Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 décembre 2013, n° 12/23265

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17 déc. 2013, n° 12/23265
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/23265
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 6 novembre 2012, N° 11/1848

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 DECEMBRE 2013

N°2013/

MV/FP-D

Rôle N° 12/23265

XXX

C/

S Z

Grosse délivrée le :

à :

Me Philippe BODIN, avocat au barreau de NANTES

Me Jean IOSCA, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE – section EN – en date du 07 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1848.

APPELANTE

XXX, demeurant 18 avenue de Lattre de Tassigny – 06130 GRASSE

représentée par Me Philippe BODIN, avocat au barreau de NANTES (XXX

INTIMEE

Madame S Z, XXX

représentée par Me Jean IOSCA, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles G, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2013

Signé par Monsieur Gilles G, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame S Z a été engagée à compter du 6 octobre 2008 par la société EMERA EXPLOITATIONS en qualité de directrice de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dénommé résidence L à Grasse, statut cadre, moyennant la rémunération mensuelle brute en dernier lieu de 4230 €.

La convention collective applicable est celle de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Le 17 octobre 2011 elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 27 octobre 2011 et était dispensée d’activité avec effet immédiat à titre conservatoire et le 3 novembre 2011 elle était licenciée aux motifs suivants :

« Je fais suite à l’entretien que nous avons eu le 27 octobre 2011 et suis malheureusement au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse compte tenu des difficultés éprouvées à accomplir correctement votre mission de Directrice de la résidence de retraite L.

Je vous rappelle en effet que vous avez été engagée le 6 octobre 2008 pour prendre la direction de cet établissement du groupe EMERA et, à ce titre, il vous appartenait dans le respect des normes du Groupe EMERA, d’assurer la direction et la gestion de cet établissement.

Ceci impliquait notamment d’assurer, dans le cadre de la délégation de pouvoirs qui vous a été confiée, la gestion de l’ensemble des personnels de l’établissement.

Malheureusement et malgré tant l’encadrement dont vous avez pu bénéficier au sein du Groupe, que les différentes procédures existantes, je dois constater une carence totale sur ce point essentiel de votre mission.

La conséquence en est une totale incapacité à fédérer les équipes autour d’un projet humain cohérent et nous devons, au contraire, au quotidien, gérer, en vos lieu et place, des réclamations de tous ordres, mettant en avant les dysfonctionnements internes et les tensions entre personnels .

De même, cette absence de gestion du personnel conduit à exposer la résidence à des risques de responsabilité particulièrement importants.

A titre d’exemple, la résidence L, comme toutes les résidences du Groupe EMERA, est organisée autour de son Directeur, assisté de son 1er cercle de direction que constituent l’infirmier référent, le responsable administratif, l’animateur, le chef de cuisine et le responsable de maintenance.

La cohésion de l’établissement dépend, pour l’essentiel, de la cohésion du 1er cercle.

Sur l’année 2011, il apparalt qu’une seule réunion du 1er cercle s’est réellement tenue et que cette non application des pratiques n’est pas de nature à contribuer à une réelle cohésion d’équipe.

Les comptes rendus transmis sur la demande insistante de votre Directrice Régionale au début du mois d’octobre 2011, dont il est très sérieusement permis de douter de la réalité, montre qu’en réalité, aucun échange n’existe au sein de votre1er cercle et que vous n’assurez, en réalité, aucun suivi ou gestion du personnel.

A titre d’exemple, il a encore été constaté récemment que les formations internes mises en 'uvre par le Groupe, qu’il s’agisse des formations obligatoires telles que les formations à la sécurité ou les formations gestes et postures, ne sont pas réalisées dans le respect de consignes du groupe au sein de votre établissement.

Les formations à la sécurité sont obligatoires et il est inconcevable qu’elles ne soient pas réalisées conformément aux consignes du groupe et que, surtout, vous n’ayez pris aucune démarche ou initiative pour en assurer l’existence ou la réalisation.

Quant aux formations gestes et postures qui, là non plus, ne sont pas réalisées dans les conditions et au rythme fixé par le Groupe EMERA, leur non-réalisation est la traduction d’une mise en danger de la santé et de la sécurité des personnels sans que, là non plus, vous n’ayiez pris la moindre initiative correctrice.

Pourtant, nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’attirer votre attention sur l’importance de l’ensemble de ces éléments.

De même, concernant l’existence d’un dialogue social au sein de votre établissement, celui-ci est proprement inexistant et nous avons pu notamment à ce titre découvrir que vous ne réalisiez pas de réunion des Délégués du Personnel.

Il a fallu un rappel de votre Directrice Régionale, à la fin du mois de mai 2011, pour que ces réunions puissent enfin avoir lieu.

Et encore, de manière toute aussi stupéfiante, il est apparu que vous ne convoquiez pas les représentants du personnel suppléants aux réunions.

De tels faits sont susceptibles d’être qualifiés de délit d’entrave et votre comportement est objectivement source de tensions puisque en réunion du Comité d’Entreprise, le Groupe doit traiter des récriminations émanant directement de votre résidence du fait de votre refus de convoquer les représentants suppléants.

Une telle absence totale de dialogue et de gestion des équipes se retrouve encore à travers l’absence de traitement des situations individuelles et, pour exemple, je vous rappelle qu’au cours de l’année 2010, nous avons dû gérer, à votre place, une situation particulièrement conflictuelle avec Madame U Y, gestion au cours de laquelle nous avons pu nous rendre compte que cette salariée n’avait jamais eu d’entretien professionnel, malgré les exigences du Groupe EMERA et que le seul entretien qu’elle avait eu au cours de l’année 2010 avait été mené sans aucune recherche d’échanges avec la salariée mais, au contraire, en la laissant remplir elle-même son propre questionnaire d’évaluation sans que, là non plus, ne soit tirée la moindre conclusion de votre part.

Toujours sur le terrain de la gestion du personnel, le Groupe EMERA est tenu par un plan d’actions en faveur de l’emploi des seniors qui prend en compte notamment les difficultés et la pénibilité des métiers exercés par les salariés âgés de plus de 50 ans avec notamment pour rôle d’échanger avec eux sur leur avenir professionnel et le maintien de leur employabilité avec l’âge.

Au sein de votre établlssèrnent, seuls 2 entretiens de seconde partie de carrière ont été réalisés pour un effectif de 20 salariés de plus de 45 ans concernés comme le prévoit notre plan d’action ce qui, là encore, traduit une absence de prise en considération du facteur humain de la relation de travail outre la responsabilité que vous faites courir à l’entreprise au titre du non-respect des engagements pris par elle envers les personnels.

Pour autant, vous avez été régulièrement alertée sur une ambiance de travail globalement détériorée, sans que, là non plus, vous n’ayez pris d’initiative particulière et ce n’est que lorsque certains salariés prennent l’initiative d’alerter la Direction du Groupe que nous devons constater l’état dans lequel les salariés sont livrés à eux-mêmes.

A titre d’exemple complémentaires, les entretiens professionnels ne sont réalisés que de manière très aléatoire et partielle malgré les relances dont vous avez été destinataire car, sur 41 personnes concernés en 2011 ayant une ancienneté supérieure à un an, seuls 12 salariés à fin Octobre 2011 avaient eu un entretien professionnel ce qui est de nouveau totalement contraire à nos bonnes pratiques et traduit une absence de prise en compte de l’importance humaine du travail de chacun, source de démotivation collective.

Tout ceci se traduit notamment au travers du suivi administratif du personnel qui relève de votre responsabilité première et comme nous avons pu l’évoquer après nous en être rendu compte:

— Les informations relatives à la portabilité de la prévoyance sont inexistantes pour les anciens salariés

— Les extraits de casier judiciaire ne figurent pas aux dossiers des salariés malgré la procédure d’embauche et Ies obligations définies par l’Agence Régionale de la Santé, reprenant à ce titre l’obligation légale. L’absence de suivi administratif de cette obligation nous exposant au risque d’un contrôle de l’Autorité Régionale de Santé.

Cette absence de prise en compte du facteur humain dans la relation de travail tant au quotidien que dans la gestion administrative se retrouve aussi au niveau du soin et des admissions de résidents.

Il ne me semble pas utile de vous rappeler le niveau important de turn-over du personnel qui, s’il est un indice révélateur des difficultés de l’établissement, peut aussi expliquer votre incapacité à construire un projet d’établissement à partir d’une équipe stable.

A titre d’exemple complémentaire, l’infirmière référente ne cesse de se plaindre de vos décisions d’admission de résidents sans aucune anticipation de ses décisions sur le fonctionnement cohérent des équipes.

A titre d’exemple, vous avez récemment admis Madame J et le couple B dans des conditions difficilement acceptables.

Concernant la première de ces admissions, le dossier médical de la personne n’est arrivé qu’en début de soirée sans avis médical du médecin coordonnateur, pourtant obligatoire par l’application du décret de mai 2005 qui concerne les missions du médecin coordonnateur, soit bien après l’admission du résident à un moment où la préparation des équipes de soins, de cuisine et de nuit, apparaissait totalement impossible, de telle sorte que les personnels ont dû traiter seuls, sans aucune indication, l’arrivée de ce résident.

Il en était de même pour l’admission du couple B dont l’absence totale de préparation a conduit les équipes de nuit à alerter l’infirmière référente en pleine nuit, faute d’instructions ou d’informations particulières.

De telles pratiques ne sont pas admissibles envers d’une part les résidents, dont la qualité d’accueil est sérieusement remise en cause, mais surtout envers les équipes, dont l’absence d’information et de préparation des arrivées conduit à désorganiser profondément l’organisation du travail sans aucun encadrement.

La conséquence directe de cette situation est que vous êtes totalement coupée des équipes de la résidence et que nous devons gérer les plaintes des salariés lorsque ceux-ci ont le courage de ne pas quitter l’établissement tant ils sont livrés à eux-mêmes en l’absence de toute organisation et de toute direction.

Votre comportement vous conduit ainsi à ne plus exercer du tout votre mission de direction qui aurait dû, au contraire, vous conduire à fédérer l’ensemble des équipes et tout d’abord votre 1er cercle, autour du projet d’établissement pour que la résidence soit, au regard de l’éthique du Groupe EMERA, un lieu de convivialité, d’échanges et de chaleur tant pour les résidents que pour les personnels.

Le constat de cet échec me conduit à prononcer votre licenciement en raison d’une situation d’insuffisances professionnelles et votre contrat de travail prendra fin au terme de votre préavis de trois mois, préavis que vous êtes dispensée d’effectuer.

A l’issue de ce préavis, vous recevrez votre solde de tout compte.

Par ailleurs, nous levons la clause de non-concurrence mentionnée dans votre contrat de travail… »

PROCEDURE

Contestant son licenciement Madame Z a le 14 décembre 2011 saisi le Conseil de Prud’hommes de Grasse.

Par lettre recommandée postée le 7 décembre 2012 la XXX a régulièrement relevé appel du jugement rendu le 7 novembre 2012 par le Conseil de Prud’hommes de Grasse qui a :

vu les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles,

vu les articles 6,9, 455,696 et 700 du code de procédure civile, L 1235. 1, L 1232. 1, L 1232. 6, L 1235. 3 et L. 1235. 4 du code du travail,

dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société EMERA EXPLOITATIONS à verser à Madame Z les sommes de :

38 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

a débouté Madame Z du surplus de ses demandes, débouté la société EMERA EXPLOITATIONS de l’ensemble de ses demandes,

a ordonné à la société EMERA EXPLOITATIONS de rembourser à Pôle Emploi Côte d’Azur les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités et l’a condamnée aux dépens.

La XXX conclut à la réformation du jugement déféré aux fins de voir dire que le licenciement de Mme Z repose sur une cause réelle et sérieuse, débouter cette dernière de l’intégralité de ses demandes et subsidiairement réduire très sensiblement l’indemnisation allouée en première instance compte tenu de l’absence d’un préjudice démontré ou étayé.

Elle sollicite la condamnation de Mme Z à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le licenciement ne repose pas sur un motif disciplinaire, que l’insuffisance professionnelle n’est pas exclusive d’un comportement fautif, que les manquements identifiés au regard de la réglementation applicable dans un établissement médicalisé sont établis ; qu’en toute hypothèse Madame Z avait à peine trois ans d’ancienneté et a retrouvé dès le 19 mars 2012 un nouveau poste de directrice d’établissement à un salaire identique et ne peut en conséquence revendiquer le moindre préjudice.

Mme Z conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement abusif et sollicite l’augmentation des dommages et intérêts qu’elle demande à la cour de fixer à 100 000 € en réparation de son préjudice matériel et moral.

Elle sollicite en outre la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’elle a été mise à pied à titre conservatoire , que le licenciement est fondé sur des faits fautifs non datés, dont l’employeur ne rapporte pas la preuve et qui sont contredits par les éléments qu’elle produit au débat ; qu’en effet aucun incident n’a été à déplorer au cours de l’exécution de son contrat, que les échanges de courriers versés aux débats ne révèlent de sa part ni faute ni anomalie, qu’elle entretenait de bons rapports avec le personnel ainsi qu’avec les résidents, les visiteurs et les médecins ; qu’un audit a été effectué dans l’établissement en novembre 2010 et n’a révélé aucun problème particulier dans sa gestion ; que son préjudice matériel et moral est avéré.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l’audience d’appel tenue le 4 novembre 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’en l’espèce outre le fait que la lettre de convocation à l’entretien préalable notifie non à proprement parler une mise à pied mais une « dispense d’activité avec effet immédiat à titre conservatoire», il apparaît que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige prononce un licenciement pour « insuffisances professionnelles » constituées selon l’employeur par plusieurs manquements de Mme Z dans les missions de gestion du personnel et de l’établissement de sorte que le licenciement doit être apprécié non dans le cadre disciplinaire mais, comme l’a justement retenu le jugement déféré , dans le cadre de l’article L. 1235. 1 du code du travail qui dispose :

« En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié » ;

Attendu que s’il est exact comme le fait valoir la société EMERA EXPLOITATIONS que si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, le juge ne pouvant prétendre substituer son appréciation à celle de l’employeur , il n’en demeure pas moins que l’incompétence alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets, précis et objectifs et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur, d’autre part que les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;

Attendu que la société EMERA EXPLOITATIONS indique que « nombre de plaintes ont émaillé la direction de Mme Z » et cite à titre d’exemple un courrier de la fille d’un résident, M. N, en date du 23 avril 2009, soit deux ans et demi avant le licenciement, faisant état de la disparition des vêtements de son père et il apparaît que Mme Z a répondu le 7 mai 2009 à la plaignante par un courrier que la société EMERA EXPLOITATIONS indique être « objectivement inapproprié » alors que ce courrier, s’il ne fait effectivement état d’aucune excuse quant à la perte des vêtements, révèle qu’il y a eu deux entretiens avec la plaignante, que des recherches ont été faites pour retrouver les vêtements et qu’il est demandé à la plaignante d’adresser la facture des vêtements de remplacement, de sorte que ce courrier, réglant au mieux un problème mineur dans une maison de retraite, ne saurait, même à retenir le manque d'« empathie » reproché à Mme Z , constituer un motif sérieux de licenciement ;

Attendu que la société EMERA EXPLOITATIONS produit également un courrier de réclamation du 23 juin 2010 émanant de la fille de Mme E adressé non à Mme Z mais au directeur général du groupe, M. M, de sorte qu’il ne peut être reproché à Mme Z , non destinataire de ce courrier, de ne lui avoir pas apporté de réponse , étant au surplus observé que dans sa réponse du 13 juillet 2010 le directeur général exonère le personnel de la résidence L de toute responsabilité dans la prise en charge de cette résidente et précise que « Mme Z s’est proposée de vous recevoir à la date de votre convenance afin d’échanger et de répondre à l’ensemble de vos interrogations » de sorte qu’aucun manquement avéré dans la prise en charge de cette patiente n’est établi ;

Attendu que si le président de l’EMERA, M. K, a alerté en septembre 2010 le directeur général du groupe, M. M, de problèmes d’organisation du pôle médical à la résidence L et plus généralement de la montée du niveau de dépendance moyen dans la résidence faisant peser de nouvelles contraintes, il a sollicité également la mise en place d’un « audit des process et de l’organisation du pôle médical » audit qui n’est pas produit par la société EMERA EXPLOITATIONS et dont Mme Z indique sans être contredite qu’il n’a révélé aucun problème particulier, de sorte que la désorganisation alléguée du pôle médical en septembre 2010 n’est pas établie ;

Attendu que la société EMERA EXPLOITATIONS reproche également à Mme Z l’accueil le 29 septembre 2011 d’un couple, monsieur et madame B, sans validation préalable par un médecin coordinateur alors que les pièces communiquées et notamment le mail adressé par Mme I le 30 septembre 2011 à Mme X, directrice régionale région sud, indique au contraire « hier, le 29 septembre, j’ai été prévenu par Mme Z de l’entrée pour l’après-midi du même jour (avec l’accord du médecin coo) d’un couple qui était venu le week-end du 25/26 septembre. Ces deux personnes sont GIR 2, elle est très lourde physiquement… » ce qui démontre en conséquence que cette entrée a été faite avec « l’accord du médecin coordinateur » ;

Attendu par ailleurs que s’il est exact que l’entrée de ce couple a posé des problèmes de saturation à l’équipe de nuit comme le révèle un autre mail de Mme I le 30 septembre 2011 («… L’équipe de jour à saturation n’a pas le temps d’effectuer ces couchers… L’organisation de la nuit s’est trouvée perturbée : retard pour les autres résidents… L’auxiliaire de vie craque ce soir, elle pleure… Hier soir c’est l’autre équipe de nuit qui m’a appelé pour la même cause et qui voulait faire une lettre mais finalement, après longue discussion , s’est tempérée… J’envisage d’essayer, pas gagné car c’est le we, de trouver du renfort pour ce we… Je m’adresse à vous car lorsque j’ai parlé à Mme Z de la prise en charge de ce couple, sa solution a été d’imposer le coucher en premier et avant tout le monde… (et de partir en we dans le Var…)… » ) il apparaît que le fils de ce couple, le docteur B, dont la société EMERA EXPLOITATIONS soutient qu’il est « un grand ami de Mme Z » – ce qui à supposer le fait avéré n’enlève rien à ces constatations – a adressé à cette dernière le 18 avril 2012 un e-mail dans lequel il indique notamment «… Je suis surpris et même choqué que votre ancienne direction vous accuse d’une absence d’organisation et de présence au sein de la maison de retraite dont vous aviez la responsabilité. Comme vous le savez j’ai créé et dirigé un département hautement spécialisé en cardiologie pendant plus de 20 ans et je ne peux que faire votre éloge sur la façon dont vous avez reçu mes parents alors en pleine détresse. Votre chaleur humaine, le souci de leur bonne installation jusqu’à tard dans la soirée bien après 20 heures non seulement m’a considérablement tranquillisé dans cette période difficile mais démontre si cela était nécessaire votre très haut sens professionnel… Votre attitude lors de votre accueil à la fois humaine et médicale correspond parfaitement à l’idée que je me fais de la direction d’un tel établissement et confirme s’il en était besoin la très haute idée que vous vous faites de votre fonction auprès de personnes si fragiles et si sensibles… » allant en conséquence à l’encontre du reproche lié à la « totale incapacité à fédérer les équipes autour d’un projet humain cohérent » Mme Z ayant manifestement choisi dans l’urgence et exceptionnellement de privilégier le bien-être d’un couple malade au confort horaire du personnel de nuit, ce qui ne peut constituer un motif sérieux de licenciement ;

Attendu qu’il est à titre superflu observé que M. F, responsable technique à la résidence L pendant quatre ans, a témoigné que « Mme I provoquait les situations et contestait sans cesse l’autorité de Mme Z. J’ai même dû, pendant les congés de septembre 2011 de Mme Z, appeler au téléphone Mme X, directrice régionale, pour l’informer de ce qui se passait mais la seule chose qu’elle a su faire est de venir à la résidence et de s’entretenir avec Mme I qui en sortant de son bureau s’est vantée d’être soutenue par Mme X et que dorénavant elle ne passerait que par la directrice régionale et avec son accord… Durant ce même week-end qui a précédé le départ de Mme Z, Mme I était de permanence à la résidence et a organisé une rébellion en poussant le personnel présent à demander par courrier à la direction générale le départ de Mme Z en invoquant de faux prétextes… Mme I a été virée après un audit du groupe en 48 heures quelques semaines après le départ de Mme Z (Mme Z avait alerté à trois reprises Mme X sur le comportement néfaste de Mme I sur les équipes , sur son impolitesse, sa vulgarité et son opposition permanente. Elle a tenté également d’alerter le directeur général M. M. Tous deux n’ont rien voulu entendre… » ce qui est de nature à mettre en doute les appréciations en partie subjectives faites par Mme I dans ses mails du 30 septembre 2011 ;

Attendu que le courrier de licenciement reproche également à Mme Z de n’avoir tenu en 2011 qu’une seule réunion du premier cercle, le 30 mai 2011 au lieu d’une réunion mensuelle, et « doute de la réalité » des autres comptes-rendus de réunion premier cercle transmis à la directrice régionale au début du mois d’octobre 2011 alors que ces comptes-rendus qualifiés de « faux » dans un mail adressé par Mme X à Mme O,DRH du groupe EMERA, existent néanmoins aux dates du 19 janvier, 16 mars, 21 avril, 30 mai, 29 juin et 26 septembre 2011 , que rien n’établit qu’il s’agirait de documents rédigés après coup, de sorte que le reproche n’est pas établi ;

Attendu en outre, concernant ces réunions premier cercle, que si la société EMERA EXPLOITATIONS produit l’e-mail de M. Q R, responsable administratif et comptable, ne faisant allusion qu’à un mail de convocation réunion premier cercle pour la seule date du 30 mai 2011, il apparaît que M. F, susvisé, responsable technique, a indiqué « les réunions du premier cercle, à part une ou deux qu’elle avait dû annuler soit à cause des travaux soit que trop de membres du premier cercle n’étaient pas présents, étaient assez suivies. Les représentants des salariés pouvaient régulièrement s’exprimer lors des réunions DP » et que Mme H, responsable de la vie sociale, a indiqué «elle[Mme Z ] a organisé des réunions du premier cercle régulièrement qui nous permettaient d’échanger sur des sujets divers » de sorte qu’en l’état de ces attestations contradictoires et le doute devant en toute hypothèse profiter au salarié, il apparaît de plus fort que le reproche concernant ces réunions n’est pas établi ;

Attendu que concernant le reproche relatif au fait qu’il a été récemment constaté que les formations internes (formation obligatoires à la sécurité ou formations gestes et postures) n’étaient pas réalisées dans le respect des consignes du groupe, il apparaît que la formation obligatoire « sécurité incendie » doit être effectuée trois fois par an, celle relative « aux gestes et postures » deux fois par an pour les AS,AMP et les ASH et toutes les autres une fois par an de sorte que les listes d’émargement produites à la date du 6 octobre 2011 ne peuvent servir à établir le non-respect de la mise en place de ces formations dans la mesure où l’année n’était pas écoulée et alors au surplus que la société EMERA EXPLOITATIONS produit le guide des bonnes pratiques relatif à la gestion des formations internes avec notamment le tableau 4.2 relatif aux formations obligatoires qui a fait l’objet le 19 septembre 2011 d’un remaniement (« remaniement du paragraphe 4.2 mise sous forme de tableau) », de sorte que la version initiale antérieure au 10 septembre 2011 n’étant pas produite il n’est pas possible à la cour de vérifier quel était alors le rythme des formations obligatoires et alors enfin que les tableaux produits démontrent que sur la cinquantaine de salariés employés dans la résidence L 25 ont fait l’objet d’une formation incendie , 6 d’une formation gestes et postures, 29 d’une formation pandémie grippale, et qu’en conséquence à la date du 17 octobre 2011 Mme Z avait encore tout loisir si elle n’avait pas été dispensée d’activité de continuer à organiser les formations tri annuelles, biannuelles ou annuelles non encore mises en place ;

Attendu que le reproche concernant l’inexistence d’un dialogue social au sein de l’établissement et le défaut de réunion des délégués du personnel n’est que partiellement établi puisqu’il apparaît que le 27 juin 2011 Mme Z a convoqué les délégués du personnel titulaires à une réunion extraordinaire le 11 juillet 2011 et s’il est exact qu’elle a omis de convoquer les représentants du personnel suppléants, cette ommission ne saurait justifier son licenciement puisque à une réunion des délégués du personnel précédemment organisée le 30 mai 2011 l’une des suppléantes était présente en plus des deux délégués titulaires, ce qui démontre que contrairement à ce qui est indiqué au courrier de licenciement il ne s’agissait pas pour Mme Z de « refuser de convoquer les représentants suppléants » ;

Attendu que les autres reproches concernant l’absence de traitement des situations individuelles et notamment le cas de Mme Y et la mise en place du plan senior ne résultent nullement de la pièce produite à ce titre par l’employeur (numéro 32 qui ne concerne que les formations,) tandis que la pièce 41 relative à l’action commerciale sur l’année 2010 ne concerne aucun fait retrouvé dans la lettre de licenciement et qu’enfin la pièce 42 concernant une certaine Mme A n’est pas explicitée, de sorte que l’ ensemble des reproches formulés de façon générale, vague et non étayée (absence totale de dialogue et de gestion des équipes, absence de traitement des situations individuelles, absence d’entretien professionnel, absence de prise en considération du facteur humain de la relation de travail, ambiance de travail globalement détériorée, inexistence des informations relatives à la portabilité de la prévoyance, défaut d’extrait de casier judiciaire dans les dossiers des salariés, turnover du personnel, absence d’encadrement, coupure avec les équipes de la résidence, absence de toute organisation ) ne saurait venir au soutien d’un licenciement et ce d’autant que Mme Z n’a jamais fait l’objet d’un avertissement, qu’aucune plainte d’un membre du personnel – hormis celle de Mme I depuis lors licenciée – n’est produite et alors que de son côté Mme Z produit nombre d’attestations et notamment de médecins et divers documents de nature à contredire le motif d’insuffisance professionnelle retenu au soutien de son licenciement ;

Attendu que Mme Z produit ainsi le courrier de M. K, président d’EMERA , en date du 30 janvier 2009, la félicitant pour son grand professionnalisme à l’occasion de l’inauguration de l’extension de la maison de retraite L, un e-mail de M. P, directeur de la restauration à EMERA , en date du 15 juillet 2010 la félicitant pour l’excellent résultat de l’audit V2 d’EUROFINS, une attestation du docteur D, qui indique avoir participé aux réunions d’enseignement notamment à la résidence L dans les années 2010 et 2011 à la demande de Mme Z et qui précise que « ce projet cohérent a été préparé et réalisé au cours de ces deux années sous l’impulsion de Mme Z. Je peux témoigner de l’excellente organisation et de l’ambiance chaleureuse qui a présidé à la réalisation de ce projet. Le public comportait un grand nombre de membres du personnel … De nombreux résidents et leurs familles étaient présents. Tous ont manifesté leur satisfaction… Le groupe EMERA ne peut qu’être félicité et remercié d’avoir atteint grâce à ses deux directeurs un tel niveau d’humanisme pour ses résidents », l’attestation du docteur B, déjà cité, remerciant Mme Z pour la façon dont elle a reçu ses parents et faisant état de son « très haut sens professionnel», la lettre du docteur C en date du 21 décembre 2009 confirmant à Mme Z l’organisation à la résidence L d’une formation médicale continue pour les médecins grassois le 18 mars 2010, l’attestation du docteur G, qui a travaillé comme médecin coordonnateur à l’EHPAD de Nice et qui indique que lors de ses visites à la maison L il a pu constater « lors de rencontres professionnelles multidisciplinaires la satisfaction à son égard [de Mme Z ] de toute l’équipe», l’attestation de M. F, déjà cité, indiquant que « durant ces trois années Mme Z s’est investie dans la vie de la résidence, tant avec les résidents qu’avec le personnel, personnel qui n’hésitait pas à la solliciter et à la rencontrer quand ils avaient des problèmes… Nous avons toujours eu la porte de son bureau ouverte… Mme Z a donné toute son énergie à la réorganisation des soins… ainsi que tous les plannings… afin de répondre à la prise en charge des résidents et d’apaiser le conflit social qui existait depuis plusieurs mois entre AS et ASH… n’hésitait pas à faire le tour des étages et rencontrer les résidents dans leur chambre… Depuis l’arrivée de Mme Z dans la résidence, suite au licenciement de l’ancienne directrice, beaucoup de choses avaient changé et considérablement amélioré l’établissement… », l’attestation de Mme H, responsable de vie sociale du 25 janvier 2010 au 12 septembre 2010 et membre du premier cercle , qui indique que Mme Z « était très investie dans la vie sociale des résidents… Je n’ai aucunement constaté de dysfonctionnements de communication entre le personnel… J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec une équipe soudée et harmonieuse avec laquelle d’ailleurs Mme Z entretenait de bons rapports professionnels … savait trouver les mots rassurants et convaincants… Proche des résidents et donc des familles, je sais qu’ils l’appréciaient beaucoup car pour Mme Z le respect et l’éthique sont des valeurs incontournables… », l’attestation de Mme A, aide-soignante qui parle de Mme Z comme d’une « femme d’exception » qui avait « un regard tout à fait professionnel sur la prise en charge des résidents et arrivait à nous communiquer son dynamisme de par sa personnalité pétillante et pleine de vie… En plus d’un relationnel très présent vis-à-vis de son personnel j’ai pu constater que Mme Z était une commerciale hors pair… Infatigable au travail et ne comptant pas ses heures… Attitude humaniste …» ainsi que divers courriers de remerciements de la part de résidents ou de familles de résidents et plusieurs cartes d’anniversaire signées par nombre de salariés, l’ensemble de ces éléments – bien que considérés sans intérêt par la société EMERA EXPLOITATIONS soit parce que trop anciens soit parce que sans rapport avec le licenciement dans la mesure où l’absence de convivialité ou de chaleur humaine n’est pas la cause de celui-ci – étant toutefois de nature à contredire les insuffisances professionnelles alléguées concernant la gestion des personnels, le défaut d’encadrement, l’incapacité à fédérer les équipes, l’inexistence d’un dialogue social, l’ambiance de travail détériorée, l’absence de prise en compte du facteur humain dans la relation de travail, la désorganisation du travail et la coupure avec les équipes ;

Attendu enfin que le compte-rendu d’entretien professionnel de Mme Z réalisé le 23 décembre 2010 s’il fait état de résultats « insuffisant » concernant trois rubriques (gestion économique et financière, respect des normes et procédures et respect de la hiérarchie) fait état de 16 rubriques « satisfaisant » et de 17 rubriques « à développer » (gestion économique, connaissance de la réglementation du travail et application, connaissance de la réglementation loi 2002 et spécifique EHPAD) sans qu’il soit démontré une stagnation de Mme Z sur ces points en 2011 arrêté au 17 octobre, de sorte que ce compte-rendu n’établit pas l’existence d’une insuffisance professionnelle pouvant justifier un licenciement ;

Attendu que c’est en conséquence à juste titre que le jugement déféré a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’eu égard à l’ancienneté de Mme Z, trois ans, à son âge lors du licenciement, 48 ans, compte tenu de ce que le 18 novembre 2011 la société générale a refusé de lui accorder le prêt de 115 000 € qu’elle avait sollicité, compte tenu des nombreuses démarches auxquelles elle a procédé tout de suite après son licenciement pour tenter de retrouver un travail, mais tenant compte toutefois qu’elle a le 19 mars 2012, soit un mois et demi après la fin de son préavis, retrouvé un nouvel emploi de directrice à un salaire équivalent, il y a lieu de limiter , en fonction du seul préjudice matériel et moral subi , à 30 000 € le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués et de réformer sur ce point le jugement déféré ;

Attendu qu’il n’y a pas d’atteinte suffisante au principe d’équité justifiant qu’il soit fait application en cause d’appel de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qui concerne ses autres dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi et aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse qui est ramené à la somme de 30 000 €,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Dit n’y avoir lieu en cause d’appel à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. G

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 décembre 2013, n° 12/23265