Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 mai 2016, n° 14/21973

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Chronologie de l’affaire

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www.argusdelassurance.com · 14 juillet 2016
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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 12 mai 2016, n° 14/21973
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/21973
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulon, 15 octobre 2014, N° 2014F00188

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2016

N° 2016/153

Rôle N° 14/21973

SA AXA FRANCE IARD

C/

SARL CIRCOSTA

SARL E2S

Grosse délivrée

le :

à :

Me P. LIBERAS

Me A. LUCIEN

Me B. MANENTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 16 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n°2014F00188.

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège 313 Terrasse de l’Arche – XXX

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE

plaidant par Me Ludovic GAUVIN, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEES

SARL CIRCOSTA

immatriculée au RCS de TOULON sous le XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège XXX DES LOUBES – XXX

représentée et plaidant par Me Arnaud LUCIEN, avocat au barreau de TOULON

SARL E2S

immatriculée au RCS de TOULON sous le XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège XXX – XXX

représentée et plaidant par Me Boris MANENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 08 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Y Z, Conseillère , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Y Z, XXX

Mme E-F G, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme A B.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme A B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Le 8 mars 2010, la société CIRCOSTA a passé commande auprès de la société E2S, assurée en responsabilité décennale et en responsabilité civile auprès de la société AXA France iard, d’un ensemble de panneaux solaires de marque SCHEUTEN, devant être installés en toiture sur un bâtiment situé XXX à XXX, et raccordés au réseau de distribution électrique, moyennant un coût de 341 185 € HT, financé au moyen d’un prêt.

Le raccordement au réseau ERDF a été effectué le 2 novembre 2010.

Le marché de travaux a été intégralement réglé.

Au mois de mars 2013, la société CIRCOSTA a fait état d’une baisse significative de la production d’électricité ;

la société E2S a procédé à des vérifications et a constaté des défauts sur certaines boîtes de jonction équipant les panneaux solaires ;

par courrier en date du 14 mai 2013, la société E2S a alors recommandé à la société CIRCOSTA d’arrêter la centrale pour éviter tout risque d’incendie.

La société CIRCOSTA a procédé à l’arrêt de l’installation le 16 mai 2013.

La société GENERALI iard, assureur de la société CIRCOSTA au titre d’une assurance bris de machine garantissant les panneaux solaires, a fait diligenter une expertise ;

l’expert amiable a fait état dans son rapport établi le 17 janvier 2014, de l’existence de traces de déformation sur certains boîtiers de connexion des panneaux solaires, attribuée à un phénomène de surchauffe, ainsi que de la présence de traces d’échauffement et de début d’incendie sur les bornes positives de connexion des boîtiers ;

il a chiffré le remplacement des boîtiers défectueux et l’indemnisation de la perte d’exploitation à un montant total de 41 370,81 € HT.

La société AXA France iard a par ailleurs refusé de garantir la société E2S.

Par actes d’huissier en date du 21 mars 2014, la société CIRCOSTA, autorisée par ordonnance sur requête en date du 17 mars 2014, a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de commerce de Toulon, pour l’audience du 16 avril 2014, la société E2S, la société AXA France iard, la société GENERALI iard et la société C D agent général de la société GENERALI iard, à l’effet de les voir condamnées au paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices (115 248 € TTC pour le remplacement de la totalité de l’installation et 97 500 € pour les pertes d’exploitation consécutives à l’arrêt de l’installation pendant la période du mois de mai 2013 au mois d’octobre 2014 ).

La société E2S a sollicité la garantie de la société AXA France iard en cas de condamnation prononcée à son encontre, assureur qui a conclu au rejet de l’ensemble des demandes à son encontre.

La société GENERALI iard et la société C D ont conclu essentiellement à la possibilité de mobiliser la garantie bris de machines pour le seul remplacement des modules endommagés et des pertes d’exploitation consécutives aux pannes de ces modules, soit jusqu’à la mise à l’arrêt de l’installation au mois de mai 2013, ainsi qu’à l’engagement de la responsabilité de la société E2S et à la garantie de la société AXA France iard, au débouté en conséquence de la société CIRCOSTA de ses demandes à l’encontre de la société GENERALI iard.

Par décision en date du 16 octobre 2014, le tribunal de commerce de Toulon a :

— condamné la société E2S à payer à la société CIRCOSTA :

' la somme de 115 248 € TTC au titre du préjudice matériel,

' la somme de 97 500 € au titre du préjudice immatériel,

— débouté la société AXA France iard de sa demande de rejet des pièces n°21 à 34 produites par la société CIRCOSTA,

— condamné la société AXA France iard à relever la société E2S des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices matériel et immatériel, déduction faite de la TVA et des franchises contractuelles,

— condamné la société AXA France iard à payer à la société CIRCOSTA :

' la somme de 94 202 € pour le préjudice matériel,

' la somme de 77 575 € pour le préjudice immatériel, au titre des condamnations prononcées contre la société E2S,

— condamné la société GENERALI iard à payer à la société CIRCOSTA la somme de 20 000 € au titre de sa résistance abusive et de sa mauvaise foi,

— condamné la société E2S à payer à la société CIRCOSTA la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société AXA France iard à relever la société E2S de sa condamnation à la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société AXA France iard aux dépens.

La société AXA France iard a interjeté appel à l’encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 20 novembre 2014, en intimant uniquement la société E2S et la société CIRCOSTA.

Par ordonnance en date du 9 janvier 2015, le magistrat délégué dans les fonctions de premier président a débouté la société AXA France iard de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Par décision en date du 5 mars 2015, le conseiller de la mise en état a débouté la société AXA France iard de sa demande d’expertise, a condamné la société AXA France iard aux dépens de l’incident, a débouté la société E2S de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, a invité les parties à assigner en intervention forcée la société GENERALI iard.

Aucune des parties n’a souhaité procéder à cette assignation en intervention forcée.

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 15 mai 2015, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et des prétentions, la société AXA France iard demande à la cour au visa des articles 1792 et 1792-7 du code civil :

— de dire que les boîtiers de connexion et à défaut les panneaux phovoltaïques ne constituent pas des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 du code civil, comme étant des éléments d’équipement ou à tout le moins l’accessoire d’un élément d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage de la société CIRCOSTA,

— en tout état de cause, de dire qu’il n’est pas justifié que les désordres qui affectent les boîtiers de connexion des panneaux photovoltaïques sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination au sens de l’article 1792 du code civil,

— de dire que la société CIRCOSTA et la société E2S ne justifient pas que les panneaux fournis par la société SCHEUTEN et les boîtiers fabriqués par la société ALRACK relèvent de produits normalisés ou réputés traditionnels,

— de dire que la société AXA France iard est donc recevable et bien-fondée à contester sa garantie responsabilité décennale,

— de mettre hors de cause la concluante,

— en tout état de cause,

' de dire que la concluante est recevable et bien-fondée à opposer l’exclusion de garantie selon laquelle ne sont pas garantis les dommages immatériels qui résultent d’un défaut de performance entraînant la non atteinte d’objectifs à caractère financier,

' de dire que la concluante est recevable et bien-fondée à contester sa garantie responsabilité civile, dès lors que sont également exclus de la garantie les dommages qui affectent les travaux de l’assuré, ainsi qu’après réception, ceux par répercussion desdits travaux sur les existants,

— en conséquence de réformer la décision déférée,

— de débouter la société CIRCOSTA et la société E2S de l’intégralité de leurs demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la concluante,

— de dire que la société CIRCOSTA ne justifie pas de ses chefs de préjudice à concurrence des indemnités réclamées,

— de dire que la concluante n’a pas manqué à son obligation de conseil à l’égard de la société E2S,

— en tout état de cause,

' de dire que la société E2S ne justifie d’aucun préjudice indemnisable,

' de dire que la société CIRCOSTA ne peut prétendre qu’à une indemnisation hors taxes,

— en tout état de cause, de dire que la concluante est recevable et bien-fondée à opposer les franchises contractuelles, à savoir les sommes de :

' 1838 € par sinistre au titre du préjudice matériel

' 3675 € par sinistre au titre du préjudice immatériel consécutif,

— condamner tout défaillant aux dépens de première instance et d’appel, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu’au paiement de la somme de 7500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 8 février 2016, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et des prétentions, la société E2S demande à la cour au visa des articles 1134 et 1147, 1792 et suivants du code civil, du 'code des assurances’ :

— sans aucune reconnaissance de responsabilité, de statuer ce que de droit sur les demandes de la société CIRCOSTA à l’encontre de la concluante sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil,

— en cas de condamnation,

' à titre principal, de dire :

que la société AXA France iard n’a pas notifié à la concluante un refus express et motivé de garantie dans les formes et délais requis,

et qu’en conséquence, la mobilisation de la garantie de la société AXA France iard est acquise,

' à titre subsidiaire, de dire :

qu’au vu des termes de l’attestation d’assurance et de ceux de la police, la société AXA France iard est mal fondée à opposer à la concluante les dispositions de l’article 1792-7 du code civil, qui constitue un article dérogatoire aux dispositions d’ordre public régissant les garanties légales et ne fait par ailleurs l’objet d’aucun aménagement contractuel,

et qu’en conséquence, la société AXA France iard est mal fondée à opposer l’article 1792-7 du code civil pour en déduire que les travaux dont s’agit sont exclus de sa garantie,

' très subsidiairement, de dire :

que l’installation photovoltaïque dont s’agit est intégrée en toiture du bâtiment assurant le clos et le couvert, de sorte que les travaux confiés à la concluante s’analysent en des travaux de construction au sens des dispositions impératives de l’article 1792 du code civil, et que ce type d’installation assure une double fonction, ce qui est incompatible avec les conditions d’application de l’article 1792-7 du code civil qui imposent notamment une fonction exclusive permettant l’exercice d’une activité professionnelle,

qu’en conséquence, l’application de l’article 1792-7 du code civil au présent litige est mal fondée,

' en tout état de cause,

de dire :

que la dangerosité de l’installation liée au risque d’incendie rend nécessairement l’ouvrage impropre à sa destination au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil, ce qui impose de prendre des mesures pérennes pour faire cesser les désordres et stopper les préjudices immatériels qui continuent à courir,

que les panneaux SCHEUTEN installés en toiture du bâtiment présentent une particulière dangerosité mise en évidence dans le cadre de diverses enquêtes, expertises et lors des opérations d’expertise amiable, d’où le nécessaire changement de l’installation, seul à même d’assurer la sécurité des biens et des personnes,

que la société AXA France iard a fait preuve d’une rare négligence dans le traitement de ce dossier lié à un désordre sériel, en s’abstenant de participer aux opérations d’expertise amiable et en ne délivrant aucune information à la concluante sur sa position et les mesures à prendre,

que la société AXA France iard ne rapporte pas la preuve de l’exception de garantie qu’elle invoque au sujet de travaux de pratique non courante, la concluante ayant régulièrement informé son assureur de son activité et des techniques et procédés mis en oeuvre au moyen de plusieurs courriers n’ayant suscité aucune réaction, ni réserves de sa part,

de débouter en conséquence la société AXA France iard de toutes ses demandes,

de dire que la concluante sera relevée indemne par la société AXA France iard, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, sous la seule limite de l’application des franchises contractuelles pour les préjudices matériel et immatériel, soit 1358 € et 3675 €,

' à titre infiniment subsidiaire,

de dire :

que la société AXA France iard, parfaitement informée de l’activité de la concluante, a donné sa garantie applicable au régime de responsabilité des constructeurs, et a fourni une attestation d’assurance visant expressément les installations photovoltaïques sans opposer la moindre réserve, ni attirer l’attention de son assurée sur les conséquences d’une éventuelle application de l’article 1792-7 du code civil, au surplus non visé dans la police d’assurance,

que ce faisant, la société AXA France iard a commis des manquements graves et répétés à son obligation de conseil et d’information en maintenant une illusion de garantie, sans jamais proposer à la concluante un contrat approprié à ses objectifs et à sa situation,

que la concluante est dès lors bien fondée à solliciter en réparation des préjudices subis du fait de ces manquements contractuels, d’être intégralement relevée par la société AXA France iard de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge,

de débouter de plus fort la société AXA France iard de toutes ses demandes,

— de condamner la société AXA France iard à payer à la concluante la somme de

8000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d’appel.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2016, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et des prétentions, la société CIRCOSTA demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants, 1792 et suivants, 1134 et 1147 du code civil, L 124-3 du code des assurances :

— de confirmer les condamnations prononcées par le jugement déféré,

— y ajoutant, de condamner solidairement la société E2S et la société AXA au paiement de la somme de 24 000 € au titre de la perte d’exploitation de 'novembre à mars 2015',

— de condamner la société AXA France iard aux entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est en date du 23 février 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société GENERALI iard n’ayant pas été intimée, ni attraite à l’instance, les demandes relatives aux dispositions de la décision déférée concernant cette partie sont irrecevables.

* Sur la responsabilité de la société E2S et la garantie de la société AXA France iard:

Il résulte des pièces produites, les éléments suivants :

' l’étude préalable réalisée par la société E2S précise que l’installation proposée consiste en une intégration en toiture d’un bâtiment, avec fixation de profilés en aluminium extrudé sur des profils métalliques fixés sur les IPN, installation des panneaux photovoltaïques sur ces profilés et mise en place d’un parclose venant assurer l’étanchéité finale de l’ensemble, le bâtiment sur lequel doit être mise en oeuvre cette installation, ayant par ailleurs une fonction de stockage et recevant du matériel ;

' les factures successives établies les 14 avril, 6 mai, 4 juin et 28 octobre 2010 par la société E2S, mentionnent que celle-ci a été chargée par la société CIRCOSTA de fournir et de poser une installation solaire photovoltaïque en intégration de toiture avec raccordement au réseau de distribution, installation comprenant notamment 390 panneaux de marque SCHEUTEN ;

' le procès-verbal de constatation établi le 17 janvier 2014 par la société X, expert désigné par la société GENERALI iard pour instruire le sinistre, après une réunion le 7 janvier 2014 à laquelle avaient été convoqués la société CIRCOSTA, la société E2S, la société SCHEUTEN SOLAR Holding, l’assureur de celle-ci, et la société AXA France iard, mentionne:

— que pour procéder à l’installation il a été réalisé la dépose de la totalité du versant Sud de la couverture en bardage fibrociment, qui a été remplacée par la couverture en panneaux solaires ;

— que le but de l’installation était de céder l’électricité produite à ERDF ;

— que les boîtiers de connexion solidaires des panneaux présentaient pour certains d’entre eux, des traces de déformation liées à un phénomène de surchauffe (la partie extérieure du boîtier présentait des traces de déformation sur sa partie droite, les bornes positives de connexion des boîtiers présentaient des traces d’échauffement et de début d’incendie) ;

— que cette défectuosité résultant d’un échauffement pouvait conduire à une inflammation de la boîte et des matériaux environnants ;

' une note de la DGCCRF en date du 13 septembre 2012, indiquait qu’en juin 2012, divers incidents concernant des modules photovoltaïques Multisol de marque SCHEUTEN SOLAR avaient été signalés, qu’étaient en cause des boîtiers défectueux de type Solexus, situés à l’arrière des modules, susceptibles de s’enflammer accidentellement pendant la production du courant ;

' dans son courrier du 14 mai 2013, la société E2S avait avisé la société CIRCOSTA que lors de son intervention au mois de mars après constat de pertes de production de l’installation, elle avait constaté sur trois lignes de modules, l’existence de défauts de boîtes de jonction, que le problème venait d’une malfaçon des boîtes de jonction de marque Solexus qui ont équipé les modules SCHEUTEN de septembre 2009 à juillet 2010, que d’après la société SCHEUTEN, ce problème présentait un risque d’incendie s’il y avait des matériaux inflammables à proximité, de sorte qu’elle lui recommandait à titre conservatoire et pour éviter tous risques d’incendie, d’arrêter totalement la centrale ;

' le 17 mai 2013, la société X avait de même fait part à la société CIRCOSTA de ce que les dommages affectant son installation présentaient un risque réel d’incendie, les panneaux de son installation correspondant aux références de ceux ayant été identifiés comme potentiellement générateurs de sinistre, de sorte qu’elle lui demandait de mettre son installation à l’arrêt ;

' par courrier du 29 avril 2013, la société SERI, expert désigné par la société AIG, assureur de la société SCHEUTEN SOLAR Holding, avait auparavant indiqué à la société CIRCOSTA que les panneaux photovoltaïques de marque SCHEUTEN équipés de boîtiers de connexion de marque ALRACK, type Solexus, présentaient un risque, que les installations équipées de ce type de boîtiers étaient susceptibles en cas d’échauffement de l’un des boîtiers, de générer un sinistre, de sorte qu’il convenait de prendre toutes les dispositions nécessaires et d’ouvrir le circuit pour mettre l’installation à l’arrêt.

Au regard de ces éléments, l’intervention de la société E2S doit s’analyser comme ayant consisté en la réalisation d’un ouvrage, dès lors qu’il y a eu apport d’éléments nouveaux sur la couverture d’un bâtiment existant, dans une proportion importante (totalité d’un versant), éléments nouveaux intégrés à la toiture et ayant notamment pour fonction d’assurer le clos et le couvert du bâtiment ;

il s’ensuit que les relations contractuelles entre la société CIRCOSTA et la société E2S ont consisté en un contrat de louage d’ouvrage et non en un contrat de vente, de sorte que l’article 1641 du code civil n’a pas vocation à s’appliquer.

Il n’est pas contesté que ces travaux aient fait l’objet d’une réception et que les désordres soient survenus postérieurement à celle-ci.

Les désordres affectent des éléments d’équipement, à savoir les boîtiers de connexion.

Ces éléments d’équipement n’ont pas pour fonction exclusive de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage, au sens de l’article 1792-7 du code civil ;

en effet, la fonction de l’ouvrage qu’ils équipent, à savoir l’installation photovoltaïque, est double, produire de l’électricité et assurer la couverture du bâtiment sur lequel elle est installée ;

le dysfonctionnement des boîtiers de connexion rend l’installation impropre à sa destination dans son ensemble, au sens de l’article 1792 du code civil :

la production d’électricité ne peut plus être assurée et la couverture est susceptible d’être endommagée, l’installation ayant dû être arrêtée en raison d’un risque avéré d’incendie, suite au constat de la défectuosité de trois boîtiers et du caractère potentiellement dangereux des autres boîtiers, aucun élément du procès-verbal de la société X ne permettant de retenir que l’ensemble des boîtiers équipant les 390 panneaux aurait été vérifié et qu’aurait été écartée toute dangerosité des 387 autres.

Il s’ensuit que les désordres affectant les boîtiers de connexion, dont il n’y a pas lieu de rechercher s’ils sont dissociables ou non de l’installation, dès lors qu’ils rendent celle-ci impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale du constructeur et engagent la responsabilité de plein droit de la société E2S à l’égard de la société CIRCOSTA en application de l’article 1792 du code civil.

La société E2S avait souscrit auprès de la société AXA France iard un contrat d’assurance responsabilité civile décennale à effet du 1er juillet 2007, couvrant notamment l’activité 'installations solaires thermiques et photovoltaïques'.

La société E2S ne peut utilement soutenir que le défaut de prise de position de la société AXA France iard sur le principe de sa garantie avant le mois d’avril 2014, alors que sa déclaration de sinistre est intervenue le 14 mai 2013, aurait pour conséquence de rendre inopposable tout refus de garantie, faute de justifier d’une disposition légale ou contractuelle prévoyant un délai et une sanction de son non respect.

Si la société AXA France iard est fondée à soutenir que l’une des conditions de sa garantie est que les ouvrages aient été réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante, la société E2S fait valoir exactement qu’elle avait avisé la société AXA France iard, notamment par un courrier du 25 février 2010, de la nature précise de ses activités, ainsi que des procédés et matériels employés, en annexant les avis techniques les concernant, à la suite de quoi la société AXA France iard a maintenu sa garantie, de sorte que celle-ci a nécessairement considéré que lesdits procédés et matériels étaient de technique courante.

Elle ne peut donc prétendre que la société E2S ne justifierait pas de ce que les conditions de la garantie sont réunies.

La société AXA France iard est également mal fondée à opposer un refus de garantie au titre des préjudices immatériels :

les pertes d’exploitation dont la société CIRCOSTA sollicite la réparation sont la conséquence directe de l’impropriété de l’ouvrage à sa destination et non pas d’un défaut de performance, et les conditions particulières du contrat d’assurance précisent que sont couverts les dommages immatériels résultant directement d’un dommage entraînant le versement d’une indemnité au titre notamment de la garantie décennale.

La société AXA France iard doit donc sa garantie à la société E2S sous la seule déduction des franchises contractuelles :

celles-ci s’élèvent à la somme de 1838 € pour les dommages matériels et à celle de 3675€ pour les dommages immatériels au vu des conditions particulières versées aux débats par l’assureur, la société E2S ne justifiant par aucune pièce que la première franchise serait de 1358€ et non de 1838 €.

* Sur le montant des réparations :

Dans le cadre de l’expertise réalisée par la société X, la société E2S avait chiffré le remplacement de l’ensemble des panneaux SCHEUTEN au mois de juin 2013 à la somme de 96 040 € HT.

Un devis établi le 20 mars 2014 par une autre entreprise a chiffré ce remplacement à la somme de 98 145 € HT.

La société AXA France iard ne justifie pas que le remplacement des seuls boîtiers équipant les panneaux solaires aurait été de nature à réparer intégralement le préjudice de la société CIRCOSTA, les rapports d’essais qu’elle produit étant insuffisants à l’établir faute d’être étayés par l’avis d’un expert et notamment par celui des experts dont elle indique qu’ils ont été désignés dans le cadre d’autres instances relatives à ce sinistre sériel, expertises dont elle ne produit aucun élément.

Il s’ensuit que le montant du devis de la société E2S doit être retenu.

En revanche, la condamnation doit être prononcée hors taxe tant à l’égard de la société E2S que de la société AXA France iard, la société CIRCOSTA à laquelle incombe la charge de la preuve, ne justifiant pas qu’elle ne récupère pas la TVA.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu’elle a condamné la société E2S à paiement de la somme TTC.

La franchise n’étant pas opposable au tiers victime pour la réparation des dommages matériels, elle n’avait pas lieu d’être déduite de la somme due par la société AXA France iard à la société CIRCOSTA.

La cour constatant toutefois que la société CIRCOSTA sollicite confirmation de la décision déférée qui a déduit cette franchise, la condamnation à paiement de la somme de

94 202 € par la société AXA France iard au titre du préjudice matériel sera maintenue.

Concernant les pertes d’exploitation, la société X avait proposé dans son rapport du 17 janvier 2014, une évaluation au regard des justificatifs de la production entre novembre 2010 et mai 2013 et d’un taux de marge brute de 92% calculé en fonction du chiffre d’affaires au 31 décembre 2012 et des charges, indemnisation chiffrée à la somme de 38 155,81€ HT ;

cette évaluation, qui n’est pas contestée dans son mode de calcul par la société AXA France iard, correspondait au vu des conclusions de la société GENERALi iard dans le cadre de l’instance devant le tribunal de commerce, à la période écoulée entre janvier 2013 et mai 2013, soit 5 mois.

Il s’ensuit que la demande d’indemnisation de la perte de chance de réaliser des bénéfices d’exploitation, présentée par la société CIRCOSTA à hauteur de 65 000 € HT par an et de 81 250 € HT pour la période de mai 2013 à octobre 2014, est en cohérence avec ladite évaluation, contrairement à ce que soutient la société AXA France iard.

Par ailleurs, cette dernière est mal fondée à soutenir que la société CIRCOSTA serait responsable de l’aggravation de son préjudice au titre des pertes d’exploitation, qui serait la conséquence de son refus de l’offre d’indemnisation faite par la société GENERALI iard ;

en effet, l’acceptation de cette offre n’aurait en tout état de cause, pas permis de procéder au remplacement de l’ensemble des panneaux et de remettre l’installation en fonctionnement.

La société CIRCOSTA était en conséquence fondée à solliciter l’indemnisation de ses préjudices immatériels sur la base de 65 000 € HT par an, et l’allocation d’une somme de

81 250 € HT pour une période de 15 mois ;

pour les motifs sus-indiqués, la condamnation ne pouvait toutefois être prononcée TTC à l’égard de la société E2S, de sorte que la décision déférée sera également infirmée sur ce point;

la franchise a en revanche été exactement déduite de la condamnation prononcée par le tribunal à l’encontre de la société AXA France iard, cette franchise étant opposable au tiers victime s’agissant de la réparation des préjudices immatériels.

La société CIRCOSTA justifiant que les travaux de reprise n’ont pu être réalisés que durant le mois de mars 2015, elle est fondée à solliciter une indemnisation complémentaire de 20 000 € HT pour la période de novembre 2014 à mars 2015.

La société E2S et la société AXA France iard seront en conséquence condamnées in solidum au paiement de la somme complémentaire de 20 000 € à la société CIRCOSTA.

Celle-ci ne peut prétendre en revanche à une condamnation TTC pour les motifs sus-indiqués.

* Sur les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile:

La société AXA France iard succombant en ses prétentions, supportera les dépens de la présente instance et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

il n’est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement à la société CIRCOSTA et à la société E2S de la somme de 3000 € chacune.

Conformément à l’article 699 du code de procédure civile, la distraction des dépens sera ordonnée pour ceux afférents à la présente instance, la représentation par avocat n’étant pas obligatoire devant le tribunal de commerce.

PAR CES MOTIFS :

La cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement,

Constate que la SA GENERALI iard et la SARL C D n’ont pas été intimées.

Déclare en conséquence irrecevables les demandes relatives aux dispositions du jugement déféré concernant ces deux parties.

Confirme pour le surplus le jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 16 octobre 2014, excepté en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la SARL E2S au profit de la SARL CIRCOSTA au titre des préjudices matériel et immatériel ;

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant à la décision :

Condamne la SARL E2S à payer à la SARL CIRCOSTA :

. la somme de 96 040 € HT au titre de la réparation du préjudice matériel,

. la somme de 81 250 € HT au titre de la réparation du préjudice immatériel.

Dit que le montant des franchises contractuelles opposables par la SA AXA France iard à la SARL E2S est par sinistre, de 1838 € pour le préjudice matériel et de 3675 € pour le préjudice immatériel consécutif.

Condamne in solidum la SARL E2S et la SA AXA France iard à payer à la SARL CIRCOSTA la somme complémentaire de 20 000 € HT au titre de la réparation du préjudice immatériel pour la période s’étant écoulée entre le mois de novembre 2014 et le mois de mars 2015.

Dit que la SA AXA France iard devra relever la SARL E2S de la condamnation ci-dessus.

Déboute la SARL CIRCOSTA de sa demande tendant à l’ajout de la TVA au montant des condamnations prononcées à son profit.

Condamne la SA AXA France iard aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la SA AXA France iard à payer à la SARL CIRCOSTA et à la SARL E2S la somme de 3000 € chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la SA AXA France iard de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 mai 2016, n° 14/21973