signaux Laporte et T2S (cote 7 963) . 4. LA RÉGLEMENTATION RELATIVE AUX NORMES ET AUX SPÉCIFICATIONS TECHNIQUES EN MATIÈRE DE MARCHÉS PUBLICS 33. En vertu de l’article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004, « [q]uelque soit leur montant, les marchés publics doivent respecter les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes […] exigent une définition préalable des besoins de l’acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ». 34. En ce qui concerne les prestations faisant l’objet d’un marché définies par référence à des normes, l’article 6 de ce même code disposait qu’une telle référence « ne doit pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence

». 35. Aux termes de l’article 13 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984, modifié, fixant le statut de la normalisation « les clauses, spécifications techniques et cahiers des charges des marchés et contrats visés au présent article ne peuvent mentionner des produits d’une fabrication ou d’une provenance déterminée, ou des procédés

6 Article R. 119-10 du code de la voirie routière et article 14-1 de l’instruction interministérielle sur la signalisation routière pour les équipements de signalisation.

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particuliers à certaines entreprises et ne peuvent se référer à des brevets ou types, indications d’origine ou de provenance, marques au sens du titre 1er du code de la propriété intellectuelle, sauf lorsqu’il n’est pas possible de donner une description de l’objet du marché ou du contrat sans ces références. Dans ce dernier cas, de telles références sont autorisées lorsqu’elles sont accompagnées de la mention « ou équivalent » ». 36. Ces dispositions ont été abrogées par l’article 7 du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics, puis réintroduites à l’article 6 du nouveau code des marchés publics : « I. - Les prestations qui font l’objet d’un marché […] sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° soit par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents accessibles aux candidats notamment par des agréments techniques ou d’autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; […] III. – Les spécifications techniques mentionnées au I permettent l’égal accès des candidats et ne peuvent avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence […] IV. – Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l’objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle et à la condition qu’elle soit accompagnée des termes « ou équivalent » » (soulignement ajouté). 37. Il convient de relever que la complexité de la réglementation en matière de normes et de spécifications techniques a pu conduire des maîtres d’ouvrage à des excès de précaution préjudiciables à la concurrence dans l’élaboration des cahiers des charges, ainsi que l’a souligné le SETRA : « L’empilement des différents documents normatifs, interprétatifs et d’application des normes dans un contexte de révision générale de tous ces documents conduit à ne plus vraiment distinguer la spécificité et la portée qu’ils peuvent avoir

»7. 5. LES PRINCIPALES ENTREPRISES DES SECTEURS CONCERNÉS EN FRANCE a) Le secteur de la signalisation verticale permanente et temporaire La société Signature 38. La société Signature SA appartient au groupe Plastic Omnium lui-même détenu à 55 % par le groupe Burelle.

7 « Analyse de la portée juridique des différents documents relatifs à la normalisation. Note de problématique » par Odile Grisaud, en coopération avec Bernard Favre, 16 mars 2006.

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39. Le chiffre d’affaires consolidé réalisé par le groupe Plastic Omnium, coté en Bourse, s’est élevé à 2,458 milliards d’euros au cours de l’exercice 2009. Le groupe réalise 30 % de son chiffre d’affaires en France. Il ressort du dernier rapport annuel que 82 % du chiffre d’affaires du groupe est réalisé par le pôle automobile, l’autre pôle, dédié à l’environnement, auquel est rattachée l’activité signalisation routière, réalisant 18 % du chiffre d’affaires8. 40. Sur la période 2000-2006, le chiffre d’affaires de Signature SA dans le secteur de la signalisation verticale a oscillé entre 40 et 45 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires total de 114,5 millions d’euros en 2007. 41. Le 21 novembre 2007, la Commission européenne a autorisé la création de deux entreprises communes de plein exercice par Eurovia (groupe Vinci) et par Signature. A la suite de cette opération de concentration, l’activité relative à la fourniture et à la pose d’équipements de signalisation verticale précédemment exercée par Signature SA l’est désormais par Signature SAS depuis le 1er janvier 2008. La société Lacroix Signalisation 42. La société Lacroix Signalisation est une société par actions simplifiée (SAS) qui appartient à un groupe intervenant dans les secteurs de la signalisation (44 % de l’activité), de la télégestion (9 % de l’activité) et de l’électronique (47 %). La société mère, Lacroix SA, a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 239 M€ en 2009. 43. Lacroix Signalisation emploie près de 380 salariés. Son chiffre d’affaires s’est élevé à 65,12 millions d’euros en 2009. L’activité de signalisation routière verticale représente environ 40 % de ce chiffre d’affaires. La société Signaux Girod 44. La société Signaux Girod est la société mère de plusieurs sociétés intervenant dans le secteur de la signalisation routière en France et à l’étranger. Le groupe comprend environ 1 200 salariés. 45. Le chiffre d’affaires consolidé de Signaux Girod s’est élevé 129,8 millions d’euros au 30 septembre 2009, dont un peu moins de 50 % dans le secteur de la signalisation verticale. La part de marché de Signaux Girod dans ce secteur est de l’ordre de 20 % sur le marché national. La société Sécurité et Signalisation (SES) 46. La société Sécurité et Signalisation (SES), qui possédait le statut de société en nom collectif jusqu’au 31 décembre 2006, est devenue une société par actions simplifiée (SAS). Son activité consiste à fabriquer et à poser des équipements de signalisation verticale (fixe et dynamique). Elle emploie environ 520 salariés. 47. En 1998, SES a été rachetée par la société Somaro (dénommée Aximum depuis le 1er janvier 2009), appartenant au groupe Colas (groupe Bouygues). Le 20 avril 2006, SES a été cédée à la Société Lionel Couche (SLC), entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) créée par l’ancien directeur de la société, et ce sans clause de garantie de passif. 48. Le chiffre d’affaires annuel de SES s’est élevé à 78 millions d’euros en 2009.

8 Cote 13654.

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b) Le secteur de la signalisation plastique La société Sodilor 49. La société Sodilor est une SAS, dont la totalité du capital est actuellement détenue par la société Signature Vertical Holding, elle-même détenue indirectement à hauteur de 65 % par Signature SA et à 35 % par Eurovia. Elle emploie environ 50 salariés. 50. Les acheteurs des produits commercialisés par Sodilor se répartissaient, en 2006, entre l’État (8 %), les départements (23,7 %), les communes (20 %) et divers acheteurs dont les fabricants de panneaux (48,3 %). 51. Sodilor a réalisé un chiffre d’affaires de 17,24 millions d’euros en 2009. Le chiffre d’affaires réalisé en 2007 dans le cadre des marchés départementaux s’est élevé à 6,19 millions d’euros. La société SAAM 52. La société SAAM est une filiale de Lacroix. Son chiffre d’affaires, au cours de l’exercice 2007, s’est élevé à plus de 5 millions d’euros, dont 2,71 millions d’euros dans le secteur de la signalisation plastique. c) Le secteur des films plastiques rétro-réfléchissants La société 3M France 53. La société 3M France est une SAS dont l’une des activités principales consiste à fabriquer et à commercialiser des films rétro-réfléchissants pour les fabricants de panneaux de signalisation et de dispositifs plastiques ainsi que des distributeurs. 3M France fait partie du groupe 3M Company, présent dans plus de 65 pays, notamment au sein de l’Union européenne. Le groupe 3M a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 23,1 milliards de dollars des Etats-Unis (USD) en 2009. 54. 3M France emploie environ 2 700 salariés et possède neuf sites de production ainsi qu’un laboratoire. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 574,92 millions d’euros en 2009. La société Nippon Carbide Industries France (NCI France) 55. La société NCI France, filiale à 95 % du groupe japonais Nippon Carbide, premier producteur mondial de résines, est une SAS qui intervient dans le secteur de la fabrication de films rétro-réfléchissants. Elle emploie environ 8 salariés. Son chiffre d’affaires annuel s’est élevé à 11,2 millions d’euros en 2007. Les autres intervenants 56. Seule la société Avery a pu pénétrer, de manière significative, le marché des films plastiques destinés à la signalisation routière verticale, postérieurement à l’année 2006. 57. La société T2S, distributeur exclusif des films de marque Kiwa en France, est également présente sur le marché, mais de manière limitée.

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6. LA DEMANDE EN ÉQUIPEMENTS DE SIGNALISATION ROUTIÈRE VERTICALE 58. La demande de panneaux de signalisation routière verticale métallique et d’équipements de sécurité et de balisage en plastique émane principalement : – des collectivités territoriales, surtout depuis 1995, année au cours de laquelle la gestion des routes départementales a été confiée aux départements. Les conseils généraux ont alors généralement eu recours aux directions départementales de l’équipement (DDE) pour en assurer l’entretien. En outre, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a organisé le transfert progressif de la gestion et de la maintenance des routes nationales aux départements et a mis un terme à la mise à disposition des services de la DDE auprès des conseils généraux. Ces derniers lancent donc des appels d’offres pour des marchés de fourniture de matériels de signalisation temporaire ou plastique afin de disposer des matériels nécessaires à la maintenance des infrastructures routières ; – des services de l’État (DDE) ; – des entreprises privées dans le cas de la signalisation verticale temporaire (entreprises du bâtiment et des travaux publics et sociétés d’autoroutes notamment). 59. Les marchés se subdivisent en trois catégories : les marchés pluriannuels à bons de commande dits « récurrents » (il s’agit de marchés à exécution successive conclus avec un ou plusieurs fournisseurs d’une durée d’un an, renouvelables généralement trois fois), les marchés hors appels d’offres, dits « diffus », et les marchés ponctuels. 60. La demande de films rétro-réfléchissants destinés à la signalisation routière verticale émane principalement des fabricants de panneaux, de balises et d’autres produits de signalisation verticale. C. LES PRATIQUES RELEVÉES 1. LES PRATIQUES RELEVÉES DANS LE SECTEUR DE LA SIGNALISATION ROUTIÈRE VERTICALE PERMANENTE ET TEMPORAIRE 61. Les pièces au dossier, saisies ou apportées par les parties, et les déclarations recueillies ont révélé l’existence de concertations organisées entre certains fabricants de panneaux de signalisation routière verticale permanente et temporaire concernant : la répartition des marchés publics selon des règles préétablies figurant dans des documents intitulés notamment « Règles » et « Patrimoines » (liste de marchés à commande, triennaux ou quadriennaux, par départements ou par villes de plus de 10 000 habitants) ; les remises tarifaires appliquées aux acheteurs ainsi que l’établissement d’une « liste noire » destinée à exclure certaines entreprises concurrentes jugées indésirables.

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a) Le document « Règles » Présentation 62. Lors de la perquisition effectuée sur commission rogatoire au restaurant Le Pré Catelan au Bois de Boulogne, le 14 mars 2006, un document intitulé « Règles

», daté de mai 2005, a été saisi. 63. Le document « Règles » comporte, tout d’abord, des « principes généraux » (cote 7023) reproduits ci-après :

64. Le document « Règles » contient, ensuite, des « règles de fonctionnement » du « club », lesquelles distinguent les marchés à bons de commande, les consultations formalisées et les consultations hors appels d’offres émanant de différents demandeurs (collectivités territoriales et clients privés de toute nature). 65. S’agissant des marchés à bons de commande, les règles de fonctionnement étaient les suivantes (cote 7023) :

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66. Concernant les appels d’offres et les consultations ponctuelles, les règles de fonctionnement étaient les suivantes (cotes 7024 et 7025) :

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67. S’agissant des consultations hors appels d’offres, les règles de fonctionnement étaient fondées sur des catégories de grilles de remises à appliquer par les membres du « club » en fonction de la nature des acheteurs (cote 7025) :

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68. Chaque grille de remise faisait apparaître des taux variables selon le type d’acheteurs. Ces grilles sont reproduites ci-après (cotes 7026 à 7028) :

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69. Le document « Règles » prévoit que, en cas de non-respect des grilles de remise, « la pénalité affectée est un coefficient de 10 sur l’offre qui remporte l’affaire » et que « les membres du club sont autorisés à aligner leur offre une seule fois jusqu’à -2 % sur les offres des concurrents extérieurs sans risquer de pénalités si une copie de l’offre concurrente peut être présentée pour justification ». 70. Concernant la grille n° 2, il est indiqué que, « pour les consultations annuelles en provenance des DDE, que cela soit pour leurs besoins propres ou pour le compte des communes, les réponses seront traitées dans le cadre du T4 »9. 71. Enfin, le document « Règles » contient des « Règles complémentaires », au titre desquelles il est précisé qu’une « liste noire » des entreprises tierces est jointe en annexe et qu’« aucune transaction commerciale ne pourra être réalisée par un membre du club avec ces entreprises ». Cette liste noire concerne uniquement des « sociétés homologuées ou certifiées ou en cours de démarche ». Il est également stipulé que les fournitures à des tiers de produits semi-finis sont « interdites dans le domaine des produits certifiés ou homologués ». Les déclarations des responsables des membres du « club » au sujet du document « Règles » 72. Le dossier comporte des déclarations concordantes et similaires des présidents et directeurs commerciaux de Lacroix Signalisation, de SES, de Signaux Girod, de Signature et de Signaux Laporte à propos du document « Règles ». Ces derniers ont en effet reconnu que ce document servait de base au fonctionnement d’une entente (cotes 3697 et suiv., 7257 et suiv., 2872 et suiv., 6532 et suiv.s, 2860 et suiv., 7203 et suiv., 1115 à 1283). L’un d’entre eux a ainsi déclaré le 15 mars 2006 : « Ce document est en effet notre bible et chacun doit s’y tenir. Il détermine ainsi tous les cas susceptibles d’intervenir lors des soumissions lors des appels d’offres ».

9 Cette grille T4 n’apparaît pas dans le document « Règles » de mai 2005 dans la mesure où elle était alors « en attente de [..] mise en place ».

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b) Le tableau « T4 » relatif à la répartition des « petites affaires » 73. Outre les trois tranches de consultations concernées (T1, T2 et T3) figurant dans le document « Règles », un quatrième tableau (T4) portant sur la répartition des « petites affaires » était en cours d’élaboration par les membres du « club ». La nécessité d’une telle répartition résultait du constat selon lequel les règles de fonctionnement préalablement définies fonctionnaient mal pour les « petites affaires », la plupart du temps attribuées par les collectivités territoriales selon la procédure adaptée, en considération de leur montant. 74. Un document dénommé « T4.xls » détenu par M. X…, le 14 mars 2006, et daté du 11 janvier 2006, tend à établir que la répartition prévue avait bien commencé à être mise en œuvre au moment de la perquisition du 14 mars 2006. 75. Ledit document comporte en effet une liste de petites communes avec le nom du titulaire des marchés et le chiffre d’affaires estimé. 76. Cela est en outre attesté par la présence de nombreux devis de Lacroix, portant sur des petits marchés, saisis auprès de M. X…, lors de la perquisition du 14 mars 2006 et par la répartition des affaires classées « T4 » qui apparaît sur un autre document manuscrit de M. X… (cotes 7473 à 7622) : « Montant

T4 A B C E Adem (illisible) 867 904 1 163 1 014 201 (illisible) » 77. La mention « T4 » apparaît également, au même titre que les mentions « T1 », « T2 » et « T3 », sur un document manuscrit détenu par M. Y…, président de Nadia Signalisation et saisi le 14 mars 2006 (cotes 7460 à 7472). 78. M. Z…, directeur de Signature, a reconnu l’existence d’une répartition des marchés classés « T4 » lors de son audition par l’officier de police judiciaire le 15 mars 2006 : « Je confirme que j’étais présent à la réunion du 22 février 2006 à laquelle a été défini le marché “T4”, procédure adaptée. Il s’agissait d’appliquer les parts de marché au chiffre d’affaires de chaque société du « club », c’est-à-dire que lorsque les appels d’offres sortent, chaque société tente de se mettre d’accord sur l’attribution du marché. En fait, les sociétés se répartissent les marchés en fonction de leur chiffre d’affaires dans le segment. Par exemple, si une société a déjà atteint son chiffre d’affaires, elle présentera une offre qui ne sera pas retenue et qui laissera la place à une société concurrente. De toute façon, ça tourne et ça nivelle. […] La réunion [du 14 mars 2006] a eu pour finalité de fixer la part de marché revenant à chaque société. Cette réunion a également permis d’établir un réajustement entre les sociétés. De mémoire, Signature détient entre 15 et 16 % du marché T4 » (cotes 7030 et 7031). 79. L’existence de cette répartition de marchés classés « T4 » est également attestée par la présence de plusieurs documents manuscrits saisis (cotes 7433 à 7459), dont tableau faisant apparaître les parts des différents membres du « club » : SES (A) : 23,9 %

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Signature (B) : 15,3 % Lacroix (C) : 21,3 % SDS (D): 3,8 % Girod (E) : 26,8 %; FCS : 2,9 % Laporte : 6 %. 80. Un autre document manuscrit du même scellé, daté du 22 février 2006, décrit dans le détail les règles de répartition : «

— Ts nouveaux marchés à commandes non inscrit au patrimoine (ville, communauté agglo, nouveaux marchés RD)  – Montant inscrit mini-maxi 2  – Si pas de montant détermination du montant : Nbre d’habitant x coeff - (Montant/hab)-- 2,29 €/hab

Base coeff calculé sur base (40 % Police/40 % Direc./20 % Temporaire) - Ce marché devient Patrimoine définitif - Mise à jour à chaque réunion - En cas de désaccord c’est celui qui est le plus en retard qui a la parole

— (…) » c) Les documents « Patrimoines » 81. Il s’agit de listes de marchés à bons de commande, triennaux ou quadriennaux, par départements ou par villes de plus de 10 000 habitants, que se répartissaient les membres du « club » avant leur attribution par les acheteurs publics. Les « patrimoines » par départements 82. L’un de ces documents a été versé au dossier par le gérant de Nord Signalisation, le 10 mars 2008, lors de son audition (cotes 1020 à 1026). 83. Un extrait de ce document, reproduit ci-après, fait apparaître neuf colonnes intitulées : « Dept » (département) – « Désignation du marché » – « RN » (routes nationales) – « RD » (routes départementales) – « Patrimoine » – « Titulaire » – « Durée » – « Code marché » et « Commentaires ». Dans cette dernière colonne figurent des annotations lorsqu’il existe une différence entre l’attributaire du marché et le détenteur du « patrimoine » désigné par le « club ».

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84. Le gérant de Nord Signalisation a déclaré au sujet de cette pièce : « j’étais parfaitement au courant des réunions mensuelles qui se tenaient à Paris au sein d’un club qui réunissait la plupart des fabricants de panneaux de signalisation et balises […]. Les réunions du club font l’objet de comptes rendus et de listings tels que celui que je vous remets aujourd’hui qui m’a été communiqué par un salarié évincé d’une des entreprises membre de l’entente » (cotes 1016 à 1019). 85. Un second document, issu des perquisitions, de présentation comparable au premier, mais portant sur une période ultérieure, a été transmis au Conseil de la concurrence par le juge d’instruction du TGI de Nantes. Un extrait de ce document est reproduit ci-après (cote 7721) :

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Les documents « Patrimoines » des villes de plus de 10 000 habitants 86. Il s’agit de quatre tableaux, comparables dans leur présentation à ceux précédemment décrits, également transmis par le juge d’instruction du TGI de Nantes. Chacun de ces tableaux concerne un membre parmi les plus importants de l’entente : Girod et ses filiales ; Signature ; SES et Lacroix. Un extrait de l’un de ces tableaux, mis à jour le 26 novembre 2004, est reproduit ci-après (cote 7649) :

Les déclarations des responsables des membres du « club » au sujet des documents « Patrimoines » 87. Le dossier comporte des déclarations concordantes et similaires des différents acteurs interrogés à propos des documents « Patrimoines » et de leur rôle dans le

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fonctionnement du « club » (cotes 2860 et suiv., cotes 3697 et suiv., cotes 6532 et suiv.) : • M. X…, président de Signaux Girod, au sujet du document « Patrimoine » communiqué par le gérant de Nord Signalisation : « [c]e document servait au fonctionnement de l’entente (marchés à commande). Il était destiné à déterminer les patrimoines marchés des entreprises mais il arrivait que d’autres entreprises prennent les marchés. En théorie, il devait y avoir des compensations mais dans la pratique cela arrivait rarement ». Il confirme par ailleurs que le document en question, qui fait notamment apparaître la société Lacroix comme « titulaire » des marchés du département du Morbihan (DDE et conseil général) de 1997 à 1999, a été utilisé dans le cadre des appels d’offres concernant les marchés à commandes, ainsi que le montrent les résultats transmis par la DDE du département du Morbihan pour l’appel d’offres de février 2003 (entretien des routes nationales), effectivement attribué à Lacroix. • M. A…, président de Lacroix Signalisation, a reconnu que le terme « patrimoine » tel que repris dans les documents en cause signifiait « politique de non-agression » et que, « dans l’esprit, c’est bien ce type de document qui était utilisé ». • M. B…, directeur commercial de SES, a reconnu que le tableau « Patrimoine » servait « à figer les parts de marchés à commande renouvelable, c’est-à-dire que chaque société a[vait] un patrimoine et que les autres sociétés de l’entente ne [devaient] pas y toucher ». Il a également ajouté : « [d]e mémoire, je ne pense pas que ces marchés SES on été remis en cause ». Les éléments communiqués par les conseils généraux 88. Un tableau a été dressé à partir des informations communiquées par plusieurs conseils généraux choisis de manière aléatoire sur l’ensemble du territoire national10. 89. Le rapprochement entre les colonnes « attributaire effectif » du marché à commandes et « affectation entente titulaire « patrimoine » » permet de constater que l’entente a globalement fonctionné pendant plusieurs années, étant précisé que des « compensations » étaient prévues en cas de « dysfonctionnement » de l’entente. Par exemple, dans le cadre des marchés du département de l’Aude (de 2000 à 2002), des « compensations » ont été prévues au profit des sociétés Signature, Nord Signalisation et FCS (cotes 1 016 et suiv.). 90. Par ailleurs, des documents communiqués à la DGCCRF par le conseil général du Finistère (cotes 7 133 et suiv.) révèlent que, à l’occasion d’une consultation lancée en 2006 par cette collectivité pour un marché de signalisation verticale, Nord Signalisation, l’une des saisissantes, avait informé l’acheteur, par courrier du 13 janvier 2006 reçu le 16 janvier (cote 7136), que l’offre la moins-disante serait celle de Signature, information qui s’est révélée exacte lors de l’ouverture des plis. 91. Dans ce courrier, Nord Signalisation avait joint la « copie d’un tableau de base de partage de marchés publics organisé par la « bande des cinq » », exhortant la

10 Ce tableau figure dans la notification des griefs, pages 48 et suiv.

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collectivité à « privilégier le maintien d’une saine concurrence ». Ledit tableau n’est en réalité qu’une copie du tableau « Patrimoines » élaboré dans le cadre de l’entente et communiqué au rapporteur par la même société (voir points 82 et suiv. de la présente décision). d) Les marchés ponctuels Présentation 92. Les marchés ponctuels correspondent aux consultations organisées par les collectivités territoriales, les sociétés d’autoroute ou l’État (DDE) à l’occasion de la réalisation de chantiers ponctuels, pour la signalisation des routes, autoroutes ou portions des voies concernées. 93. Plusieurs documents communiqués par le juge d’instruction du TGI de Nantes tendent à établir que ces marchés donnaient lieu à une répartition par les membres du « club », désignés par les lettres A, B, C, D et E, avant leur attribution par les acheteurs publics. Il s’agit notamment de tableaux contenant des listes de marchés correspondant aux années 2002 à 2005, établis par M. B…, de SES, à la suite des réunions informelles (cotes 7173 à 7193), dont le tableau reproduit ci-après :

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Les déclarations des responsables des membres du « club » à propos des marchés ponctuels • M. X…, président de Signaux Girod, a confirmé que les tableaux servaient au fonctionnement du « club » et qu’ils correspondaient à une répartition d’affaires entre les sociétés désignées par les lettres A, B, C,D et E- à savoir « A : SES, B : Signature, C : Lacroix, D : SDS et E : Girod » (cotes 2860 et suiv.). • Le conseil de SES a déclaré : « Un tableau Excel a été présenté à M. C… lors de son audition. Après vérification, il apparaît que les affaires portées dans

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la colonne A (qui représente bien la société SES) ont été obtenues par cette dernière » (cote 5757). • Le président de Lacroix Signalisation a communiqué les informations suivantes à propos des marchés de la colonne « C », normalement affectés à sa société (cote 5750) : – « dossier non trouvé » (non archivé) : par exemple en 2005, « Rouillet Petignac » et « CG 17RD733 ») ; « perdu » : par exemple en 2005, RD775 ; « non répondu » : par exemple en 2005, « SSE93/Autoroute A1 » ; « commande » (marché obtenu) : par exemple en 2004, « CG44 RD723 », « CG19 RD901 » et « CG 85 RD948 Aizenay ». • Le conseil de Signaux Girod a déclaré que cette dernière n’avait obtenu aucun des marchés figurant dans la colonne E des tableaux de 2004 et de 2005 établis par M. B… à la suite des réunions. Deux explications ont été avancées à cet égard par la société Girod : soit la lettre E désigne bien Signaux Girod et une erreur a été commise sur les informations ; soit la lettre E désigne une autre entreprise (cote 5858). D’autres éléments du dossier, analysés ci-après, établissent cependant l’implication de Signaux Girod dans les ententes de répartition des marchés ponctuels. e) La répartition des revendeurs et la « liste noire » figurant en annexe du document « Règles » Présentation 94. Ainsi qu’il a été indiqué au point 71 ci-dessus, une « liste noire » figure en annexe du document « Règles » (cotes 7023 à 7029), reproduite ci-après. Il s’agit d’une liste d’entreprises, régulièrement mise à jour, désignant certains opérateurs jugés indésirables par les membres de l’entente. Quatorze entreprises figuraient sur la « liste noire », à la date du 10 mai 2005. Parmi elles figurent notamment Nord Signalisation et Signal Concept, les deux sociétés saisissantes :

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95. Deux sociétés sont désignées comme étant « en attente » de classement, les sociétés Self Signal et FCS, suspectées par les membres de l’entente d’approvisionner des revendeurs ou des sociétés de pose se livrant à des prix trop bas. Les dirigeants de FCS étaient présents à la réunion qui s’est tenue au restaurant Le Pré Catelan lors des perquisitions effectuées le 14 mars 2006. Les déclarations recueillies au sujet des listes de revendeurs et de la « liste noire » 96. Il ressort des déclarations convergentes des personnes présentes à la réunion du 14 mars 2006 au restaurant Le Pré Catelan ainsi que des notes qui y ont été prises que l’objet principal de cette rencontre était une répartition des revendeurs entre les membres de l’entente, afin d’éviter des « dérives commerciales » de la part de certains revendeurs, et l’établissement d’une liste de revendeurs jugés indésirables (liste noire). Les sociétés ayant admis être membres de l’entente • M. Z…, directeur de Signature, présent à ladite réunion a déclaré le 14 mars 2006 : « Nous listons les revendeurs de chaque société sur tout le territoire national hors DOM TOM. Il se peut que deux sociétés aient le même revendeur et dans ce cas il y a un arbitrage entre les sociétés concernées. : -Nous avons trois types de ventes : en marché (avec les collectivités locales), en projet (une route nouvelle par exemple) et les revendeurs qui représentent à mon avis 50 % du marché. On s’appuie sur les revendeurs dans les petites communes dans lesquelles nous n’avons pas de marchés. Aujourd’hui cette réunion ne visait pas la répartition des parts de marché entre chaque société s’agissant des marchés avec les collectivités locales et les projets. La réunion ne visait que les revendeurs.-/(…)/-Nous faisons un tour de table le plus souvent de manière anarchique. On profite de ces réunions pour échanger des informations sur les revendeurs » (cotes 7012 et suiv.). Le 15 mars 2006, il a également déclaré : « Je ne domine effectivement pas l’application des règles revendeurs, toutefois, on s’est occupé des revendeurs que nous avons listé par société membre du “club”. Cette liste nous permet de ne pas concurrencer les revendeurs des autres sociétés membres du “club” et de les fidéliser ; Il existe 2 types de revendeurs : des partenaires et normaux ; Les revendeurs partenaires sont ceux avec lesquels les sociétés pratiquent une politique libre de prix. Le but de ces tableaux du scellé qui m’est présenté est de se répartir les revendeurs. Nous avons établi une “black list” qui est constituée de revendeurs à qui nous appliquons des remises ne leur permettant pas d’être compétitifs sur le marché. Cette “black list” est constituée par l’ensemble des sociétés membres du “club”. Ainsi ces dernières se concertent pour leur appliquer le même tarif » (cotes 7030 et suiv.). M. Z… vise notamment le cas de sociétés détenues par M. D… dans l’Ouest de la France, spécialisées dans la pose de panneaux et désignées comme cibles du « club », compte tenu de la politique commerciale menée par cette entreprise. • M. A…, président de Lacroix Signalisation, a déclaré le 21 avril 2008, au sujet des entreprises visées dans la liste noire, que « le but était de ne pas travailler avec ces entreprises », mais qu’en pratique, conformément à ce qu’il avait reconnu le 5 décembre 2006, la société « travaillait avec certaines

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entreprises de la “black list” ». Il a ainsi indiqué : « Must était et est toujours un client. SOS a été un revendeur de Lacroix Signalisation » (cotes 3697 et suiv.). • M. C…, président de SES, a déclaré le 18 avril 2008 que « le but de la liste noire visait des entreprises auxquelles on ne voulait pas vendre des panneaux car ils se comportaient de manière non-professionnelle mais il est arrivé que certaines entreprises de la liste ont bénéficié de produits » (cotes 2872 à 2877). • Le président de Signaux Girod a déclaré le 16 avril 2008 : « la “liste noire” correspond à des sociétés (fabricants et/ou négociants) qu’on avait jugés pas sérieuses (peu fréquentables). Il s’agit de gens qui perturbent les marchés (revente à perte) et qui ne donnent pas forcément satisfaction au client. On avait donc décidé de ne pas traiter avec eux. On s’était interdit de leur parler d’où le terme “black list”. Cependant, certains membres traitaient avec eux. Je considère que ces entreprises n’ont pas été perturbées par notre action car des fabricants non-membres de l’entente livraient ces entreprises » (cotes 2 860 à 2 867). • Le président de Nadia Signalisation a confirmé avoir pris des notes à partir d’informations communiquées avant l’intervention des forces de l’ordre et avoir déclaré à ce sujet, le 15 mars 2006, que « Sepia et Atout Sign sont des sociétés considérées comme bradant les prix et devant être inscrits sur la liste noire du Club » (cotes 7343 à 7346). Déclarations des responsables de certaines sociétés figurant sur la « liste noire » • Le président de Sud-Ouest-Signalisation (SOS), fabricant de panneaux de signalisation verticale à Albi, interrogé à propos de la liste noire a déclaré « je pensais que j’étais en liste noire avant d’avoir communication des pièces du dossier pénal en tant que partie civile car nous avions constaté que les remises de la part des membres de l’entente n’étaient pas les mêmes lorsque nous retirions un dossier ou pas.-/ DBS était une société de fabrication qui s’est regroupée avec SOS » (cotes 4822 à 4825). • Le gérant de Hicon France, fabricant de panneaux de signalisation verticale à Vesoul, dont le nom figure sur la liste noire, a indiqué n’être pas au courant de l’existence de cette liste. Interrogé sur le point de savoir s’il estimait que Hicon France avait été victime de l’entente, il a répondu : « à partir du moment où on retirait un dossier, les sociétés membres de l’entente faisaient un rabais important (de l’ordre de 60 à 80 %) » (cotes 5986 à 5988). Le témoignage du directeur commercial de JCB, revendeur de Lacroix Signalisation • M. E…, directeur commercial de la société JCB, revendeur et poseur de panneaux de signalisation routière, a déclaré à propos d’un message du 14 juin 2005 rédigé par M. F…, commercial de Lacroix Signalisation, à l’attention de M. G…, copie à M. A…, président de Lacroix Signalisation : « dans ce message je me plains de certains fabricants [de signalisation verticale] qui accordent des remises identiques à certains petits revendeurs qui ne sont pas des professionnels de la signalisation verticale qu’à des

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revendeurs « historiques » comme JCB. Or, il s’avère que ces petits revendeurs, présents dans la signalisation horizontale, font de la concurrence déloyale en proposant l’intégralité de la remise consentie par le fabricant afin de prendre des parts de marché dans la mesure où, déjà en 2005 apparaissaient des marchés (privés) couvrant à la fois des prestations de signalisation horizontale et verticale » (cotes 6741 et 6742). Ce message du 14 juin 2005 contient les éléments suivants : « J’ai reçu la plainte de M. E… concernant "les politiques désastreuses des fabricants de signalisation verticale en matière de remises envers les acteurs de l’horizontale", acteurs qui, selon lui, déstabilisent le marché en proposant la fourniture de panneaux à prix coûtant, pour marger sur l’horizontale » (cote 7596).

f) Les ajustements effectués entre les « majors » de l’entente 97. Lorsque des marchés publics n’étaient pas attribués conformément aux règles préétablies par les membres du « club », ces derniers devaient effectuer des ajustements afin de compenser en quelque sorte les pertes subies en fonction des « dettes » et des « crédits » des uns et des autres. 98. Lors des perquisitions effectuées le 14 mars 2006, ont notamment été saisis des documents appartenant à M. X…, président de Signaux Girod parmi lesquels figurent les pièces suivantes (cotes 7623 à 7738) : – une note manuscrite datée du 13 octobre 2004 rédigée par M. H… (société Signature) et adressée à M. X… : « Objet : Débit-Crédit sur Marchés

Suite à la dernière confirmation de la prise par tes soins du marché police Gds travaux de NICE, je te prie de trouver ci-après état des lieux qui se traduit par une dette conséquente à payer par un marché. Je te propose que nous (illisible) ceci les 26-27/10 et nous déterminions les modalités de paiement ».

– un tableau joint à cette note et intitulé « Débit-Crédit Marchés entre B et E »11 faisant apparaître une liste de marchés à commandes deux colonnes intitulées « Mini-Maxi », « Potentiel » (du marché) et deux autres dans lesquelles sont mentionnés les écarts entre E et B, d’une part, et entre B et E, d’autre part. À titre d’exemple, le potentiel du marché des routes départementales du département de l’Aude (11) est évalué à 67 au cours de chacune des années 2003 à 2005. Un récapitulatif de la « dette de E à B » figure en fin de document pour les années 2003 à 2006. – un document manuscrit daté du 15 avril 2003, intitulé « Point des débits- crédits Marchés entre (B) et (E) », supportant l’entête de réception de télécopie suivante : « émis par 05595116098 Signature 15 avr 03 », à propos duquel M. X… a déclaré le 15 mars 2006 (cote 6998) qu’il s’agissait « de l’écriture de M. H… , ce document est un état de

11 Pour rappel, la lettre B correspond à Signature et la lettre E à Signaux Girod.

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problèmes de dettes que les sociétés de l’entente peuvent avoir entre- elles, en l’espèce il s’agit d’un problème en (B) = Signature et (E)=GIROD. Ce document illustre le fait que les règles de l’entente ne sont pas parfaitement respectées et qu’il faut donc des ajustements après l’attribution des marchés » (soulignement ajouté). 2. LES PRATIQUES RELEVÉES DANS LE SECTEUR DE LA SIGNALISATION PLASTIQUE (ÉQUIPEMENTS DE SÉCURITÉ ET DE BALISAGE) 99. Comme indiqué précédemment, au moment des faits, seules les sociétés Sodilor et SAAM, filiales respectivement de Signature et de Lacroix Signalisation, étaient homologuées pour la fabrication des délinéateurs de type J6. Or, ce produit figure fréquemment, parmi d’autres, dans la liste des produits à fournir aux collectivités territoriales lors des consultations. 100. À la question suivante, posée lors de son audition le 4 juin 2008 : « Avez-vous conscience que le refus d’entrer en relation commerciale avec un fabricant de panneaux de signalisation ne fabriquant pas d’équipements de sécurité plastique peut être un handicap pour cette entreprise dans la mesure où il arrive, d’une part, que des acheteurs publics lancent des consultations qui portent à la fois sur de la signalisation verticale et sur du balisage et, d’autre part, que ces acheteurs exigent des attestations datant de moins d’un mois de la part du fabricant du produit concerné (exemple : département du Maine-et-Loire pour la fourniture de balises en 2006, consultation à l’occasion de laquelle Signal Concept a été écartée pour n’avoir pas fourni d’autorisation du fabricant) ? », le président de Sodilor, M. I…, a répondu : « Il nous arrive de vendre des balises à des fabricants de signalisation verticale. Signal Concept est à la fois un fabricant de signalisation verticale et d’équipements de sécurité comme les balises. Il aurait très bien pu fabriquer les délinéateurs J6 lui-même » (cotes 6012 à 6016). Il a toutefois admis qu’« il n’y a pas de barrières techniques mais l’investissement peut être un frein pour une petite entreprise qui veut pénétrer le marché compte tenu de la diversité des produits demandés ». 101. Les éléments versés au dossier par Signal Concept révèlent que la société JS Concept s’est heurtée aux mêmes difficultés d’approvisionnement auprès de Sodilor à l’occasion de sa participation à des appels d’offres et ce, alors même que la balise de type J6 ne représente généralement en valeur qu’une part relativement infime des marchés concernés (moins de 1 % dans le cas de la consultation organisée en 2006 par le conseil général de la Mayenne). 102. Ainsi qu’il a été exposé au point 94 ci-dessus, Signal Concept figure sur la « liste noire » du document « Règles » élaboré par les membres de l’entente dans le secteur de la signalisation verticale. Le même document indique, d’une part, que le « tarif de référence » correspond à celui de Lacroix Signalisation pour « le temporaire et le plastique » et, d’autre part, que la grille de remise aux revendeurs qui mentionne un taux de remise de 35 à 40 % pour la signalisation temporaire n’est pas applicable aux dossiers « purement plastique » (voir points 63 à 68 ci-dessus). 103. Par ailleurs, Signal Concept dénonce un « système » qui aurait été mis en place au sujet de la balise de type J6. Selon cette saisissante, le refus de Sodilor de lui délivrer des produits ou des attestations serait à apprécier compte tenu de l’attitude de

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certains acheteurs publics qui introduiraient dans leurs cahiers des charges des caractéristiques techniques correspondant précisément à celles utilisées par Sodilor. 104. Le président de Lacroix Signalisation a déclaré à cet égard : « Nous avons constaté qu’il y avait dans les appels d’offres des spécificités techniques qui ne permettaient pas à Lacroix Signalisation de répondre. Lacroix Signalisation n’a jamais usé de ce type de procédés car ne possédant pas de produits possédant des différences notoires permettant d’individualiser au profit de Lacroix Signalisation. En revanche Lacroix Signalisation défend l’application des normes et de la réglementation » (cotes 3697 à 3702). 105. Les correspondances versées au dossier par Lacroix Signalisation à l’appui de ses déclarations établissent que cette entreprise s’est manifestée à plusieurs reprises auprès de certaines collectivités territoriales au sujet des caractéristiques trop précises de produits faisant l’objet de la consultation et pour lesquels seul un fournisseur était en mesure de répondre (« restrictions techniques ») et ce, en méconnaissance de l’article 6 du code des marchés publics. 106. Il est avéré que Signal Concept a été écartée de plusieurs consultations pour n’avoir pu produire d’« autorisation de négoce » délivrée par un fabricant certifié en ce qui concerne la balise J6 qu’elle ne fabriquait pas (voir, par exemple, la lettre du conseil général de Vendée du 16 juillet 2007 adressée à Signal Concept). 107. Il convient également de rappeler que Signal Concept a demandé à plusieurs reprises aux acheteurs publics, compte tenu des difficultés d’approvisionnement rencontrées par elle et de la part insignifiante du chiffre d’affaires représentée par ce produit, de retirer les délinéateurs J6 de la liste des produits à fournir, cela presque toujours sans succès (voir, par exemple, la lettre adressée le 12 mai 2003 à la DDE de l’Aude et en copie à la DGCCRF et le 24 mars 2003 à la DDE de Chalons en Champagne). 108. Le président de Sodilor a déclaré le 4 juin 2008 : « je vous remets ce jour un tableau des marchés des équipements de sécurité attribués au 30 mai 2008. Je précise que, sur 80 marchés, 50 ne comportent pas de délinéateurs au bordereau de prix ». A contrario, 37,5 % des bordereaux de prix comportaient des délinéateurs de type J6. 109. Par ailleurs, il ressort de l’extrait d’une lettre adressée par Sodilor au conseil général du Maine-et-Loire à l’occasion de la remise d’une offre dans le cadre d’une consultation pour la fourniture de balises en plastique (programme 2007-2010) les éléments suivants : « Sodilor dénie à quiconque, pour quelque raison que ce soit, d’utiliser les homologations, certifications ou ne serait-ce que les autorisations d’emploi dont elle bénéficie pour répondre à ce dossier. De même, personne ne peut revendiquer le droit de proposer un produit de notre gamme dans le cadre de cette consultation, sans un accord express de notre part. Cet accord devrait alors être clairement stipulé dans la réponse au dossier ».

110. Le président de Sodilor a déclaré à propos de cette lettre qu’« il est normal que les acheteurs publics exigent les homologations ou certifications. On ne souhaite pas qu’une entreprise soumissionne à notre insu en se référant à nos homologations et certifications. N’importe qui ne peut pas soumissionner sans notre accord et à notre insu avec nos produits ».

111. Le rapport du directeur des routes et des déplacements du conseil général de Maine- et-Loire, daté du 8 décembre 2006, indique au sujet de l’examen des offres dudit marché : « La société Signal (Concept) n’a pas fourni l’autorisation du fabricant des J6 (délinéateurs) [RC-Art 7.1-4] ». Le règlement de la consultation prévoyait en effet

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que « dans le cas où le postulant ne serait pas le fabricant du produit il devra fournir (…) un courrier du fabricant (papier à entête original datant de moins d’un mois) du produit concerné l’autorisant à utiliser la certification ou homologation ou l’autorisation d’emploi dans le cadre de cet appel d’offres (…) ». Signal Concept présentait pourtant l’offre la moins onéreuse pour la collectivité. 112. Le directeur du développement au conseil général de Maine-et-Loire a expliqué que ce type de clause « semble résulter d’échanges entre maîtres d’œuvre suite à un problème rencontré par une collectivité qui avait retenu un fournisseur qui n’a pas pu honorer son marché, les producteurs de produits homologués ayant refusé de lui fournir leurs produits » (cote 2239). 113. Également interrogé sur l’origine de l’introduction de telles clauses dans les cahiers des charges, le directeur des infrastructures et des transports au conseil général des Côtes-d’Armor a justifié cette exigence de délivrer une autorisation de négoce délivrée par le fabricant par la nécessité de protéger les maître d’ouvrage dans le but d’éviter « d’attribuer un marché sur un catalogue de produits qui n’est pas à jour ». Or, les procédures instaurées par le code des marchés publics prévoient la possibilité pour les maîtres d’œuvre de demander la fourniture d’échantillons aux candidats et, le cas échéant, de refuser les produits non conformes aux échantillons. 114. Le responsable du conseil général de la Mayenne a également adressé une lettre, le 21 juin 2006, à Signal Concept dans laquelle il lui demande, dans le cadre d’une consultation pour la fourniture de panneaux plastiques, de « préciser la provenance des fournitures proposées » et d’« adresser, sous 24H, l’attestation de la société qui [lui] autorise la revente ». Dans le cadre de cet appel d’offres, Signal Concept a été écartée au motif qu’elle ne disposait pas de la certification aux normes pour les délinéateurs J6. 115. Le rapport de présentation à la commission d’appel d’offres rédigé par la DDE du Morbihan pour la fourniture de signalisation plastique en 2003 indique (cote 1 947) :

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116. La commission d’appel d’offres a décidé de déclarer sans suite l’appel d’offres du lot n° 2 « pour des motifs d’intérêt général ». 117. Certaines collectivités ont été récemment amenées à modifier leurs cahiers des charges afin de permettre une ouverture à la concurrence (voir, par exemple, la lettre en date du 24 avril 2007 du conseil général du Lot au sujet de la fourniture de bornes kilométriques en matière plastique, cotes 3703 à 4795). Signal Concept a également versé au dossier un courrier en date du 19 février 2008 émanant du conseil général de l’Aisne l’informant de la décision de ne pas donner suite à l’« opération relative à la fourniture et à la livraison de matériels de signalisation en matière plastique pour les routes départementales de l’Aisne », et ce à la suite d’une saisie du préfet par Signal Concept, après délibération de la collectivité territoriale décidant d’écarter cette société de la compétition (cote 1030). 3. LES PRATIQUES RELEVÉES DANS LE SECTEUR DES FILMS PLASTIQUES RÉTRO- RÉFLÉCHISSANTS a) La politique commerciale suivie par 3M France Les conditions d’accréditation 118. Dans les principes qui déterminent les conditions des relations commerciales entre 3M France (département « Signalisation du trafic – Signalisation verticale ») et les sociétés qui constituent son réseau d’industriels et/ou de distributeurs pour les produits utilisés en signalisation verticale en 2003-2004 et 2005 (cotes 8120 à 8123), l’accréditation est définie ainsi : « INDUSTRIEL ACCREDITE : Définition Tous les membres du réseau de transformation font l’objet d’un accréditement interne. Cet accréditement est basé sur la fonction d’Industriel, professionnel de la signalisation routière qui se caractérise de la façon suivante : L’industriel accrédité est une société identifiable possédant des unités de produits spécifiques à la signalisation routière et le personnel qualifié pour faire tourner ces unités dans lesquelles il intègre des revêtements rétro-réfléchissants ou non sur un support pour fabriquer des produits de la signalisation routière. Il est homologué auprès du Ministère de l’Équipement ou est détenteur d’une autorisation de diffusion pour ce qui concerne la signalisation permanente, conformément au dernier arrêté émis par ce ministère. Il possède un local de stockage, une équipe de vente spécialisée ou un réseau de revendeurs, ainsi qu’une infrastructure de service adaptée aux besoins de la clientèle. Il ne livre sur le marché que des produits finis conformes à la réglementation. Sa fonction d’industriel accrédité est généralement admise par des instances professionnelles ou démontrée par les faits ». 119. Cette définition est demeurée la même en 2006-2007. Seule la mention « [la] fonction d’Industriel accrédité est généralement admise par des instances professionnelles ou démontrée par les faits » a disparu à partir de 2006 (cotes 8193 à

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8195). En outre, chaque industriel accrédité pouvait, en sus, bénéficier d’un « système d’intéressement » basé sur des objectifs qualitatifs ou quantitatifs définis avec 3M. Les conditions commerciales prévoyaient également que « lorsqu’un client fait partie d’un groupe, il bénéficie des conditions de remise du groupe auquel il appartient » (cotes 8124, 8146, 8172, 8196, 8197, 8220 et 8244 notamment). 120. Les conditions de vente de 3M France indiquaient par ailleurs que « les industriels accrédités ont droit à la structure de remises sur facture indiquée en annexe » [du tarif]. En d’autres termes, pour pouvoir bénéficier des produits commercialisés par 3M France et accéder au barème de remises, un fabricant de panneaux de signalisation routière devait préalablement obtenir l’accréditation de 3M France, selon des règles qu’elle avait elle-même définies. En outre, chaque industriel accrédité pouvait, en sus, bénéficier d’un « système d’intéressement » basé sur des objectifs qualitatifs ou quantitatifs prédéfinis avec 3M France. La politique de remise de 3M France 121. Sur la période 2003-2007, le tarif de base auquel sont vendus les produits de 3M France n’a pas été modifié, alors que le directeur général du département « Signalisation et Communication graphique » de 3M France a déclaré : « depuis 5 ans, le prix moyen de vente des films a évolué à la baisse. Ceci est dû, selon nous, à l’apparition de produits de la concurrence. Il est exact que le coût des matières premières et de l’énergie a plutôt évolué à la hausse

» (cotes 8043 à 8046).

01/01/2003 01/01/2005 01/04/2006 01/04/2007 Film Haute intensité

Classe 2 série 3870 F 58,76 58,76 58,76 58,76 Classe T2 3820 52,56 52,56 52,56 52,56 Film Diamond Grade

Série 3990- classe 2 58,76 58,76 58,76 58,76 DG Fluo jaune – classe 74,09 74,09 74,09 74,09 T2 Haute intensité

prismatique

Série 3930 –classe 2
-
-
- 58,76 122. Le barème de remises sur facture de 3M France a en revanche subi des évolutions entre 2003 et 2007, tant en ce qui concerne les volumes éligibles aux remises les plus élevées que les taux de ces remises. Celles-ci expliquent en partie la diminution des prix observée sur la période, ce qui démontre l’importance de leur rôle dans la détermination des prix moyens d’achat des films 3M. 123. Le système d’attribution des remises est, dans son principe, toujours resté le même. La tranche de remise la plus basse (20 %) n’a, à la différence des tranches les plus importantes, subi aucune variation sur la période. Le tableau ci-après fait apparaître les remises prévues dans les barèmes de 3M France en fonction du chiffre d’affaires annuel réalisé l’année précédente (barème au 1er février 2005), en ce qui concerne la signalisation permanente (classe 2) et DG Fluo : chiffre d’affaires annuel Films rétro réfléchissants Autres produits (2) réalisé (1) Sup ou égal à 3 000 000 euros 20 + 33 20 + 20.20 %

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et taux de conversion > 70% Sup ou égal à 3 000 000 euros 20+28.75 20 + 25 et taux de conversion < 70% Sup ou égal à 1 000 000 euros 20 + 23 20 + 22.3 Sup ou égal à 700 000 euros 20 + 16 20 + 16 Sup ou égal à 300 000 euros 20 + 12 20 + 12 Sup ou égal à 100 000 euros 20 + 10 20 + 10 Inférieur à 10 000 euros 20% 20% 124. Le « taux de conversion » correspond au « ratio entre le volume de films de classe 2 (en m2) et le volume total de films rétro-réfléchissants achetés l’année précédente » (premier rapport Mapp, point 16, cote 11441). Ce critère a été pris en compte dans le calcul des remises des seuls clients dont les commandes dépassaient 3 millions d’euros en 2003 et 2004. 125. Selon une étude réalisée par le cabinet Mapp pour le compte de 3M France dans le cadre de la procédure conduisant à la présente décision, « [l]a classe 2 comprend des films dotés de coefficients rétro-réfléchissants définis dont la durée de vie est au minimum de 10 ans » (cote 11376). De manière plus générale, la classe 2 semble être la classe de films ayant la plus forte valeur ajoutée et donc la plus rentable pour 3M comme le montre la « comparaison de l’évolution des prix moyens des films rétro- réfléchissants 3M de classe 1 et classe 2 entre la France et d’autres pays en Europe » (cote 8354). 126. Le taux de conversion est donc un indicateur de l’importance relative des produits à forte valeur ajoutée dans le total des commandes faites par les plus gros clients de 3M. Ainsi dès lors qu’un client de 3M commande pour plus de 3 millions d’euros de films rétro-réfléchissants et que cette commande contient plus de 70 % de films de classe 2 en volume, il bénéficiera du taux de remise maximal. Le taux de conversion a donc pour effet d’accroître significativement les écarts de coûts d’approvisionnement en film rétro-réfléchissants auprès de 3M entre les entreprises accréditées ayant fait d’importantes commandes de films de classe 2 l’année précédente et les autres entreprises. 127. Le système de remise de 3M en fonction de la valeur des commandes passées pour les industriels accrédités peut graphiquement être représenté ainsi :

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Système de remise de 3M pour les films rétroreflechissants 55 50 A 45 u C d 40 e en % is em 35 30 Taux de r 25 20 Films rétro réfléchissants Autres produits

128. En abscisses figurent les achats (en euros) effectués auprès de 3M par acheteur donné pendant l’année N-1, achats qui lui permettent pendant l’année N de bénéficier de remises (en % des achats) dont le taux figure en ordonnées. Le taux de remise appliqué aux films rétro-réfléchissants (courbe bleue) est supérieur à celui des autres films pour les clients qui ont acheté pour plus d’un million d’euros de films pendant l’année N-1. Dès lors il apparait que, outre l’importance des remises proposées aux industriels accrédités, le système de remise de 3M favorise les plus gros acheteurs. 129. Le tableau ci-après fait apparaître les remises de fin d’année prévues en fonction du volume des ventes de films de classe 2 (barème au 1er février 2005)12. Le cabinet Mapp précise que le montant de ces remises de fin d’année est marginal par rapport aux remises octroyées sur facture : Volume film classe 2 remises De 30 000 à 50 000 m2 1€/m2 De 50 000 à 80 000 m2 1,5€/m2 De 80 000 à 100 000 m2 2€/m2 Sup ou égal à 100 000 m2 2,5€/m2 130. Il est expressément précisé (« Relations commerciales ») que le chiffre d’affaires pris en compte pour l’attribution des remises sur factures est celui réalisé au cours de l’année précédente, ce qui classe d’office les entreprises n’ayant jamais eu de relations commerciales avec 3M France dans la tranche la plus basse, quel que soit le montant des achats effectués auprès de 3M France. Ce faisant, les barèmes de remises employés par 3M désavantageaient les nouveaux entrants vis-à-vis des

12 Cote 11492.

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entreprises en place, car, à commandes égales, les entrants ne pouvaient pas bénéficier des mêmes niveaux de remise que les entreprises ayant déjà contracté avec 3M. Ainsi, la société SOS, qui figurait sur la « liste noire » des membres du cartel et qui a déclaré n’avoir pu entrer en relation commerciale avec 3M jusque là, s’est vu remettre une proposition tarifaire assortie de la remise de base de 20 %, le 22 mars 2007 (cotes 8339 à 8391). Nord Signalisation a également reçu le même type d’offre commerciale en 2004. 131. Ce mode d’attribution des remises quantitatives, fondé sur le chiffre d’affaires réalisé avec un groupe de clients, a été ensuite remanié en profondeur en 2008. En effet, le tarif applicable au 1er janvier 2008 prévoit, d’une part, que la remise quantitative de base est calculée, non pas sur les achats de l’année passée mais sur les achats en cours et, d’autre part, sur un seul palier, quel que soit le chiffre d’affaires annuel réalisé. 132. Les conditions de vente de 3M France prévoyaient, outre l’attribution de remises de fin d’année en fonction du volume des ventes, que ces remises étaient censées être accordées en fonction de la réalisation d’engagements spécifiques pris par le distributeur. Dans une lettre datée du 17 septembre 2008, 3M France déclare à ce sujet : « Nous avons constaté une rédaction défectueuse des politiques commerciales de 3M antérieures à 2007, qui a été corrigée depuis. En effet, pour bénéficier des remises conditionnelles de fin d’année, aucun engagement de volume n’a été pris par les différentes sociétés clientes de 3M. Les remises conditionnelles de fin d’année ont été accordées en fonction d’un volume effectivement réalisé au cours de l’année et constaté par 3M et non sur des engagements de volumes comme la rédaction antérieure des politiques commerciales semble le laisser penser ». b) Le comportement de 3M France vis-à-vis des majors de l’entente de la signalisation routière verticale en France 133. Plusieurs fabricants de panneaux de signalisation verticale en France se sont plaints de n’avoir pu bénéficier des produits commercialisés par 3M France, laquelle aurait, en revanche, toujours entretenu des relations suivies avec les « majors » de l’entente de la signalisation routière verticale en France. 134. Un agenda appartenant à M. H…, l’un des responsables de Signature, saisi lors de la perquisition du 14 mars 2006, porte la mention « réunion 3M » à la date du 15 mars 2006, soit le lendemain de la réunion au restaurant Le Pré Catelan. Interrogé à ce sujet, l’intéressé a déclaré que cette réunion correspondait à « la suite des échanges prévu par le club ». 135. Le directeur général du département « Signalisation et Communication graphique » de 3M France a déclaré, au sujet des annotations susmentionnées– (cotes 8043 à 8046) : « j’ai pris mes fonctions dans la division signalisation du trafic en janvier 2006. Je n’étais pas au courant de l’existence de réunions entre fabricants de panneaux de signalisation verticale au sujet de la fixation de prix, avant la perquisition menée par les services de police au Pré Catelan, le 14 mars 2006. J’ai bien assisté à une réunion du bureau du SER, le 14 mars 2006 au matin au Pré Catelan. Ensuite j’ai quitté les lieux pour me rendre au stade de France à une réunion 3M France./-Concernant la date du 15 mars, nous vérifierons si une réunion était prévue entre 3M et un ou plusieurs de ses clients ». 3M France a, par la suite, déclaré (cotes 8340 et suiv.) : « 3M a interrogé les personnes de l’organisation

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verticale encore présentes dans l’entreprise et aucune d’elles n’avait prévu de réunion avec M. H… le 15 mars 2006 ». 136. Le tableau suivant, établi à partir d’informations versées au dossier par 3M France à la demande du rapporteur (cotes 8262-8263, « réunions organisées par 3M France avec des fabricants de panneaux de signalisation verticale 2003 à 2007 »), fait apparaître les fabricants de panneaux invités aux séminaires de Séville, Düsseldorf et Saint-Ouen-l’Aumône : date lieu Fabricants de panneaux 13-15 septembre 2004 Séville FCS, Lacroix, Laporte, SES, Signature et Girod 3-5 novembre 2004 Düsseldorf SDS, Lacroix, Laporte, SES, Signature et Girod 25 octobre 2005 Saint-Ouen- FCS, SDS, Lacroix, Laporte, SES, Signature L’Aumône et Girod 137. M. J…, ancien président de Signaux Laporte, membre de l’entente, a déclaré le 14 mars 2006 (cote 7088) : « C’est lors de cette réunion à Séville le 14 septembre 2004 que les règles ont été actualisées notamment les pourcentages des parts de marché octroyées aux différentes entreprises participantes ». M. C…, président de SES a également déclaré (cote 2872) : « Je vous confirme que 3M avait organisé une présentation marketing à Séville en 2004. L’objectif n’était pas de se répartir les marchés mais on a cependant évoqué les questions professionnelles ». 138. Une pochette appartenant à M. X…, saisie le 15 mars 2006, contenait notamment du papier à en-tête de l’hôtel Alfonso XIII de Séville, établissement dans lequel s’était tenue la réunion à l’initiative de 3M France en septembre 2004, et un exemplaire du document « Règles » portant la mention « Mise à jour : Septembre 2004 ». 139. S’agissant de la réunion de Düsseldorf, intitulée « 11e Forum Technique de la signalisation Routière », organisée moins de deux mois après celle de Séville, à laquelle participaient presque toutes les entreprises présentes à Séville, était notamment inscrit au programme : « Point et évolution du marché de la signalisation

» (cote 8269).

D. LES GRIEFS NOTIFIÉS 140. Sur la base des éléments qui précèdent, les quatre griefs suivants ont été notifiés le 28 novembre 2008 : « 

Le premier concerne la constitution d’un cartel entre les principaux fabricants de panneaux de signalisation routière verticale en France au cours de la période 1997 – 2006, soit durant environ 10 ans. Plusieurs pratiques ont été décidées et mises en œuvre au sein de ce cartel : – des répartitions de marchés publics avec des prix et des parts de marché fixés en commun, selon des règles préétablies (document « Règles ») ;

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– des pratiques d’exclusion vis-à-vis de sociétés concurrentes jugées indésirables et figurant sur une « liste noire » ; – des remises décidées en commun vis-à-vis des acheteurs. Ces pratiques, contraires aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce sont, comme indiqué supra, par nature graves et ont porté un important dommage à l’économie. Elles sont également visées par l’article 81 paragraphe 1 du traité, dès lors que, par leur effet de cloisonnement elles affectent les échanges intracommunautaires. Un grief est donc notifié aux sociétés suivantes : SIGNATURE SA ; LACROIX SIGNALISATION ; SIGNAUX GIROD ; SOMARO venant aux droits de la société Sécurité et Signalisation (SES) pour la période 1998-2006 ; SECURITE ET SIGNALISATION (SES) pour la période antérieure (1996-1997) ; NADIA SIGNALISATION ; FRANCHE COMTE SIGNAUX (FCS) ; SIGNAUX LAPORTE ; NORD SIGNALISATION. La participation de la société SDS à l’entente est imputée à ses deux sociétés mères, les sociétés SIGNATURE SA et LACROIX SIGNALISATION. Un grief est également notifié de ce chef au Syndicat des Équipements de la Route (SER) pour sa participation à l’entente.

Le deuxième porte sur un abus de position dominante commis par la société SODILOR vis-à-vis d’une société concurrente, la société Signal Concept, sur le marché de la fourniture de produits de sécurité et de balisage en matière plastique. Tant les pressions exercées vis-à-vis des maîtres d’ouvrage publics que les refus d’approvisionner la société Signal Concept en balises de type J6 ont en effet permis à la société SODILOR de limiter la concurrence à l’occasion de plusieurs appels d’offres, et ce, alors même que le produit concerné ne représentait qu’une part infime des achats des collectivités concernées. Cette pratique, mise en œuvre de 2001 à 2007 dans un secteur marqué par l’existence d’une barrière à l’entrée liée au processus de certification, se trouve prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce qui réprime les abus de position dominante ainsi que par l’article 82 du traité CE.

Le troisième grief porte sur un abus de position dominante commis par la société 3M FRANCE sur le marché de la fourniture de films en plastique destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale. L’instruction a en effet révélé une pratique d’exclusion de la société 3M France vis- à-vis des non-membres du cartel de la signalisation routière en France, se traduisant par des prix d’approvisionnement discriminatoires, pratique destinée à favoriser la cartellisation du marché national de la signalisation routière verticale, et ce, au

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cours de la période courant de l’année 1997 et le début de l’année 2006, fin du cartel de la signalisation verticale en France. Les pratiques d’exclusion sont visées par l’article L. 420-2 du code de commerce qui réprime les abus de position dominante ainsi que par l’article 82 du traité CE. Un grief est donc notifié à 3M France de ce chef.

Le quatrième grief porte sur la concertation de 3M France avec les majors du cartel, les sociétés SIGNATURE, LACROIX SIGNALISATION, SIGNAUX GIROD et SOMARO, venant aux droits de SES, afin de mettre en œuvre la pratique abusive visée au troisième grief. Cette pratique est contraire aux dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 paragraphe 1 du traité CE. Un grief est donc notifié de ce chef aux cinq sociétés susnommées. » E. LA MISE EN ŒUVRE DU III DE L’ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE 141. Aux termes du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, « [l]orsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l’absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ». 142. Les sociétés SES, Lacroix Signalisation, Signature, Signaux Girod et Sodilor ont choisi de ne pas contester les griefs qui leur avaient été notifiés le 28 novembre 2008 et de prendre des engagements devant le Conseil de la concurrence en application du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. 143. Des procès-verbaux de mise en œuvre du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ont ainsi été signés respectivement le 5 février 2009 par SES, le 9 février 2009 par Lacroix Signalisation, le 10 février 2009 par Plastic Omnium pour le compte de Signature et de Sodilor et le 12 février 2009 par Signaux Girod. En contrepartie de la non-contestation des griefs et des engagements souscrits par chacune de ces sociétés présentés ci-après, le rapporteur général adjoint s’est engagé à proposer une réduction du montant de la sanction éventuellement encourue de 15 % à 25 % du montant qui aurait été normalement infligé. 1. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR SES 144. « 1. Mise en place d’un programme de conformité au droit de la concurrence et de formation 1.1. Diffusion immédiate d’une instruction générale rappelant l’interdiction de participer à une concertation anticoncurrentielle

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La société SES s’engage à diffuser, dès la décision du Conseil de la concurrence, une note d’instruction générale au personnel du service commercial de la société, et plus généralement à tous les cadres et salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, de ne participer à aucune concertation anticoncurrentielle avec des représentants des entreprises concurrentes, dans le cadre d’appels d’offres publics ou privés, visant notamment à fixer des prix ou se répartir des marchés, quel que soit le type de consultations (marchés à bons de commande, marchés ponctuels) et quel qu’en soit le montant. La diffusion pourra être effectuée par tout procédé écrit. Chaque destinataire de la note d’instruction générale devra en accuser réception en précisant qu’il en a pris connaissance. 1.2. Etablissement d’une Charte de respect du droit de la concurrence La société SES s’engage a établir dans le délai d’un mois suivant la décision du Conseil de la concurrence, avec l’aide de ses conseils, un livret intitulé « Charte de respect du droit de la concurrence » qui rappellera les principes du droit de la concurrence et, plus spécialement, les règles devant être respectées par les salariés de la société SES dans le cadre de la réponse aux demandes de consultation émanant de clients ou de leur participation à une organisation professionnelle. La charte rappellera les principes légaux et jurisprudentiels en matière de droit de la concurrence, au regard notamment des articles 8l paragraphe 1 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles. Elle sera actualisée à chaque évolution législative ou réglementaire relative aux marchés concernés et analysera la jurisprudence rendue par le Conseil de la concurrence en la matière. Cette charte, qui sera signée par l’encadrement de la société et par les directeurs commerciaux, sera annexée au règlement intérieur de la société SES, après consultation des organes compétents, dans le respect de la réglementation sociale. La charte sera également mise en ligne sur le site Intranet de la société. Un livret Master sera détenu par la Direction. Une copie de celui-ci sera remise à chaque salarié embauché à l’un des postes concernés, lequel devra émarger un document attestant de la bonne réception de la copie du Livret Master. 1.3. Mise en place d’une information et de séances de formation obligatoire La société SES s’engage à rappeler systématiquement l’importance du respect des règles de la concurrence, notamment en matière d’ententes, au personnel du service commercial et plus généralement à tous les cadres et salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, cette information pouvant être faite par tout procédé écrit.

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La société SES s’engage à mettre en place annuellement un dispositif de formation interne permettant de sensibiliser les personnes concernées (personnel du service commercial et plus généralement tous les cadres et salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes) au respect des principes de concurrence. Cette séance de formation sera obligatoire. La société SES rappellera en outre les engagements pris devant le Conseil de la concurrence et permettra à sa Direction d’en vérifier le respect. La première séance de formation interviendra dans un délai de deux mois suivant la décision du Conseil de la concurrence. A l’issue de la première séance de formation, la Charte du respect du droit de la concurrence sera remise aux personnes concernées, en attirant leur attention sur l’application des règles du droit de la concurrence, notamment au regard des spécificités des marchés sur lesquels ils opèrent. Chaque participant signera, en fin de première séance, un document attestant de la bonne réception de la Charte du respect du droit de la concurrence et de la formation reçue. Pour les séances postérieures, chaque participant signera un document attestant de la formation reçue. 1.4. Sanction des manquements La société SES s’engage à informer son personnel du service commercial, et plus généralement à tous les cadres et salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, que la participation à une pratique anticoncurrentielle serait susceptible de constituer une faute grave. Cette information sera communiquée lors de la première séance de formation visée à l’article 1.3. ci-dessus. La société SES s’engage à insérer une clause dans les contrats de travail de toute nouvelle personne embauchée au sein du service commercial, ou qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec un homologue d’une entreprise concurrente, rappelant que la participation à une pratique anticoncurrentielle serait susceptible de constituer une faute grave qui pourra être sanctionnée en tant que telle, dans le respect de la réglementation sociale. 2. Relations avec les entreprises concurrentes (fabricants, revendeurs) se présentant comme clients La société SES s’engage à :

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– mettre en place une tarification objective, transparente et non-discriminatoire accessible à tout client final ou intermédiaire (fabricant concurrent et / ou revendeur se présentant comme client), – s’interdire de prendre contact avec ses concurrents au sujet des listes de revendeurs ou à échanger des informations à ce sujet, – s’interdire de procéder à des exclusions injustifiées de revendeurs de bonne foi au regard des règles de la concurrence applicable (notamment de type « liste noire »). 3. Relations avec les entreprises concurrentes (fabricants, revendeurs) dans le cadre de groupements et de sous-traitance Dans l’hypothèse où la société SES envisagerait de participer à un groupement ou une sous-traitance pour répondre à un marché, elle s’engage à respecter les principes et le processus suivants : – ne prendre contact avec des entreprises concurrentes que lorsque leur concours est nécessaire pour pouvoir répondre à un marché ou pouvoir y répondre dans des conditions optimisées, notamment pour le donneur d’ordres ; – dans un premier temps, durant la phase de contact préliminaire avec l’entreprise concurrente, se limiter à lui décrire la part de marché qu’il est envisagé de partager avec elle dans le cadre d’un groupement ou de lui confier en sous-traitance, sur la base du cahier des charges, et lui demander si elle est intéressée et capable d’intervenir, en lui précisant qu’à ce stade, elle doit limiter sa réponse à l’indication selon laquelle elle est, ou non, en mesure de participer au groupement envisagé ou à intervenir en qualité de sous-traitante, à l’exclusion de toute indication sur les conditions financières qu’elle pourrait demander ; – au-delà des discussions préliminaires et jusqu’à la présentation d’une offre commune ou l’abandon des discussions sur celle-ci : limiter les échanges d’informations à ce qui est strictement nécessaire à la collaboration ; – s’assurer que tout échange d’informations allant au delà des contacts préliminaires décrits ci-dessus impose aux partenaires éventuels, soit de présenter effectivement une offre commune (groupement ou sous-traitance), soit de s’abstenir de répondre à l’appel d’offres, sauf à conserver les éléments de nature à établir que cet échange n’a pu altérer l’indépendance d’offres présentées individuellement. Si tel est le cas, si les négociations n’aboutissent pas, la société SES pourra soumissionner individuellement dès lors qu’elle aura conservé la trace écrite des raisons de l’échec des négociations, ainsi que de la nature des informations échangées avec les partenaires potentiels ; – toutes les étapes évoquées ci-dessus devront être retracées dans un dossier comprenant l’ensemble des données échangées, notamment en ce qui concerne les capacités et disponibilités sur le plan matériel, technique et humain et les aspects

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financiers et commerciaux. Ce dossier doit être conservé tant que la prescription n’est pas acquise. La société SES s’engage à s’appliquer à elle-même les principes décrits ci-dessus lorsque c’est elle qui est sollicitée par un autre opérateur pour constituer un groupement ou assurer une sous-traitance. 3. Participation à un syndicat professionnel La société SES s’engage à : – être représentée dans le cadre de réunions d’un syndicat professionnel par des personnes n’exerçant pas de fonction commerciale ; – s’abstenir de participer à toute réunion d’un syndicat professionnel qui ne serait pas précédée de la communication d’un ordre du jour précis ; – s’abstenir de participer à toute réunion d’un syndicat professionnel, durant laquelle des informations commerciale, notamment les conditions de réponse à un appel d’offres en cours, seraient évoquées par des sociétés concurrentes. 4. Relations avec les fournisseurs La société SES s’engage à exclure dans ses relations avec les fournisseurs la recherche d’éventuels avantages discriminatoires injustifiés destinés notamment à évincer des concurrents potentiels sur le marché de la signalisation verticale. 5. Mise en place d’un système d’alerte La société SES s’engage à désigner son Directeur des ressources humaines dès la décision du Conseil de la concurrence afin que celui-ci : – puisse recueillir de tous salariés de la société, sous couvert de confidentialité, les informations relatives à toute infraction supposée au droit de la concurrence ou tout fait constituant potentiellement une pratique anticoncurrentielle ; – réponde aux interrogations des salariés sur l’application de la « Charte de respect du droit de la concurrence ». Le Directeur des ressources humaines pourra diligenter tout audit qu’il jugera utile sur les faits portés à sa connaissance en se faisant assister par un ou plusieurs Conseils, s’il le juge nécessaire. Si les faits le justifient, le Directeur des ressources humaines informera immédiatement le directeur général de la société SES. Les informations portées à la connaissance du Directeur des ressources humaines seront consignées par lui dans un registre, dans le respect de la réglementation

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sociale et de la réglementation relative aux traitements de données à caractère personnel. Les documents qui auront été remis au Directeur des ressources humaines dans le cadre du système d’alerte, les rapports d’audits établis par lui ou à sa demande et plus généralement tous les documents relatifs à l’exécution de sa mission en application du présent engagement seront conservées pendant une durée de cinq années, dans le respect de la réglementation sociale et de la réglementation relative aux traitements de données à caractère personnel. La désignation du Directeur des ressources humaines en application de la présente disposition sera annoncée lors de la première séance de formation évoquée à l’article 1.3 ci-dessus. 6. Mise en place d’un mécanisme de contrôle interne de respect des engagements pris et de transmission au Conseil de la concurrence Une lettre annuelle sera demandée aux responsables commerciaux de la société SES attestant qu’ils ont, dans l’exercice de leurs fonctions, respecté et veillé au respect des règles de concurrence, en particulier en ne participant pas à des concertations anticoncurrentielle. La société SES s’engage à établir un rapport annuel détaillé, décrivant le respect de l’ensemble des engagements souscrits et comportant une annexe confidentielle, établie sous pli scellé, par le Directeur des ressources humaines détaillant les informations qui ont été portées à sa connaissance en application de l’article 5. ci-dessus. Le rapport visé ci-dessus sera communiqué au Conseil de la concurrence pendant un délai de cinq ans ». 2. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LACROIX SIGNALISATION 145. « 1 – Sur les réunions avec les Syndicats Professionnels et en particulier le Syndicat des Equipements de la Route (SER) La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à ne participer aux réunions des Syndicats Professionnels que pour autant que ceux-ci aient préalablement adressé la communication d’un ordre du jour précis, relevant des seules attributions dudit Syndicat. La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à ce que ses Cadres et Salariés s’interdisent toute participation à une quelconque réunion des Syndicats Professionnels, au cours de laquelle les informations commercialement sensibles, notamment des conditions de réponse à un appel d’offres en cours, seraient évoquées par les Représentants des autres entreprises.

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A cet effet, la Société LACROIX SIGNALISATION impose à ses Représentants auxdites réunions d’avoir à quitter la réunion s’il venait à être contrevenu à cet engagement fût-ce de manière inattendue, voire suggestive. La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à ne communiquer d’informations commerciales sensibles à des Syndicats Professionnels, qu’à leur demande expresse et écrite et à la condition que cette communication s’effectue dans le respect d’une procédure garantissant la parfaite confidentialité des informations en cause, à l’égard notamment des autres entreprises membres du Syndicat concerné. 2 – Sur la formation aux règles du Droit de la Concurrence Mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle II est d’ores et déjà nécessaire de rappeler qu’au cours de l’année 2006, la Société LACROIX SIGNALISATION a établi une Charte dénommée « Charte LACROIX» destinée à l’ensemble du personnel du Groupe et aux termes de laquelle ont été notamment rappelé le respect des Lois et notamment celles de la concurrence. 2.1 – Formation au droit de la Concurrence La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à organiser, dans les meilleurs délais et à intervalles opportuns, une formation au Droit de la Concurrence, rappelant notamment les engagements pris devant le Conseil de la Concurrence, à laquelle la présence de tous ses personnels décisionnaires ayant à répondre aux consultations publiques et à celles relevant de la Direction Commerciale, seront invités. Chaque participant recevra en fin de séance une brochure sur les règles de la Concurrence, l’évolution jurisprudentielle, et/ou législative. En tout état de cause, la Société LACROIX SIGNALISATION adressera à ses personnels concernés ayant à répondre aux consultations publiques, des instructions formelles et réitérées par écrit, visant au strict respect des règles du Droit de la Concurrence et notamment des dispositions des Articles L. 420-1 du Code de Commerce d’une part et des engagements pris devant le Conseil de la Concurrence, d’autre part. La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à adresser à chacun de ses Cadres et Salariés commerciaux l’engagement souscrit auprès du Conseil de la Concurrence, et à les mettre en garde sur le fait que toute contravention à ces règles les exposerait à une procédure pouvant aller jusqu’au licenciement. La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à insérer dans les Contrats de travail à venir avec tout salarié, susceptible de répondre à des appels d’offre ou, à défaut, d’engager la Société LACROIX SIGNALISATION sur le plan commercial, le nécessaire respect des règles du Droit de la Concurrence, ainsi que les conséquences à son égard en cas de violation de ces règles, pouvant aller jusqu’à son licenciement. 2.2 – Procédure d’alerte La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à mettre en place un dispositif d’alerte sur d’éventuelles irrégularités liées au droit de la Concurrence. Une note interne sera adressée aux salariés concernés indiquant clairement la possibilité d’émettre des alertes en cas de constat relatif à des pratiques de nature à enfreindre les règles de la Concurrence. Une copie des alertes, depuis la réception jusqu’à la résolution du problème soulevé sera conservée pendant 5 ans.

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3 – Sur les réunions entre concurrents 3.1 – LE PRINCIPE : abstention de participation collective entre concurrents La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à s’abstenir de participation à toutes réunions collectives entre concurrents, à l’exception des réunions telles que décrites ci-après, d’une part et à l’exception des contacts après attribution d’un marché, rendus nécessaires par la mise au point et la mise en œuvre des conditions d’exécution du service entre membres d’un groupement ou en cas de sous-traitance. 3.2 – Sur les réunions entre concurrents – Dans le cadre de groupements et de sous- traitance La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage, dans le cas où elle envisagerait un groupement ou une sous-traitance, pour répondre à une consultation publique, de respecter les principes et le processus suivants : 3.2.1 -la Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à ne prendre contact avec des Entreprises que lorsque leur concours est nécessaire pour pouvoir répondre à un service donné, constitué d’un ou plusieurs lots, au sein d’un appel d’offres, ou pouvoir y répondre dans des conditions optimisées, notamment pour le donneur d’ordre. 3.2.2 -La Société LACROIX SIGNALISATION s’engage à se limiter à décrire au partenaire pressenti le service qu’elle a envisagé de lui confier sur la base du cahier des charges. A ce stade, la Société LACROIX SIGNALISATION ne sollicitera du partenaire qu 'une réponse sur son intérêt ou son absence d’intérêt. A ce stade, la Société LACROIX SIGNALISATION limitera sa demande à l’indication selon laquelle le partenaire est en mesure d’assurer cette prestation, sans dévoiler l’étendue et le détail de ses capacités ou les conditions financières qu’il pourrait demander. Faute d’intérêt de l’entreprise sollicitée pour le projet de groupement ou de sous- traitance, chacune des Sociétés pourra répondre seule ou avec un autre partenaire à l’appel d’offre en cause dans les mêmes conditions que ci-dessus. 3.2.3 – En cas d’intérêt de l’entreprise, et jusqu’à la présentation d’une offre commune ou, à défaut, l’abandon des discussions sur celle-ci : – limiter les échanges d’informations à ce qui est strictement nécessaire à cette collaboration, notamment en ce qui concerne les capacités et disponibilités sur le plan matériel, technique et humain et les aspects financiers et commerciaux ; – tout échange d’informations allant au-delà des contacts préliminaires décrits ci- dessus, impose aux partenaires éventuels, soit de présenter effectivement une offre commune (groupement ou sous-traitance), soit de s’abstenir de répondre à l’appel d’offre, sauf à conserver les éléments de nature à établir que cet échange n’a pu altérer l’indépendance d’offres présentées individuellement. Si tel est le cas, si les négociations n’aboutissent pas, la Société LACROIX SIGNALISATION et la Société partenaire pressentie pourront soumissionner individuellement dès lors qu’elles auront conservé la trace écrite des raisons de cet échec des négociations, ainsi que de la nature des informations échangées avec les partenaires potentiels dans les conditions évoquées ci-après : > toutes les étapes à partir de celle mentionnée au 3.2.2 seront retracées dans un dossier, comprenant l’ensemble des données échangées, notamment en ce qui concerne les capacités et disponibilités sur le plan matériel, technique et humain et les aspects financiers et commerciaux. »

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3. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR SIGNATURE 146. « 1. COMMUNICATION AVEC DES CONCURRENTS 1.1 Interdiction de participer à une concertation anticoncurrentielle La société SIGNATURE s’engage à donner instruction à l’ensemble de ses cadres et salariés et en particulier à l’ensemble de ses cadres et salariés commerciaux, de ne participer à aucune concertation anticoncurrentielle avec des représentants des entreprises concurrentes, dans le cadre des appels d’offres publics ou privés, visant notamment à fixer des prix, à se répartir des marchés ou à échanger toute autre information commercialement sensible et ce, quel que soit le type de consultation (marchés à bons de commande, marchés ponctuels) et quel qu’en soit le montant. En particulier, la société SIGNATURE s’engage à donner instruction à l’ensemble de ces cadres et salariés, de ne participer à aucune réunion entre concurrents, sous quelque forme et en quelque lieu que ce soit, à l’occasion de laquelle serait évoquée toute pratique anti concurrentielle. 1.2 Rappel écrit, visé et retourné de l’interdiction La société SIGNATURE s’engage à rappeler individuellement, par écrit et contre récépissé, à tous ses cadres et salariés commerciaux, susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, l’importance du respect de cette interdiction à défaut de quoi ils s’exposeraient à un licenciement pour faute grave. Elle vérifiera que cette note écrite a été adressée à chacune des personnes concernées, puis visée et retournée par chacune desdites personnes. 1.3 Réponse aux appels d’offres dans le cadre de groupement ou de sous-traitance : Certains marchés soumis à appels d’offres requièrent une association avec des partenaires, qu’il s’agisse d’un groupement ou d’une sous-traitance, afin d’apporter une réponse satisfaisante au cahier des charges de l’autorité adjudicatrice. Dans cette hypothèse, la société SIGNATURE s’engage à respecter la procédure décrite ci-après en trois étapes, et à refuser tout projet de groupement ou de sous- traitance avec un partenaire qui l’aurait sollicitée à cette fin mais qui n’accepterait pas les termes de cette procédure. Etape 1 : Intention de groupement ou de sous-traitance La société SIGNATURE s’engage à n’entrer en contact avec un concurrent qu’en cas de volonté de créer un groupement ou une sous-traitance, à la suite de la réception du cahier des charges du marché en cause. A ce niveau, l’entreprise sollicitée pourra seulement faire part de son intérêt éventuel pour un tel projet de groupement ou de sous-traitance. En cas de désintérêt de l’entreprise sollicitée pour le projet de groupement ou de sous- traitance, chaque entreprise pourra répondre seule ou avec un autre partenaire à l’appel d’offres en cause. Etape 2 : Proposition de groupement ou de sous-traitance En cas d’intérêt de l’entreprise sollicitée pour le projet de groupement ou de sous- traitance dans le cadre de l’étape 1, la société SIGNATURE s’engage à entamer une

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discussion qui ne portera que sur la capacité de l’entreprise concernée à répondre à la proposition de groupement ou de sous-traitance, au regard du cahier des charges. Les discussions ne porteront que sur les moyens techniques et humains nécessaires à l’exécution du marché, ainsi que sur les garanties bancaires de bonne fin et les garanties de réception de chantier, à l’exclusion de tout échange relatif aux prix ou aux conditions de paiement et relevant de l’étape 3. La société SIGNATURE précisera au partenaire pressenti que sa réponse doit être strictement limitée à ce qui a été précisément demandé, c’est-à-dire se borner à indiquer s’il dispose, ou non, des moyens techniques et humains et financiers suffisants pour satisfaire, avec la société SIGNATURE, au cahier des charges. En cas d’insuffisance des moyens techniques et/ou humains de l’entreprise sollicitée, chaque entreprise pourra répondre seule ou avec un autre partenaire, à l’appel d’offres en cause. Etape 3 : Formalisation du groupement ou de la sous-traitance Si l’entreprise sollicitée dispose des moyens techniques et humains ainsi que des garanties bancaires de bonne fin et les garanties de réception de chantier souhaités dans le cadre de l’étape 2, la discussion se poursuivra avec la société SIGNATURE dans le cadre de l’étape 3. Toute discussion à compter de cette étape 3 imposera à la société SIGNATURE de répondre à l’appel d’offres avec son partenaire ou de s’abstenir d’y répondre seule. Toutefois, en cas d’échec du projet de groupement ou de sous-traitance, la société SIGNATURE pourra répondre seule ou avec un autre partenaire, à la condition d’avoir conservé une trace écrite des informations échangées depuis le commencement de l’étape 3, ainsi que de tous éléments de nature à établir que ces échanges n’ont pu altérer l’indépendance de l’offre ensuite présentée par la société SIGNATURE. La société SIGNATURE s’engage à faire figurer le rappel de cet engagement dans la note écrite visée au paragraphe 1.2 ci-dessus. Transparence des relations Lorsque la société SIGNATURE répondra à un appel d’offres, seule ou avec un partenaire à la suite de l’échec d’un projet de groupement ou de sous-traitance portant sur le même appel d’offres, elle s’engage à fournir avec son offre, la liste des entreprises avec lesquelles elle sera entrée en contact et avec lesquelles elle aura échangé des informations sur des éléments autres que ceux relatifs aux moyens techniques et humains ainsi qu’aux garanties bancaires de bonne fin et aux garanties de réception de chantier. Dans les hypothèses visées au paragraphe 1.3 ci-avant, la société SIGNATURE s’engage à conserver, pendant un délai de cinq années à compter de l’ouverture des plis de chacun des appels d’offres auquel elle aura ainsi soumissionné, un dossier contenant l’ensemble des données échangées dans la perspective de la constitution d’un groupement ou de la conclusion d’un accord de sous-traitance pour le marché considéré et ce, quel que soit le sort du projet de constitution de groupement ou d’accord de sous-traitance concerné. 1.4 Réunions des syndicats professionnels La société SIGNATURE s’engage à donner instruction à l’ensemble de ses cadres et salariés de ne participer aux réunions des syndicats professionnels auxquels elle

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appartient, que si elles ont été précédées de la communication d’un ordre du jour précis. La société SIGNATURE s’engage à interdire à ses cadres et salariés de participer à toute réunion de syndicat professionnel durant laquelle des informations commercialement sensibles, notamment les conditions de réponse à un appel d’offres en cours, seraient évoquées par les représentants d’autres entreprises. Ces cadres et salariés auront donc pour instruction formelle de quitter une telle réunion dans le cas où des informations commercialement sensibles viendraient à y être évoquées de manière inopinée et à faire consigner leur départ au procès-verbal de la réunion. La société SIGNATURE s’engage à ne communiquer d’informations commerciales sensibles à des syndicats professionnels, qu’à leur demande expresse et à la condition que cette communication s’effectue dans le respect d’une procédure garantissant la confidentialité des informations en cause, à l’égard des autres entreprises membres du syndicat concerné. La société SIGNATURE s’engage à faire figurer le rappel de cet engagement dans la note écrite visée au paragraphe 1.2 ci-dessus. 2 LES RELATIONS AVEC LES ENTREPRISES CONCURRENTES (FABRICANTS, REVENDEURS) SE PRÉSENTANT COMME CLIENTS 2.1 Mise en place d’une tarification transparente et non-discriminatoire accessible à tout fabricant concurrent et/ou revendeur se présentant comme client. Dans le respect de la législation en vigueur, la tarification pourra varier en fonction notamment du nombre de produits commandés, de la solvabilité de l’entreprise concurrente, des délais de paiement convenus, ainsi que de l’ensemble des frais de recherche et développement et de promotion, mais ces variations seront appliquées de façon non discriminatoire à toutes les entreprises concurrentes. 2.2 Exclusion de tout contact avec les concurrents pour l’établissement de listes de revendeurs ou de listes noires. La société SIGNATURE s’interdit tout contact avec ses concurrents au sujet de leurs revendeurs respectifs ainsi que des tarifs ou autres conditions pratiqués à l’égard de ces derniers ; la société SIGNATURE s’interdit également de participer à l’élaboration ou à la mise en œuvre de toute « liste noire » tendant à l’exclusion de fabricants ou revendeurs. 2.3 Rappel écrit, visé et retourné de l’interdiction. La société SIGNATURE s’engage à faire figurer le rappel de cette interdiction dans la note écrite visée au paragraphe 1.2 ci-dessus. 3- LES RELATIONS AVEC LES FOURNISSEURS Dans le cadre de ses relations avec ses fournisseurs, la société SIGNATURE s’engage à s’abstenir de chercher à obtenir de ceux-ci des avantages discriminatoires injustifiés et destinés à évincer des concurrents potentiels sur le marché de la signalisation verticale. 4- RAPPEL DU DROIT DE LA CONCURRENCE (PROGRAMME DE « COMPLIANCE ») 4.1 Mise en place d’une information et de séances de formation an droit de la concurrence

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Dans le cadre des actions de formation mises en œuvre au sein du groupe PLASTIC OMNIUM, la société SIGNATURE s’engage à mettre en place annuellement un dispositif de formation interne, aux fins de sensibiliser les cadres et salariés exerçant une fonction commerciale et/ou susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, au respect des principes de concurrence. Cette séance de formation sera obligatoire. La société SIGNATURE rappellera en outre les engagements pris et permettra à sa Direction d’en vérifier le respect. 4.2 Remise d’un document écrit sous forme de livret rappelant les règles du droit de la concurrence A l’issue de la première séance de formation, un livret sera remis aux personnes concernées, attirant leur attention sur l’application des règles de concurrence, notamment au regard des spécificités des marchés sur lesquels elles opèrent. Ce livret rappellera les principes légaux et jurisprudentiels en matière de droit de la concurrence, au regard notamment de l’article L 420-1 du Code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles. Ce Livret sera actualisé à chaque évolution législative ou réglementaire relative aux marchés concernés et analysera la jurisprudence en la matière. Chaque participant signera, en fin de première séance, un document attestant de la bonne réception du livret et de la formation reçue. Pour les séances supplémentaires, chaque participant signera un document attestant de la formation reçue. Un livret Master sera détenu par la Direction. Une copie de celui-ci sera remise à chaque salarié embauché à l’un des postes concernés, lequel devra émarger un document attestant de la bonne réception de la copie du Livret Master. 4.3 Modification par avenant, des contrats de travail des personnes concernées La société SIGNATURE engagera une discussion avec chacun de ses cadres et salariés exerçant une fonction commerciale, et fera ses meilleurs efforts pour modifier par avenant son contrat de travail et y mentionner le nécessaire respect des règles de droit de la concurrence ainsi que les conséquences à son égard en cas de violation de ces règles. La société SIGNATURE fera également figurer de telles clauses dans les contrats de travail qui seront conclus à l’avenir avec tout salarié engagé pour l’exercice de fonctions commerciales. 5. MISE EN PLACE D’UN MÉCANISME FORMALISÉ DE CONTRÔLE INTERNE DESTINÉ À ASSURER UN SUIVI ANNUEL PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE La société SIGNATURE s’engage à mettre en place un mécanisme formalisé de contrôle interne destiné à assurer un suivi annuel, par la direction générale, de l’exécution des engagements. La société SIGNATURE s’engage à transmettre à l’Autorité de la concurrence, chaque année et pendant un délai de trois ans, un rapport détaillé sur le respect des engagements souscrits ».

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4. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR SIGNAUX GIROD 147. « 1. Sensibilisation et formation professionnelle 1.1. La société SIGNAUX GIROD s’engage à mettre en place avec l’aide de conseils externes spécialisés en droit de la concurrence, une procédure d’audit aux fins de vérifier que les pratiques de la société et le comportement de son personnel n’enfreignent pas les règles de la concurrence. Cette analyse comportera notamment des entretiens individuels avec tous les responsables, salariés et agents commerciaux de la société SIGNAUX GIROD susceptibles de se trouver en rapport avec des concurrents ou susceptibles de signer des appels d’offres au nom de la société SIGNAUX GIROD ou d’une des sociétés du groupe. 1.2. La société SIGNAUX GIROD s’engage à mettre en place un dispositif de formations professionnelles sous forme de sessions orales annuelles afin de former les salariés concernés de la société ainsi que ses agents commerciaux au respect des principes de la concurrence et d’imposer le respect de ces principes grâce à un processus de contrôle et le cas échéant de sanctions. Ces formations professionnelles auront un caractère obligatoire. Les salariés concernés et agents commerciaux signeront, à la suite de chaque session de formation, un engagement personnel aux termes duquel ils s’obligent à respecter les règles du droit de la concurrence. La société SIGNAUX GIROD tiendra à jour des dossiers contenant d’une part, le détail des formations dispensées et d’autre part, l’ensemble des lettres d’engagement personnel signées par les participants. Ces dossiers seront conservés cinq ans. L’engagement individuel signé par les salariés concernés et agents commerciaux, à l’issue de cette formation mentionnera : • la ligne de conduite exigée par la société SIGNAUX GIROD pour s’assurer du respect des règles de concurrence dans le cadre des relations entre la société et les concurrents et la vigilance particulière qui en résulte pour le personnel concerné, • le collaborateur reconnaîtra qu’il a été formé aux contraintes spécifiques du droit de la concurrence quant à la prohibition des comportements anticoncurrentiels (échange d’informations sensibles avec les concurrents, accord lors d’appels d’offres, discussions pendant les réunions d’associations professionnelles, etc.), • le collaborateur s’engagera à solliciter l’assistance de la direction de sa société, laquelle sollicitera l’avis d’un conseil extérieur spécialisé en droit de la concurrence, en cas de doute sur une question particulière et ayant trait au respect desdits engagements. 1.3. La société SIGNAUX GIROD s’engage à soumettre contractuellement les salariés concernés ainsi que ses agents commerciaux à l’obligation de respecter les règles de la concurrence et à cette fin, de s’interdire tout comportement anticoncurrentiel (échange d’informations sensibles avec les concurrents, accord lors d’appels d’offres, discussions pendant les réunions d’associations professionnelles, etc.). Le non-respect de cette obligation par le salarié ou l’agent commercial sera de nature à caractériser une faute grave susceptible d’entraîner soit des sanctions

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disciplinaires, soit le licenciement de son auteur s’il s’agit d’un contrat de travail ou la résiliation du contrat d’agent commercial sans indemnité. La société SIGNAUX GIROD s’engage à faire souscrire cette obligation à ses collaborateurs (salariés ou agents commerciaux) : – soit par le biais d’un avenant aux contrats de travail ou contrats d’agents commerciaux déjà signés, – soit en insérant une telle clause aux contrats de travail ou contrats d’agents commerciaux qui seront signés à l’avenir. 1.4. La société SIGNAUX GIROD s’engage à rappeler systématiquement l’importance du respect des règles de la concurrence à tous les cadres et à tous les salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes. Cette information sera faite notamment par la diffusion à l’ensemble du personnel concerné d’un guide de respect du droit de la concurrence rappelant les principes du droit de la concurrence qui régissent les rapports avec les concurrents ainsi que les sanctions encourues en cas d’infraction. Ce guide recommandera la conduite à adopter dans certaines situations propices aux éventuels contacts entre concurrents (notamment lors de réunions au sein des associations professionnelles ou de salons professionnels). Ce guide rappellera en particulier que la participation d’un salarié à une pratique anticoncurrentielle constitue une faute susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Une décharge précisant que chaque salarié a pris connaissance de règles contenues dans ce guide et a compris leur enjeu sera adressé à la Direction de la société SIGNAUX GIROD. 1.5. La société SIGNAUX GIROD s’engage à faire signer par les directeurs commerciaux une déclaration écrite annuelle qui mentionnera une liste précise de comportements anticoncurrentiels (échange d’informations sensibles avec les concurrents, accord lors d’appels d’offres, discussions pendant les réunions d’associations professionnelles, etc.). Les directeurs commerciaux y déclareront qu’ils n’ont pas adopté de tels comportements et ont respecté les règles du droit de la concurrence. La déclaration écrite sera remise nominativement en double exemplaire, l’un des exemplaires étant conservé par son destinataire, le second devant être restitué dûment daté, signé et revêtu de la mention « pris connaissance le … à la Direction générale de la société SIGNAUX GIROD » afin d’être conservé au siège. La société SIGNAUX GIROD s’engage à conserver dans ses archives ces documents pendant une durée de 5 ans après leur signature en particulier pour permettre aux autorités de concurrence d’en prendre connaissance. 2. Réunions entre concurrents 2.1. La société SIGNAUX GIROD s’engage à s’abstenir de participer à toute réunion collective entre concurrents, à l’exception des réunions telles que décrites aux points 3 et 4 ci-dessous et à l’exception des contacts, après attribution d’un marché, rendus nécessaires par la mise au point et la mise en œuvre des conditions d’exécution du

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service entre membres d’un groupement ou en cas de sous-traitance (telles que visées au point 4 ci-dessous) ou rendues nécessaires par des difficultés d’exécution d’un marché afin d’assurer la continuité du service ou encore rendues nécessaires par des questions strictement techniques, organisationnelles ou afférentes aux relations sociales. 2.2. La société SIGNAUX GIROD s’engage à s’abstenir de communiquer à des concurrents toute information commerciale sensible, en particulier les conditions de réponse à un appel d’offre en cours ou à venir, à l’exception des cas décrits aux points 3 et 4 ci-dessous. 3. Réunions de syndicats / associations professionnels locaux ou nationaux 3.1. La société SIGNAUX GIROD s’engage à s’abstenir de participer à toute réunion de syndicats ou associations professionnels locaux ou nationaux, qui ne serait pas précédée de la communication d’un ordre du jour précis. 3.2. La société SIGNAUX GIROD s’engage à s’abstenir de participer à toute réunion de syndicats ou associations professionnels locaux ou nationaux durant laquelle les informations commerciales sensibles, notamment les conditions de réponse à un appel d’offre en cours, seraient évoquées par d’autres concurrents. Les représentants ou salariés de la société SIGNAUX GIROD quitteraient la réunion en faisant acter leur départ si de telles circonstances survenaient de manière imprévue. 3.3. La société SIGNAUX GIROD s’engage à ne communiquer d’information commerciale sensible aux syndicats ou associations locaux ou nationaux qu’à leur demande et à la condition que ces derniers s’engagent à ne pas les communiquer à des concurrents, et ce, afin de garantir la stricte confidentialité de ces informations vis-à-vis des autres membres du syndicat ou de l’association. 4. Réunions et/ou échanges d’informations entre concurrents dans le cadre de groupements et de sous-traitance 4.1. Dans l’hypothèse où un marché soumis à appel d’offre nécessiterait, pour apporter une réponse satisfaisante au cahier des charges de l’autorité adjudicatrice, la constitution d’une association avec des partenaires, tel qu’un groupement ou une sous-traitance, la société SIGNAUX GIROD s’engage à respecter la procédure en trois étapes décrite ci-après et à refuser tout projet de groupement ou de sous- traitance avec un partenaire qui l’aurait sollicitée à cette fin mais qui n’accepterait pas les termes de cette procédure. Etape 1 : Intention de groupement ou de sous-traitance La société SIGNAUX GIROD s’engage à n’entrer en contact avec un concurrent qu’en cas de volonté de créer un groupement ou une sous-traitance, à la suite de la réception du cahier des charges du marché en cause. La personne sollicitée ne pourra faire part que de son intérêt ou non pour un tel projet de groupement ou de sous-traitance. En cas de désintérêt de la personne sollicitée pour le projet de groupement ou de sous-traitance, chaque personne pourra répondre seule ou avec un autre partenaire à l’appel d’offre en cause. Etape 2 : Proposition de groupement ou de sous-traitance En cas d’intérêt de la personne sollicitée pour le projet de groupement ou de sous- traitance, dans le cadre de l’étape 1, la société SIGNAUX GIROD s’engage à

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entamer une discussion qui ne portera que sur la capacité de la société concernée à répondre à la proposition de groupement ou de sous-traitance au regard du cahier des charges imposé. Les discussions ne porteront que sur les moyens techniques et humains nécessaires à la satisfaction du cahier des charges. La société SIGNAUX GIROD précisera au partenaire envisagé que sa réponse doit être strictement limitée à ce qui a été précisément demandé, c’est-à-dire se contenter d’indiquer s’il dispose ou non des moyens techniques et humains suffisants pour satisfaire, avec la société SIGNAUX GIROD, au cahier des charges. En cas d’insuffisance des moyens techniques et/ou humains de la personne sollicitée, chaque personne pourra répondre seule ou avec un autre partenaire à l’appel d’offre en cause. Etape 3 : Formalisation du groupement ou de la sous-traitance Si la personne sollicitée dispose des moyens techniques et humains souhaités dans le cadre de l’étape 2, la discussion se poursuit avec la société SIGNAUX GIROD dans le cadre de l’étape 3. Tout échange d’information, à compter de cette étape, impose à la société SIGNAUX GIROD de répondre à l’appel d’offre avec son partenaire ou de s’abstenir d’y répondre seule. Toutefois, en cas d’échec du projet de groupement ou de sous-traitance, la société SIGNAUX GIROD pourra répondre seule ou avec un autre partenaire, à la condition d’avoir conservé une trace écrite des raisons de cet échec et le contenu des informations qui auront été échangées depuis le commencement de l’étape 3, garantissant le respect des règles de concurrence. 4.2 La société SIGNAUX GIROD s’engage, lorsqu’elle répondra seule ou avec un partenaire à un appel d’offre, en cas d’échec d’un projet de groupement ou de sous- traitance, à fournir avec son offre, la liste des entreprises avec lesquelles elle a pu entrer en contact et échanger des informations sur des éléments allant au-delà des échanges sur les moyens techniques et humains. 5. Mise en place d’une procédure de surveillance des négociations commerciales et/ou des appels d’offres La surveillance interne consistera en l’archivage de l’ensemble des documents d’origine interne ou externe concernant ces négociations ou appels d’offres. Une procédure permettant de définir les documents et informations concernés et garantissant que ceux-ci seront intégrés à l’archivage, sera créée et soumise pour approbation au Conseil de la concurrence. La société SIGNAUX GIROD s’engage à conserver l’ensemble de ces documents dans ses archives pendant une durée de 5 ans suivant la signature de chaque accord commercial, au siège. 6. Engagements en vue d’assurer l’efficacité des engagements souscrits Afin d’informer le Conseil de la concurrence de l’exécution des engagements souscrits par la société SIGNAUX GIROD, celle-ci lui adressera, au cours du premier trimestre de chaque année, un rapport relatant la mise en oeuvre, lors de l’année précédente, des engagements souscrits par la société SIGNAUX GIROD.

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Ce rapport sera adressé par le Président de la société SIGNAUX GIROD à l’Autorité de la concurrence au cours des trois années civiles qui suivront la notification à la société SIGNAUX GIROD de la décision à intervenir. Ce rapport indiquera notamment : • le nombre de salariés et agents commerciaux ayant suivi les sessions de formation sur le contenu des règles du droit de la concurrence, • le nombre de salariés ayant pris connaissance du guide de respect du droit de la concurrence, • le nombre de déclarations individuelles signées concernant l’engagement des directeurs commerciaux de respecter le droit de la concurrence. » 5. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR SODILOR 148. « 1 – ENGAGEMENTS COMPORTEMENTAUX La société SODILOR entend prendre des engagements concernant ses relations avec : – les entreprises qui souhaitent s’approvisionner auprès d’elle en produits de signalisation de sécurité pour lesquels la société SODILOR a obtenu une certification de l’ASQUER (Association de Qualification des Equipements Routiers) ou de tout organisme équivalent, dans le but d’inclure ces produits dans les offres qu’elles soumettent à leurs propres clients (en particulier maîtres d’ouvrages publics) ou de les commercialiser par tout autre biais (ci-après « les Entreprises Concurrentes ») ; – les maîtres d’ouvrage qui commandent des produits de signalisation de sécurité, notamment par le biais de marchés à bons de commande, de consultations formalisées ou en dehors d’appels d’offres, (ci-après « les Maîtres d’Ouvrage »). 1.1 – Les relations avec les revendeurs et les entreprises concurrentes se présentant comme clients La société SODILOR s’engage à approvisionner l’ensemble des Sociétés Concurrentes qui lui en feront la demande, en produits de sécurité à des conditions non discriminatoires et équivalentes à celles pratiquées pour des entreprises extérieures au groupe auquel appartient la société SODILOR et dont les commandes sont comparables en termes de solvabilité, de volumes et de délais de paiement. La société SODILOR s’engage à mettre en place une tarification objective, transparente et non-discriminatoire accessible à toute entreprise concurrente désirant s’approvisionner auprès d’elle en produits de signalisation de sécurité dans des conditions ne permettant pas à SODILOR de l’évincer par une pratique de ciseaux tarifaires. Il est précisé que, pour les produits bénéficiant d’une certification ou d’une homologation, cette tarification prendra en compte les investissements conséquents pris en charge par la société SODILOR pour obtenir la certification ou homologation. La tarification pourra varier en fonction notamment du nombre de produits commandés, de la solvabilité de l’entreprise concurrente ainsi que des délais de

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paiement convenus, mais ces variations seront appliquées de façon non- discriminatoire à toutes les entreprises concurrentes. Chaque Entreprise Concurrente qui respectera une procédure normale de passation de commande, conforme aux Conditions Générales de Vente et aux tarifs de SODILOR, pourra de ce fait obtenir la livraison de produits. Dans l’hypothèse où, en raison d’un cas de force majeure, la société SODILOR se trouverait dans l’impossibilité de fabriquer une quantité suffisante de produits certifiés ou homologués pour répondre à la demande des entreprises concurrentes, elle se réserve la possibilité de cesser, de réduire ou de reporter ses livraisons dans des proportions et conditions équivalentes pour toutes les entreprises concurrentes concernées ; dans cette hypothèse, la société SODILOR adressera, dans un délai raisonnable, à toute entreprise concurrente qui lui en fera la demande, tout élément permettant de justifier de la survenance du cas de force majeure et de l’informer des suites réservées à sa commande ; Dans l’hypothèse où des produits commercialisés par la société SODILOR, ne seraient plus conformes à la réglementation applicable en raison notamment d’une évolution de la norme en vigueur, les entreprises concurrentes ne pourront exiger de la société SODILOR qu’elle procède à une adaptation de ses produits en vue de les rendre à nouveau conformes à la réglementation applicable ; en revanche, si la société SODILOR fait le choix d’adapter ses produits à cette évolution, les entreprises concurrentes pourront librement se les procurer auprès d’elle ; La société SODILOR se réserve le droit de refuser de prendre ou d’honorer une commande de produits passée par une entreprise concurrente dans l’hypothèse où cette dernière se livrerait à son égard à des actes de dénigrement, de concurrence déloyale, de contrefaçon, de refus abusif de paiement, ou tout autre comportement attestant de sa mauvaise foi ou encore, dans le cas où elle se serait abstenue de régler ponctuellement des factures antérieures conformément aux conditions générales de vente de SODILOR. 1.2 – Engagements comportementaux de la société SODILOR vis-à-vis des Maîtres d’Ouvrage La société SODILOR s’interdit toute pratique de nature à orienter les choix des Maîtres d’Ouvrage, notamment à l’occasion de l’élaboration des cahiers des charges. Dans l’hypothèse où un Maître d’Ouvrage solliciterait de la part de la société SODILOR des conseils, des informations ou des éclaircissements pour l’établissement d’une consultation ou d’un appel d’offres relatif à des produits de signalisation de sécurité, la société SODILOR s’engage à l’informer de manière objective sur ses produits et sur les usages de la profession. Cet engagement n’interdit pas à la société SODILOR de faire connaître à l’ensemble de ses clients son savoir-faire, sa capacité inventive ou les caractéristiques de ses produits. 2 – ENGAGEMENTS DE FORMATION 2.1 – Information sur les engagements pris par la société SODILOR La société SODILOR s’engage à rappeler individuellement, par écrit et contre récépissé, à tous ses cadres et salariés susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, l’importance du respect des règles de

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la concurrence, notamment en matière d’entente, d’abus de position dominante et de transparence tarifaire et de la nécessité absolue de s’y conformer à défaut de quoi ils s’exposeraient à un licenciement pour faute grave. 2.2 – Formation au droit de la concurrence 2.2.1 – Organisation de séances de formation La société SODILOR s’engage à mettre en place annuellement, un dispositif de formation interne au droit de la concurrence pour tous ses cadres et salariés exerçant une fonction commerciale et/ou susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des Entreprises Concurrentes. Cette séance de formation sera obligatoire. La société SODILOR rappellera en outre les engagements pris et permettra à sa Direction d’en vérifier le respect. 2.2.2 – Remise d’un document écrit sous forme de livret rappelant les règles de droit de la concurrence : A l’issue de la première séance de formation, un livret sera remis aux personnes concernées, attirant leur attention sur l’application des règles de concurrence notamment au regard des spécificités des marchés sur lesquels elles opèrent tant en matière d’abus de position dominante et de transparence tarifaire, que d’ententes. Ce Livret sera actualisé à chaque évolution législative ou réglementaire substantielle relative aux marchés concernés ainsi qu’en fonction de la jurisprudence en la matière. Chaque participant signera, en fin de première séance, un document attestant de la bonne réception du livret et de la formation reçue. Pour les séances supplémentaires, chaque participant signera un document attestant de la formation reçue. Un livret Master sera détenu par la Direction. Une copie de celui-ci sera remise à chaque salarié ou cadre embauché à l’un des postes concernés, lequel devra émarger un document attestant de la bonne réception de la copie du Livret Master. 2.3 Modification par avenant des contrats de travail des personnes concernées : La société SODILOR engagera une discussion avec chacun de ses cadres et salariés exerçant une fonction commerciale et fera ses meilleurs efforts pour modifier par avenant son contrat de travail et y mentionner le nécessaire respect des règles du droit de la concurrence ainsi que les conséquences à son égard en cas de violation de ces règles. La société SODILOR fera également figurer de telles clauses dans les contrats de travail qui seront conclus à l’avenir avec tout salarié engagé pour l’exercice de fonctions commerciales. 3 – MECANISME DE CONTROLE DE L’EXECUTION DES ENGAGEMENTS La société SODILOR s’engage à mettre en place un mécanisme formalisé de contrôle interne destiné à assurer un suivi annuel, par la direction générale, de l’exécution des engagements. La société SODILOR s’engage à transmettre à l’Autorité de la concurrence, chaque année et pendant un délai de trois ans, un rapport détaillé sur le respect des engagements souscrits. »

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6. LE CAS PARTICULIER DE SIGNAUX LAPORTE 149. Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route) a déclaré, dans ses observations en réponse à la notification des griefs, ne pas contester le grief qui lui avait été notifié, et a demandé à bénéficier des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. Elle s’est en outre engagée à modifier ses comportements pour l’avenir. Cependant, aucun procès-verbal formalisant la procédure de non-contestation des griefs n’a été établi. Dans son mémoire en réponse, Signaux Laporte a confirmé ne pas contester ledit grief et avoir respecté les engagements pris en matière de formation du personnel et de modification du règlement intérieur. 150. Lors de la séance du 14 septembre 2010 ainsi que dans une note en délibéré adressée à l’Autorité le 18 octobre 2010, elle a réitéré ses déclarations et demandé à bénéficier d’une réduction de la sanction sur le fondement du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. II. DISCUSSION 151. Seront successivement abordés : – la procédure ; – l’applicabilité du droit communautaire de la concurrence ; – le bien-fondé des griefs ; – l’imputabilité des pratiques ; – les sanctions. A. SUR LA PROCÉDURE 1. SUR LE DÉROULEMENT DES OPÉRATIONS DE COMMUNICATION DE PIÈCES DU DOSSIER PÉNAL 152. Aximum (anciennement Somaro), étonnée de la longueur de la procédure de communication de pièces du dossier pénal par le juge d’instruction du TGI de Nantes en présence d’un commissaire de la DGCCRF ayant mené des investigations dans le dossier pénal sur commission rogatoire, soutient que, à supposer que le déplacement du rapporteur était nécessaire, la communication de pièces sélectionnées au préalable par le juge d’instruction ne saurait durer « plus de quelques minutes ». Selon Aximum, la durée de la communication ainsi que la présence du rapporteur et du commissaire de la DGCCRF dans le bureau du juge font « peser un soupçon de partialité de la décision de sélection des documents ayant un lien avec les faits dont l’Autorité de la concurrence est saisie, en raison de l’influence que le rapporteur et le commissaire de la DGCCRF sont susceptibles d’avoir exercé sur le choix des pièces à communiquer ». Le déroulement de la communication méconnaîtrait donc, selon Aximum, l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits

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de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »). Cette société demande en conséquence le retrait du dossier des pièces communiquées par le juge d’instruction. 153. Cependant, les procès-verbaux établis les 1er et 2 avril 2008 (cotes 6839 et suiv. et 7430 et suiv.) et co-signés par le juge d’instruction et le rapporteur mentionnent explicitement : « ce magistrat a sélectionné et nous a remis, en application de l’article L. 463-5 du code de commerce, copies de documents ayant, selon son appréciation, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence./ Les pièces transmises autres que les procès-verbaux et rapports d’enquête sont, selon ce magistrat, nécessaires à l’exploitation des procès-verbaux ou rapports d’enquêtes ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi. Ces copies ont été certifiées conformes aux originaux par le greffier. La liste (…) ». 154. Par ailleurs, Aximum n’a jamais contesté les mentions portées sur les procès-verbaux de communication, ayant elle-même utilisé des mentions figurant sur lesdits procès- verbaux, et n’a jamais prétendu que « la durée de la communication serait de nature à remettre en cause l’impartialité du juge d’instruction ». 155. La chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 13 octobre 2009, Colas Ile-de-France Normandie, que « ni l’article L. 463-5 du code de commerce, ni le code de procédure pénale n’imposent de forme particulière à la communication par le juge d’instruction au rapporteur du Conseil de pièces de l’instruction pénale ayant un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil ». La Cour a relevé que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d’appel de Paris avait estimé que « rien ne permet d’affirmer que le rapporteur aurait été mis en mesure d’opérer une sélection des pièces du dossier pénal ». 156. De plus, dans un arrêt du 13 octobre 2009, Spie, la Cour de cassation a jugé qu’« aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de la demande du Conseil, le juge d’instruction a informé le rapporteur qu’il pouvait prendre connaissance du dossier puis lui a transmis les pièces demandées après s’être assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi ». 157. Cette appréciation de la Cour montre qu’en tout état de cause rien n’empêche le rapporteur de prendre connaissance du dossier dans le cabinet du juge d’instruction et de demander la communication des pièces qu’il estime en relation directe avec les faits dont l’Autorité est saisie. Il appartient alors au juge d’instruction de vérifier que cette relation directe existe bien et, le cas échéant, de communiquer d’autres pièces ayant la même relation, que le rapporteur n’aurait pas identifiées. 158. En l’occurrence, il ressort du procès-verbal précité que le magistrat a effectué lui-même la sélection des pièces, la durée de la communication, fût-ce en présence d’un fonctionnaire de la DGCCRF « titulaire d’une commission rogatoire dans le dossier pénal », pouvant s’expliquer par la lourdeur du dossier et les conditions matérielles des opérations de communication (désarchivage, photocopies, certification par la greffière de chacune des pièces sélectionnées par le juge). 2. SUR L’UTILISATION DE PIÈCES DU DOSSIER PÉNAL 159. Aximum estime, en tout état de cause, que l’article L. 463-5 du code de commerce ne satisfait pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH dès lors, d’une part, que la partie poursuivie n’avait pas elle-même la faculté de demander au juge

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d’instruction les pièces du dossier pénal, ce qui, selon elle, opère une rupture du principe de l’égalité des armes et, d’autre part, que ledit article ne prévoit aucune modalité de recours, que ce soit en ce qui concerne le champ de la communication des pièces à charge et à décharge ou que ce soit sur la régularité de la communication elle-même. Aximum estime que, de ce fait, la totalité des pièces extraites du dossier pénal soumis au débat contradictoire devant l’Autorité devrait être retirée. 160. Aximum admet toutefois ne pas ignorer que « telle n’est pas la position de la Cour de cassation », laquelle a précisé, dans un arrêt du 15 janvier 2008, Colas Ile-de- France Normandie, que la cour d’appel de Paris avait, sans méconnaître les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, considéré que la communication de pièces émanant de la procédure pénale sur le fondement de l’article L. 463-5 du code de commerce respectait le principe de l’égalité des armes. La Cour de cassation a par ailleurs rappelé, dans l’arrêt du 13 octobre 2009, Spie, précité, que « la prérogative permettant au Conseil de demander, pour accomplir sa mission de protection de l’ordre public économique, aux juridictions d’instruction et de jugement la communication des procès-verbaux ou rapports d’enquête ayant un lien avec des faits dont il est saisi, lesquels sont à la suite de la notification de griefs communiqués aux parties et soumis au débat contradictoire, ne constitue pas par elle même une atteinte au principe de l’égalité des armes ». 161. La Cour a également rappelé que « les entreprises mises en cause disposant, après la notification des griefs, de la possibilité de débattre contradictoirement, devant le Conseil puis devant la cour d’appel de Paris, tant des conditions de la communication d’éléments de l’instruction pénale, pièces dont la régularité peut être contestée par les personnes concernées, que du contenu de l’intégralité des pièces issues du dossier pénal dont le juge d’instruction a autorisé la communication au rapporteur, et de présenter toutes pièces qu’elles estiment utiles, c’est à juste titre que l’arrêt [arrêt du 24 juin 2008] retient que les dispositions de l’article L. 463-5 du code de commerce ne sont pas contraires à l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». 162. En l’espèce, une fois les griefs notifiés, les éléments sur lesquels le rapporteur s’est fondé pour établir ces griefs ont en tout état de cause été accessibles à Aximum dans le cadre de l’ouverture de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 463-2 du code de commerce. 3. SUR LA PRÉSENCE AU DOSSIER DE PIÈCES AUTRES QUE LES PROCÈS-VERBAUX ET RAPPORTS D’ENQUÊTE 163. Aximum fait encore valoir que, au moment des faits, l’article L. 463-5 du code de commerce n’ouvrait la possibilité de communication par le magistrat que de « procès-verbaux et de rapports d’enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi », cet article ayant été modifié par l’ordonnance du 13 novembre 2008 afin que d’« autres pièces de l’instruction pénale » puissent être communiquées. Or, parmi les pièces du dossier communiquées par le juge d’instruction figurent plusieurs pièces, principalement des scellés, ne constituant pas stricto sensu des procès-verbaux et des rapports d’enquête. Le caractère non rétroactif de l’ordonnance du 13 novembre 2008 s’opposerait donc, selon Aximum, à la présence de ces pièces au dossier.

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164. Certes, parmi les pièces contestées par Aximum figure notamment le document intitulé « Règles », lequel constituait la « bible » de l’entente. Toutefois, avant même l’adoption de l’ordonnance du 13 novembre 2008, le Conseil de la concurrence avait eu l’occasion de rappeler qu’il était utile que les procès-verbaux et rapports d’enquête soient accompagnés des pièces « nécessaires à leur exploitation » comme les scellés et autres pièces saisies par le juge d’instruction au cours de ses investigations (voir, à cet égard, la décision n° 05-D-69 du 15 décembre 2005 relative à des pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur des travaux routiers en Seine-Maritime, points 144 et 145). Cette position a été confirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 15 janvier 2008, Colas Ile-de-France Normandie, précité, la modification de l’article L. 463-5 du code de commerce par ladite ordonnance n’ayant fait que préciser les termes de cette disposition sans en modifier la portée. L’argument de la société Aximum doit donc être écarté. 4. SUR LE DÉROULEMENT DE L’INSTRUCTION 165. Aximum soutient n’avoir pas pu exprimer son point de vue au cours de l’instruction. Il s’agirait d’un « parti pris du rapporteur » qui, de ce fait, aurait « nécessairement vicié sa conclusion sur l’implication de la société Somaro et l’absence d’autonomie de la société SES vis-à-vis de la société Somaro ». 166. Or, contrairement à ce que soutient Aximum, le rapporteur ne s’est pas exclusivement « fondé sur les déclarations des dirigeants de la société SES », mais également sur un faisceau d’indices constitué, d’une part, des déclarations recueillies par procès-verbal et, d’autre part, d’éléments matériels annexés aux procès-verbaux d’enquête auxquels a eu accès Aximum. 167. Concernant l’absence d’audition des dirigeants de Somaro, le rapporteur, qui n’est d’ailleurs pas tenu, aux termes d’une jurisprudence constante, d’entendre les représentants de toutes les entreprises, a indiqué au président de Somaro, dans sa demande du 16 mai 2008 (cotes 5107 et 5108) à laquelle était annexée sa désignation par le rapporteur général : « je me tiens bien entendu à votre disposition pour le cas où vous souhaiteriez obtenir de plus amples informations au sujet de la procédure en cours devant le Conseil ». Or, dans sa réponse du 5 juin 2008, Somaro a transmis au rapporteur les éléments de réponse au questionnaire annexé à la demande et relatifs à la signalisation routière, sans manifester l’intérêt d’une audition, ni à aucun autre moment de l’instruction. 168. Aximum invoque par ailleurs l’« impossibilité [pour elle] d’exercer ses droits de la défense, faute de pouvoir accéder aux documents relatifs à la société SES », n’ayant, selon elle, « plus aucun moyen d’accéder à la documentation de la société SES, aux fins de produire des éléments à décharge nécessaires à sa défense ». 169. Or, l’Autorité a rappelé, dans sa décision n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques relevées dans le secteur du travail temporaire, que « Les droits de la défense, en ce qui concerne la recherche d’éléments à décharge, sont raisonnablement assurés par la possibilité qu’a toujours la partie qui souhaite mettre en avant de tels éléments, de les puiser dans sa propre « documentation » ou dans les informations non couvertes par la protection du secret des affaires./- Ce point d’équilibre est consacré par la jurisprudence. Dans l’arrêt du 24 janvier 2006, ordre des avocats au barreau de Marseille, n° 05/14831 (rendu sur recours contre la décision n° 05-D-37 du 5 juillet 2005), la cour d’appel de Paris a ainsi jugé que le

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principe du contradictoire est respecté dès lors que les pièces sur lesquelles le rapporteur fonde son analyse sont accessibles aux parties auxquelles elles sont opposées (voir aussi la décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-36 du 6 décembre 2006, relative à des pratiques mises en œuvre par la société civile de moyens Imagerie médicale du Nivolet, paragraphes 50 et suivants). Dans le même sens peut être mentionné l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2007, « Le Foll TP e.a. », n° 06/00566 (rendu sur recours contre la décision n° 05-D-69 du 15 décembre 2005), qui a été confirmé par la Cour de cassation en ces termes : « (…) l’arrêt relève que les griefs retenus par le rapporteur sont fondés sur des pièces dont il a été dressé inventaire, qui ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des parties, qui, après la notification des griefs, ont disposé de la faculté de présenter les moyens et de produire les pièces qu’elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations dont elle déduit que la communication de pièces émanant de la procédure pénale, obtenue conformément aux dispositions de l’article L. 463-5 du code de commerce, n’a pas été effectuée en violation du principe d’égalité des armes, la cour d’appel n’a pas méconnu les dispositions invoquées. ». Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris (arrêt du 26 janvier 2010 faisant l’objet d’un pourvoi en cassation). 170. En l’espèce, tous les éléments de nature à prouver la participation à l’entente de SES, que celle-ci ne conteste d’ailleurs pas, figurent bien au dossier accessible aux parties. Il y a par ailleurs lieu d’observer qu’Aximum disposait de toute latitude pour puiser dans sa propre documentation des éléments sur l’activité du pôle « industries » de Somaro auquel appartenait SES avant sa cession par le groupe Colas en 2006 ainsi que le démontrent les rapports de gestion dudit pôle, versés au dossier par SES en annexes 5 à 9 de ses observations. 5. SUR LE LIBELLÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS À SOMARO (DEVENUE AXIMUM) 171. Aximum soutient que le rapporteur a, tant dans la notification des griefs que dans le rapport, entretenu une « confusion manifeste » entre, d’une part, sa responsabilité en tant que société mère de SES et, d’autre part, sa « prétendue participation » à l’entente. Elle estime qu’il s’agit d’une violation du principe fondamental de respect des droits de la défense. 172. Selon une jurisprudence constante, les griefs énoncés doivent être interprétés par référence aux développements préalables du rapporteur (voir, notamment, les arrêts de la cour d’appel de Paris du 18 février 1997, ODA et CMS, et du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club). Or, s’agissant des pratiques d’entente en cause en l’espèce, il résulte clairement du corps de la notification des griefs que celle-ci visait Somaro en sa qualité de société mère de SES entre 1998 et 2006. En effet, il y est précisé (page 81) que « la société SES ne bénéficiait d’aucune autonomie commerciale par rapport à sa société mère, la Société de Matériel Routier (SOMARO), à partir de 1998, année de son rachat par Somaro, et ce, jusqu’en avril 2006 » et qu’« [i]l y a donc lieu d’imputer les pratiques d’entente de la société SES à la société Somaro, même si cette entité juridique n’apparaît pas en tant que telle membre du cartel ». Ainsi, deux griefs distincts ont été notifiés : l’un à SES pour la période 1996-1997 et l’autre à Somaro pour la période allant de 1998 jusqu’à 2006. Par ailleurs, il est indiqué au point 287 du rapport que « [l]es éléments concordants versés au dossier confirment

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donc l’imputabilité de la société Somaro, devenue Aximum, dans l’entente au titre des agissements de sa filiale SES, de 1998 à 2006 ». 173. Force est donc de constater que le grief d’entente a été notifié, de façon explicite, à Somaro en sa qualité de société mère, afin de répondre du comportement infractionnel de sa filiale entre 1998 et 2006. Il en est de même en ce qui concerne le grief de concertation (grief n° 4). Partant, l’argument avancé par Aximum relatif à l’imprécision des griefs et à la violation des droits de la défense qui en aurait résulté ne saurait être accueilli. 174. Quant au fait que le rapporteur n’ait « jamais étudié la possibilité que la société SES soit mise en cause pour la période 1998-2006, y compris solidairement avec son ancienne société-mère », il suffit de rappeler que le rapporteur n’est pas tenu de mettre en cause à la fois la responsabilité de la filiale et celle de sa société mère. 6. SUR LA PRESCRIPTION DE CERTAINS FAITS ET SUR LES PEINES APPLICABLES 175. Aximum soutient, tout d’abord, que le réquisitoire introductif d’instance du 2 février 2006 constitue « un acte interruptif de prescription en application de l’article L. 462-7 du code de commerce », lequel dispose que « les actes interruptifs de la prescription de l’action publique en application de l‘article L. 420-6 sont également interruptifs de la prescription devant l’Autorité de la concurrence ». Elle estime qu’il convient en l’espèce d’appliquer les règles de prescription prévues aux articles 7 et 8 du Code de procédure pénale qui fixent à trois ans le délai applicable aux délits. 176. Mais, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation, la procédure suivie par l’Autorité de la concurrence est autonome par rapport à celle menée par les juridictions pénales. La haute juridiction a ainsi considéré que le Conseil était habilité à sanctionner des entreprises sur le fondement de pièces communiquées par un juge d’instruction alors même qu’un non-lieu avait été rendu en matière pénale (voir, à cet égard, l’arrêt du 13 octobre 2009, Spie, précité). 177. En l’espèce, les éléments à charge sont constitués par des éléments extraits de la procédure pénale et par des procès-verbaux d’audition et d’autres pièces recueillies par le rapporteur en cours d’instruction. Il s’avère en outre que le cartel constitué dans le secteur de la signalisation verticale a été mis en œuvre de manière continue de 1996 à 2006. Or, comme le rappelle Aximum, se référant au rapport annuel 2001 du Conseil de la concurrence : « comme en matière pénale, une distinction entre pratiques anticoncurrentielles à caractère instantané ou continu est nécessaire ». 178. Aximum affirme, ensuite, que, à supposer que l’Autorité de la concurrence considère que les faits ne sont pas prescrits pour la période antérieure au 2 février 2003, « elle devra alors constater qu’elle ne peut appliquer l’aggravation du plafond et l’élargissement de l’assiette de calcul des amendes issues de la loi « NRE » qu’aux seuls faits post-2001 », cette loi ayant substantiellement relevé le plafond des sanctions pécuniaires applicables aux infractions au droit de la concurrence. Aximum

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estime en effet que l’article 7 de la CEDH13 et l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen14 s’opposent à une application rétroactive de la loi. 179. Mais Aximum admet, dans ses écritures, ne pas ignorer que telle n’est pas la position du Conseil de la concurrence qui soulignait dans son rapport annuel 2001 que « si, d’une part, la pratique anticoncurrentielle continue a débuté avant le 18 mai 2001 et qu’elle se poursuit postérieurement à cette date et si, d’autre part, la saisine du Conseil a eu lieu après le 18 mai, l’application combinée de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée15 et de l’article 94, conduit à appliquer les dispositions de la loi du 15 mai 2001 ». 180. Cette position adoptée par le Conseil de la concurrence a été confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci a en effet jugé, dans un arrêt du 14 mars 2006, que le dernier fait répréhensible qui caractérise une entente détermine la loi applicable à l’ensemble du comportement anticoncurrentiel (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 mars 2006, Privileg). 7. SUR LES GRIEFS NOTIFIÉS À 3M FRANCE 181. Dans son mémoire, 3M France soutient que « le rapport, qui présente les mêmes manquements que la notification de griefs, ne répond pas aux exigences légales en matière de droits de la défense et du respect du contradictoire ». Selon elle, le libellé des griefs et des faits retenus ne lui permettent pas de faire valoir utilement sa défense. 182. Or, 3M France a consacré 69 pages à sa défense dans ses observations en réponse à la notification des griefs et 32 pages dans son mémoire en réponse au rapport. Aux observations était jointe une étude de 66 pages réalisée par le cabinet Mapp et intitulée « Analyse économique en réponse à la notification de griefs relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale » et ayant pour objectif « d’analyser les pratiques reprochées à 3M sur le marché français des films rétro-réfléchissants entre 1997 et 2006 ». Au mémoire était annexée une étude réalisée par le même cabinet dénommée « Analyse économique des pratiques de 3M sur le marché de la signalisation verticale en réponse au rapport de l’Autorité de la concurrence ». Cette étude procède à une analyse détaillée de l’« impact du barème de remises de 3M sur la position concurrentielle des différents producteurs de panneaux de signalisation verticale » ainsi que de « la description de la nature et de la mise en œuvre du système de remises de 3M présenté dans le rapport ». La présence de ces deux études économiques au dossier montre bien que, contrairement à ce qu’allègue 3M France, elle a trouvé tant dans la notification de griefs que dans le rapport auxquels étaient annexées les pièces du dossier auquel elle a eu accès la description des faits qui lui sont reprochés. Les principes essentiels du procès équitable et les exigences légales en matière de preuve ont donc été respectés.

13 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH : « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ». 14 Aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « (….) nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 15 Cass. Crim, 23 déc. 1925.

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B. SUR L’APPLICABILITÉ DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE 183. Les griefs ont été notifiés sur le fondement soit de l’article L. 420-1 et de l’article 81 CE, soit de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 82 CE. Bien que la question de l’applicabilité du droit communautaire de la concurrence n’ait pas été discutée par les parties mises en cause, il convient de rappeler les éléments suivants. 184. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne indique que « les articles 81 et 82 du traité s’appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d’entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres » (point 1). 185. Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la question de l’affectation du commerce intracommunautaire est une question distincte et préalable à celle de l’analyse de la restriction de concurrence. Elle est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause, car le commerce entre États membres peut être affecté même dans des cas où le marché est national ou subnational (point 22 des lignes directrices). 186. En l’espèce, les griefs notifiés sur le fondement de l’article 81 CE doivent être distingués des griefs notifiés sur le fondement de l’article 82 CE. 1. EN CE QUI CONCERNE LES GRIEFS NOTIFIÉS SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 81 CE 187. En ce qui concerne les accords couvrant un seul État membre, la Commission européenne a précisé, dans ses lignes directrices précitées, que « les ententes horizontales couvrant l’ensemble d’un État membre sont normalement susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l’entente qui s’étend à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité […]. En principe, ces accords peuvent également, par leur nature même, affecter sensiblement le commerce entre États membres, compte tenu de la couverture de marché requise pour assurer l’efficacité de ces ententes ». 188. Le Conseil de la concurrence a, quant à lui considéré, dans sa décision n° 05-D-38 du 5 juillet 2005 que « les cartels nationaux sont par définition susceptibles d’affecter le commerce intracommunautaire dès lors que le cartel couvre l’ensemble du territoire national et est mis en œuvre par des sociétés d’envergure internationale ». 189. En l’espèce, les pratiques examinées au titre du grief n° 1 constituent une entente horizontale couvrant l’ensemble du territoire national, puisqu’elles concernent la quasi-totalité des marchés passés par l’État, les collectivités territoriales et les services chargés de la gestion des autoroutes dans le secteur de la signalisation routière verticale. Ces pratiques tendent à fixer les prix et à répartir les parts de marché ; elles ont donc, par leur nature même, pour effet de consolider des cloisonnements nationaux, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité. Enfin, elles sont mises en œuvre par des entreprises appartenant pour certaines d’entre elles à des groupes de dimension internationale.

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190. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d’affecter sensiblement le commerce intracommunautaire et doivent, par conséquent, être examinées au regard non seulement de l’article L. 420-1 du code de commerce mais également de l’article 81 CE. 2. EN CE QUI CONCERNE LES GRIEFS NOTIFIÉS SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 82 CE 191. S’agissant de pratiques couvrant, comme en l’espèce, un seul État membre, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que, lorsque le détenteur d’une position dominante barre l’accès au marché à des concurrents, il est indifférent que ce comportement n’ait lieu que sur le territoire d’un seul État membre, dès lors qu’il est susceptible d’avoir des répercussions sur les courants commerciaux et sur la concurrence dans le marché commun (arrêt du 9 novembre 1981, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 103). 192. Quant à la Commission européenne, elle a indiqué, dans ses lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce, précitées, que, « [l]orsqu’une entreprise, qui occupe une position dominante couvrant l’ensemble d’un État membre, constitue une entrave abusive à l’entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. En général, ce comportement abusif rendra plus difficile aux concurrents d’autres États membres la pénétration sur le marché, auquel cas les courants d’échanges sont susceptibles d’être affectés » (point 93). 193. La Commission européenne a précisé que l’incidence dissuasive du comportement abusif sur d’autres concurrents peut affecter le commerce intracommunautaire. Si, par des agissements répétitifs, l’entreprise dominante a acquis la réputation d’adopter des pratiques d’éviction envers les concurrents qui tentent de la concurrencer, les concurrents d’autres Etats membres sont susceptibles de se montrer moins agressifs sur le marché, ce qui risque d’affecter le commerce intracommunautaire, même si, en l’espèce, le concurrent évincé n’est pas d’un autre Etat membre (point 94). 194. Lors de l’appréciation du caractère sensible, il faut également tenir compte du fait que la présence de l’entreprise dominante couvrant l’ensemble d’un Etat membre est susceptible de rendre la pénétration du marché plus difficile. Toute pratique abusive qui rend plus difficile l’entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce. La conjonction de la position de marché de l’entreprise dominante et de la nature anticoncurrentielle de son comportement implique que, normalement, ces abus affectent sensiblement le commerce par leur nature (point 96). 195. En l’espèce, Sodilor détient une position dominante sur le marché national de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique), ce qu’elle n’a pas contesté (voir point 264 ci-après). De même, 3M France détient une position dominante sur le marché national de la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation routière verticale, ainsi qu’il sera exposé ci-après. 3M France appartient, en outre, à un groupe de dimension internationale. Dès lors, il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause étaient susceptibles de constituer une entrave abusive à l’entrée et, partant, d’affecter sensiblement le commerce intracommunautaire.

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196. En conséquence, les pratiques examinées au titre des griefs n° 2 et 3 doivent être examinées au regard non seulement de l’article L. 420-2 du code de commerce mais également de l’article 82 CE. C. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS 1. SUR LE CARTEL DE LA SIGNALISATION ROUTIÈRE VERTICALE EN FRANCE (GRIEF N° 1) 197. Aux termes de l’article L. 420-1 du code de commerce, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les ententes expresses sont interdites, notamment lorsqu’elles tendent à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » et à « répartir les marchés ». En vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE, les accords entre entreprises et les pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun sont incompatibles avec le marché commun et interdits, notamment ceux qui consistent à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » et à « répartir les marchés ». 198. A titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque les pratiques qui ont fait l’objet de la notification des griefs sont recherchées au titre de la prohibition des ententes, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre (décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, point 28 ; voir également, en ce sens, l’arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62/98, Rec. p. II-2707, point 230). 199. En l’espèce, le marché concerné par les pratiques constatées au titre du grief d’entente anticoncurrentielle est celui de la signalisation routière verticale en France. a) Sur l’objet anticoncurrentiel des pratiques 200. Il y a lieu, tout d’abord, de souligner que l’objectif essentiel du droit de la concurrence consiste à ce que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché (voir, en ce sens, arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, point 32). 201. Ainsi, toute forme de coordination qui substitue sciemment une coopération pratique entre entreprises aux risques de la concurrence est interdite en application de l’article 81 CE (voir, notamment, l’arrêt de la Cour du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, point 34). 202. Dans le cas d’accords se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction aux règles de la concurrence est constituée lorsque ces réunions ont pour

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objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent ainsi à organiser artificiellement le fonctionnement du marché (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 145). 203. En l’espèce, il ressort du dossier décrit aux points 62 à 98 ci-dessus que les fabricants de panneaux de signalisation routière verticale se réunissaient très régulièrement (environ tous les quatre mois selon une déclaration de M. C…, l’ancien président de SES, cote 2874) afin de se répartir les marchés publics et de fixer en commun les remises consenties aux acheteurs, et ce selon des règles préétablies. 204. Ces dernières figuraient dans les documents décrits aux points 63 et suivants de la présente décision, à savoir principalement le document « Règles » saisi lors de la perquisition du 14 mars 2006 au restaurant Le Pré Catelan et les documents « Patrimoines ». 205. En ce qui concerne tout d’abord le document « Règles », celui-ci fixait les modalités de fonctionnement de l’entente : il était par exemple prévu qu’à chaque réunion les fabricants se réunissent afin de définir les priorités pour les affaires « non encore publiées qui vont sortir » et qu’une fois par an un bilan serait établi à propos des affaires affectées « globalement et individuellement hors pénalité ». Au titre des règles communes étaient indiqués les tarifs de référence qui étaient ceux de SES pour les panneaux permanents et de Lacroix pour les panneaux temporaires et en plastique. 206. Ce même document prévoyait une couverture systématique et quasi complète du territoire national, puisqu’étaient visés tant les marchés à bons de commande, c’est-à-dire les marchés triennaux ou quadriennaux, par départements ou par villes de plus de 10 000 habitants, que les consultations formalisées et les consultations hors appels d’offres émanant de différents demandeurs (collectivités territoriales et clients privés de toute nature). Lorsque les règles d’attribution n’étaient pas respectées, des compensations devaient être convenues et, à défaut d’un accord entre les membres concernés, il appartenait au « club » de décider une pénalité. Le document comprenait trois tableaux fixant les parts des « affaires » comme étaient dénommés les appels d’offres et les consultations, qui revenaient à chaque participant. Il était complété par un quatrième tableau concernant la répartition des petites affaires (voir points 73 et suivants ci-dessus) qui commençait à être mise en œuvre au moment de la perquisition du 14 mars 2006. 207. S’agissant plus particulièrement des consultations hors appels d’offres, le document « Règles » comportait des grilles de remises à appliquer aux acheteurs publics, professionnels, clients privés (voir point 67 ci-dessus) suivant des règles détaillées : il était ainsi prévu que, en cas de non-respect de ces grilles de remises, des pénalités seraient infligées au partenaire concerné. 208. Enfin, il était interdit « de communiquer des informations à des sociétés extérieures au club non reconnues » et en annexe au document « Règles » figurait une « liste noire » des entreprises concurrentes dont l’accès au marché était jugé indésirable. Ce document selon l’un des participants était leur « bible et chacun [devait] s’y tenir » (voir point 72 ci-dessus). 209. Quant aux documents « Patrimoines », ils étaient établis afin de mettre en œuvre la répartition des marchés à bons de commandes telle que prévue par le document « Règles ». Chacun de ces marchés, qualifiés de « patrimoines », était ainsi affecté à

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un participant appelé « titulaire » de façon à respecter dans la mesure du possible les parts de marché existantes. Lorsque des marchés publics n’étaient pas attribués conformément à ce qui avait été décidé (des différences apparaissaient alors entre la colonne « patrimoine » et la colonne « titulaire »), les fabricants procédaient à des ajustements afin de compenser les pertes subies en fonction des « dettes » et des « crédits » des uns et des autres. 210. Il ressort de ce qui précède que les pratiques en cause, mises en œuvre de 1997 à 2006, se rattachaient toutes au même plan anticoncurrentiel adopté par les fabricants de panneaux de signalisation routière verticale, en ce qu’elles visaient à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Elles comportent donc, par leur nature même, un objet anticoncurrentiel. 211. Or, ainsi qu’il résulte des termes mêmes de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 81 CE, l’objet et l’effet anticoncurrentiel de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées en application de ces dispositions. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner leurs effets dès lors que leur objet anticoncurrentiel est établi (voir les arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, points 28 et 30, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services/Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, non encore publié au Recueil, point 55 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 juin 2010, Veolia Transports). 212. Partant, la question de savoir si et dans quelle mesure les pratiques en cause ont produit de tels effets anticoncurrentiels ne peut avoir d’importance que pour déterminer le montant des sanctions éventuelles. b) Sur la participation des mises en cause à l’entente Sur le standard de preuve de l’accord de volonté à une entente horizontale 213. En ce qui concerne le standard de preuve de la participation d’une entreprise à une entente horizontale, il ressort de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence, puis de l’Autorité de la concurrence, que deux situations doivent être distinguées : les situations dans lesquelles la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle et celles dans lesquelles l’entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes (voir, à cet égard, la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-48 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, points 178 et suiv., confirmée par les arrêts de la cour d’appel de Paris du 25 février 2009, société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS, et de la Cour de cassation du 7 avril 2010). 214. Dans le premier cas, il est considéré que le seul fait d’avoir participé à une réunion tenue dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle dont l’ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel ne suffit pas à caractériser l’adhésion des entreprises à l’entente, puisque l’entreprise régulièrement convoquée n’est pas en mesure de connaître l’objet anticoncurrentiel de cette réunion. La preuve de l’adhésion à l’entente nécessite alors une preuve additionnelle, comme la diffusion de consignes arrêtées lors de la réunion, l’application de mesures concrètes

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décidées lors de celle-ci ou la participation à une réunion ultérieure ayant le même objet anticoncurrentiel (même décision, point 179). 215. Dans le second cas, le standard de preuve est identique à celui utilisé en droit communautaire. Ainsi que cela a été rappelé aux points 200 et suivants de la présente décision, une entreprise doit s’abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d’échanger sur les politiques commerciales et notamment sur la politique de prix des biens ou des services qu’elle offre sur le marché. Ce type de réunion informelle, généralement secrète et parfois abritée derrière des noms de code (le « club », la « réunion des confrères ») qui tente de dissimuler le véritable objet pour lequel sont conviés les dirigeants ou responsables commerciaux d’entreprises concurrentes à l’initiative de l’une d’entre elles, n’appelle qu’une réponse de la part des entreprises : refuser d’y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l’entente : d’une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d’adopter sur le marché, alors que l’autonomie qu’exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l’incertitude sur la stratégie de leurs compétiteurs, d’autre part, elle permet aux participants plus actifs d’escompter que l’absence d’opposition de l’entreprise ne viendra pas perturber le jeu collusif. 216. La responsabilité d’une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu’elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l’entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, en ce sens, l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 145, voir également, en ce sens, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, AMD Sud-Ouest, précité). Sur le standard de preuve applicable à la présente affaire 217. L’affaire soumise à l’Autorité s’inscrit dans la seconde des hypothèses présentées au point 213 ci-dessus. En effet, bien que les réunions litigieuses se soient inscrites, pour certaines d’entre elles, dans le prolongement de celles organisées officiellement par le SER, à l’instar de celle du 14 mars 2006 au restaurant Le Pré Catelan16, elles ne peuvent toutefois être considérées comme des « réunions tenues dans le cadre statutaire d’une organisation professionnelle » et « dont l’ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel », comme le requiert la première hypothèse. 218. Aucune de ces réunions n’était en effet prévue dans les statuts du SER ou ne relevait de l’activité syndicale de cet organisme professionnel. Au demeurant, il ressort des éléments du dossier que les pratiques examinées ne se sont pas limitées à des réunions ayant eu lieu à la suite des réunions officielles du SER, puisque d’autres réunions et contacts informels sont intervenus entre les mises en cause à l’extérieur du SER, ainsi que cela était prévu au titre des « Principes généraux » figurant dans le

16 La convocation à cette réunion adressée le 14 février 2006 comportait l’ordre du jour suivant : réunion de section, réunion du comité de direction, réunion de l’assemblée générale ordinaire et cocktail déjeunatoire.

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document « Règles » (décrit aux points 63 et suivants de la présent décision) qui a servi de base au fonctionnement de l’entente : « A CHAQUE REUNION Fixer la date des 2 réunions suivantes et indiquer les sociétés chargées d’effectuer les réservations. définir les priorités pour les affaires non encore publiées qui vont sortir » 219. Ces réunions organisées régulièrement, comme il a été indiqué au point 203 ci-dessus, révèlent une collusion permanente entre les membres de l’entente qui, après s’être répartis les marchés en fixant le pourcentage dévolu à chaque membre, veillaient au respect des « montants des affaires » attribués à chacun d’eux et procédaient aux arbitrages rendus nécessaires lorsque l’attributaire du marché n’était pas celui qui avait été désigné. Selon les principes généraux définis dans le document « Règles », il était prévu une fois par an « en début d’année, (de) faire la remise à zéro individuelle, totaliser le montant des affaires sorties affectées, globalement et individuellement hors pénalité ». 220. Les échanges collusifs portaient également sur les consultations hors appels d’offres grâce au contrôle de l’application de six grilles de remises aux différentes catégories de clients, à la répartition des revendeurs dont la liste était établie au plan national et qui représentaient la moitié du marché selon M. Z…, directeur de Signature (voir point 96 ci-dessus), et à la mise à jour de la « liste noire » des entreprises avec lesquelles il était convenu de ne pas traiter. 221. Il convient de déterminer le degré de participation à l’entente des entreprises mises en cause. Sur la participation individuelle des mises en cause à l’entente Sur la participation des quatre « majors » de l’entente : Signature, Signaux Girod, SES et Lacroix Signalisation. 222. Il ressort des déclarations recueillies au cours de l’instruction et des documents saisis que Signature, Signaux Girod, SES et Lacroix Signalisation sont à l’origine de la mise en place, en 1997, du cartel de la signalisation verticale en France. 223. Le président de Signaux Girod a ainsi reconnu (cotes 7198 et suiv.) : « Il existait seulement un noyau dur dans le sens où il y avait une sorte de respect entre ces 4 entreprises avant que les petites viennent nous contacter : c’est-à-dire qu’il s’agissait de ne pas faire n’importe quoi dans le département des autres. Il y avait du travail pour tout le monde à l’époque et ça n’était pas la peine que je vienne prendre des affaires à n’importe quel prix, n’importe où ».

224. Ces quatre entreprises ont en outre permis la poursuite, de manière quasi institutionnelle, des répartitions de marché jusqu’en 2006, en dépit de la sortie temporaire de l’entente de SES. Elles portent donc une responsabilité particulière et concrète dans le fonctionnement de l’entente (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2004, OCP Répartition, et, pour une analyse similaire en droit communautaire, les arrêts du Tribunal de première instance du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II-497, point 374, et du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T-29/05, non encore publié au Rec., point 332) qui sera prise en compte dans le cadre de la détermination de la sanction.

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225. S’agissant de la participation de SES à l’entente, il ressort des déclarations concordantes de MM. C… et B… qu’elle a été interrompue pendant environ un an. M. C…, qui ne se souvient pas précisément des dates, estime que cette interruption se serait produite en 2002-2003 durant environ 10 à 12 mois (cote 7254). 226. Ainsi qu’il a été rappelé au point 142 ci-dessus, Signature, Signaux Girod, SES et Lacroix Signalisation n’ont pas contesté le grief d’entente qui leur avait été notifié. Elles ne remettent en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence communautaire et national. Leurs observations ne portent que sur la gravité des faits, le dommage à l’économie et la réitération, lesquelles seront examinées dans la partie consacrée à la détermination des sanctions. Sur la participation de SDS 227. Le président de SDS, M. K…, a assisté à la réunion qui s’est tenue au restaurant Le Pré Catelan le 14 mars 2006. Il a reconnu que celle-ci avait pour objet « la concertation » entre les sept entreprises présentes (cotes 7 046 et suiv.). Les éléments versés au dossier confirment la participation de SDS à l’entente, puisqu’elle apparaît notamment comme titulaire des appels d’offres lancés dans le département de la Gironde en 1999-2001 et qu’elle figure dans l’un des tableaux du document « Règles » (consultations T1, T2 et T3). 228. Par ailleurs, Signature et Lacroix Signalisation n’ont pas contesté le grief qui leur avait été notifié au titre de la participation de SDS, leur filiale commune à l’époque des faits (chacune détenant alors 49,93% du capital de SDS)17, à l’entente. 229. Celle-ci doit donc être considérée comme établie pour la période 1997-2006. Sur la participation de Nord Signalisation 230. Nord Signalisation, qui a participé à la mise en œuvre de l’entente, ainsi que l’atteste la liste « Patrimoine » communiquée par son gérant le 10 mars 2008 (cotes 1020 à 1026), s’est par la suite retirée de l’entente. Le gérant de Nord Signalisation, M. L…, a reconnu s’être rendu à une première réunion en 1997, laquelle se serait tenue dans les locaux de Signature, alors dirigée par M. M…. Le dirigeant de Nord Signalisation aurait, à une date non précisée (vraisemblablement vers 1999-2000), décidé de cesser de se concerter avec ses concurrents, s’estimant plutôt victime que bénéficiaire de l’entente. 231. Ainsi que cela a été rappelé précédemment, la faible durée de participation à une entente n’empêche pas une entreprise de se voir poursuivie. En effet, le seul fait d’avoir reçu lors de réunions des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence chez elle d’un esprit anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 juillet 2001, Tate & Lyle, T-202/98, Rec. p. II-2035, points 66 et 67). En l’espèce, la participation de Nord Signalisation à l’entente pendant une période relativement courte influera seulement sur le prononcé de la sanction. 232. Il résulte de ce qui précède que la participation de Nord Signalisation à l’entente visée par le grief n° 1 est établie pour une période de trois ans.

17 Après une décision de « décroisement » de participations, SDS est aujourd’hui une filiale de Lacroix Signalisation.

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Sur la participation de Franche Comté Signaux (FCS) 233. FCS n’ayant pas formulé d’observations concernant sa participation à l’entente, il convient de se limiter à l’examen des déclarations suivantes. 234. M. N…, président de FCS, a déclaré, le 20 mai 2008 (cotes 5 110 et suiv.) : « La société FCS faisait partie du « club » sans avoir intégré leurs règles. FCS était présent pour voir comment cela se passait ». Cette même personne a toutefois admis, le 15 mars 2006, avoir participé à des réunions du « club » depuis « un an et demi, deux ans » (cote 7074). 235. Le fils de M. N… a reconnu, le 15 mars 2006, (cotes 7 062 et suiv.) avoir participé à l’entente et assisté à plusieurs réunions du « club » à la demande de son père. Il a ainsi décrit, de manière détaillée, le fonctionnement du cartel : « des appels téléphoniques entre les intervenants sont passés, la société désignée en réunion (l’attributaire potentiel) fixe le montant de son offre, l’offre est ainsi communiquée à l’avance. Les autres acteurs n’ont plus qu’à vérifier et à faire une offre supérieure. Cela se passe comme cela en général ». 236. Il a également indiqué le 15 mars 2006 (cote 7 085) que « si FCS est aujourd’hui autour de cette table (entente), c’est sous la pression des entreprises françaises leader sur le marché de la signalisation. Soit on en fait partie, soit la pression est telle qu’on a les pires difficultés ». Enfin, le président de FCS a confirmé le 20 mai 2008 « que la présence de FCS à l’entente était la seule solution pour éviter une baisse des prix par rapport au marché normal » (cotes 5110 et suiv.). 237. Le président de FCS a reconnu avoir participé à une répartition de marché avec des entreprises concurrentes, préalablement à leur attribution, le 22 février 2006. Il a ainsi expliqué que les notes comportant les termes suivants « NEUILLY PLAISANCE-7/04 LM, 54-JOFE-18/04 SES, 83- BANDOL-27/02-SCS/LACROIX » et figurant dans un document saisi ont été prises « le 22/02/2006 et font référence à des marchés attribués plus tard, en l’espèce en mars et avril » et qu’« à l’issue de la discussion, il y a eu une répartition. L’ensemble des entreprises qui assistaient à cette réunion ont participé à cette répartition. Parmi ces entreprises, figurent Signature, SES, LACROIX, SDS, GIROD, FCS, LAPORTE » (cotes 7081 et suiv.). 238. Ces déclarations sont corroborées par les tableaux « Patrimoines » versés au dossier. FCS y apparaît en effet comme bénéficiaire de quelques marchés à commande, parfois avec une autre entreprise : ainsi, le marché des routes départementales et nationales du Doubs (1999-2001) affecté, dans le cadre de l’entente, au tandem FCS/Signaux Girod, était détenu par FCS. Le président de FCS a déclaré, à ce sujet, le 20 mai 2008 : « je confirme que FCS est titulaire du marché à commandes dans le marché du Doubs depuis environ 9 ans. Je n’ai pas d’explication à donner sur une compensation avec Girod ». Un autre marché à commandes (routes départementales de l’Aude, subdivision de Quillan, 2000-2002) avait été affecté à FCS, mais c’est Signature qui a remporté le marché, ce qui devait entraîner une « compensation » au profit de FCS. 239. Il résulte de ce qui précède que la participation de FCS à l’entente visée par le grief n° 1 a été plus durable que celle que les dirigeants de l’entreprise ont reconnue, mais sans être permanente. Elle doit être retenue pour une période d’environ quatre ans.

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Sur la participation de Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route) 240. Les tableaux « Patrimoines » versés au dossier confirment la participation active de Signaux Laporte à l’entente. Cette dernière, qui ne fait pas partie des « majors » du cartel, apparaît toutefois comme titulaire d’un nombre relativement important de marchés à commandes. Elle est ainsi mentionnée pour les départements de l’Ain (01), de l’Allier (03), de l’Aude (10), de la Charente Maritime (17) de la Drôme (26), de la Loire (42), de la Marne (51) du Rhône (69), de la Haute-Savoie (74) de la Seine-et-Marne (77). 241. Signaux Laporte n’a participé à la mise en œuvre de l’entente qu’à partir de l’année 2000 jusqu’en 2006, et par intermittence, puisqu’elle en est sortie en 2002-2003. 242. Ainsi qu’indiqué au point 149 ci-dessus, dans ses observations en réponse à la notification des griefs et son mémoire en réponse, Signaux Laporte a déclaré ne pas contester le grief qui lui avait été notifié et souscrire des engagements pour l’avenir. 243. Il résulte de ce qui précède que la participation de Signaux Laporte à l’entente visée par le grief n° 1 est établie pour une période d’environ quatre ans et demi. Sur la participation de Nadia Signalisation 244. Nadia Signalisation soutient que sa participation à l’entente a été limitée à « quelques minutes » lors d’une réunion du cartel en décembre 2005 et que sa présence lors de la réunion qui s’est tenue au restaurant Le Pré Catelan le 14 mars 2006 avait pour but d’annoncer à la profession son retrait de l’entente. Elle estime donc que le concours de volonté, condition essentielle à la qualification d’une entente, n’est pas établi en ce qui la concerne. 245. Nadia Signalisation fait valoir à cet égard que les responsables des quatre majors de l’entente ainsi que de SDS et de FCS ne l’ont pas désignée comme membre de l’entente lors de leur audition à la suite de la perquisition du 14 mars 2006, ce que la notification des griefs et le rapport auraient passé sous silence. Enfin, elle souligne que Nord Signalisation a dénoncé l’entente sans la mentionner, et a versé aux débats une pièce en ce sens. 246. Ainsi que cela a été rappelé au point 215 ci-dessus, l’adhésion à une entente est démontrée par la participation de l’entreprise concernée à au moins une des réunions ayant un objet anticoncurrentiel. En effet, le seul fait d’avoir reçu lors de réunions des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence chez elle d’un esprit anticoncurrentiel (arrêt Tate & Lyle, précité, points 66 et 67). 247. En outre, il n’est pas établi que Nadia Signalisation, dont le nom apparaît sur le document « Règles », se soit effectivement distanciée publiquement de l’entente. Le président de Nadia Signalisation a d’ailleurs admis avoir contacté ses concurrents pour bénéficier de leur coopération à l’occasion de l’attribution du marché départemental du Maine-et-Loire, et ce en échange d’une passivité de sa société sur d’autres marchés (cote 7006 et suiv. et 7344 et suiv.). 248. Partant, la participation très limitée de Nadia Signalisation à l’entente, qui pourrait expliquer les déclarations des autres membres de l’entente mentionnées au point 245 ci-dessus, a des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction éventuelle.

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249. Il résulte de ce qui précède que la participation de Nadia Signalisation à l’entente visée par le grief n° 1 est établie pour une période de quelques mois. Sur l’implication du SER dans l’entente 250. Il convient tout d’abord de rappeler qu’« une organisation syndicale ou un ordre professionnel, lorsqu’il sort de la mission d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels que la loi lui confie et qu’il intervient sur un marché, est, au sens du droit de la concurrence, une entreprise susceptible d’être sanctionnée sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce » (décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-30 du 18 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Marseille). Le Conseil de la concurrence a ainsi sanctionné à plusieurs reprises des syndicats professionnels pour avoir adressé à leurs adhérents des directives ou des recommandations les incitant à s’affranchir des règles de concurrence ou à ne pas déterminer de manière autonome leur stratégie commerciale (voir, notamment, la décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s’opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l’occasion

d’appels d’offres en matière d’examens anatomo-cyto-pathologiques). 251. Le Conseil a en particulier condamné la fédération française des négociants en appareils sanitaires, chauffage, climatisation et canalisation (FNAS) pour avoir organisé, avec les entreprises membres, au sein des « bureaux », « conseils d’administration », « assises » et « commissions économiques » de la FNAS, « une stratégie globale d’éviction des grandes surfaces de bricolage et des coopératives d’installateurs sur les marchés de l’approvisionnement et de la distribution de produits de céramique sanitaire, robinetterie et chauffage » (décision n° 06-D-03 du 9 mars 2006, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 janvier 2008). 252. En l’espèce, le SER conteste son implication dans l’entente. Il soutient à cet égard qu’il ne peut être tenu responsable des réunions du cartel dans la mesure où celles-ci se tenaient « à l’issue des réunions du SER et à son insu ». En ce qui concerne plus particulièrement la réunion qui s’est tenue le 14 mars 2006 après-midi au restaurant Le Pré Catelan, il fait valoir qu’aucun organe le représentant ou mandaté par lui n’était présent. Il cite à cet égard la déclaration de M. A…, président de Lacroix Signalisation, dans laquelle celui-ci indique qu’il est à l’origine de cette réunion et qu’il a sélectionné l’ensemble des participants. 253. Afin de déterminer si le SER est effectivement impliqué dans l’entente, il convient de déterminer si le dossier comporte des éléments en ce sens. 254. En ce qui concerne la réunion qui s’est tenue au restaurant Le Pré Catelan le 14 mars 2006 après-midi, il y a tout d’abord lieu de relever que la convocation à la réunion statutaire adressée le 14 février 2006 aux membres de la section « Signalisation routière » par le président de la section, M. C…, mentionnait qu’elle se déroulerait de 9h30 à 11 heures (cote 7769). Or, il apparaît que le SER avait en réalité réservé la salle pour la journée entière, ce qu’il a justifié dans les termes suivants : « La salle était réservée pour la journée car nous anticipions en conséquence une prolongation des débats après le déjeuner./-Nous avons finalement traité l’ensemble de l’ordre du jour dans la matinée et avons ainsi laissé libre notre salle pour l’après-midi ».

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255. Il convient ensuite d’examiner les déclarations des responsables des entreprises mises en cause présents lors de cette réunion. 256. Le président de Lacroix Signalisation a déclaré le 15 mars 2006 (cote 7 121) : « Je suis à l’origine de la réunion qui s’est déroulée l’après-midi dans le salon où nous avons tous été interpellés hier. J’ai sélectionné l’ensemble des participants. Je suis allé voir certaines des personnes qui étaient présentes lors de l’assemblée du SER (…) car en tant que nouvel élu de la section verticale, je me devais de débattre avec eux sur le sujet de l’application de la norme européenne en 2007 ». 257. M. K…, président de SDS, a quant à lui déclaré, le 14 mars 2006, (cotes 7 046 et suiv.) : « Je pense que toutes les sociétés qui appartiennent au syndicat étaient présentes cet après-midi. (…) Cet après-midi je n’ai rien payé et je suppose que tout a été pris en charge par le syndicat ». Concernant l’objet de cette réunion, il a indiqué qu’« il s’agissait de poursuivre celle de ce matin dans un cadre informel. Pour ma part c’est la première fois que je participe à une réunion informelle de section comme celle de cet après-midi (…) ». Enfin, s’agissant de la présence des participants à cette réunion, il a précisé : « A ma connaissance elle n’est pas obligatoire. Pour moi le seul critère pour lequel ces sociétés sont restées ensemble était la concertation. Il était prévu par le syndicat que nous devions nous réunir cet après-midi puisque la salle était réservée à cet effet. Vraisemblablement par M. A…. Je ne sais pas qui s’occupe précisément pour moi c’est le syndicat qui s’en charge

». 258. M. X…, président de Signaux Girod, a indiqué le 14 mars 2006 (cotes 6994 et suiv.) : « Aujourd’hui se tenait une réunion intersyndicale, l’assemblée générale du SER (Syndicat des Équipements de la Route) qui se tient une fois par an au Pré Catelan, celle ci se tenait jusqu’à 14 h et je suis personnellement arrivé à 11h30.-Nous avons ensuite souhaité faire une réunion dans la section verticale, c’est à dire les sociétés qui au sein du SER ont pour champ d’activité la signalisation verticale ». – Cette réunion était programmée de manière définitive depuis la semaine dernière ». 259. Le fils du président de FCS a précisé le 15 mars 2006 au sujet de sa présence à cette réunion (cote 7058) : « En ce qui me concerne, je suis venu à la demande de mon père. Il me l’a demandé il y a 5 ou 6 jours, m’indiquant qu’il s’agissait d’une réunion du syndicat professionnel des entreprises du milieu de la signalisation française, et qu’il me présenterait à l’ensemble de la profession ». L’intéressé a précisé être arrivé en retard à la réunion, aux environs de 15 heures. 260. M. N…, le président de FCS, a quant à lui déclaré le 14 mars 2006 (cotes 7069 et suiv.) : « Il s’agissait d’une réunion du syndicat de la signalisation, le SER. Cette réunion devait durer toute la journée ». 261. Il ressort de ces déclarations que, si certains cadres du SER, membres de la section « Signalisation verticale », ont contribué activement à la tenue des réunions informelles, il n’est pas démontré que des responsables du bureau ou du comité directeur du SER ont assisté aux réunions du cartel et pris part à celui-ci. Partant, la responsabilité du SER dans l’entente ne peut être engagée. 262. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, est établie l’existence, entre 1997 et mars 2006, d’une entente anticoncurrentielle contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce et à l’article 81 CE, retenue, pour les périodes détaillées ci- dessus, à l’encontre des sociétés Signature, Lacroix Signalisation, SES, Signaux

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Girod, Signaux Laporte, FCS, Nord Signalisation et Nadia Signalisation, ainsi qu’à l’encontre du SER. 2. SUR LES PRATIQUES MISES EN ŒUVRE PAR SODILOR SUR LE MARCHÉ DE LA SIGNALISATION PLASTIQUE (GRIEF N° 2) a) Sur la définition du marché pertinent Sur le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique) 263. Le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique, tels que les délinéateurs de voie, utilisés pour l’équipement des routes nationales et départementales, et les balises temporaires), se distingue de celui de la signalisation routière verticale permanente et temporaire métallique en raison de différences tenant à la composition des produits, à leur usage, à leur prix, aux coûts de fabrication et aux normes applicables. Il convient également de relever que l’offre sur ces deux marchés est assurée par des entreprises différentes. Sur la position de Sodilor sur ce marché 264. Compte tenu de la part de marché de Sodilor estimée à plus de 50 %, du nombre relativement important de marchés publics qu’elle a remportés et de son appartenance au groupe Plastic Omnium, présent dans la signalisation routière verticale et horizontale, par l’intermédiaire de Signature, l’un des leaders dans le secteur de la signalisation verticale au plan national, il y a lieu de conclure que Sodilor détenait une position dominante sur le marché considéré au cours de la période en cause (2001 à 2007), conclusion qui n’a pas été contestée par cette société. b) Sur l’abus de position dominante 265. Le grief qui a été notifié à Sodilor consiste en un abus de position dominante sur le marché de la fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique de 2001 à 2007. 266. A cet égard, il ressort des éléments figurant au dossier que Sodilor a, d’une part, refusé de vendre à un fabricant de produits de signalisation routière verticale et d’équipements de sécurité et de balisage (Signal Concept) les délinéateurs de type J6 qu’elle était seule à fabriquer avec la société SAAM et de lui délivrer les « autorisations de négoce » exigées par les acheteurs publics. Elle a, d’autre part, exercé des pressions sur certains maîtres d’ouvrage publics pour les convaincre d’introduire dans leurs cahiers des charges des caractéristiques techniques correspondant précisément à celles des délinéateurs de type J6, alors que cet équipement ne représentait qu’une part infime des achats des collectivités concernées. 267. L’ensemble de ces pratiques, qui sont le fait d’une entreprise en position dominante, ont eu notamment pour effet de limiter la concurrence dans le cadre de l’organisation de plusieurs appels d’offres en empêchant une société concurrente de soumissionner

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aux marchés publics de signalisation plastique lorsque la fourniture d’équipements correspondant aux délinéateurs de type J6 était requise. 268. Elles constituent donc un abus de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 82 CE. Ainsi que cela a été rappelé au point 142 ci-dessus, Sodilor n’a pas contesté le grief d’abus de position dominante qui lui a été notifié. Elle ne remet en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique au regard du droit de la concurrence communautaire et national. 269. Sodilor a, en revanche, contesté la gravité des faits et l’existence d’un dommage à l’économie. Les arguments avancés à cet égard ainsi que les engagements proposés conformément au III de l’article L. 464-2 du code de commerce seront examinés dans la partie de la décision consacrée à la détermination des sanctions. 3. SUR LES PRATIQUES MISES EN ŒUVRE PAR 3M FRANCE SUR LE MARCHÉ DE LA FOURNITURE DES FILMS PLASTIQUES RÉTRO-RÉFLÉCHISSANTS DESTINÉS À LA FABRICATION DE PANNEAUX DE SIGNALISATION VERTICALE (GRIEF N° 3) 270. Pour se prononcer sur ces pratiques, il convient tout d’abord de définir le marché pertinent et la position qu’y occupe 3M France, ensuite d’examiner le système d’accréditation mis en place par cette entreprises, puis d’analyser le système de remise mis en place au regard de l’étude économique Mapp, enfin de répondre à l’argumentation selon laquelle 3M France n’a pas été en mesure d’élever ses prix au cours de la période considérée. a) Sur la définition du marché pertinent et sur la position qu’y occupe 3M France Sur le marché de la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale 271. Dans ses observations en réponse à la notification des griefs, 3M France soutenait qu’« aucune définition du marché pertinent » n’était avancée. Dans son mémoire en réponse au rapport du 22 avril 2010, elle estime que la notification des griefs et le rapport se fondent sur une définition de marché « erronée ». Sur la définition sectorielle du marché 272. Le troisième grief, notifié à 3M France, a retenu une pratique d’exclusion « sur le marché de la fourniture de films en plastique destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale ». 273. 3M France fait valoir que cette délimitation sectorielle du marché est différente de celle retenue par le ministre de l’Économie dans sa lettre du 21 novembre 2008, par laquelle il a autorisé l’opération d’acquisition par 3M du contrôle exclusif de FAAB-Fabricauto18. Dans cette décision, le marché des films rétro-réfléchissants a été défini de façon large au motif que « la production de films pour différentes applications par les mêmes machines et selon le même procédé permet de maximiser l’utilisation des machines et de mieux amortir les coûts fixes de fabrication ».

18 Lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 21 novembre 2008, aux conseils de la société 3 M, relative à une concentration dans le secteur des plaques d’immatriculation automobile (BOCCRF n°1 bis du 29 janvier 2009, p. 2).

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274. Néanmoins, ainsi qu’exposé dans le rapport annuel de 2001 du Conseil de la concurrence, si les critères et les méthodes d’évaluation des marchés sont les mêmes en contrôle des concentrations et en contentieux, l’« espace temps » est différent dans les deux types d’analyse, « ce qui peut conduire à des résultats différents ». La délimitation des marchés concernés par une concentration est « prospective », puisque doivent être pris en compte les effets de la fusion elle-même « ainsi qu’éventuellement les facteurs d’évolution exogènes »19. 275. En l’espèce, non seulement l’Autorité de la concurrence n’est pas tenue par la définition de marché retenue par le ministre de l’Économie, qui admettait d’ailleurs qu’« une segmentation aurait pu être envisagée en fonction de l’utilisation finale des films », mais elle doit, en outre, se prononcer sur des comportements passés portant sur des produits faisant l’objet d’une demande spécifique. Le commissaire du Gouvernement confirme d’ailleurs, dans ses observations écrites en réponse au rapport, la définition du marché pertinent ainsi retenue, dans les termes suivants : « [le marché des films plastiques rétro-réfléchissants] comporte des produits très spécifiques qui ne sont substituables à aucun autre produit pour les fabricants de panneaux de signalisation et justifient une approche limitée à ce marché restreint ». 276. En effet, l’Autorité de la concurrence, qui définit le marché de manière constante comme le « lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique », apprécie différents critères de manière qualitative en se fondant sur des indices tels que « la nature du bien, l’utilisation qui en est faite, les caractéristiques de l’offre (les stratégies de commercialisation mises en place par les offreurs, comme la différenciation des produits ou celle des modes de distribution), l’environnement juridique, les différences de prix ou les préférences des demandeurs ». Ainsi, « les marchés sont analysés en tenant compte de l’identité et du comportement des clients. Ces comportements peuvent différer d’un groupe de demandeurs à l’autre, modifiant ainsi les structures du marché »20. 277. En l’espèce, la spécificité de la structure de la demande, constituée par un oligopole restreint collusif, ainsi que les critères d’homologation propres au secteur considéré en France confirment qu’il y a lieu de retenir l’existence du marché spécifique des films rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation routière verticale en France. Sur la définition géographique du marché 278. La dimension géographique du marché correspond au « territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre de biens et services en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes. Il ne comprend pas les zones géographiques voisines dès lors que les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »21. L’existence de normes spécifiques à un secteur, comme celui de la signalisation routière verticale, est un élément à prendre en compte dans l’appréciation du marché, dans la mesure où ces normes peuvent avoir une influence sur le prix des produits22 et sur l’accès au marché par des entreprises extérieures au marché.

19Rapport annuel du Conseil de la concurrence 2001, Études thématiques : Le marché pertinent, page 91. 20 Voir notamment le rapport annuel du Conseil de la concurrence 2008, page 210. 21 Voir notamment le rapport annuel du Conseil de la concurrence 2008, page 214. 22 Voir notamment le rapport annuel du Conseil de la concurrence 2001, Études thématiques : Le marché pertinent, page 97.

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279. A cet égard, il convient de relever, d’une part, que le niveau des prix pratiqués en France diffère de celui pratiqué par 3M dans les autres pays européens et, d’autre part, que les procédures normatives mises en place au niveau national rendent difficile l’accès au marché par des entreprises extérieures. 3M France a reconnu que, lorsqu’un fabricant de panneaux s’approvisionne auprès de 3M à l’étranger, il doit, avant son utilisation, « s’assurer de la conformité du produit avec la norme NF ». 280. Le graphique versé au dossier par 3M France (cote 8354) et reproduit ci-après, démontre, à prix de revient usine identique, que : – les prix se situaient à des niveaux très variables selon les pays européens : en particulier le cas de l’Italie où les films de classe 2 atteignaient, en 2006, un niveau environ 2 fois moins élevé qu’en France, atteste au passage de la marge élevée prélevée par 3M France ; – les prix ont évolué dans des proportions variables selon les pays.

281. 3M France a également expliqué (cote 8343) avoir obtenu une homologation pour ses films rétro-réfléchissants (marquage NF) et mis en place un système d’accréditation, dans le but de « contrôler que les industriels accrédités respectent les conditions d’utilisation et de transformation des films rétro-réfléchissants 3M afin que ces derniers soient conformes à l’homologation des films rétroréfléchissants obtenue par 3M ». 282. Les films plastiques, qui sont destinés à la fabrication des panneaux de signalisation routière verticale, font l’objet d’homologation ou de certification sur le plan national. Ils ne sont substituables à aucun autre produit pour les fabricants de panneaux de signalisation. 3M France a d’ailleurs expliqué les différences de niveau de prix dans les différents pays notamment par l’« environnement réglementaire » (cotes 8043 et suiv.), même si, ainsi qu’elle l’a elle-même relevé, la nouvelle norme européenne publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 16 décembre 2008, applicable à

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compter du 1er janvier 2009, devrait permettre à terme l’entrée sur le marché national de films microbilles certifiés « CE ». Pour l’ensemble de ces raisons, le marché des films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication des panneaux routiers de signalisation verticale est de dimension nationale, à tout le moins en ce qui concerne la période des faits examinés. Sur la position de 3M France sur ce marché 283. 3M France soutient que, dans la mesure où elle est fondée sur une définition de marché inexacte, la caractérisation de la position dominante de 3M est « nécessairement viciée ». Sa part de marché, estimée […] du « marché mondial des films rétro-réfléchissants » serait insuffisante pour caractériser une position dominante. 284. Le juge communautaire a rappelé que la position dominante est « la position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs »23. 285. Les critères retenus par les autorités de concurrence afin de déterminer l’existence d’une position dominante sont principalement la part de marché relative détenue par chacun des intervenants, l’appartenance à un groupe puissant, le pouvoir détenu sur des marchés connexes ou voisins et d’éventuelles barrières à l’entrée24. Si, comme le fait valoir 3M France, une part de marché supérieure à 50 % ne suffit pas, dans tous les cas, à établir une position dominante, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que l’on peut « à juste titre estimer que des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante »25. 286. En l’espèce, la position dominante de 3M France sur le marché national de la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication des panneaux de signalisation verticale est attestée par la part de marché qu’elle détenait au moment des faits et par l’appartenance à un groupe puissant de dimension mondiale, détenteur d’une avance technologique par rapport à ses concurrents. 287. S’agissant, tout d’abord, de la part de marché, il convient de relever que, lors de son audition du 31 juillet 2008, le directeur général de l’activité « Signalisation » de 3M France a déclaré que, selon leurs estimations, sur le marché des films rétro- réfléchissants celle-ci « serait d’environ 75 à 80 % (base 2003 à 2007) »

(cotes 8043 à 8046). 288. Cette déclaration est corroborée par le graphique communiqué par 3M France, reproduit ci-après :

23 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 février 1978, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 65. 24 Dans sa communication intitulée « Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes » (JOUE 2009, C 45, p. 7), la Commission européenne considère que des parts de marché qui se maintiennent à un niveau élevé peuvent constituer une indication de l’existence d’entraves à l’entrée (point 17). 25 Arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 41.

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289. S’agissant, ensuite, de l’avance technologique de 3M, les responsables de 3M France l’ont évoquée dans les termes suivants (cotes 8043 à 8046) : « 3M a toujours cherché à faire évoluer ses produits dans le sens d’un plus grand niveau de performance. 3M a su faire preuve d’innovation et mettre sur le marché des produits du type haute intensité (structure nid d’abeille en 1974), et du type prismatique « Diamond grade » (1989), en avance par rapport à ses concurrents », ce qu’a confirmé l’ancien président de Signaux Laporte (cote 8448) : « 3M est toujours en avance sur le marché. Il est donc difficile de se passer des produits 3M ». 290. 3M France a par ailleurs indiqué, dans ses observations en réponse à la notification des griefs, avoir été le premier fabricant « à offrir un film micro-prismatique pour la signalisation verticale » en 1989 et a reconnu que les autres fabricants « sont entrés beaucoup plus tard sur le marché français, et ne se sont dans un premier temps concentrés ni sur le segment de la signalisation verticale ni sur la technologie micro- prismatique ». Selon 3M France, NCI n’a décidé de se renforcer dans les applications de signalisation verticale qu’en 2007, avec des « moyens relativement limités à ce secteur en France », la société Avery n’ayant, quant à elle, obtenu la certification de ses films microbilles qu’en 2007 et T2S, distributeur des films rétro-réfléchissants Kiwa, ne « propos[ant] pas de films micro-prismatiques ». 291. Il ressort de ce qui précède que 3M France détenait une position dominante sur le marché national des films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication des panneaux de signalisation routière verticale au moins jusqu’en 2007, ce qui couvre la période des faits examinés. b) Sur le système d’accréditation mis en place par 3M France en 2003, 2004 et 2005 292. Comme indiqué précédemment, les conditions de vente de 3M France, département « Signalisation du trafic – Signalisation verticale », dénommées « Politique commerciale », régissant les relations avec son réseau d’industriels et/ou de distributeurs prévoyaient pour les exercices 2003, 2004 et 2005 que « tous les membres du réseau de transformation font l’objet d’un accréditement interne » dans

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les conditions détaillées par la suite (cotes 8047 à 8288). Il était également précisé que la fonction « d’industriel accrédité est généralement admise par des instances professionnelles ou démontrée par les faits ». Cette dernière précision a été supprimée dans les versions suivantes. 293. Selon 3M France, la notion d’« industriel accrédité » figurant dans ses conditions générales de vente, était justifiée par la nécessité, pour lui, de mettre en place une offre de formation et d’assistance technique ayant pour objet de s’« assurer du respect par les fabricants de panneaux de ses préconisations techniques dans le traitement et la pose des films ». La coopération technique consisterait en la « fourniture de conseils techniques, de formations et de services support par le centre technique de 3M France aux fabricants ayant commandé des films rétro-réfléchissants à 3M France » (mémoire, point 65). 294. Le 11 mai 2004, le directeur des ventes du département signalisation de 3M France déclare en effet à Nord Signalisation : « suite à votre demande d’attestation d’application de films rétro-réfléchissants 3M homologués en France pour la signalisation verticale, nous avons étudié votre demande. /-Nous avons relevé que votre société n’a pas commandé de films 3M depuis 4 ans. Il ne nous est donc pas possible de vous délivrer une attestation d’application de films 3M. /- Par ailleurs, cette attestation est subordonnée à une vérification préalable par les services compétents de 3M » (cote 8 358). 295. Or, l’ordre de service adressé le 19 février 2001 à Nord Signalisation par le bureau d’études ISIS pour la mise en conformité de la signalisation verticale de direction de l’autoroute A8 (cote 5713) exige la transmission, par retour de courrier de « la demande d’agrément du film DR (anti-condensation 3M) ». Nord Signalisation a déclaré avoir dû, devant l’attitude de 3M France, s’approvisionner auprès d’un fournisseur israélien pour le film de marque 3M exigé par le maître d’ouvrage (cote 5709). De même, le règlement de consultation relatif à la signalisation de l’autoroute A46 Sud-Itinéraire « S » de substitution signalisation verticale – jugement des offres le 1er février 2005 à 12 heures – impose la fourniture par les candidats des « certificats d’aptitude et habilitation à la pose de films à structure microprismatique fluorescents » (cotes 5736 à 5739). 3M France ne peut donc utilement soutenir que la procédure d’accréditation n’était pas un « pré-requis ou une condition à l’établissement de relations commerciales ». 296. Bien que le directeur général chargé des marchés de la signalisation et de la communication graphique de 3M France ait répondu à une question du rapporteur sur les modalités de l’accréditation des industriels qu’« une définition précise des industriels accrédités (qui sont les fabricants de panneaux routiers) est donnée car ces derniers bénéficient d’une accréditation interne délivrée par 3M » (cote 8 343), le système d’accréditation n’est absolument pas objectif, puisque l’exemple de Nord Signalisation montre que 3M France lui a opposé un critère ne figurant pas dans la définition exposée précédemment (absence de commande préalable), qui, au demeurant, semble empêcher, par l’absurde, toute accréditation future. A une autre question posée sur l’existence d’une éventuelle accréditation des distributeurs (cote 8 297), l’intéressé a répondu que des distributeurs pouvaient accéder aux « mêmes conditions de remise que les industriels accrédités », alors même qu’il n’existe aucune procédure d’accréditation pour cette catégorie d’acheteurs, car n’ayant « pas vocation à effectuer une quelconque transformation des films rétro- réfléchissants 3M qu’ils achètent et revendent en l’état ».

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297. Ainsi, par le système d’accréditation mis en place de manière opaque au sein de son entreprise, 3M France, en situation de position dominante, pouvait décider seule, sans justification objective, de refuser l’accès à son « réseau » aux industriels et revendeurs de son choix. 298. Or, en premier lieu, comme l’a rappelé 3M France dans ses écritures, les films sont, comme les panneaux routiers, soumis à une procédure d’homologation par le BNSR et à une procédure de certification depuis 1992 par l’Ascquer. Tous les fabricants de films rétro-réfléchissants sont membres de la commission de normalisation du BNSR, lequel a un rôle de proposition auprès de l’AFNOR. 3M France a également indiqué représenter les fabricants de films rétro-réfléchissants au comité tripartite de l’Ascquer, depuis 1993, et ce à la demande du SER. 299. En deuxième lieu, plusieurs éléments convergents attestent du fait que 3M France, en contact direct avec la clientèle finale26 ne pouvait ignorer que ses principaux clients industriels étaient membres du cartel de la signalisation routière verticale en France. M. J…, ancien dirigeant de Signaux Laporte, a en effet déclaré, le 7 décembre 2006 (cotes 7226 et suiv.), au sujet de l’existence de l’entente entre fabricants de panneaux : « Vers 2000, j’ai été sollicité par les grands concurrents : Lacroix, Girod, SES et Signature qui semblaient déjà avoir une organisation. Dans ce milieu comme dans d’autres, par exemple pour les travaux publics, tout le monde savait que ça existait, ce n’était pas un scoop ». Le responsable de NCI, concurrent de 3M France, a également reconnu avoir connaissance de l’existence du cartel de la signalisation routière verticale, dans les termes suivants (cotes 8392 à 8432) : « oui, nous en avions connaissance dans la mesure où le marché des 4 principaux fabricants ne nous était pas ouvert. Nous ne réalisions aucun chiffre d’affaires avec ces quatre entreprises ». 3M France est également membre du SER, de même que les fabricants de panneaux de signalisation routière verticale ayant participé à l’entente. Enfin, en octobre 2004, était intervenue la parution, dans la « Gazette des communes », de la décision du Conseil de la concurrence du 4 février 2003, relative à des ententes ponctuelles mises en œuvre dans le même secteur d’activité par les groupes Girod et Lacroix. 300. En troisième lieu, il ressort du dossier que 3M France n’entretenait de relations commerciales privilégiées qu’avec les membres du cartel. Ainsi, comme l’admet 3M France (cote 13 417) les réunions « marketing » organisées à l’étranger notamment en 2004 (Séville et Düsseldorf) auxquelles participaient principalement les « majors » du cartel, pouvaient également associer d’autres entreprises également membres du cartel comme SDS, Signaux Laporte et FCS, sans, comme l’affirme 3M France, avoir été ouvertes à « tous les fabricants de panneaux ». 301. En quatrième lieu, les témoignages de Nord Signalisation et du président de la société SOS, non-membre du cartel et client de 3M France depuis 2007, tendent à établir que le système d’accréditation mis en place a pu permettre audit fabricant de faire jouer la clause d’accréditation au détriment de certains fabricants de panneaux. L’intéressé a en effet déclaré (cote 4 822) : « 3M a mis en place une technologie microprismatique (marque Diamond Grade-DG), ce qui entraînait parfois des difficultés car NCI n’avait pas ce type de produits ». (…) 3M ne voulait pas nous

26 3M déclare (page 65 des observations écrites en réponse aux griefs) : « … il est vrai que les représentants commerciaux de 3M rendent visite aux collectivités et gestionnaires de domaine routier afin de présenter et promouvoir les solutions 3M ».

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vendre à des conditions commerciales acceptables.-/ (…) les commerciaux de 3M ne sont jamais venus nous voir avant la fin de l’entente ». c) Sur le système de remise mis en place par 3M France 302. En se fondant sur l’étude économique Mapp versée au dossier, 3M France soutient que son barème de remises n’a pas été discriminatoire « dans la mesure où les remises accordées aux producteurs de panneaux étaient déterminées à partir de critères objectifs ». Elle avance également que le système de remises n’a pas entraîné une différence de coûts suffisante entre producteurs de panneaux pour pouvoir exclure ceux qui ne participaient pas à l’entente. Sur la nature discriminatoire du barème de remises 303. Les seuils de remise quantitative ne sont pas mis en cause, mais sur le premier argument, il y a lieu d’observer que l’attribution de remises proportionnelles aux montants d’achats effectués l’année précédant l’octroi des remises (plutôt que l’année courante) permet d’établir à elle seule la nature discriminatoire du barème de remises. Ce faisant, l’application d’un tel système de remises a conduit l’entreprise 3M France, en position dominante sur le marché des films rétro-réfléchissants destinés aux panneaux de signalisation verticale, à appliquer des conditions d’achat inégales à des partenaires commerciaux lui faisant des commandes équivalentes en terme de volumes et de gammes d’achat infligeant ainsi un désavantage concurrentiel à certains d’entre eux. En outre, le caractère discriminatoire du barème de remises est confirmé par l’opacité de la procédure d’accréditation nécessaire pour en bénéficier, et en particulier avec la clause consistant, dans les conditions générales de vente 2003, 2004 et 2005, à associer la notion d’« industriel accrédité » à des « instances professionnelles » (sans autre précision). Enfin, il convient de rappeler que dans son arrêt du 29 mars 2001, Portugal/Commission (C-163/99 Rec. p. I-2613, points 52 et 53), la Cour de justice des Communautés européennes a identifié deux indices permettant d’attester du caractère discriminatoire d’un barème de remise : un seuil de déclenchement des remises élevé, ne pouvant concerner que quelques partenaires particulièrement importants de l’entreprise en position dominante, et une progression non linéaire des taux de remise avec les quantités27. 304. Ces deux caractéristiques sont également présentes dans le barème de remises de l’entreprise 3M France. D’une part, comme le montrent les graphiques ci-dessous, le seuil déclenchant les remises les plus élevées est très haut comparé à la moyenne des achats effectués par les clients de 3M, si bien que seules quelques entreprises ont pu bénéficier de ce montant de remises. D’autre part, comme le montrent les tableaux présentant les différentiels de taux de remise ci-dessous, l’examen des barèmes de

27 « 52. Néanmoins, lorsque les seuils de déclenchement des différentes tranches de rabais, liés aux taux pratiqués, conduisent à réserver le bénéfice de rabais, ou de rabais supplémentaires, à certains partenaires commerciaux tout en leur donnant un avantage économique non justifié par le volume d’activité qu’ils apportent et par les éventuelles économies d’échelle qu’ils permettent au fournisseur de réaliser par rapport à leurs concurrents, un système de rabais de quantité entraîne l’application de conditions inégales à des prestations équivalentes. 53. Peuvent constituer, à défaut de justifications objectives, des indices d’un tel traitement discriminatoire un seuil de déclenchement du système élevé, ne pouvant concerner que quelques partenaires particulièrement importants de l’entreprise en position dominante, ou l’absence de linéarité de l’augmentation des taux de rabais avec les quantités. »

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remises sur facture de 3M fournis par le cabinet Mapp montre effectivement qu’à partir de 2003 et jusqu’en 2006, la progression du taux de remise lors du franchissement des paliers de chiffre d’affaires les plus élevés est fréquemment supérieure à la progression des taux de remises lors du franchissement des tranches intermédiaires de chiffre d’affaires : Différentiels de taux de remise selon les tranches de barème Année 2004

Différentiels de taux de remise selon les tranches de barème Année 2005

Différentiels de taux de remise selon les tranches de barème Année 2006

Différentiels de taux de remise selon les tranches de barème Année 2006

305. Enfin, l’impact discriminant des remises sur les prix d’achat est démultiplié par leur caractère rétroactif : le franchissement d’une des tranches du barème de remises entraîne en effet l’application d’un taux de remise supérieur sur l’ensemble des

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achats de films, et non pas seulement sur la portion des achats ayant permis de franchir la tranche du barème. A cet égard le système de remise de 3M apparaît inéquitable. 306. Ainsi, les remises octroyées par 3M France aux entreprises accréditées peuvent aller de 20 à 53 % selon le montant de la commande et la proportion de films de classe 2 achetée l’année précédente. Il était donc plus difficile pour une entreprise entrante de se développer sur ce marché. En effet, à supposer qu’il ait été accrédité, le nouvel entrant qui n’aurait effectué que des achats d’un montant limité durant sa première année d’activité (pendant laquelle il ne pouvait bénéficier que de 20 % de remises), par exemple un peu plus de 100 000 euros, n’aurait bénéficié l’année suivante que d’une remise de 30 %. Cela l’aurait entravé donc dans son développement quand bien même son objectif pour sa deuxième année aurait été très largement supérieur. En effet, son concurrent ayant acheté pour un peu plus d’un million d’euros l’année précédente bénéficierait de 43 % de remise. La différence de 13 points de pourcentage peut être relativement significative dans un marché concurrentiel, surtout en réponse à des appels d’offres, empêchant ainsi le nouvel entrant de se développer au rythme qui devrait être le sien. Le nouvel entrant partirait donc toujours avec un désavantage net sur ses concurrents installés, au moins jusqu’à ce qu’il ait atteint une taille suffisante. Sur les effets anticoncurrentiels des remises discriminatoires 307. Le second argument de 3M France vise à atténuer l’ampleur du désavantage concurrentiel subi par les entreprises clientes lésées par le système de remise. Pour apprécier la portée de l’argument avancé dans l’étude Mapp, il convient de rappeler les éléments suivants. 308. En premier lieu, les résultats tirés de la base de données utilisées dans cette étude doivent être considérés avec prudence, car celle-ci ne comprend que quatre entreprises non-membres de l’entente (Sofop, Self Signal, Deschamps, Decaux). Plusieurs entreprises non-membres du cartel et évoquées dans la notification de griefs n’y figurent pas, à l’instar de celles mentionnées sur la « liste noire » du cartel (SOS, Nord Signalisation, Hicon France, Signal Concept). Ces entreprises ont pu être dissuadées de s’approvisionner auprès de 3M France en raison des tarifs trop élevés qui leur étaient imposés et de l’impossibilité qui en découlait pour elles de demeurer compétitives face à la concurrence. 309. En deuxième lieu, les pratiques discriminatoires d’une entreprise en position dominante sont sanctionnées au titre de l’article 82 CE, en ce qu’elles conduisent à « appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence », sans préciser la nature de ce désavantage, qui peut être d’un type différent, ou ses possibles effets. L’objectif poursuivi par les estimations produites par le cabinet Mapp, selon lequel « le système de remise de 3M n’aurait pu avoir d’effet significatif sur le marché aval que s’il avait désavantagé les producteurs de panneaux ne participant pas à l’entente au point de les empêcher de répondre aux appels d’offres de manière aussi attractive que les membres du cartel » (point 54 de l’étude), est donc trop restrictif par rapport aux différents comportements abusifs de discrimination, les estimations produites ne capturant qu’un seul des effets possibles du système de barèmes mis en œuvre par 3M France. Dans son rapport annuel 2008, l’Autorité de la concurrence a, quant à elle, indiqué qu’il lui appartient de rechercher « si la pratique [discriminatoire] en cause peut avoir pour effet – constaté ou

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potentiel – d’évincer les concurrents du marché concerné, de les discipliner ou de retarder leur entrée » (p. 252). En d’autres termes, les effets anticoncurrentiels des rabais discriminatoires de 3M ne se limitent pas à l’exclusion de fait des entreprises lésées des marchés avals. En particulier, ceux-ci peuvent également consister à empêcher l’entrée de nouveaux concurrents (éventualité non prise en compte par l’étude du cabinet Mapp, qui ne s’intéresse qu’aux concurrents non-membres existants et déjà clients de 3M France), à dissuader l’investissement ou à empêcher des concurrents de proposer des offres susceptibles de déstabiliser une entente. 310. En troisième lieu, il est possible de constater l’abus sans procéder à une évaluation quantitative du désavantage concurrentiel subi par les entreprises victimes de la discrimination. Dans l’arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C-95/04 P, Rec. p. I-2331), la Cour de justice des Communautés européennes a ainsi indiqué qu’« il importe […] de constater que le comportement de l’entreprise en position dominante [tend à] entraver la position concurrentielle d’une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres » (points 142 et 144) et qu’« il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d’une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement » (point 145). Dans cette affaire, la Cour de justice s’est contentée de constater que les opérateurs sur le marché aval se livraient une « intense concurrence » et que leur capacité à entrer en concurrence les uns avec les autres dépendait, notamment, de leurs moyens financiers individuels, lesquels étaient déterminés par les systèmes de rémunération discriminatoires édictés sur le marché amont. Les mêmes circonstances s’appliquent au cas de la production de panneaux de signalisation : d’une part, les opérateurs non-membres du cartel pouvaient, lors des appels d’offres, être soumis à une concurrence importante soit d’autres opérateurs non-membres, soit des membres de cette entente28 ; d’autre part, le poids des films rétro-réfléchissants représentant entre 30 et 50 % du coût de revient d’un panneau de signalisation, les taux de remise de 3M France s’échelonnant de 0 à 45 %, et ces remises s’appliquant sur l’ensemble du montant des achats auprès de 3M France, les différentiels de prix d’achat induits par ce barème étaient bien de nature à créer un désavantage dans la concurrence. 311. En quatrième lieu, les résultats des estimations produites par le cabinet Mapp quant aux effets induits par le barème de remises discriminatoire dépendent des hypothèses initiales retenues quant à la part captive de la demande adressée à 3M (i), au poids des films rétro-réfléchissants dans le coût de fabrication d’un panneau ou dans son prix de vente (ii), et aux différentiels de taux de remise effectivement entraînés par l’application du barème de remises de 3M (iii). 312. (i) 3M France étant en position dominante, la part de demande captive qui lui est adressée est naturellement élevée, compte tenu de la part de marché d’environ 80 % de 3M à l’époque des pratiques, de la réputation de ses produits auprès des

28 Cela est attesté par les déclarations recueillies lors de l’enquête. Ainsi M. Y…, directeur de la branche signalisation de Nadia Signalisation, a déclaré, en réponse à la question qui lui était posée (« sur certains marchés, d’autres entreprises soumissionnent, comment faites-vous pour neutraliser ces offres ? ») : « le principe est de baisser ses prix si on veut vraiment prendre un client ou le garder. Le « dumping » est utilisé lorsque nécessaire ». Ainsi, le niveau relativement élevé des remises consenties par 3M aux membres du cartel par rapport aux non-membres pouvait permettre aux entreprises membres, en particulier les plus actives, de proposer des remises relativement importantes par rapport au tarif de base. M. Q…, responsable de la société Lacroix Signalisation, a déclaré lors de sa garde à vue (PV en cote 7 106 et ss) : « il est exact que nous arrivons à pratiquer des remises importantes, qui peuvent aller jusqu’à 60 % ».

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collectivités locales, de leur développement technologique et de la réaction des concurrents de 3M France aux tarifs pratiqués par ce dernier à l’égard des clients non-membres du cartel. (ii) Le désavantage concurrentiel subi par certains producteurs de panneaux du fait des prix de vente discriminatoires des films rétro- réfléchissants est d’autant plus élevé que ces intrants représentent une part élevée du coût de fabrication ou du prix de vente des panneaux, ces paramètres étant tous deux des composantes essentielles du jeu concurrentiel. Les estimations présentes au dossier sur cette part demeurent peu homogènes. D’un côté, plusieurs fabricants de panneaux interrogés lors de l’instruction ont indiqué que ces films représentent de 30 à 50 % du coût de fabrication d’un panneau29. En supposant que le niveau des marges réalisées par les fabricants de panneaux non-membres de l’entente n’ait jamais dépassé 9 % (comme l’indique l’étude du cabinet Deloitte pour le cas de l’entreprise Signature), le poids des films dans le chiffre d’affaires des producteurs de panneaux se situerait entre 27 et 45 %, et significativement plus pour les fabricants de panneaux dont la marge nette est inférieure. De l’autre côté, le cabinet Mapp conclut de l’étude des ventes de panneaux de 3M France et du chiffre d’affaires des fabricants de panneaux que le poids des films dans le chiffre d’affaires des producteurs de panneaux se situerait entre […] % et serait donc, en tout état de cause, inférieur à […]%. Il n’est pas exclu que selon que l’entreprise ait été victime ou bénéficiaire de la discrimination, le poids des prix des films dans le coût de fabrication des panneaux puisse être très variable. (iii) Les différentiels de taux de remise entraînés par la discrimination sont très significatifs, du fait de l’amplitude des remises, comprises entre 0 % pour les opérateurs non-accrédités et 45-53 % pour certains des acheteurs les plus importants (selon le taux de conversion), et de leur caractère rétroactif, celles-ci s’appliquant à l’ensemble des achats effectués et non aux seuls achats excédant les seuils déclenchant l’application d’un nouveau taux de remise. Un différentiel de taux de remise entraîne un différentiel de prix d’achat égal à (Rh-Rl)/(1-Rh)30. Le différentiel de prix d’achat pour les opérateurs non-accrédités pouvait donc dépasser 80 % (45/55) et il pouvait être de 45 % (25/55) pour les opérateurs ne bénéficiant que de la remise minimale de 20 %, à partir du moment où ils étaient néanmoins accrédités. Enfin, entre un concurrent obtenant un taux de remise de 35 % et un autre obtenant un taux de remise de 20 %, le différentiel de prix d’achat est alors de 23 % (15/65). 313. Au final, et en dépit de la marge d’appréciation importante relative au poids des films dans le coût ou le prix de vente des panneaux, la discrimination mise en œuvre par l’entreprise 3M à l’encontre de certains de ses clients était donc de nature à créer un désavantage dans la concurrence à leur encontre. En supposant une part captive de la demande située entre 40 et 80 % du fait de la position dominante détenue par 3M, un différentiel de prix d’achat s’étalant de 20 à 80 %, cohérente avec les différentiels potentiels et avérés de prix d’achat observés, et une part des films dans les prix de

29 Selon le cabinet Deloitte, « les panneaux sont recouverts de films pastiques rétro-réfléchissants qui représentent une part significative du coût de fabrication (de l’ordre de 30 % en moyenne selon les estimations de Signature) ». S’agissant plus particulièrement des films de classe 2, le président de Lacroix Signalisation a déclaré, lors de son audition, que le prix de ces films représentait, jusqu’en 2006, entre 50 % et 60 % du prix de revient (coût de production) d’un panneau de signalisation. Le président de Nadia Signalisation a, quant à lui, indiqué que la part moyenne d’un film de classe 2 dans la fabrication d’un panneau était « d’environ 50% », puis qu’elle a baissé lorsque « le système est devenu plus concurrentiel » (cote 7345). 30 Rh pour « Remise high » et Rl pour « Remise low ».

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vente des panneaux située entre […] et 40 %, le désavantage ainsi subi par les concurrents subissant la discrimination mise en place par 3M va de 1 à 25 %. Compte tenu de la marge effectivement réalisée par les opérateurs sur le marché de la signalisation verticale, généralement comprise entre 5 et 10 % selon l’étude Deloitte produite au soutien de l’entreprise Signature, les différentiels de prix d’achat pouvant être entraînés par le barème de remise discriminatoire de 3M étaient suffisamment élevés pour entraîner un désavantage dans la concurrence, puisqu’ils représentaient, au minimum, entre […]% de la marge réalisée par les fabricants de panneaux, surtout dans le cadre d’une compétition sur appels d’offres concernant des produits parfaitement standardisés pour lesquels l’aspect prix est prépondérant. d) Sur l’argument selon lequel 3M France se serait trouvée dans l’impossibilité d’augmenter ses prix de vente 314. 3M France estime, en se fondant sur l’étude Mapp, que les pratiques qui lui sont reprochées ne lui ont pas permis d’ « élever ses prix au cours de la période en cause », ce qui établirait qu’elle ne se trouvait pas en situation de position dominante. Elle indique que « la baisse des prix [après la période des comportements incriminés] a été légèrement plus marquée en France qu’en Allemagne, mais moins qu’en Italie et beaucoup moins qu’en Espagne. Il n’y a pas de différence significative entre la France et les Pays-Bas. Ces résultats confirment ceux du rapport MAPP : la comparaison de l’évolution des prix de 3M en France et dans des pays comparables ne permet pas de valider l’affirmation selon laquelle les pratiques contestées auraient permis à 3M d’augmenter ses prix ». 315. Cependant, le graphique versé au dossier par 3M France et reproduit au point 280 ci- dessus, suggère, d’une part, que les prix se situaient à des niveaux très variables selon les pays européens, par exemple en Italie, où les films de classe 2 atteignaient, en 2006, un niveau environ 2 fois moins élevé qu’en France et, d’autre part, que les prix ont évolué dans des proportions variables selon les pays, en dépit de prix de revient identiques selon 3M France. 316. Ce graphique atteste surtout du fait que la France se trouvait dans la fourchette « haute » des prix pratiqués par le groupe 3M en Europe, devançant largement l’Italie et l’Allemagne, notamment pour le film de classe 2. 3M France, en position dominante sur son marché, disposait donc d’une marge de manœuvre importante pour répondre aux sollicitations de sa clientèle, composée à 80 % des majors du cartel de la signalisation routière. Le fait que Signature, qui se fournissait jusque-là exclusivement auprès de 3M France ait décidé, en début de l’année 2006, de mettre en concurrence plusieurs fournisseurs de films rétro-réfléchissants tend d’ailleurs à établir que 3M France a, en dépit de baisses de prix observées, choisi de privilégier le maintien d’une politique de prix relativement élevée au détriment de ventes en quantité. 317. Il résulte de ce qui précède que les pratiques de 3M France, qui ont consisté à mettre en place une procédure d’accréditation ne reposant sur des critères ni objectifs ni transparents en amont de la commercialisation de ses films rétro-réfléchissants, ouvrant droit à l’octroi de taux de remise parfois très élevés, et à fonder le niveau de ces remises sur le niveau des ventes effectuées l’année précédente plutôt que l’année courante, constituent, par leurs effets combinés et compte tenu de la nécessité pour les fabricants de panneaux de signalisation verticale de pouvoir bénéficier d’une

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partie des panneaux commercialisés par 3M France, un abus sanctionné par l’article L. 420-2 du code de commerce et par l’article 82 CE. 4. SUR LA CONCERTATION ENTRE 3M FRANCE ET LES MAJORS DU CARTEL DE LA SIGNALISATION ROUTIÈRE VERTICALE PERMANENTE ET TEMPORAIRE (GRIEF N° 4) 318. 3M France estime que la concertation entre elle et les majors du cartel de la signalisation routière verticale n’est pas démontrée. 319. A cet égard, l’Autorité de la concurrence constate que les éléments figurant au dossier sont insuffisants pour caractériser l’existence d’une action ou pratique concertée entre 3M France et les majors du cartel de la signalisation routière verticale permanente et temporaire en France susceptible d’être poursuivie sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 81 CE. 320. Il en résulte que le grief n° 4 ne saurait être retenu. D. SUR L’IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES 321. Somaro, dénommée Aximum depuis le 1er janvier 2009, s’est vu notifier le grief d’entente au titre des pratiques commises par sa filiale SES entre 1998 et 2006. 322. Aximum soutient que SES disposait d’une large autonomie commerciale au moment des faits et conteste dès lors que le comportement anticoncurrentiel de cette dernière puisse lui être imputé. 323. Dans la mesure où le droit communautaire est applicable en l’espèce, la question de l’imputabilité des pratiques commises par SES à la société Aximum, en sa qualité de société mère, doit être examinée au regard des principes dégagés par la jurisprudence communautaire. 324. Dans un arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-97/08 P, non encore publié au Recueil), la Cour de justice des Communautés européennes a rappelé que, selon une jurisprudence constante, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (points 58 et 59 de l’arrêt). 325. Dans ce même arrêt, la Cour a également rappelé que, lorsqu’une société mère détient 100 % du capital de sa filiale, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché et forme avec sa société mère une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence (point 60). Cette présomption joue également lorsqu’une société

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mère ne détient pas la totalité du capital de sa filiale mais la quasi-totalité de celui-ci (voir, à cet égard, l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 septembre 2009, T-168/05, Arkema/Commission, non encore publié au Recueil, point 71). 326. La Cour a précisé que la présomption peut être renversée par la société mère en démontrant, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre elle et sa filiale, que les deux sociétés ne constituent pas une seule entité économique. Selon la Cour, il ne suffit donc pas de soutenir que la société mère n’était pas impliquée dans la mise en œuvre de la politique commerciale de sa filiale ou des pratiques concernées. 327. Dans ses conclusions sous l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, l’avocat général Mme R… avait éclairé ce point en précisant « qu’il fallait écarter comme dépourvu de pertinence le critère de savoir si la société mère s’est mêlée de la gestion quotidienne de sa filiale ou si les activités anticoncurrentielles de la filiale s’expliquaient par des instructions de la société mère ou étaient connues de cette dernière. Une société mère peut exercer une influence déterminante sur ses filiales même sans faire usage d’un droit de regard et sans donner ni instructions ni directives sur certains aspects de la politique commerciale. Une politique commerciale uniforme au sein d’un groupe peut également résulter indirectement de l’ensemble des liens économiques et juridiques entre la société mère et ses filiales. A l’inverse, l’absence d’une telle politique entre société mère et filiales ne peut d’ailleurs être constatée qu’au moyen d’une appréciation de l’ensemble de leurs liens économiques et juridiques ». 328. En l’espèce, au cours de la période en cause, à savoir de 1998 à avril 2006, Somaro détenait la totalité du capital de SES (à tout le moins indirectement à compter du 21 décembre 200131), ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas. En application de la jurisprudence communautaire précitée, il doit donc être présumé que Somaro et SES constituaient une entité économique unique et, dès lors, une entreprise au sens du droit communautaire. 329. Par ailleurs, SES faisait partie du pôle « Industries » de Somaro, la filiale et la société mère étant présidées par la même personne physique (M. G… de 1998 à 2004 et M. O…, de 2004 à avril 2006). De plus, M. C… a assuré conjointement la direction de fait de SES et la direction du pôle « Industries » de Somaro de 1999 à 2003. M. C… a ensuite cumulé la fonction de directeur d’exploitation de SES et celle de directeur du pôle « Industries » de Somaro de 2003 à décembre 2005. 330. A partir de 1998, Somaro « comprenait trois directions générales, une DG entreprise, une DG industrie et une DG maintenance et services » (selon les déclarations de M. G…, ancien président de Somaro jusqu’en décembre 2004, cotes 7279 à 7281). Le pôle « Industries », seul concerné par les pratiques litigieuses, regroupait différentes filiales parmi lesquelles figurait notamment SES (cote 10902) et la société ADEM, jusqu’à son absorption par SES en 2003. ADEM apparaît d’ailleurs également dans le document « Règles » du cartel qui lui octroie 7,97 % de part de marché contre 22,95 % à SES.

31 Ainsi qu’il a été précisé au point 172 ci-dessus, Somaro a acquis la totalité du capital de SES en 1998. Puis, le 21 décembre 2001, elle a cédé à l’une de ses filiales, Indasco, une action du capital de SES sur les 374999 qu’elle détenait. Elle a enfin cédé SES à la société SLC le 20 avril 2006.

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331. Aximum a certes indiqué que le pôle « Industries », au même titre que les pôles « Entreprises » et « Maintenance et services », n’avait vocation qu’à « regrouper les filiales de la société Somaro par secteurs d’activité sous une dénomination commune ». Elle affirmait en conséquence que le pôle « Industries » ne constituait qu’un simple maillon dans le schéma de l’organisation propre à Somaro, le directeur de chaque pôle n’occupant des fonctions opérationnelles qu’au sein des filiales regroupées dans ledit pôle. Selon Aximum, les rapports de gestion « attestent que la société Somaro n’avait connaissance que de l’information minimale qu’un actionnaire a de sa filiale » et que cette société n’intervenait pas dans la gestion de SES, n’en ayant qu’une « vision éloignée ». 332. Cependant, les rapports trimestriels de gestion du pôle « Industries » de Somaro pour les années 1999 à 2004, versés au dossier par SES en annexe à ses observations, attestent de l’implication du pôle « Industries » de Somaro dans la gestion de ses filiales. On relève ainsi, dans le rapport de gestion dudit pôle au 4e trimestre 2004 (cotes 10937 à 10948), une analyse détaillée des réalisations significatives, du carnet de commandes, des « tendances du marché », des évolutions techniques, des ressources humaines, des investissements et de la trésorerie des différentes filiales. Loin de se limiter à un « titre générique », le pôle « Industries » de Somaro, dirigé par M. C… de janvier 1999 à décembre 2005, intervenait donc directement dans la gestion de ses différentes filiales présentes sur le marché de la signalisation routière, au premier rang desquelles figurait SES. 333. Aximum soutient que M. C… a continué à représenter SES aux réunions de l’entente, après le rachat de cette entreprise par Somaro, en 1998, et ce en tant que directeur de SES et « à l’insu de son actionnaire, la société Somaro ». 334. Mais, comme le fait observer aujourd’hui SES, M. C… participait aux réunions « patrons » du cartel jusqu’en 2003 afin d’y représenter SES, « alors qu’il était uniquement salarié de la société Somaro »32. La délégation de pouvoir délivrée, le 27 avril 2000, par le président de SES à M. C…, « en sa qualité de directeur du pôle Industries » (i.e. de Somaro), de « consentir et accepter tous traités, marchés, soumissions et entreprises de travaux publics et privés », de « représenter la société auprès des administrations, collectivités publiques et privées », d’« exécuter toutes livraisons et effectuer tous travaux », de « gérer le personnel placé sous sa responsabilité », d’« adapter le volume des effectifs en quantité et en qualité », de « donner toutes instructions générales dans le cadre de ces responsabilités », établit d’ailleurs que c’est bien en tant que responsable de Somaro que M. C… intervenait dans la gestion de SES. 335. M. O…, ancien président de Somaro (de mars 2005 à avril 2006) et ancien gérant de SES (de décembre 2004 à avril 2006), a déclaré avoir été informé que M. C… avait « l’occasion d’échanger sur quelques affaires avec ses confrères », et ce « en marge de réunions professionnelles du SER » (cote 7273). L’intéressé, qui a également déclaré avoir été « démis de ses fonctions » en avril 2006 par le groupe Colas pour avoir ignoré ce qui se passait dans les entreprises dont on lui avait confié la direction (cote 7274), n’a pourtant pris aucune disposition pour faire cesser immédiatement la participation de SES aux réunions du cartel, se bornant à licencier M. C…, à la fin du mois d’octobre 2005, « en raison de l’opacité » qu’il « s’évertuait à faire régner entre Somaro et SES » et à demander au remplaçant de M. C… d’« éclaircir le sujet ».

32 M. C… a cessé d’être salarié de SES en 2000 (PV du 18 avril 2008).

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336. Les éléments avancés par Aximum ne permettent donc pas de renverser la présomption d’influence déterminante de Somaro sur SES à l’époque des faits en cause. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Somaro, devenue Aximum, est responsable du comportement anticoncurrentiel de sa filiale SES entre 1998 et 2006, soit pendant une période d’environ huit ans (SES s’étant provisoirement retirée de l’entente, entre 2002 et 2003, voir à cet égard le point 225 ci-dessus). E. SUR LES SANCTIONS 337. Les pratiques retenues à l’encontre des parties mises en cause dans les présentes affaires ont été commises pour partie antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (dite « loi NRE »), mais se sont poursuivies de manière continue après l’entrée en vigueur de cette loi, le 18 mai 2001. Les saisines et auto-saisine sont également postérieures à cette date (le 20 février 2007 pour l’auto-saisine et les 12 mars 2007 et 29 mai 2008 pour les saisines). Il en résulte que les dispositions du livre IV du code de commerce applicables en l’espèce sont celles de la loi NRE. 338. L’article L. 464-2 I du code de commerce dispose que « [l]es sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ». 339. Après un rappel sur le montant maximal des sanctions, seront successivement examinés pour en apprécier le montant : – la gravité des pratiques ; – l’importance du dommage causé à l’économie ; – la réitération éventuelle d’infractions antérieures ; – la situation individuelle des entreprises en cause. 1. LE MONTANT MAXIMAL DES SANCTIONS 340. L’article L. 464-2 I du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose que « [s]i le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d’euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ». 341. Enfin, dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs prévue à l’article L. 464-2 III du code de commerce, il est prévu que le montant maximal de la sanction encourue est réduit de moitié.

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2. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES Sur le cartel de la signalisation routière verticale La nature et la portée des pratiques 342. Les cartels, tels que l’entente examinée dans le cadre de la présente affaire, sont considérés par l’OCDE33 et par les autorités de concurrence comme une des formes les plus graves de pratiques anticoncurrentielles. 343. En l’espèce, les produits concernés sont des produits qui touchent au domaine de la sécurité routière, dont la responsabilité incombe pour partie aux différentes collectivités publiques compétentes en matière, notamment, d’entretien et de signalisation. Le SER rappelle à cet égard, sur son site Internet, que « [l]e juge administratif va considérer qu’une route est anormalement entretenue si les risques qu’elle fait encourir à l’usager ne sont pas correctement signalés »34.

344. L’absence ou l’insuffisance de signalisation routière peut entraîner la mise en cause du gestionnaire de voirie, ce qui conduit les acheteurs publics à entretenir en permanence les réseaux routiers qui relèvent de leur domaine de compétence et en fait d’une certaine manière des clients obligés des entreprises opérant dans ce secteur. 345. En l’occurrence, les principaux clients des membres de l’entente étaient principalement des collectivités territoriales ou des services de l’État. En se mettant d’accord pour tromper de manière continue et très organisée des clients qui ne pouvaient pas se soustraire à leur devoir d’entretien du réseau routier, au risque de mettre en jeu leur responsabilité publique, les membres de l’entente ont donc, à des degrés différents, gravement porté atteinte à la concurrence. Ils ont, de surcroît, affecté les ressources publiques par une surévaluation artificielle du montant de leurs offres, au détriment, en définitive, de la collectivité et des contribuables. L’étendue et la sophistication des pratiques 346. Les accords de répartition conclus dans le cadre du cartel couvraient l’ensemble du territoire national, puisqu’ils portaient sur la quasi-totalité des marchés passés par l’État, les collectivités territoriales et les services chargés de la gestion d’autoroutes, dans le cadre de procédures formalisées ou non. 347. Étaient ainsi concernés la quasi-totalité des marchés triennaux départementaux (Etat et conseils généraux) qualifiés de « patrimoine », les marchés passés par les communes (villes de plus de 10 000 habitants), également qualifiés de « patrimoine », et les marchés ponctuels. 348. En outre, l’entente avait un caractère expansionniste marqué. Au moment où elle a été stoppée, ses membres avaient entrepris de la mettre en œuvre pour se répartir « les petites affaires » en fonction du chiffre d’affaires dans le segment (voir points 73 et suiv. ci-dessus). A ce propos, M. Z… expliquait : « Par exemple, si une société a déjà atteint son chiffre d’affaires, elle présentera une offre qui ne sera pas retenue et qui laissera la place à une société concurrente. De toute façon, ça tourne et ça

33 Voir la résolution du Conseil de l’OCDE de 1998. 34 « Étude des responsabilités administratives et pénales liées au transfert du domaine public routier » -

Eric SAGALOVITSCH- Alexandre GABARD.

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nivelle… » (point 78 ci-dessus). En définitive, presque aucun aspect du marché n’était laissé au jeu de la concurrence. Ainsi, dans les consultations hors appels d’offres, les membres du « club » devaient respecter un tarif de référence de l’un d’entre eux et appliquer des grilles de remises variables selon les catégories de clients concernés, revendeurs, collectivités territoriales, services de l’équipement, clients directs etc. (point 68 ci-dessus). Dans ce type de consultation, une « liste noire » des entreprises avec lesquelles il ne fallait pas traiter parce qu’elles perturbaient le marché était dressée par les membres de l’entente afin de se protéger davantage encore de toute concurrence (point 96 ci-dessus). 349. De surcroît, un mécanisme complexe d’ajustements a été mis en place lorsque les marchés n’étaient pas attribués conformément aux règles préétablies afin de compenser les pertes subies en fonction des « dettes » et « crédits » des membres de l’entente. Il a surtout fonctionné entre les majors de l’entente (points 97 et 98 ci- dessus) montrant la sophistication à laquelle était parvenue l’entente. De plus, lorsque les désaccords ne pouvaient pas être résolus à l’amiable, des pénalités pouvaient être prononcées par le « club » à l’égard de l’entreprise qui s’était affranchie du système mis en place (point 69 ci-dessus). Or, l’existence d’une telle police traduit « un fonctionnement anticoncurrentiel très organisé » (voir, en ce sens, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, AMD Sud-Ouest, précité). La persistance des pratiques 350. Les pratiques ont été mises en œuvre pendant une longue période, entre 1997 et 2006 et ont donné une grande stabilité au cartel qui était connu par les professionnels de la signalisation routière et auquel les entreprises de moyenne importance estimaient devoir adhérer pour ne pas être marginalisées. Il n’y a été mis fin qu’à la suite de la perquisition effectuée au restaurant Le Pré Catelan, le 14 mars 2006. Il y a donc tout lieu de penser que, en l’absence de dénonciation de l’entente auprès de la DGCCRF par le gérant de Nord Signalisation, celle-ci aurait perduré au-delà de cette date. 351. Il résulte de ce qui précède que le cartel de la signalisation routière a revêtu une gravité indéniable. Sur les pratiques mises en œuvre par Sodilor 352. Les pratiques mises en œuvre par Sodilor au cours de la période 2001-2007 sont des pratiques d’exclusion vis-à-vis d’une petite et moyenne entreprise de la part d’une entreprise en situation de position dominante sur son marché. Cette entreprise a pu, notamment en raison de son appartenance à un groupe puissant, prendre le risque de retarder l’arrivée d’un concurrent sur le marché des balises et équipements de sécurité en usant de manœuvres abusives. 353. Il convient en outre de relever que les pratiques mises en œuvre par Sodilor ont eu un effet perturbateur sur le marché dans son ensemble et non pas seulement sur la fraction de marché correspondant aux produits qu’elle fabriquait. En excluant certains opérateurs de sa clientèle, Sodilor a en effet pu décourager de potentiels clients qui n’ont pas établi de commandes par anticipation d’un refus de sa part. De manière plus générale, la coordination des principaux producteurs de panneaux de signalisation verticale en France cumulée avec les pratiques de refus de vente de Sodilor concernant des produits indispensables à certains appels d’offres ont

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indéniablement contribué à l’atonicité du marché par l’exclusion et le découragement de la concurrence mais aussi des entrants potentiels. Sur les pratiques mises en œuvre par 3M France 354. La gravité des pratiques mises en œuvre par 3M France, en situation de position dominante, doit être appréciée au regard des éléments suivants : – la durée de la pratique mise en œuvre durant au moins trois ans (2003, 2004 et 2005) ; – la nécessité pour les producteurs de panneaux de signalisation verticale de devoir s’approvisionner en produits de marque 3M pour un nombre relativement important de films de classe 2, compte tenu de la notoriété non-contestée desdits produits auprès des utilisateurs finaux ; – le contexte dans lequel la pratique a été mise en œuvre, caractérisé par l’existence d’un cartel sur le marché aval, connu par l’ensemble de la profession. 3. SUR L’IMPORTANCE DU DOMMAGE À L’ÉCONOMIE 355. Pour apprécier l’importance du dommage à l’économie que l’Autorité de la concurrence n’est pas tenue de chiffrer précisément (voir, à cet égard, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club), il convient de se fonder sur la taille et la part du ou des secteurs ou marchés affectés ainsi que sur leurs caractéristiques, sur la durée de la pratique et, s’il y a lieu, sur ses conséquences conjoncturelles et/ou structurelles. a) L’importance du dommage causé par le fonctionnement du cartel de la signalisation verticale de 1997 à 2006 356. Ainsi que le Conseil de la concurrence l’a rappelé dans son rapport annuel pour l’année 2000, les « cartels injustifiables », qui couvrent la totalité d’un marché et qui portent sur les prix, peuvent provoquer des dommages redoutables à l’économie. En effet, les prix sur le marché sont fixés à un niveau supra-concurrentiel, puisque les membres du cartel agissent comme s’ils ne constituaient qu’une seule entreprise. Cet effet dommageable pour les clients est d’autant plus important que la part de marché cumulée des membres du cartel est importante. La lutte contre cette forme d’entente constitue donc la priorité pour les autorités de concurrence. Sur la taille du marché et la part du marché affectée 357. Ainsi qu’il vient d’être rappelé, les pratiques d’entente ont porté sur la quasi-totalité du marché géographique de la signalisation routière verticale de 1997 à 2006. 358. Selon les déclarations concordantes de Signature et de Lacroix Signalisation précédemment mentionnées, le marché de la signalisation routière verticale peut être estimé à environ 300 millions d’euros par an. Cette hypothèse peut, en réalité, être considérée comme prudente, puisque le président de SES avait estimé ce marché à « environ 350 à 400 millions d’euros » (cote 2877). L’étude effectuée par le cabinet Deloitte à la demande de Signature (annexée à ses observations en réponse à la notification des griefs) estime, quant à elle, le montant du marché de la signalisation

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routière verticale à 280 millions d’euros par an (cote 10 578 et suiv), ce qui concorde avec les déclarations de Signature et de Lacroix Signalisation. 359. L’étude Deloitte évalue les « marchés récurrents » (marchés pluriannuels à bons de commande) à un total de 120 millions d’euros par an (43 % du chiffre d’affaires total du secteur estimé à 280 millions d’euros), les marchés « diffus » (consultations hors appels d’offres) à 115 millions d’euros et les affaires ponctuelles à 45 millions d’euros. Selon cette étude, les marchés « récurrents » des routes nationales (RN) et routes départementales (RD) représenteraient 60 à 65% de l’ensemble, soit un chiffre d’affaires de l’ordre de 70 à 80 millions d’euros. Les marchés « Villes », représentant le reste des marchés « récurrents », est évalué, dans l’étude susmentionnée entre 40 et 50 millions d’euros. 360. Il ressort d’un tableau figurant dans l’étude Deloitte et reproduit au point 365 de la présente décision que, s’agissant des marchés récurrents, les « majors » détenaient des parts de marché variant entre 78 % et 83 % au cours de la période allant de 2002 à 2006, année de la fin du cartel. La part des autres membres du cartel (Signaux Laporte, SDS, FCS, Nadia Signalisation) a oscillé entre 8 % et 14 % au cours de la même période. Au total, les membres de l’entente détenaient donc une part de marché oscillant autour de 90 % (de 87 à 92 % selon les années). Sur la durée des pratiques 361. Comme rappelé au point 262 ci-dessus, le cartel de la signalisation routière verticale a été mis en œuvre pendant une période continue d’environ dix ans, de 1997 au 14 mars 2006, date de la perquisition au restaurant Le Pré Catelan, même si certaines entreprises, comme SES et Signaux Laporte, ont pu, par intermittence, prendre leurs distances avec l’entente et d’autres, comme Nord Signalisation, FCS et Nadia Signalisation, participer pendant une période plus limitée à la mise en œuvre de l’entente. Celle-ci a donc causé un dommage important au secteur de la signalisation routière verticale durant la période considérée, et plus largement à l’économie, les clients des mises en cause étant principalement, comme il a été indiqué plus haut, des collectivités territoriales et des services de l’État. Sur les conséquences conjoncturelles et/ou structurelles des pratiques Sur l’entrave à l’accès au marché de petites et moyennes entreprises non membres du cartel 362. Ainsi qu’il a été rappelé au point 96 ci-dessus, le président de Lacroix Signalisation a reconnu, au sujet de la « liste noire » de revendeurs annexée au document « Règles » que « le but était de ne pas travailler avec ces entreprises ». Le président de Sud-Ouest Signalisation (SOS) a déclaré quant à lui : « je pensais que j’étais en liste noire avant d’avoir communication des pièces du dossier pénal en tant que partie civile, car nous avions constaté que les remises de la part des membres de l’entente n’étaient pas les mêmes lorsque nous retirions un dossier ». 363. Le président de Signaux Girod a, de son côté, indiqué : « il y a toujours des sociétés ne faisant pas partie de l’entente qui répondent, donc là il s’agit de déterminer une offre intelligente pour la société ayant le leadership en essayant d’évaluer le niveau de prix auquel va répondre la société ou les sociétés ne faisant pas partie de l’entente ». Il en résulte que, de l’aveu même de certains des participants à l’entente,

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celle-ci a tendu à rendre plus difficile, sinon impossible, l’activité des petits opérateurs qui n’y participaient pas. Sur la rigidification des parts de marché des principaux fabricants de panneaux 364. Le tableau figurant dans l’étude Deloitte reproduit au point suivant présente l’évolution des parts de marché des principaux opérateurs actifs sur le segment des marchés « récurrents » de la fabrication de panneaux de signalisation verticale35. Signature soutient que ce tableau témoigne de l’absence d’effet de l’entente, les parts de marché de beaucoup de ses membres progressant après la fin de l’entente. Toutefois, l’objectif premier de l’entente était de répartir les marchés entre ses différents membres afin de faciliter une stabilité ou une hausse des prix, il ne serait pas du tout surprenant que les parts de marché des membres du cartel progressent à l’issue de l’entente, bien au contraire. 365. Par ailleurs, ce tableau ne témoigne pas d’une évolution marquée des parts de marché. Ainsi, la part de marché cumulée des membres de l’entente a varié entre 87 % et 92 % avant 2006, puis entre 91 % et 93 % à partir de 2007. Il n’y a donc pas de rupture évidente à partir de 2007. La seule évolution notable à la fin de l’entente est celle de la part de marché de Lacroix Signalisation qui augmente très sensiblement à partir de 2007, passant de 20 % en 2006 à 32 % en 2009. Elle avait certes déjà augmenté entre 2002 et 2006, mais de manière beaucoup moins marquée (passant de 15 à 20 %). Cette évolution semble se réaliser en grande partie au détriment de Signaux Girod qui perd 6 points de parts de marché entre 2006 et 2009. Plutôt que de révéler une absence d’effet de l’entente, cette évolution de la répartition des parts de marché entre les membres de l’entente confirmerait plutôt que l’entente a eu pour effet de figer les parts de marchés entre ses membres et que son éclatement s’est traduit par une animation du jeu concurrentiel entre ces mêmes membres. Ainsi, l’entente semble avoir désincité l’entreprise Lacroix Signalisation de conquérir, notamment par des prix inférieurs, des parts de marché au détriment de ses concurrents, ce qu’elle a commencé à faire dès l’éclatement du cartel.

Sur le « surprix » résultant de la mise en œuvre de l’entente 366. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de démontrer que l’entente en cause en l’espèce s’est traduite par un surprix, il convient toutefois de constater que plusieurs éléments

35 L’évolution des parts de marché présentée ne prend pas en compte les marchés « Villes ».

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concordants attestent du caractère certain et important d’un surprix sur le marché de la fabrication de panneaux de signalisation. 367. Tout d’abord, comme l’indique le rapport, les témoignages concordants de plusieurs chefs d’entreprises font état de baisses de prix très importantes, de l’ordre de 10 à 20 %, à la suite de l’éclatement du cartel. Ces baisses sont, aux dires de certains producteurs, la résultante d’une véritable « guerre des prix » ayant suivi la fin de l’entente (voir notamment les déclarations de M. A…, président de Lacroix Signalisation, cotes 3697 et suiv.36, et de M. P…, président de Signature, cotes 4898 et suiv.37). De telles déclarations peuvent contribuer, en creux, à accréditer l’existence d’un effet important des pratiques en cause sur les prix. 368. En outre, l’étude produite par le cabinet Deloitte au soutien de Signature conclut que dans le cas de cette entreprise, l’entente a entraîné un surprix estimé entre 6 et 7 %, mesuré sur l’ensemble du marché des panneaux de signalisation verticale. L’établissement de ce surprix s’appuie sur (i) une comparaison de la structure du résultat de l’entreprise Signature avec celle des concurrents non-membres de l’entente, qui n’avaient donc pu bénéficier de la répartition des marchés organisée par l’entente, (ii) une comparaison des offres réalisées par Signature et par les concurrents non-membres de l’entente dans douze appels d’offres remportés par ces dernières, (iii) une analyse de l’évolution des prix et des coûts de fabrication. Ces exercices de comparaison fournissent une quantification pertinente, quoique potentiellement conservatrice, puisque produite par une partie qui n’avait aucun intérêt objectif à exagérer les conséquences de l’entente, du surprix attaché, selon Signature, à cette pratique. Au demeurant, il convient également de relever que les comparaisons (i) et (ii) exposées ci-dessus utilisent des données tirées des concurrents non-membres de l’entente alors même que ces derniers étaient, selon plusieurs sources, informés de l’entente et qu’ils adaptaient donc leurs propositions commerciales en conséquence. Les estimations du surprix tirées de ces comparaisons constituent donc des minorants du surprix réellement imposé aux acheteurs par les auteurs de la pratique d’entente. 369. Par ailleurs, Lacroix Signalisation présente un tableau dans son mémoire (annexe 3) faisant apparaître l’évolution de son résultat opérationnel de 2002 à 2009. Il apparaît que ce résultat a varié de 8 % à 13,4 % au cours de la période 2002-2006. Cette société indique qu’au cours de la même période, la marge brute moyenne de l’entreprise a varié de 64,7 % (2002-2005) à 63,9 % (2008-2009). Elle précise (cote 11994) que le niveau de remise accordé dans le cadre de marchés pluriannuels est « toujours supérieur » aux remises accordées sur des commandes prises en « diffus ». Ainsi « l’augmentation de la part du chiffre d’affaires réalisée en appel d’offres au détriment de celle réalisée en diffus engendre nécessairement sur l’ensemble une augmentation du niveau de remise moyen et donc une détérioration du niveau de marge brute ». Or, le pourcentage moyen de chiffre d’affaires réalisé respectivement en marchés pluriannuels et en marchés « diffus » est de 33 à 36 % et de 64 à 66 % sur la période de 2003 à 2006, contre 40 à 48 % et 52 à 60 % entre 2007 et 2009. 370. L’écart moyen de remise par rapport au chiffre d’affaires net étant estimé à 5 % et l’augmentation de la part du chiffre d’affaires réalisé en appels d’offres étant de plus

36 « [J]'ai effectivement fait des remises de 80% car c’est l’escalade et je ne suis pas le seul à le faire ». 37 « [L]es remises actuellement sur le marché peuvent atteindre 75 à 80% par rapport au tarif. Ce niveau de remises est préoccupant ».

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de 10 % (33 % en 2005, 34 % en 2006 contre 47 % en 2008), il ressort que la diminution du taux de marge brute imputable à l’accroissement relatif des appels d’offres dans le chiffre d’affaires, supposée indépendante à la pratique, est de 0,5% (5 %-10 %). Or, si l’on considère la variation du taux de marge brute moyen observé entre 2002-2005, d’une part, et 2008-2009, d’autre part, ce taux a baissé de 0,8 % (cote 11993). Le taux de marge brute ayant baissé de 0,3% entre les périodes 2002- 2005 et 2008-2009 indépendamment de l’évolution de la composition du chiffre d’affaires entre appels d’offres et diffus (0,8 %-0,5 %), une estimation de la sur- marge imputable au cartel pourrait être déduite, à condition toutefois de supposer qu’aucun autre facteur indépendant du cartel, d’une part, et de l’évolution de la composition du chiffre d’affaires entre appels d’offres et diffus, d’autre part, n’ait pu influencer le taux de marge. 371. Or, le nombre important de facteurs, autres que l’éclatement du cartel et l’évolution de la part relative des appels d’offres dans le chiffre d’affaires, qui ont pu influencer l’évolution du taux de marge sur la période considérée rend une telle estimation peu convaincante. En effet, l’ouverture du marché au niveau européen, les menaces d’entrée, l’évolution du coût des intrants, comme celle de la demande, sont autant de facteurs qui ne peuvent être ignorés pour estimer l’impact de l’entente sur des marges. Le cabinet Deloitte, qui compare l’évolution des taux de marge de Signature avec ceux de concurrents non membres du cartel, propose une méthode qui prend en compte plusieurs de ces éléments et apparaît à cet égard plus crédible. 372. Au surplus, rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’évolution de la part relative des appels d’offres dans le chiffre d’affaires est indépendante de la fin des pratiques, bien au contraire d’ailleurs si l’on considère que les pratiques ont notamment consisté en la coordination des membres du cartel pour la répartition des marchés. L’éclatement du cartel a donc vraisemblablement eu pour effet de modifier la part relative des appels d’offres dans le chiffre d’affaires de ses ex-membres puisque cette part n’était plus dictée par la coordination des entreprises mais par le jeu concurrentiel propre à des conditions normales de marché. 373. Il faut enfin rappeler que l’Autorité de la concurrence n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage à l’économie, qui en tout état de cause ne saurait se limiter au surprofit, comme le ferait le juge de la réparation. Il ne s’agit donc que de donner un ordre de grandeur d’un surprix ou d’une sur-marge, et non pas de les mesurer de manière incontestable. 374. Dès lors, une évaluation globale du dommage à partir d’un faisceau d’indices, constitué de différents témoignages figurant au dossier, établissant des baisses de prix de l’ordre de 10 à 20 % à la suite de l’éclatement du cartel, ou encore de l’étude proposée par le cabinet Deloitte concluant à « un surprix de l’ordre de 5 et 7 % par rapport au prix qui aurait résulté du jeu normal de la concurrence », qui concordent pour établir que le surprix est vraisemblablement compris dans un ordre de grandeur de 5 à 10 % a minima, suffit pour conclure qu’en l’espèce le dommage à l’économie est, d’une part, certain et, d’autre part, très important. Appliqué au chiffre d’affaires affecté par les pratiques, il conduit à que ce dommage s’exprime nécessairement en dizaines de millions d’euros.

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b) L’importance du dommage causé par les pratiques de Sodilor sur le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique) 375. Sodilor, qui appartient au groupe Plastic Omnium, s’est opposée depuis 2001 à l’entrée sur le marché de la signalisation plastique d’une PME, Signal Concept. Ces pratiques ont fait l’objet d’une procédure de non-contestation de griefs et d’engagements de la part de Sodilor. 376. Le chiffre d’affaires réalisé en 2005 et 2006 par Sodilor s’est élevé à environ 15 millions d’euros, à 16,6 millions d’euros en 2007 et à 17,35 millions d’euros en 2008. Selon cette entreprise (cotes 6012 et suiv.), les achats totaux de matériels d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique par les services de l’État, les départements et les communes représentaient au total 7,633 millions d’euros en 2006, soit environ 51 % de son chiffre d’affaires total. Cela n’est pas contesté par Sodilor, qui estime l’importance du marché national à environ 35 millions d’euros par an. 377. Selon le cabinet Deloitte (cote 13331), « le marché affecté par les pratiques doit (donc) être restreint aux marchés récurrents RN et RD, soit 4,8M € en 2007 » et « la taille du marché affecté par les pratiques s’élève à 2M€ en 2007. Enfin, sur la période 2003-2008, il apparaît que les marchés intégrant du J6 représentent 1,6 M € en moyenne ». Sodilor estime en conséquence que c’est ce montant de 1,6 million d’euros par an au maximum qu’« il convient de retenir pour apprécier l’importance du dommage à l’économie imputé à Sodilor sur 7 ans ». Sur la base de ce chiffre, l’assiette de calcul du dommage à l’économie serait donc environ de 1,6 x 7 = 11,2 millions d’euros pour la période retenue et non contestée par Sodilor (2001 à 2007). 378. L’assiette de calcul du dommage proposée ne saurait toutefois, contrairement à ce que soutient Sodilor, être retenue comme un « maximum » mais comme un « minorant », dans la mesure où la pratique mise en œuvre par Sodilor a pu avoir des effets de défiance de la part des services acheteurs des collectivités et des services de l’État, informés de l’incapacité de Signal Concept à fournir des certificats d’origine du J6, lors de marchés portant sur des équipements de sécurité autres que les balises J6. 379. Par ailleurs, selon une étude comparative effectuée par le cabinet Deloitte, « l’abus de position dominante imputé à Sodilor n’a pas été de nature à majorer ses bénéfices » (page 15 de l’étude). Or, cette affirmation n’est étayée par aucun élément probant, le président de Sodilor ayant admis lors de son audition que « les remises vont seulement jusqu’à 50 % dans les équipements de sécurité » (cotes 6012 et suiv)38. c) L’importance du dommage causé par les pratiques mises en œuvre par 3M France sur le marché de la fourniture de films plastiques destinés à la signalisation verticale 380. La pratique incriminée mise en œuvre par 3M France a consisté en des barèmes de remises discriminatoires sur le marché des films rétro-réfléchissants destinés aux fabricants de panneaux de signalisation.

38 Contre 80 à 85 % dans le secteur de la signalisation verticale.

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381. Le dommage causé par cette pratique se situe à deux niveaux, à la fois en aval, sur le marché de la fabrication de panneaux de signalisation, et en amont sur le marché des films plastiques rétro-réfléchissants. Le dommage causé par les pratiques de 3M France sur le marché de la fabrication de panneaux de signalisation 382. La pratique incriminée mise en œuvre par 3M France a consisté à appliquer des barèmes de remises discriminatoires, car fondés, d’une part, sur une procédure d’accréditation opaque et, d’autre part, sur le montant des achats nets de l’année passée plutôt que de l’année courante. Ainsi qu’il a été démontré, le désavantage de coût de production qui en résultait pour les entreprises discriminées était substantiel. 383. Ce faisant, la pratique a eu pour effet d’entraver le dynamisme concurrentiel du marché de la fabrication de panneaux de signalisation en privant les firmes en croissance ou entrantes de la possibilité de profiter de tarifs aussi compétitifs que ceux accordés aux entreprises ayant déjà contracté avec 3M France. Elle a ainsi empêché ces entreprises de pratiquer des prix aussi performants qu’ils auraient pu l’être si les tarifs avaient été définis de façon non-discriminatoire. 384. Cette conclusion n’est pas remise en cause par la comparaison de l’évolution des prix (méthode dite en « double différence ») entre, d’une part, ceux pratiqués en France pendant le cartel et, d’autre part, ceux pratiqués dans « les autres pays » (Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas et Belgique) et en France après le cartel effectuée par le cabinet Mapp. Aux termes de cette comparaison, Mapp arrive à la conclusion selon laquelle « l’évolution des prix en France et dans les autres pays a été très similaire, mis à part la chute brutale des prix du HI fin 2007 et l’évolution des prix du DG pendant la période des pratiques alléguées ». 385. Or, le marché français diffère substantiellement des autres marchés européens par un grand nombre de caractéristiques : volumes et valeurs totaux de l’activité de 3M dans chacun des pays, chiffres d’affaires moyens par transaction ou par client, niveaux et dynamique de prix, nombre de produits vendus ou encore structure des demandes locales. Le directeur général de 3M France avait d’ailleurs implicitement admis39 que chaque marché possède des caractéristiques propres dans la mesure où différents éléments contribuent à une différenciation tarifaire (distribution, environnement réglementaire….). 386. Le graphique versé au dossier et reproduit au point 280 de la présente décision révèle des disparités importantes de niveaux de prix entre différents marchés nationaux de 2003 à 2006, tant pour les films de classe 1 que pour les films de classe 2 : ainsi, en 2004, le prix moyen du film de classe 2 se situe à un niveau inférieur à 25 $ en Italie tandis qu’il dépasse 40 $ en France, soit un écart de l’ordre de + 60 %. En 2005, le prix moyen sur le marché français pour le même type de films excède 40 $, tandis qu’il est inférieur à 35 $ en Allemagne, à 40 $ au Royaume-Uni et à 25 $ en Italie. Seuls les marchés des Pays-Bas et de la Suisse font apparaître des prix supérieurs à la France en 2004, 2005 et 2006. Les variations de prix sont différentes d’un pays à l’autre : par exemple, en Allemagne, le niveau des prix du film de classe 2 est resté identique en 2005 et 2006, tandis qu’il chutait au Royaume-Uni.

39 Cotes 8043 à 8046 : « A notre connaissance, les tarifs ne sont pas les mêmes. Ceci peut résulter de différents éléments (distribution, environnement réglementaire…) ».

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387. Or, les praticiens qui utilisent la méthode dite « en double différence » notamment pour estimer l’impact économique de situations anticoncurrentielles (par différentiation des prix observés dans les pays de référence durant toute la période et en France après les pratiques avec les prix observés en France durant les pratiques), recommandent de comparer des marchés aux caractéristiques proches. Ils déconseillent expressément, contrairement à ce que fait Mapp pour le compte de 3M France, de comparer des marchés sur lesquels le nombre d’acteurs et/ou le fonctionnement de la concurrence sont très différents40. 388. Au surplus, la demande adressée à 3M France provenant exclusivement d’entreprises locales, il n’y a pas de client qui soit représenté dans plusieurs pays de sorte que les pratiques tarifaires de 3M France auraient pu être comparées dans différents pays pour un même client. Il s’ensuit que les caractéristiques de chaque client, dont le volume moyen des commandes est très hétérogène entre les pays, ne peuvent être prises en considération de manière satisfaisante dans l’analyse. 389. La corrélation des prix pratiqués par 3M entre la France et les autres pays de l’échantillon après la fin du cartel présentée par Mapp ne permet pas de valider les résultats de la méthode dite « en double différence ». En effet, comme l’indique l’article de Simpson et Schmidt « Difference-in-difference Analysis in Antitrust: A Cautionary Note », précité, et comme l’a rappelé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire : « la méthode de la double différence repose […] sur l’hypothèse que les marchés que l’on compare réagissent de manière similaire aux modifications de l’environnement (par exemple des chocs portant sur la demande ou les coûts). C’est pourquoi les praticiens qui utilisent cette méthode, notamment pour estimer l’impact économique de situations anticoncurrentielles, recommandent de comparer des marchés aux caractéristiques proches. Ils déconseillent expressément de comparer des marchés sur lesquels le nombre d’acteurs et le fonctionnement de la concurrence sont très différents. » 390. Or, la corrélation des prix de 3M entre la France et les autres pays exposée par Mapp pour le compte de 3M, qui ne répond pas à la critique mentionnée ci-dessus, n’est pas davantage démonstrative pour plusieurs raisons : – en premier lieu, comme indiqué précédemment, l’utilisation des modèles « en double différence » nécessite que les échantillons comparés aient des structures d’offre et de demande comparables afin de garantir que les chocs exogènes (comme des chocs de coût ou réglementaires) auront le même impact sur les prix. Or, la structure de la demande est très différente d’un pays à l’autre, 3M ayant en France la demande la plus concentrée d’Europe. Le chiffre d’affaires moyen que 3M obtient par client ou par contrat y est en effet le plus important. Les structures de l’offre ne sont quant à elles pas observables. Enfin, comme l’indique le rapport au point 27: « 3M indique qu’à la différence de la législation française, qui ne distingue que 2 catégories de films, la plupart des législations nationales définissent une troisième classe (« classe 3 ») ». Ce qui est un facteur supplémentaire de différentiation des dynamiques tarifaires européennes vis-à-vis de la France étant donné que chaque classe de produits a un coût différent ;

40 Voir notamment : Simpson J. et Schmidt D. (2008) : « Difference-in-difference Analysis in Antitrust: A Cautionary Note » Antitrust Law Journal vol. 75(2), page 623.

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– en deuxième lieu, la corrélation des prix de 3M entre la France et les autres pays de l’échantillon ne permet pas de valider la sélection des échantillons de référence. Il faudrait au contraire être en mesure de prédire que les dynamiques de prix doivent théoriquement être similaires, notamment parce les mécanismes de formation des prix sont identiques (dont les structures d’offre et de demande), pour que les différences éventuellement observées empiriquement puissent être imputées à la pratique s’il est avéré qu’elle n’a eu lieu que dans les autres pays ; – en troisième lieu, la corrélation des prix de 3M entre la France et les autres pays de l’échantillon repose sur une courte période couvrant avril 2006 – décembre 2007 qui ne permet pas d’avoir un recul temporel suffisant. 391. Enfin, les données de Mapp ne permettent pas d’observer l’existence de prix « double nets » dans les autres pays européens à la différence de la France, de sorte qu’il convient d’en déduire que les remises de fin d’année ne sont pas intégrées dans cette analyse. Le coefficient calculé par Mapp ne traduit donc que les écarts de prix nets et non double nets, c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas en compte les remises de fin d’année qui jouent pourtant un rôle crucial dans la stratégie tarifaire de 3M. 392. L’analyse de la dynamique des prix de 3M France telle que proposée par Mapp ne permet donc pas de conclure à l’absence d’un dommage à l’économie, du fait de l’abus de sa position dominante. Par ailleurs, si l’absence de rupture dans les dynamiques tarifaires observées en France après l’éclatement du cartel aval n’est pas évidente, elle ne saurait, en tout état de cause, être démonstrative compte tenu notamment du faible recul temporel disponible. La limitation de l’accès au marché national des films rétro-réfléchissants et à celui de panneaux de signalisation routière verticale par 3M France 393. 3M France a longuement expliqué, dans ses observations écrites, les conditions de son « succès historique » sur le marché des films rétro-réfléchissants et être « à l’origine du marché des films rétro-réfléchissants ». Ainsi, le groupe 3M a indiqué avoir été « la première entreprise à offrir un film rétro-réfléchissant de type microprismatique en France avec le film “Diamond Grade” (“DG ”) lancé en 1989 ». En 2004, 3M France a arrêté une nouvelle orientation industrielle reposant sur l’« introduction d’un film microprismatique plus performant et fabriqué selon un nouveau procédé plus économique et meilleur pour l’environnement », le film High Intensity Prismatic (HIP), introduit sur le marché français en 2006. Cet industriel a admis, au final, avoir « été à l’initiative de l’introduction de chaque nouvelle génération de films rétro-réfléchissants ». 394. 3M France a également déclaré, au sujet de ses principaux concurrents : « NCI ne vend qu’un produit microprismatique en France, le film “Crystal Grade” (….). Ce n’est que très récemment qu’Avery semble avoir décidé de développer ses activités dans des applications de signalisation verticale en France après l’obtention en 2007 de la certification pour deux films microbilles (de type EG et HOI) et un film microprismatique y compris un film fluorescent concurrent du « DG Fluo » de 3M ».(….) T2S « ne propose pas de films microprismatiques ». 395. 3M France ne peut valablement retenir comme hypothèse (premier rapport Mapp, page 25) que « le DG Fluo constitue la part non-contestable de l’offre de 3M ».

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Mapp reconnaît d’ailleurs (p. 27, point 60 du dernier rapport Mapp joint au mémoire de 3M France) que cette part « non contestable » pourrait atteindre […]. 396. Par ailleurs, comme rappelé précédemment, les déclarations convergentes des « majors » de la signalisation routière contredisent totalement l’hypothèse retenue par 3M France selon laquelle le pourcentage des films de classe 2 aurait représenté entre […] et […] du chiffre d’affaires des producteurs de panneaux. Cette part est en effet évaluée entre 50 % et 60 % du coût des panneaux par Lacroix Signalisation. De même, 3M France a jugé « intéressante » l’estimation retenue par le rapport Deloitte selon laquelle la part des films dans le coût des panneaux serait d’environ 30 %. 397. Le système d’accréditation opaque et le barème discriminatoire mis en place par 3M France a, compte tenu de la part du film de classe 2 dans le prix de revient et du caractère captif de certains produits, nécessairement eu pour effet de renforcer en amont les difficultés déjà rencontrées en aval par les PME non-membres de l’entente pour accéder au marché de la signalisation routière en France du fait des pratiques dirigées par ledit cartel à leur encontre. Le niveau des prix pratiqués atteste que 3M France a utilisé sa position dominante pour prélever des marges confortables jusqu’à l’arrivée de la concurrence pour certains produits, ce que confirme en ces termes Signature (cote 13330) : « l’appel d’offres remporté par 3M en juin 2006 a effectivement permis à Signature de bénéficier de meilleurs tarifs puisque ceux-ci ont globalement baissé (sauf le Classe 2 Diamond Grade) ». 398. Enfin, les pratiques reprochées à 3M France ont, en raison de l’avantage conféré aux quatre acteurs majeurs de la signalisation verticale en France et de leurs parts de marché cartellisées, ainsi que des normes en vigueur sur le plan national dans l’ensemble du secteur, limité l’accès de nouveaux concurrents sur le marché national des films rétro-réfléchissants. La limitation a été effective même si lesdits concurrents ont pu être moins efficaces que 3M. Ainsi que l’a reconnu la Commission européenne41, dans certaines circonstances, un concurrent moins efficace peut en effet également exercer une contrainte qui doit être prise en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si un comportement déterminé en matière de prix entraîne une éviction anticoncurrentielle. 4. SUR LA RÉITÉRATION 399. Signaux Girod et Signaux Laporte font valoir que les précédentes pratiques sanctionnées en 2003 portaient non sur des ententes entre concurrents, mais sur des concertations dans le cadre de soumissions à des appels d’offres entre sociétés du même groupe et que, par voie conséquence, il ne peut leur être reproché une quelconque réitération. 400. Aximum (anciennement Somaro) fait valoir que sa précédente condamnation concernait un marché différent de celui de la signalisation routière verticale, seul concerné par la présente décision et qu’en conséquence il ne peut lui être reproché d’avoir réitéré des pratiques similaires « dans le même secteur ». 401. Comme l’a souligné le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France

41 Communication intitulée : « Orientations et priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes ».

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Télécom dans le secteur de l’accès à Internet à haut débit, la réitération visée par l’article L. 464-2 I du code de commerce constitue une circonstance aggravante justifiant la majoration du montant de la sanction notamment au regard de l’objectif de dissuasion que poursuit sa politique de sanctions (point 112). 402. Il est possible de retenir la réitération lorsque quatre conditions sont réunies : a. une précédente infraction au droit de la concurrence doit avoir été constatée avant la commission des nouvelles pratiques ; b. ces dernières doivent être identiques ou similaires à celles ayant fait l’objet du précédent constat d’infraction ; c. ce dernier doit être devenu définitif à la date à laquelle l’Autorité de la concurrence statue sur les nouvelles pratiques ; d. le délai écoulé entre le précédent constat d’infraction et la commission des nouvelles pratiques doit être pris en compte pour appeler une réponse proportionnée à la propension de l’entreprise à s’affranchir des règles de concurrence (voir, pour le rappel de ces quatre conditions, la décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2010). Sur l’existence d’un constat d’infraction antérieur 403. La circonstance que les pratiques aient débuté avant qu’une précédente infraction ne fasse l’objet d’un constat ne suffit pas à priver l’Autorité de la concurrence de la possibilité de retenir la réitération au titre des circonstances aggravantes, lorsque les pratiques, de nature continue, se sont poursuivies après ce premier constat d’infraction. 404. Ainsi, dans sa décision n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, le Conseil de la concurrence a retenu la réitération s’agissant de pratiques commises au cours des années 2000 à 2003, eu égard à un constat d’infraction du 25 septembre 2003, et à raison des faits établis au cours de la période postérieure à ce constat (octobre- décembre 2003). Cette solution a été validée par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, précité. 405. Les juridictions de l’Union européenne suivent une analyse similaire. Dans une affaire mettant en cause la société Lafarge, les juges ont considéré que la Commission avait à bon droit retenu la récidive comme une circonstance aggravante, dès lors que l’entreprise avait continué de participer à l’entente en cause pendant plus de quatre ans après la décision adoptée dans une précédente affaire (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54/03, Rec. p. II-120, points 738 et 739, confirmé par l’arrêt de la Cour du 17 juin 2010, C-413/08, non encore publié au Rec., point 91). 406. En l’espèce, s’agissant tout d’abord de l’entente sur le marché de la signalisation routière verticale, il y a lieu de rappeler que, si l’entente entre les principaux fabricants de panneaux a été mise en place en 1997, soit antérieurement à la décision du Conseil de la concurrence n° 03-D-07 du 4 février 2003 relative à des pratiques

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relevées lors de la passation de marchés d’achat de panneaux de signalisation routière verticale par des collectivités territoriales, elle s’est toutefois poursuivie jusqu’au début de l’année 2006. Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Signaux Laporte ont donc poursuivi, dans le cadre de la présente affaire, des pratiques anticoncurrentielles bien qu’une précédente infraction au droit de la concurrence ait été constatée à leur encontre par le Conseil de la concurrence. 407. S’agissant des pratiques reprochées à Somaro (devenue Aximum), elles se sont poursuivies jusqu’en 2006, alors qu’une précédente infraction au droit de la concurrence avait été constatée par le Conseil de la concurrence le 6 décembre 2005 par la décision n° 05-D-67 relative à la signalisation routière horizontale dans les régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais. Sur le caractère définitif, à la date de la présente décision, du constat d’infraction 408. Les deux précédentes décisions par lesquelles Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Signaux Laporte, d’une part, et Somaro, d’autre part, ont été condamnées sont devenues définitives, puisqu’elles ont été confirmées par la cour d’appel de Paris dans ses arrêts en date respectivement du 18 novembre 2003 et du 4 juillet 2006. Sur l’identité ou la similitude des pratiques 409. La réitération a pour objet d’appréhender les cas dans lesquels une entreprise précédemment sanctionnée pour un type particulier de comportement met de nouveau en œuvre des pratiques identiques ou similaires. Il est possible de retenir la réitération lorsque les pratiques sont identiques ou similaires par leur même objet ou effet anticoncurrentiel, ainsi que l’a rappelé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 23 septembre 2010, précité. 410. En l’espèce, Signaux Girod et Signaux Laporte ne peuvent utilement faire valoir que les pratiques sanctionnées en 2003 portaient non sur des ententes entre concurrents mais sur des concertations entre sociétés du même groupe. En effet, les deux types de pratiques avaient bien pour objet et ont eu pour effet de tromper les maîtres d’ouvrage sur la réalité de la concurrence à l’occasion de procédures d’appel à la concurrence pour les marchés de signalisation routière. 411. De même, en ce qui concerne le comportement d’Aximum ayant donné lieu à la décision n° 05-D-67, précitée, et les pratiques en cause en l’espèce, il convient de relever qu’il s’agit de deux types de pratiques qui avaient également pour objet et pour effet de tromper les maîtres d’ouvrage public sur la réalité de la concurrence dans le secteur de la signalisation routière, sans qu’il soit pour autant nécessaire que les pratiques portent sur la même catégorie de produits. 412. Au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il y a donc lieu de retenir la réitération à l’encontre de Lacroix Signalisation, de Signaux Girod, de Signaux Laporte et d’Aximum en tenant compte du fait que seule la poursuite de l’infraction après le 4 février 2003, pour les trois premières, et après le 6 décembre 2005, pour Aximum, caractérise une telle réitération. 413. Par conséquent, il convient d’appliquer, d’une part, une majoration de 25 % en ce qui concerne Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Signaux Laporte et, d’autre part, une majoration de 20 % en ce qui concerne Aximum.

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5. SUR LA PROCÉDURE DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS a) Sur l’appréciation des engagements proposés par SES, Signature, Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Sodilor 414. SES a pris des engagements tant pour elle-même que pour le compte de sa filiale, la société Acces Signes. Signature a pris les engagements « tant en son nom qu’en celui de ses filiales opérationnelles dans le secteur de la signalisation verticale, en France ainsi que dans l’Union Européenne et dont Signature SA est l’actionnaire majoritaire, à savoir : la société française FARCOR SAS ;la société française SIGNATURE TRAFFIC SYSTEMS SAS ; la société française SODILOR SAS (en complément de ceux qu’elle souscrit par ailleurs); la société de droit anglais Signature LLC ;la société de droit espagnol SIGNATURE SENALIZATION SA ». Lacroix Signalisation a pris des engagements pour elle-même et ses filiales. Signaux Girod a souscrit des engagements « tant en son nom qu’en celui de ses filiales opérationnelles dans le secteur de la signalisation verticale, en France ainsi que dans l’Union Européenne et dont Signaux Girod est l’actionnaire majoritaire ». 415. Les engagements proposés par Signaux Girod, Lacroix Signalisation, SES et Signature portent, outre sur la promesse de ne plus se concerter à l’avenir, qui ne justifie en soi aucune réduction de sanction dans la mesure où les intéressés ont de toute évidence l’obligation de respecter la loi, sur la mise en place de programmes de formation et de sensibilisation du personnel au droit de la concurrence, avec à la clef une possible modification des contrats de travail. Ils comportent également des dispositions consistant à clarifier leurs relations avec leurs organisations professionnelles, et notamment à ne pas se faire représenter à des réunions dont l’ordre du jour précis ne leur serait pas préalablement communiqué. Lacroix Signalisation et SES se sont en outre expressément engagées à mettre en place une procédure d’alerte interne sur l’existence d’éventuelles pratiques illicites en droit de la concurrence. 416. Signaux Girod, Lacroix Signalisation, SES et Signature ont également pris des engagements spécifiques destinés à prévenir la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles dans le cas de réponse aux appels d’offres en groupements ou dans le cadre de sous-traitance. 417. SES et Signature se sont enfin engagées à mettre en place une tarification transparente et non-discriminatoire destinée à permettre à tout client final ou intermédiaire de pouvoir se procurer leurs produits. 418. Sodilor, en situation de position dominante sur son marché, a pris des engagements destinés à permettre d’améliorer ses relations avec les revendeurs et les entreprises concurrentes se présentant comme clients. Elle s’engage ainsi à approvisionner, dans les conditions normales du commerce, l’ensemble des sociétés concurrentes qui lui en feront la demande, en produits de sécurité, à des conditions non discriminatoires et équivalentes à celles pratiquées pour des entreprises extérieures au groupe auquel appartient Sodilor et dont les commandes sont comparables en termes de solvabilité, de volumes et de délais de paiement. Sodilor s’engage à mettre en place une tarification objective, transparente et non-discriminatoire accessible à toute entreprise concurrente désirant s’approvisionner auprès d’elle en produits de signalisation de sécurité dans des conditions ne permettant pas à Sodilor de l’évincer par une pratique de ciseaux tarifaires.

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419. Sodilor s’interdit par ailleurs toute pratique de nature à orienter les choix des maîtres d’ouvrage, notamment à l’occasion de l’élaboration des cahiers des charges. 420. Enfin, Sodilor s’engage à mettre en place un programme de formation des personnels au droit de la concurrence. 421. L’ensemble des engagements pris par ces cinq entreprises dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs apparaissent substantiels, en partie vérifiables et susceptibles de prévenir en particulier des pratiques litigieuses de même nature que celles examinées dans le cadre de la présente affaire. Ils conduisent donc, conformément à la proposition formulée par le rapporteur général adjoint lors de la séance du 14 septembre 2010, à accorder une réduction de sanction de 25 % à Lacroix Signalisation et à SES et de 20 % à Signature, à Signaux Girod et à Sodilor. 422. Ces taux de réduction significatifs se justifient notamment, en l’espèce, au regard du fait que, à côté des seuls programmes de formation et de sensibilisation, les engagements pris comportent, selon les cas, la mise en place d’une procédure d’alerte et des mesures comportementales destinées à orienter les pratiques commerciales des intéressés dans le sens du respect des règles de concurrence. b) Sur la situation particulière de Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route) 423. Dans son mémoire en réponse, lors de la séance du 14 septembre 2010 ainsi que dans une note en délibéré adressée à l’Autorité de la concurrence le 18 octobre 2010, Signaux Laporte reproche aux services d’instruction de n’avoir pas tiré toutes les conséquences de la demande qu’elle avait dûment formulée dans ses observations en réponse à la notification des griefs quant à la procédure de non-contestation des griefs. Elle considère que, dans la mesure où elle n’a pas contesté le grief qui lui avait été notifié et qu’elle a mis en œuvre les engagements volontairement souscrits dans ses observations, une réduction du montant de la sanction devrait lui être accordée. 424. Dans ses observations du 16 février 2009 à la notification des griefs, Signaux Laporte a effectivement déclaré ne pas contester le grief qui lui avait été notifié et a demandé à bénéficier desdites dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. Elle s’est en outre engagée à modifier ses comportements pour l’avenir. Certes, ainsi que le rapporteur général adjoint l’a souligné lors de la séance, aucun procès-verbal formalisant la procédure de non-contestation des griefs n’a été établi. Toutefois, force est de constater que la demande de Signaux Laporte est intervenue dans le délai de remise des observations et a fortiori avant la notification du rapport du 22 avril 2010. Il est d’ailleurs mentionné au point 297 de ce dernier que « Signaux Laporte n’a pas contesté le grief qui lui a été notifié et a souscrit des engagements pour l’avenir ». 425. En outre, sa renonciation à contester le grief ainsi notifié apparaît claire, complète et dépourvue d’ambiguïté. Ses observations ne portent en effet que sur la gravité des pratiques en cause, sur l’existence d’un dommage significatif à l’économie et sur la question de la réitération. 426. Enfin, Signaux Laporte a détaillé, dans ses observations, les engagements qu’elle s’engageait à prendre pour l’avenir, à savoir, premièrement, la formation de ses cadres et salariés au droit de la concurrence à l’issue de laquelle un code de conduite

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sera élaboré, deuxièmement, la modification de son règlement intérieur afin d’inciter ses salariés à respecter les règles de concurrence (possibilité d’appliquer une sanction en cas de violation de celles-ci, tel le licenciement de son auteur) et, troisièmement, la diffusion de l’information relative à la présente décision au sein de l’entreprise et nomination d’un responsable chargé de veiller au respect des engagements ainsi pris et d’alerter la direction générale en cas de violation de ces derniers. 427. Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, l’Autorité décide d’accorder à Signaux Laporte le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce en tenant compte notamment de ce qu’aucune discussion n’a été engagée entre cette société et les services d’instruction quant à la teneur des engagements proposés dans lesdites observations. 428. Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de la sanction infligée à Signaux Laporte sera réduit à hauteur de 15 %. 6. SUR LA SITUATION INDIVIDUELLE DES ENTREPRISES a) Les membres de l’entente Sur le rôle joué dans l’entente 429. Il convient de relever que Lacroix Signalisation, Signature, SES seule ou intégrée à Aximum et Signaux Girod ont constitué le « noyau dur » de l’entente, comme l’a admis le président de Signaux Girod (voir point 223 ci-dessus). Or, le rôle de meneur constitue une circonstance aggravante pour l’individualisation de la sanction (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2004, OCP Répartition, précité). 430. En revanche, Nord Signalisation a dénoncé l’entente provoquant ainsi son implosion, sans pour autant formuler de demande de clémence (dont les conditions d’octroi sont prévues par le communiqué de procédure du 11 avril 2006). Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il en sera tenu compte dans le cadre de la détermination de la sanction qui lui sera infligée (voir, en ce sens, la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-69 du 15 décembre 2005 relative à des pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur des travaux routiers en Seine-Maritime, points 275 et 276). Sur la durée de participation 431. S’agissant de Signaux Laporte, de FCS, de Nord Signalisation et de Nadia Signalisation, la durée de leur participation à l’entente, telle qu’elle a été établie aux points 222 à 249 ci-dessus, est plus faible que celle retenue à l’encontre des autres membres (à l’exception de SES). Il en sera donc tenu compte pour l’appréciation du montant de la sanction qui leur sera infligée. Le retrait de SES de l’entente pendant un an (voir point 225 ci-dessus) sera également pris en considération dans le cadre du calcul de la sanction infligée à Aximum en sa qualité de société mère de SES au cours de la période 1998-2006. Sur l’appartenance à un groupe 432. Signature considère que son appartenance au groupe Burelle jusqu’au 30 juin 2007, puis au groupe Plastic Omnium postérieurement à la cessation de l’entente n’a joué

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aucun rôle dans les mécanismes du comportement anticoncurrentiel qui lui est imputé. 433. Cependant, cet argument, à le supposer avéré, ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité tienne compte du fait que l’entreprise à laquelle elle impute l’infraction appartient à une entreprise de petite taille ou jouissant, au contraire, d’un périmètre d’activité et d’une puissance financière significatifs, voire considérables. 434. En effet, l’obligation de proportionner la sanction à la situation individuelle de l’entreprise ou, lorsqu’il y en a un, au groupe auquel elle appartient peut, même dans ce cas, conduire à ce que la sanction soit, en considération d’une infraction donnée, plus élevée dans le cas d’une entreprise puissante ou intégrée à un grand groupe que dans celui d’une petite ou moyenne entreprise. A défaut, la sanction imposée dans la première hypothèse non seulement ne serait pas proportionnée, mais également ne serait pas de nature à assurer la dissuasion individuelle vis-à-vis de l’intéressé. 435. Une même conclusion vaut pour les autres entreprises se trouvant dans une situation comparable, sur ce point, à celle de Signature, à savoir Lacroix Signalisation et Aximum. 436. Il s’ensuit que l’appartenance des entreprises susmentionnées à un groupe dont le chiffre d’affaires est particulièrement important constitue une circonstance individuelle conduisant à majorer leur sanction. Sur l’absence d’infraction antérieure 437. Signature fait valoir qu’elle n’a antérieurement jamais été reconnue coupable d’infractions aux règles de la concurrence. 438. A cet égard, si l’Autorité de la concurrence doit prendre en compte la réitération de pratiques anticoncurrentielles au titre des critères aggravants de la sanction, l’absence d’infraction antérieure constitue un comportement normal que l’Autorité n’a pas à regarder comme une circonstance atténuante (voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6/89, Rec. p. II-1623, point 295). 439. Il s’ensuit que cette circonstance n’est pas de nature à influencer à la baisse le montant de la sanction infligée à Signature. b) Sodilor et 3M France 440. En ce qui concerne les pratiques mises en œuvre par Sodilor et 3M France, les éléments définis plus haut ont déjà fait l’objet d’une appréciation individuelle les concernant (voir, à cet égard, les points relatifs à la gravité des pratiques et au dommage à l’économie). L’appartenance à un groupe puissant qui concerne chacune d’entre elles constitue un élément d’individualisation conduisant à majorer leur sanction.

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7. SUR LE MONTANT DES SANCTIONS a) Sur la méthode de calcul des sanctions 441. Il convient, en premier lieu, de déterminer les valeurs sur la base desquelles est calculé le montant de la sanction et, en second lieu, de rappeler les différents éléments entrant dans le calcul de ce montant. L’assiette servant au calcul du montant de la sanction 442. Afin de proportionner la sanction à la réalité économique de l’infraction, le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises actives dans le secteur de la signalisation au cours de la période où elles se sont entendues pour tirer profit de la répartition des marchés en s’affranchissant de la concurrence servira de base au calcul du montant des sanctions. 443. Il convient de retenir à cet égard le chiffre d’affaires réalisé par chaque entreprise au cours de l’exercice correspondant à l’année 2005, dernière année complète de la mise en œuvre de l’entente avant qu’elle ne prenne fin en mars 2006. Le chiffre d’affaires réalisé en France est seul pris en compte lorsqu’il est connu grâce aux documents comptables fournis par les parties, puisque le cartel a été limité au territoire national même si sa mise en œuvre sur l’ensemble de ce dernier est susceptible d’avoir affecté le commerce intracommunautaire (voir points 183 et suiv. de la présente décision). 444. La même méthode de calcul est suivie pour Sodilor et 3M France. La pratique abusive reprochée à Sodilor s’est déroulée au cours de la période 2001-2007 et le chiffre d’affaires pris en compte est celui réalisé sur le territoire national au cours de l’exercice 2007. Celle reprochée à 3M France couvrant la période 2003 à 2005, c’est le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national afférent à cette dernière année qui est retenu. Les éléments à prendre en compte 445. La détermination du montant de chaque sanction à partir du chiffre d’affaires qui vient d’être défini repose, tout d’abord, sur les éléments généraux suivants : la gravité de l’infraction constatée ainsi que l’importance du dommage à l’économie, telles qu’elles ont été analysées aux points 342 à 398 de la présente décision. 446. Elle intègre, ensuite, lorsqu’il y en a, les circonstances atténuantes et aggravantes retenues en ce qui concerne chacune des mises en cause aux points 429 à 440 ci- dessus. Elle conduit, ensuite, à appliquer, le cas échéant, des coefficients de majoration, fixés au point 412 ci-dessus au titre de la réitération, puis de minoration, fixés aux points 421 et 428 au titre de la non-contestation des griefs et des engagements pris. 447. Enfin, le montant de la sanction est écrêté s’il y a lieu afin de ne pas excéder le montant maximal de la sanction applicable pour chacune des parties. Lorsque les entreprises ont invoqué l’existence de difficultés financières particulières et soumis les éléments nécessaires pour en permettre la vérification par l’Autorité, leur capacité à s’acquitter de la sanction ainsi déterminée est vérifiée en dernier lieu. Dans le cas présent, de telles difficultés sont alléguées par Lacroix Signalisation, SES, Nord Signalisation et Laporte Service Route.

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b) Sur les sanctions individuelles Lacroix Signalisation 448. Le chiffre d’affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Lacroix SA, société consolidante de Lacroix Signalisation, est de 247 millions d’euros en 2008. Compte tenu de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation de griefs, le montant maximal de la sanction s’élève donc à 12,35 millions d’euros. 449. Eu égard, d’une part, aux éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, au chiffre d’affaires de 41,77 millions d’euros que Lacroix Signalisation a réalisé en France en 2005 et de la part du chiffre d’affaires de sa filiale SDS qu’il convient également de prendre en compte, soit 4 millions42, le montant de la sanction s’élève à 8,24 millions d’euros, qu’il convient de majorer de 25 % au titre de la réitération. Enfin, pour tenir compte de l’absence de contestation des griefs et des engagements pris, il y a lieu de réduire ce dernier montant de 25 %. 450. Si, dans son mémoire, Lacroix Signalisation indique que « la situation économique du groupe en 2009 s’est dégradée au point d’aboutir à ce jour à un résultat net proche de zéro », cela n’a toutefois pas empêché la société de rester rentable, son bénéfice s’étant élevé à 3 millions d’euros. 451. Le montant total de la sanction infligée à Lacroix Signalisation s’élève donc à 7,72 millions d’euros. Signature 452. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par Plastic Omnium, société consolidante de Signature, est de 2,696 milliards d’euros en 2008. Compte tenu de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximal de la sanction s’élève donc à 134,8 millions d’euros. 453. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 111,5 millions d’euros que Signature a réalisé en France en 2005 et de la part du chiffre d’affaires de sa filiale SDS qu’il convient également de prendre en compte, soit 4 millions43, le montant de la sanction s’élève à 23,1 millions d’euros. Enfin, pour tenir compte de l’absence de contestation des griefs et des engagements pris, il y a lieu de réduire ce dernier montant de 20 %. 454. Le montant total de la sanction infligée à Signature s’élève donc à 18,48 millions d’euros. Signaux Girod 455. Le chiffre d’affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Signaux Girod est de 138,8 millions d’euros en 2008. Compte tenu de la mise en

42 Le chiffre d’affaires réalisé par SDS s’est élevé à 8 millions d’euros au 30 septembre 2005. Lacroix Signalisation et Signature détenant chacune 49,93 % du capital de SDS à l’époque des faits en cause, il convient de prendre en compte, pour le calcul de la sanction de SDS imputable à Lacroix Signalisation, la moitié du chiffre d’affaires de SDS. 43 Même observation que pour Lacroix Signalisation.

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œuvre de la procédure de non-contestation de griefs, le montant maximal de la sanction s’élève donc à 6,94 millions d’euros. 456. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 38,91 millions d’euros que Signaux Girod a réalisé en France en 2005, le montant de la sanction s’élève à 7 millions d’euros, qu’il convient de majorer de 25 % au titre de la réitération. Enfin, pour tenir compte de l’absence de contestation des griefs et des engagements pris, il y a lieu de réduire ce dernier montant de 20 %. 457. Le montant total de la sanction qui devrait être infligée à Signaux Girod s’élève donc à 7 millions d’euros, mais doit être réduit à 6,94 millions d’euros afin de tenir compte du montant maximal précédemment défini. SES 458. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par SES s’est élevé à 78 millions d’euros en 2009. Compte tenu de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation de griefs, le montant maximal de la sanction s’élève donc à 3,9 millions d’euros. 459. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 73,53 millions d’euros qu’elle a réalisé en 2005, le montant de la sanction s’élève à 2,21 millions d’euros qu’il convient de réduire de 25 % pour tenir compte de l’absence de contestation des griefs et des engagements pris. 460. SES, qui au cours de l’exercice 2009 a réalisé un chiffre d’affaires de 78,04 millions d’euros et un bénéfice de 1 million d’euros, a dans une note en délibéré adressée à l’Autorité le 15 novembre 2010 fait état d’une évolution extrêmement préoccupante de sa situation économique et financière entraînant une dégradation importante de son chiffre d’affaires. Les preuves fournies à cet effet permettent de conclure à l’existence de difficultés financières individuelles objectivement constatables, avérées au jour où l’Autorité statue, réduisant la capacité de SES à s’acquitter de la sanction évoquée au point précédent. Il convient donc de la réduire à proportion de ces difficultés. 461. En conséquence, le montant de la sanction infligée à SES qui aurait dû s’élever à 1,65 million d’euros est fixé à 700 000 euros. Aximum (anciennement Somaro) 462. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par Bouygues, société consolidante d’Aximum, est de 32,459 milliards d’euros en 2008. Le montant maximal de la sanction s’élève donc à 3,24 milliards d’euros. 463. Dès lors, compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels concernant SES et Aximum tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus, et, d’autre part du chiffre d’affaires concernant l’activité d’Aximum dans le secteur de la signalisation qui correspond à celui réalisé par sa filiale SES en 2005, soit 73,53 millions d’euros, le montant de la sanction devant être supportée par Aximum s’élève à 14,71 millions d’euros, qu’il convient de majorer de 20 % au titre de la réitération. 464. Le montant total de la sanction infligée à Aximum s’élève donc à 17,65 millions d’euros.

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Laporte Service Route (anciennement Signaux Laporte) 465. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par Laporte Service Route est de 14,37 millions d’euros en 200944. En raison de la décision de l’Autorité d’accorder à Laporte Service Route, eu égard aux circonstances très particulières de l’espèce, le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, le montant maximal de la sanction s’élève à 700 000 euros. 466. Eu égard, d’une part, aux éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 8,22 millions d’euros qu’elle a réalisé en France en 2005, le montant de la sanction s’élève à 822 000 euros qu’il convient de majorer de 25 % au titre de la réitération, puis de réduire de 15 % conformément à ce qui a été décidé aux points 427 et 428 ci-dessus au titre de la non- contestation des griefs et des engagements pris. 467. Laporte Service Route fait valoir qu’elle a subi une perte en 2009. Les preuves fournies à cet effet permettent de conclure à l’existence de difficultés financières individuelles réduisant sa capacité à s’acquitter de la sanction évoquée au point précédent. 468. En conséquence, et compte tenu du montant maximal de la sanction, le montant total de la sanction infligée à Laporte Service Route qui aurait dû s’élever à 873 000 euros est fixé à 700 000 euros. FCS 469. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par FCS s’est élevé à 11 millions d’euros en 2007. Le montant maximal de la sanction s’élève donc à 1,1 million d’euros. 470. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 8,9 millions d’euros qu’elle a réalisé en France en 2005, le montant total de la sanction s’élève à 356 000 euros. Nadia Signalisation 471. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Nadia Holding s’est élevé à 73,2 millions d’euros en 2009. Le montant maximal de la sanction s’élève donc à 7,32 millions d’euros. 472. Eu égard, d’une part, aux éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, au chiffre d’affaires de 16,65 millions d’euros qu’elle a réalisé en France en 2005, le montant total de la sanction s’élève à 166 000 euros. Nord Signalisation 473. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par Nord Signalisation s’est élevé à 7,42 millions d’euros en 2009. Le montant maximal de la sanction s’élève donc à 740 000 euros.

44 L’augmentation importante du chiffre d’affaires par rapport aux exercices précédent (+ 22,5 % par rapport à 2008) s’explique par le transfert de l’activité commerciale de la société Laporte Crapie Industrie à Laporte Service Route, laquelle a enregistré une perte de 1,85 million d’euros au cours de l’exercice 2009.

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474. Compte tenu, d’une part, du fait que Nord Signalisation a dénoncé l’entente et, d’autre part, du redressement judiciaire prononcé le 5 août 2005, suivi d’un plan de redressement en cours d’exécution, il n’y a pas lieu de lui infliger de sanction pécuniaire. Sodilor 475. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par Plastic Omnium, société consolidante de Sodilor, est de 2,696 milliards d’euros en 2008. Compte tenu de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximal de la sanction s’élève donc à 134,8 millions d’euros. 476. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 16,19 millions d’euros qu’elle a réalisé en France en 2007, dernière année de la mise en œuvre de la pratique, le montant de la sanction s’élève à 324 000 euros, qu’il convient de réduire de 20 % pour tenir compte de l’absence de contestation des griefs et des engagements pris. 477. Le montant total de la sanction infligée à Sodilor s’élève donc à 259 000 euros. 3M France 478. Le chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par 3M Company, société consolidante de 3M France, est de 25,3 milliards USD, soit environ 19,24 milliards d’euros. Le montant maximal de la sanction s’élève donc à 1,92 milliards d’euros. 479. Compte tenu, d’une part, des éléments généraux et individuels tels qu’ils ont été appréciés ci-dessus et, d’autre part, du chiffre d’affaires de 394,54 millions d’euros qu’elle a réalisé en France en 2005, dernière année de mise en œuvre de la pratique, le montant total de la sanction s’élève à 1,97 million d’euros. 8. SUR L’OBLIGATION DE PUBLICATION 480. Aux termes de l’article L. 464-2 I du code de commerce, « l’Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. […] Les frais sont supportés par la personne intéressée ». 481. En l’espèce, afin d’informer les maîtres d’œuvre et d’ouvrage de la présente décision et de les inciter à la vigilance vis-à-vis des pratiques telles que celles condamnées au titre de l’entente dans le secteur de la signalisation routière, il y a lieu d’ordonner aux mises en cause de faire publier à leurs frais, au prorata des sanctions prononcées, la publication dans « La Tribune » et « Le Moniteur des travaux publics » du résumé de la présente décision figurant au point suivant. 482. « Obligation de publication imposée par l’Autorité de la concurrence Alerté par des articles parus dans la presse signalant des pratiques portant atteinte à la concurrence dans le secteur de la signalisation routière verticale et par des saisines d’entreprises qui se plaignaient d’être évincées des marchés dans ce secteur, le Conseil de la concurrence a ouvert une instruction sur ces pratiques au début de l’année 2007. L’Autorité de la concurrence qui a succédé au Conseil a rendu le 22 décembre 2010 une décision par laquelle elle sanctionne huit principaux

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fabricants de panneaux de signalisation routière verticale (Lacroix Signalisation, Signature, Signaux Girod, SES, Aximum, Laporte Service Route, FCS et Nadia Signalisation) pour avoir mis en place entre 1997 et 2006, soit durant environ dix ans, une entente de répartition des marchés publics de la signalisation routière verticale. Elle sanctionne également un abus de position dominante commis, d’une part, par la société Sodilor sur le marché de la fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique entre 2001 et 2007 et, d’autre part, par la société 3M France sur le marché de la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants, utilisés dans la fabrication de panneaux. Les fabricants de panneaux de signalisation routière verticale se sont réunis périodiquement pour se répartir les marchés à bons de commande émanant des départements et des villes et les consultations ponctuelles en fixant en commun des prix et des parts de marché selon des règles préétablies. Dans un document élaboré par leurs soins, intitulé « Règles » qui selon l’un des membres du cartel constituait « la bible » à laquelle chacun devait se tenir, les « affaires » – comme étaient nommés les marchés – étaient réparties selon des tableaux déterminant les parts de chaque participant. Lorsque cette attribution n’était pas respectée, les entreprises concernées devaient convenir de compensations et, en cas de désaccord, des pénalités étaient décidées en commun. Pour les consultations hors appels d’offres, ce même document prévoyait un système de remises qui devait être appliqué aux acheteurs publics, professionnels ou clients privés. En annexe à ce document figurait une « liste noire » de sociétés concurrentes avec lesquelles il ne fallait pas traiter. D’autres documents intitulés « Patrimoines » – nom donné aux marchés à bons de commande affectés aux participants – servaient à mettre en œuvre la répartition suivant les règles prévues. Ce cartel qui tendait à s’étendre de proche en proche à l’ensemble des marchés de signalisation routière verticale a gravement faussé les consultations lancées par les maîtres d’ouvrages publics (Etat et collectivités territoriales) en éliminant presque complètement la concurrence. Les majors de l’entente qui ont constitué le « noyau dur » de celle-ci auquel les entreprises de moyenne importance estimaient devoir adhérer pour ne pas être marginalisées ont, par le mécanisme complexe de répartition et d’ajustement mis en place ainsi que par la police exercée, conféré à ce cartel un fonctionnement très organisé et très stable d’une gravité indéniable. Il en est résulté un dommage à l’économie très important, car ces pratiques ont presque totalement exclu les entreprises non membres de l’entente d’un secteur d’importance nationale et préservé sur une longue période les parts de marché des principaux fabricants de panneaux qui n’ont pas été incités à améliorer leur offre par le jeu de la concurrence. Par ailleurs, des pratiques d’abus de position dominante sont venues s’ajouter à ce cartel. D’une part, la société Sodilor a refusé d’approvisionner une société concurrente avec ses produits et fait pression sur les maîtres d’ouvrage publics pour préserver sa part sur le marché des balises en matière plastique. D’autre part, la société 3M France a appliqué des prix discriminatoires concernant la vente de films plastiques rétro-réfléchissants en appliquant un système de remises qui a favorisé les membres du cartel au détriment des entreprises concurrentes. Elles ont contribué à la gravité des pratiques dénoncée plus haut et au dommage qui en est résulté. Certaines des entreprises concernées, parmi lesquelles figurent des entreprises membres du cartel déjà condamnées pour des pratiques similaires, ont décidé de ne

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pas contester la réalité des griefs, à savoir Lacroix Signalisation, SES, Signature, Signaux Girod, Laporte Service Route et Sodilor, et ont de ce fait bénéficié d’une réduction de sanction. L’Autorité de la concurrence a prononcé des sanctions proportionnées à la gravité des comportements en cause, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation individuelle des entreprises. Elle a ainsi infligé : à Lacroix Signalisation, une sanction de 7,72 millions d’euros ; à Signature, une sanction de 18,48 millions d’euros ; à Signaux Girod, une sanction de 6,94 millions d’euros ; à Sécurité et Signalisation (SES), une sanction de 700 000 euros ; à Aximum, une sanction de 17,65 millions d’euros ; à Laporte Service Route, une sanction de 700 000 euros ; à Franche Comté Signaux (FCS), une sanction de 356 000 euros ; à Nadia Signalisation, une sanction de 166 000 euros ; à Société de diffusion Lorraine (Sodilor), une sanction de 259 000 euros ; à 3M France, une sanction de 1,97 million d’euros. Les amendes sont recouvrées au bénéfice du Trésor public. Mais l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que les sociétés d’autoroutes victimes du cartel disposent du droit de demander réparation du préjudice qu’elles ont subi de ce fait, auprès des tribunaux compétents. Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr »

DECISION Article 1er : Il est établi que les sociétés Lacroix Signalisation, Signature, Signaux Girod, Sécurité et Signalisation (SES), Aximum, Franche Comté Signaux (FCS), Nadia Signalisation, Laporte Service Route et Nord Signalisation ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce ainsi que celles de l’article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne. Article 2 : Il est établi que la Société de diffusion Lorraine (Sodilor) a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ainsi que celles de l’article 82 CE. Article 3 : Il est établi que la société 3M France a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ainsi que celles de l’article 82 CE. Article 4 : Il n’est pas établi que 3M France s’est concertée avec Signature, Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Aximum et a enfreint l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 81, paragraphe 1, CE. Article 5 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 1er les sanctions pécuniaires suivantes :

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– à Lacroix Signalisation, une sanction de 7,72 millions d’euros ; – à Signature, une sanction de 18,48 millions d’euros ; – à Signaux Girod, une sanction de 6,94 millions d’euros ; – à Sécurité et Signalisation (SES), une sanction de 700 000 euros ; – à Aximum, une sanction de 17,65 millions d’euros ; – à Laporte Service Route, une sanction de 700 000 euros ; – à Franche Comté Signaux (FCS), une sanction de 356 000 euros ; – à Nadia Signalisation, une sanction de 166 000 euros. Article 6 : Il n’y a pas lieu d’infliger de sanction pécuniaire à Nord Signalisation. Article 7 : La sanction pécuniaire infligée à Sodilor, au titre des pratiques visées à l’article 2, est de 259 000 euros. Article 8 : La sanction pécuniaire infligée à 3M France, au titre des pratiques visées à l’article 3, est de 1,97 million d’euros. Article 9 : Les personnes morales visées aux articles 5, 7 et 8 feront publier à leurs frais, au prorata des sanctions prononcées, le texte figurant au point 482 de la présente décision dans « La Tribune » et « Le Moniteur des travaux publics », en respectant la mise en forme. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet de recours devant la cour d’appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dès leur parution et au plus tard le 31 mars 2011. Délibéré sur le rapport oral de M. Jean-René Bourhis et l’intervention orale de M. Jean-Marc Belorgey, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, et MM. Jean-Vincent Boussiquet, Yves Brissy, Noël Diricq et Jean-Bertrand Drummen, membres.

La secrétaire de séance, La vice-présidente, Marie-Anselme Lienafa Françoise Aubert

 Autorité de la concurrence

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  • Décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale
    • I. Constatations
      • A. LA PROCÉDURE SUIVIE DEVANT L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
        • 1. La décision d’auto-saisine du Conseil de la concurrence
        • 2. Les saisines des sociétés Signal Concept et Nord Signalisation
        • 3. La communication de pièces du dossier pénal par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Nantes
        • 4. Les décisions de jonction des trois affaires
        • B. LES SECTEURS CONCERNÉS
          • 1. Les produits
            • a) Les panneaux métalliques de signalisation routière verticale permanente et temporaire
            • b) Les équipements de sécurité et de balisage en matière plastique
            • c) Les films plastiques rétro-réfléchissants
          • 2. Les procédures préalables à la mise sur le marché des équipements de la route
            • a) La certification des équipements de la route
            • b) Les autorisations d’emploi
          • 3. Le syndicat professionnel du secteur : le SER
          • 4. La réglementation relative aux normes et aux spécifications techniques en matière de marchés publics
          • 5. Les principales entreprises des secteurs concernés en France
            • a) Le secteur de la signalisation verticale permanente et temporaire
              • La société Signature
              • La société Lacroix Signalisation
              • La société Signaux Girod
              • La société Sécurité et Signalisation (SES)
            • b) Le secteur de la signalisation plastique
              • La société Sodilor
              • La société SAAM
            • c) Le secteur des films plastiques rétro-réfléchissants
              • La société 3M France
              • La société Nippon Carbide Industries France (NCI France)
              • Les autres intervenants
          • 6. La demande en équipements de signalisation routière verticale
        • C. LES PRATIQUES RELEVÉES
          • 1. Les pratiques relevées dans le secteur de la signalisation routière verticale permanente et temporaire
            • a) Le document « Règles »
              • Présentation
              • Les déclarations des responsables des membres du « club » au sujet du document « Règles »
            • b) Le tableau « T4 » relatif à la répartition des « petites affaires »
            • c) Les documents « Patrimoines »
              • Les « patrimoines » par départements
              • Les documents « Patrimoines » des villes de plus de 10 000 habitants
              • Les déclarations des responsables des membres du « club » au sujet des documents « Patrimoines »
              • Les éléments communiqués par les conseils généraux
            • d) Les marchés ponctuels
              • Présentation
              • Les déclarations des responsables des membres du « club » à propos des marchés ponctuels
            • e) La répartition des revendeurs et la « liste noire » figurant en annexe du document « Règles »
              • Présentation
              • Les déclarations recueillies au sujet des listes de revendeurs et de la « liste noire »
                • Les sociétés ayant admis être membres de l’entente
                • Déclarations des responsables de certaines sociétés figurant sur la « liste noire »
                •  Le président de Sud-Ouest-Signalisation (SOS), fabricant de panneaux de signalisation verticale à Albi, interrogé à propos de la liste noire a déclaré « je pensais que j’étais en liste noire avant d’avoir communication des pièces du dossier pénal en tant que partie civile car nous avions constaté que les remises de la part des membres de l’entente n’étaient pas les mêmes lorsque nous retirions un dossier ou pas.-/ DBS était une société de fabrication qui s’est regroupée avec SOS » (cotes 4822 à 4825).
                •  Le gérant de Hicon France, fabricant de panneaux de signalisation verticale à Vesoul, dont le nom figure sur la liste noire, a indiqué n’être pas au courant de l’existence de cette liste. Interrogé sur le point de savoir s’il estimait que Hicon France avait été victime de l’entente, il a répondu : « à partir du moment où on retirait un dossier, les sociétés membres de l’entente faisaient un rabais important (de l’ordre de 60 à 80 %) » (cotes 5986 à 5988).
                • Le témoignage du directeur commercial de JCB, revendeur de Lacroix Signalisation
                •  M. E…, directeur commercial de la société JCB, revendeur et poseur de panneaux de signalisation routière, a déclaré à propos d’un message du 14 juin 2005 rédigé par M. F…, commercial de Lacroix Signalisation, à l’attention de M. G…, copie à M. A…, président de Lacroix Signalisation : « dans ce message je me plains de certains fabricants [de signalisation verticale] qui accordent des remises identiques à certains petits revendeurs qui ne sont pas des professionnels de la signalisation verticale qu’à des revendeurs « historiques » comme JCB. Or, il s’avère que ces petits revendeurs, présents dans la signalisation horizontale, font de la concurrence déloyale en proposant l’intégralité de la remise consentie par le fabricant afin de prendre des parts de marché dans la mesure où, déjà en 2005 apparaissaient des marchés (privés) couvrant à la fois des prestations de signalisation horizontale et verticale » (cotes 6741 et 6742).
                • Ce message du 14 juin 2005 contient les éléments suivants : « J’ai reçu la plainte de M. E… concernant "les politiques désastreuses des fabricants de signalisation verticale en matière de remises envers les acteurs de l’horizontale", acteurs qui, selon lui, déstabilisent le marché en proposant la fourniture de panneaux à prix coûtant, pour marger sur l’horizontale » (cote 7596).
            • f) Les ajustements effectués entre les « majors » de l’entente
          • 2. Les pratiques relevées dans le secteur de la signalisation plastique (équipements de sécurité et de balisage)
          • 3. Les pratiques relevées dans le secteur des films plastiques rétro-réfléchissants
            • a) La politique commerciale suivie par 3M France
              • Les conditions d’accréditation
              • La politique de remise de 3M France
            • b) Le comportement de 3M France vis-à-vis des majors de l’entente de la signalisation routière verticale en France
        • D. LES GRIEFS NOTIFIÉS
        • E. LA MISE EN ŒUVRE DU III DE L’ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE
          • 1. Les engagements souscrits par SES
          • 2. les engagements souscrits par Lacroix Signalisation
          • 3. Les engagements souscrits par Signature
          • 4. Les engagements souscrits par Signaux Girod
          • 5. Les engagements souscrits par Sodilor
          • 6. Le cas particulier de Signaux Laporte
      • II. DISCUSSION
        • A. SUR LA PROCÉDURE
          • 1. Sur le déroulement des opérations de communication de pièces du dossier pénal
          • 2. Sur l’utilisation de pièces du dossier pénal
          • 3. Sur la présence au dossier de pièces autres que les procès-verbaux et rapports d’enquête
          • 4. Sur le déroulement de l’instruction
          • 5. Sur le libellé des griefs notifiés à Somaro (devenue Aximum)
          • 6. Sur la prescription de certains faits et sur les peines applicables
          • 7. Sur les griefs notifiés à 3M France
        • B. SUR L’APPLICABILITÉ DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE
          • 1. En ce qui concerne les griefs notifiés sur le fondement de l’article 81 CE
          • 2. En ce qui concerne les griefs notifiés sur le fondement de l’article 82 CE
        • C. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS
          • 1. Sur le cartel de la signalisation routière verticale en France (grief n° 1)
            • a) Sur l’objet anticoncurrentiel des pratiques
            • b) Sur la participation des mises en cause à l’entente
              • Sur le standard de preuve de l’accord de volonté à une entente horizontale
              • Sur le standard de preuve applicable à la présente affaire
              • Sur la participation individuelle des mises en cause à l’entente
                • Sur la participation des quatre « majors » de l’entente : Signature, Signaux Girod, SES et Lacroix Signalisation.
                • Sur la participation de SDS
                • Sur la participation de Nord Signalisation
                • Sur la participation de Franche Comté Signaux (FCS)
                • Sur la participation de Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route)
                • Sur la participation de Nadia Signalisation
                • Sur l’implication du SER dans l’entente
          • 2. Sur les pratiques mises en œuvre par Sodilor sur le marché de la signalisation plastique (grief n° 2)
            • a) Sur la définition du marché pertinent
              • Sur le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique)
              • Sur la position de Sodilor sur ce marché
            • b) Sur l’abus de position dominante
          • 3. Sur les pratiques mises en œuvre par 3M France sur le marché de la fourniture des films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale (grief n° 3)
            • a) Sur la définition du marché pertinent et sur la position qu’y occupe 3M France
              • Sur le marché de la fourniture de films plastiques rétro-réfléchissants destinés à la fabrication de panneaux de signalisation verticale
                • Sur la définition sectorielle du marché
                • Sur la définition géographique du marché
              • Sur la position de 3M France sur ce marché
            • b) Sur le système d’accréditation mis en place par 3M France en 2003, 2004 et 2005
            • c) Sur le système de remise mis en place par 3M France
              • Sur la nature discriminatoire du barème de remises
              • Sur les effets anticoncurrentiels des remises discriminatoires
            • d) Sur l’argument selon lequel 3M France se serait trouvée dans l’impossibilité d’augmenter ses prix de vente
          • 4. Sur la concertation entre 3M France et les majors du cartel de la signalisation routière verticale permanente et temporaire (grief n° 4)
        • D. SUR L’IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES
        • E. SUR LES SANCTIONS
          • 1. Le montant maximal des sanctions
          • 2. Sur la gravité des pratiques
            • Sur le cartel de la signalisation routière verticale
              • La nature et la portée des pratiques
              • L’étendue et la sophistication des pratiques
              • La persistance des pratiques
              • Sur les pratiques mises en œuvre par Sodilor
              • Sur les pratiques mises en œuvre par 3M France
          • 3. Sur l’importance du dommage à l’économie
            • a) L’importance du dommage causé par le fonctionnement du cartel de la signalisation verticale de 1997 à 2006
              • Sur la taille du marché et la part du marché affectée
              • Sur la durée des pratiques
              • Sur les conséquences conjoncturelles et/ou structurelles des pratiques
                • Sur l’entrave à l’accès au marché de petites et moyennes entreprises non membres du cartel
                • Sur la rigidification des parts de marché des principaux fabricants de panneaux
                • Sur le « surprix » résultant de la mise en œuvre de l’entente
            • b) L’importance du dommage causé par les pratiques de Sodilor sur le marché de la signalisation plastique (fourniture d’équipements de sécurité et de balisage en matière plastique)
            • c) L’importance du dommage causé par les pratiques mises en œuvre par 3M France sur le marché de la fourniture de films plastiques destinés à la signalisation verticale
              • Le dommage causé par les pratiques de 3M France sur le marché de la fabrication de panneaux de signalisation
              • La limitation de l’accès au marché national des films rétro-réfléchissants et à celui de panneaux de signalisation routière verticale par 3M France
          • 4. Sur la réitération
            • Sur l’existence d’un constat d’infraction antérieur
            • Sur le caractère définitif, à la date de la présente décision, du constat d’infraction
            • Sur l’identité ou la similitude des pratiques
          • 5. Sur la procédure de non-contestation des griefs
            • a) Sur l’appréciation des engagements proposés par SES, Signature, Lacroix Signalisation, Signaux Girod et Sodilor
            • b) Sur la situation particulière de Signaux Laporte (devenue Laporte Service Route)
          • 6. Sur la situation individuelle des entreprises
            • a) Les membres de l’entente
              • Sur le rôle joué dans l’entente
              • Sur la durée de participation
              • Sur l’appartenance à un groupe
              • Sur l’absence d’infraction antérieure
            • b) Sodilor et 3M France
          • 7. Sur le montant des sanctions
            • a) Sur la méthode de calcul des sanctions
              • L’assiette servant au calcul du montant de la sanction
              • Les éléments à prendre en compte
            • b) Sur les sanctions individuelles
              • Lacroix Signalisation
              • Signature
              • Signaux Girod
              • SES
              • Aximum (anciennement Somaro)
              • Laporte Service Route (anciennement Signaux Laporte)
              • FCS
              • Nadia Signalisation
              • Nord Signalisation
              • Sodilor
              • 3M France
          • 8. Sur l’obligation de publication
    • DECISION

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ADLC, Décision 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale