Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 26 février 2021, n° 18/02138

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 26 févr. 2021, n° 18/02138
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/02138
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 28 janvier 2018, N° F12/01296
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 26 FEVRIER 2021

N° 2021/

Rôle N° RG 18/02138 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB5BM

B Y

C/

SAS STMICROELECTRONICS (ROUSSET)

Copie exécutoire délivrée

le : 26 février 2021

à :

Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 336)

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX-EN-PROVENCE en date du 29 Janvier 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F12/01296.

APPELANTE

Madame B Y, demeurant […]

représentée par Me Vincent ARNAUD de la SELARL ARNAUD VINCENT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS STMICROELECTRONICS (ROUSSET), demeurant […]

représentée par Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Michèle DUVAL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Février 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Février 2021

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS STMICROELECTRONICS a embauché Mme B Y suivant contrat de travail à durée déterminée pour « surcroît d’activité lié à l’installation d’équipements dans le cadre du démarrage accéléré des opérations 8'' » du 15 mai 2000 au 14 novembre 2000 en qualité d'« opératrice 8'' ».

Le 11 novembre 2000 l’employeur a notifié à la salariée un avertissement ainsi rédigé :

« Vous avez déjà fait, à plusieurs reprises, l’objet d’observations verbales concernant votre comportement : vous ne faites pas le double check obligatoire avant l’envoi de lots sur WNT, vous prenez des initiatives concernant la mise en route de la WDC02 module 02. Nous espérions que ces observations suffiraient à faire cesser ces attitudes qui, vous le savez, portent atteinte au bon fonctionnement de votre service. Malheureusement il est clair que vous ne vous êtes pas amendée, comme le prouvent les faits suivants, qui ont été relevés les 9 et 10 novembre 2000 : Le 9 novembre 2000 vous n’avez pas fait de double check sur la baie WNT, et envoyé deux lots avec une mauvaise recette. Cela a entraîné un arrêt de la baie durant une heure et vingt minutes, et donc une perte de production de 200 plaques. Le 10 novembre 2000 vous avez rentré des valeurs sous workstream qui ont entraîné la mise down de la baie WDC02 module 02, car elles étaient hors spécifications. Vous avez pris sur vous de la remettre up sans vous soucier des conséquences. Cela aurait pu aboutir à des scrappes ou une détérioration de la baie. Aussi tenons-nous à vous donner une chance de vous ressaisir, en vous adressant cet avertissement, soit la sanction du premier degré prévue dans notre règlement intérieur. Nous espérons vivement que ce courrier vous fera prendre conscience de l’impérieuse nécessité de changer d’attitude. »

Le contrat de travail à durée déterminée a été prolongé jusqu’au 14 mai 2001. Lui a succédé un

nouveau contrat de travail, toujours à durée déterminée, pour « surcroît temporaire d’activité lié à l’accroissement des inventaires » en qualité d’opératrice magasin, du 9 avril au 11 octobre 2001, prolongé jusqu’au 10 avril 2002 puis jusqu’au 9 octobre 2002.

La salariée a bénéficié d’un contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er juillet 2002, en qualité de magasinier.

Le 6 septembre 2006 l’employeur a adressé à la salariée un avertissement dans les termes suivants :

« Le 15 août 2006, vous vous êtes présenté à votre poste de travail en dehors de vos horaires de l’équipe D. Vous êtes venue de votre propre initiative sans l’autorisation préalable de votre responsable hiérarchique. L’article 2.1.1 du règlement intérieur stipule que : « Aucun salarié ne peut, sans autorisation préalable de l’employeur, se trouver sur son poste de travail ni y être occupé en dehors de l’horaire fixé ». Nous vous rappelons que les heures supplémentaires doivent correspondre à un besoin industriel, soumis à validation du management et à une demande de l’équipe « d’accueil ». En conséquence, nous vous notifions un avertissement par le présent courrier. Ce comportement n’est pas acceptable et nous espérons qu’il ne se reproduira pas, faute de quoi nous serions contraints d’envisager une sanction disciplinaire plus grave à votre encontre. »

La salariée s’étant plainte de harcèlement sexuel qu’aurait commis M. C X, l’employeur lui répondait ainsi par courriel du 18 décembre 2009 :

« Je vous informe des suites données à l’encontre de M. X dans le cadre d’une procédure disciplinaire, déclenchée suite à vos déclarations. Devant le manque de preuve formelle, nous sommes en présence d’une affaire mettant en opposition la version d’un individu contre un autre. M. X a nié les faits que vous lui reprochez et a seulement reconnu une tension à votre égard et avoir haussé le ton contre vous. Au regard donc de ces éléments nous avons décidé de changer de poste M. X afin qu’il ne travaille plus directement avec vous. Il sera donc affecté au manufacturing dès le 6 janvier 2010 au sein de l’équipe D. Je reste à votre disposition si besoin, vous pouvez me joindre au 0643729900. »

L’employeur adressait le même jour à M. C X, qu’il avait convoqué en vu d’une sanction disciplinaire, les conclusions d’entretien suivantes :

« Nous vous avons rencontré le vendredi 11 décembre 2009 pour vous exposer les faits qui vous sont reprochés dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue à l’article L. 122-41 et suivant du code du travail. Les faits qui vous sont reprochés par Mme Y, concerne des attouchements répétés pendant plusieurs semaines et une agression verbale et physique à son encontre. Vous avez lors de cet entretien nié avoir eu des contacts physiques avec cette personne. Par contre vous avez reconnu vous être emporté, dans la nuit du vendredi 20 novembre, contre Mme Y, en précisant que votre emportement n’était resté que verbal. Celui-ci, nous parait par contre disproportionné dans le cadre professionnel, comme le stipule notre règlement intérieur, point 2.1. Suite à cet entretien et les éléments apportés, nous vous informons que, devant l’absence de preuves, nous levons votre mise à pied conservatoire dès réception de ce courrier et cette période de mise à pied conservatoire vous sera intégralement rémunérée. Par contre, au regard de la tension et des aigreurs que vous avez manifestées envers Mme Y, nous ne pouvons raisonnablement vous maintenir à votre poste actuel. Par conséquent vous serez affecté à un nouveau poste de niveau de responsabilité et de rémunération équivalent, au sein de l’équipe D, dès votre retour dans notre entreprise. Le management de l’équipe D vous informera en temps voulu de votre nouvelle affectation. Par la présente nous vous confirmons que la procédure disciplinaire initiée à votre encontre est close. »

L’employeur a adressé un avertissement à la salariée par lettre du 10 novembre 2010 dans les termes suivants :

« Le 1er novembre 2010, vous vous êtes présenté à votre poste de travail en dehors de vos horaires de l’équipe D. Vous êtes venue de votre propre initiative sans l’autorisation préalable de votre responsable hiérarchique. L’article 2.1.1 du règlement intérieur stipule que : « Aucun salarié ne peut, sans autorisation préalable de l’employeur, se trouver sur son poste de travail ni y être occupé en dehors de l’horaire fixé ». Nous vous rappelons que les heures supplémentaires doivent correspondre à un besoin industriel, soumis à validation du management et à une demande de l’équipe « d’accueil ». En conséquence, nous vous notifions un avertissement par le présent courrier. Ce comportement n’est pas acceptable et nous espérons qu’il ne se reproduira pas, faute de quoi nous serions contraints d’envisager une sanction disciplinaire plus grave à votre encontre. »

La salariée a été licenciée suivant lettre du 11 mai 2012 ainsi rédigée :

« Nous vous avons convoqué le jeudi 26 avril 2012 à 21H30 dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue à l’article L. 1232-2 et suivants du code du travail. Cet entretien faisait suite à des connexions et lecture de courriers électroniques confidentiels de votre manager sur son ordinateur et à partir de son compte. L’ordinateur de votre manager a été utilisé de nombreuses fois avec son identifiant et son propre mot de passe, et ses courriers électroniques ont été lus sur sa boite professionnelle, à partir de son ordinateur de bureau, alors qu’il n’était pas présent sur le site. L’un des faits a eu lieu le 20 mars 2012, votre N+2, a envoyé un courrier électronique ayant pour objet « ePA Logistique confidentiel » à votre manager. À sa surprise, il reçoit un accusé de lecture de ce courrier le samedi 24 mars à 4H19. Il s’avère que votre manager était en congé à cette date. Après investigations avec le service informatique et la sécurité, il s’avère également que le courrier a été ouvert sur le PC fixe de votre manager se situant au magasin. À cette date, vous seule étiez au magasin à votre poste, votre collègue de nuit, était, lui, en congé toute la semaine. Le 29 mars 2012, votre N+2 envoie à nouveau un courrier à votre manager dont l’objet commence par « Confidentiel’ ». Ce courrier est ouvert, l’accusé de lecture reçu le 30 mars à 2Hl9. Votre manager étant toujours en congé, et vous à votre poste au magasin ce jour-là. De plus, les 2 courriers lus ont ensuite été remis en « non lu », appuyant la volonté de dissimuler les faits. Suite à des recherches avec le service sécurité et informatique, un listing précis des connexions sur l’ordinateur de votre manager a été sorti, connexions faites avec son identifiant et son mot de passe, en dehors de ses heures de travail. Il s’avère que de nombreuses connexions ont étés faites depuis janvier 2012 et 100 % de ces connexions (27 occurrences) ont eu lieu pendant les horaires de l’équipe de nuit fin de semaine, et pendant vos heures de présence au magasin. Durant l’entretien disciplinaire vous avez évoqué le fait de ne pas comprendre et de ne pas avoir les codes d’accès de votre manager. Cependant vous n’avez pas été en mesure de nous expliquer si quelqu’un d’autre aurait pu se connecter durant vos heures de présence sur l’ordinateur de votre responsable, juste à côté de votre ordinateur. De plus, l’accès à votre zone de travail est restreint par des contrôles d’accès, le magasin étant une zone limitée d’accès, seul votre badge a été utilisé pour entrer dans la zone au moment de ces connexions. Ce manquement est une faute considérée par l’article 4.2 « AUTORISATION D’ACCÈS ET USAGE DES RESSOURCES INFORMATIQUES » et 4.7 « RÈGLES DE BON USAGE DE LA COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE » du règlement intérieur du site de ST Rousset. De plus, vous avez également évoqué le fait que parfois vous laissiez la porte du magasin, zone sécurisée, ouverte durant vos pauses pour laisser les techniciens venir chercher des pièces. Dans ce cas-là vous bloquiez la porte, qui ne s’ouvre d’ordinaire qu’avec un badge habilité, comme l’est le vôtre. Cela étant un grave manquement aux consignes essentielles de sécurité et de tenue d’une zone comme le magasin où la sûreté et la limite d’accès en font un lieu particulier de l’entreprise, dont vous en êtes la garante avec vos collègues durant votre poste. Ceci étant un manquement majeur de respect et d’application de vos responsabilités mettant clairement votre zone de travail sécurisée en libre accès, sans aucun contrôle. Pour tous les faits énoncés, en conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse à la date de la présentation du présent courrier. Vous cesserez de faire partie des effectifs au terme de votre préavis de 2 mois qui sera payé et non effectué. Pour toute information concernant votre situation administrative, vous pouvez contacter D E ' 04.42.68.85.69. »

Se plaignant notamment de harcèlement moral et sexuel et contestant son licenciement, Mme B Y a saisi le 14 décembre 2012 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section industrie, lequel, par jugement de départage rendu le 29 janvier 2018, a :

• dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

• débouté la salariée de toutes ses demandes ;

• dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamné la salariée aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 3 février 2018 à Mme B Y qui en a interjeté appel suivant déclaration du 7 février 2018.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2018 aux termes desquelles Mme B Y demande à la cour de :

• infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes aux fins de voir :

' requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 15 mai 2000 en contrat de travail à durée indéterminée ;

' dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' dire que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

' dire que l’employeur a usé abusivement de son pouvoir disciplinaire ;

' dire qu’elle a subi un préjudice moral ;

' dire que l’employeur a exécuté fautivement le contrat de travail ;

' condamner l’employeur à lui payer et à porter une somme de 2 545,21 € à titre d’indemnité spéciale de requalification ;

' annuler l’avertissement en date du 11 novembre 2000 ;

' annuler l’avertissement en date du 6 septembre 2006 ;

' annuler l’avertissement en date du 1er novembre 2010 ;

' condamner l’employeur à lui payer et à porter une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour usage abusif du pouvoir disciplinaire ;

' condamner l’employeur à lui payer et à porter les sommes suivantes :

'61 085,04 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' 2 545,21 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement ;

'15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

'15 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

' 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

' assortir les condamnations des intérêts de droit avec capitalisation à compter de l’introduction de l’instance ;

' ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;

' condamner l’employeur à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;

'dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement, et, en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l’employeur en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

' condamner l’employeur aux dépens ;

• ordonner la requalification des contrats de travail à durée déterminée du 15 mai 2000 et 7 avril 2001 en contrat de travail à durée indéterminée ;

• dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

• dire qu’elle a été victime de harcèlement moral et sexuel et qu’en conséquence l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

• dire que l’employeur a usé abusivement de son pouvoir disciplinaire ;

• dire et juger qu’elle a subi un préjudice moral ;

• dire que l’employeur a exécuté fautivement le contrat de travail ;

• annuler l’avertissement en date du 11 novembre 2000 ;

• annuler l’avertissement en date du 6 septembre 2006 ;

• annuler l’avertissement en date du 1er novembre 2010 ;

• condamner l’employeur à lui payer et à porter les sommes suivantes :

' 2 545,21 € à titre d’indemnité spéciale de requalification ;

'61 085,04 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

'15 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

'15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

' 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

' 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour usage abusif du pouvoir disciplinaire ;

' 3 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;

• assortir les condamnations des intérêts de droit avec capitalisation à compter de l’introduction de l’instance en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

• dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l’arrêt, et, en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l’employeur, en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner l’employeur aux dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL VINCENT ARNAUD, sous affirmation d’en avoir fait l’avance.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 janvier 2019 aux termes desquelles la SAS STMICROELECTRONICS demande à la cour de :

• confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

• dire la salariée infondée en son action ;

• dire que la demande de requalification du contrat à durée déterminée du 7 avril 2001 en contrat à durée indéterminée est une demande nouvelle et constater l’irrecevabilité de cette prétention nouvelle sur le fondement des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile ;

• débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes ;

• à titre subsidiaire, ramener sa demande indemnitaire à de plus justes proportions ;

• condamner la salariée au paiement d’une somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ;

• la condamner aux dépens.

L’instruction a été clôturée suivant ordonnance du 23 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de requalification du contrat du 15 mai 2000

La salariée demande à la cour de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 15 mai 2000 en un contrat de travail à durée indéterminée. Elle sollicite la somme de 2 545,21 € à titre d’indemnité spéciale de requalification. Elle reproche à l’employeur de ne pas justifier d’un accroissement temporaire d’activité et elle soutient qu’il ne saurait se prévaloir de ce que la fabrication de puces électroniques sur des plaquettes de 8 pouces ait débuté au sein de l’usine en mai 2000 pour justifier l’accroissement temporaire d’activité dès lors que cette fabrication de puces électroniques relève bien de l’activité habituelle de l’entreprise. Elle se plaint encore d’un renouvellement de son engagement jusqu’au 9 octobre 2002 excédant la durée légale et du non-respect des délais de carence.

La cour retient que l’employeur a inauguré une nouvelle usine de fabrication de puces sur des plaquettes de silicium de 8 pouces au lieu de 6 pouces auparavant, et que, comme il l’explique lui-même, il s’est agi d’un investissement important inauguré en présence du Premier Ministre de l’époque, et enfin que la salariée a été employée en qualité d’opératrice dans cette nouvelle usine.

L’employeur ne produit aucun élément dont il ressortirait que la salariée, simple opératrice, n’a pas été affecté à des tâches de production courante, mais à l’installation d’équipement selon le motif de recours visé au contrat à durée déterminée. De plus, l’avertissement qui a été notifié à cette dernière le 11 novembre 2000 ne concerne nullement l’installation d’équipement mais bien la production courante.

Compte tenu de l’importance des investissements et de la durée d’amortissement d’une nouvelle usine de production de puces électroniques, le démarrage d’une telle activité ne constitue nullement en lui-même un surcroît temporaire d’activité justifiant le recrutement d’agent de production suivant contrats de travail à durée déterminée, dès lors que la production en la matière doit se maintenir durablement pour amortir un tel investissement. En conséquence, il convient de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 15 mai 2000 en un contrat de travail à durée indéterminée et d’allouer à la salariée la somme de 2 545,21 € à titre d’indemnité de requalification, somme qui n’est pas discutée en son montant par l’employeur.

2/ Sur la demande de requalification du contrat de travail du 7 avril 2001

La salariée demande encore à la cour de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 7 avril 2001 en un contrat de travail à durée indéterminée.

L’employeur conteste la recevabilité de cette demande au motif qu’elle serait nouvelle en cause d’appel.

Mais la salariée bénéficiait déjà au 7 avril 2001 d’un engagement à durée indéterminée comme il vient d’être dit au point précédent. Elle ne pouvait dès plus conclure de contrat de travail à durée déterminée et la demande de requalification du contrat du 7 avril 2001 se trouve donc privée d’objet, sans qu’il y ait lieu d’examiner sa recevabilité.

3/ Sur l’avertissement du 11 novembre 2000

Au temps des faits, et depuis la loi du 4 août 1982, l’article L. 122-43 du code du travail disposait :

« En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur doit fournir au conseil de prud’hommes les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas de licenciement. »

La salariée sollicite l’annulation de l’avertissement prononcé le 11 novembre 2000.

Il sera tout d’abord relevé que l’employeur ne soulève pas la prescription de la demande.

L’employeur ne produit aucune pièce relative à la faute qu’il reprochait alors à la salariée. Il se contente de faire valoir qu’elle ne donnait pas satisfaction comme précisé dans des lettres des 5 et 7 avril 2001.

La cour retient que ces éléments sont postérieurs à l’avertissement critiqué du 11 novembre 2000 et ne pouvait nullement le fonder. En conséquence, l’avertissement précité sera annulé.

4/ Sur l’avertissement du 6 septembre 2006

La salariée sollicite l’annulation de l’avertissement en date du 6 septembre 2006. Elle soutient que le règlement intérieur n’est pas applicable faute pour l’employeur de justifier de la consultation du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel et pour les matières relevant sa compétence du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de sa communication à l’inspecteur du travail, de son dépôt au greffe du conseil de prud’hommes et de son affichage dans l’établissement. Elle fait valoir qu’elle se trouvait alors à son poste à la demande de son employeur.

L’employeur produit des échanges de courriels des 2 et 4 septembre 2006 concernant l’incident ainsi que le règlement intérieur entré en vigueur au 1er juin 2004 faisant état de son dépôt au greffe du conseil de prud’hommes.

La cour retient que l’employeur, qui ne justifie pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et communiqué le règlement à l’inspecteur du travail, ne peut reprocher à la salariée un manquement aux obligations édictées par ce règlement mais que l’avertissement est aussi fondé sur l’obligation générale qui s’impose à tout salarié de n’exécuter un travail, et notamment des heures supplémentaires, que s’il est commandé par l’employeur.

La salariée ne justifie pas que les heures de travail qu’elle a effectuées le 15 août 2006 et dont la rémunération était triplée, s’agissant d’un jour férié, lui avaient été commandées par l’employeur. En conséquence, au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties, il n’y a pas lieu d’annuler l’avertissement prononcé le 6 septembre 2006.

5/ Sur le harcèlement sexuel

Au temps des faits, l’article L. 1154-1 du code du travail disposait que :

« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

La salariée explique que les 11, 12 et 18 novembre 2009, un collègue de travail, M. C F, lui a imposé des contacts physiques, que le 13 novembre 2009 il lui a touché la cuisse, lui prenant la main pour la poser sur sa propre cuisse et accompagnant son geste de propos inacceptables et enfin qu’il l’a agressée physiquement le 20 novembre 2009 à 22h30.

Mais la salariée n’étaye ses accusations par aucun élément, ni témoignage même indirect, ni certificat médicaux. La personne mise en cause a été suspendue par l’employeur, entendue, elle a nié tout harcèlement sexuel et contact physique et reconnu uniquement s’être emportée verbalement, ce qui a conduit l’employeur à la muter afin qu’elle ne travaille plus avec la salariée. Ainsi, cette dernière n’établit pas de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel et elle sera en conséquence déboutée de ce chef.

6/ Sur l’avertissement du 1er novembre 2010

La salariée sollicite l’annulation de l’avertissement en date du 1er novembre 2010. Elle soutient que l’employeur lui avait demandé de venir travailler le 1er novembre 2010, mais elle ne produit aucune pièce en ce sens.

L’employeur produit un courriel de la salariée daté du 2 novembre 2010 aux termes duquel elle reconnaît s’être trompée et s’excuse.

Au vu de ces éléments, la cour retient qu’il n’y a pas lieu d’annuler l’avertissement prononcé le 1er novembre 2010.

7/ Sur l’abus du pouvoir disciplinaire

La salariée demande à la cour de dire que l’employeur a usé abusivement de son pouvoir disciplinaire. Aussi sollicite-t-elle la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour usage abusif du pouvoir disciplinaire.

L’employeur a prononcé un avertissement injustifié le 11 novembre 2000. L’entier préjudice moral subi par la salariée de ce chef sera réparé par l’allocation d’une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

8/ Sur le harcèlement moral

La salariée reproche à l’employeur des faits de harcèlement moral tenant à ne pas avoir sérieusement menée l’enquête concernant les faits de harcèlement sexuel déjà examinés.

Mais il apparaît que l’employeur a mis à pied à titre conservatoire la personne visée par la plainte de la salariée et qu’elle l’a définitivement éloignée malgré tout fait laissant présumer un harcèlement sexuel. En conséquence, l’employeur n’a commis aucune faute de ce chef et moins encore des faits de harcèlement moral.

9/ Sur l’obligation de sécurité

La salariée soutient qu’en raison du harcèlement sexuel et moral dont elle a été victime, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat. Elle réclame en réparation la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts.

La cour retient que l’employeur n’est nullement tenu d’une obligation de résultat en matière de sécurité au travail mais d’une obligation de moyen renforcée. Il apparaît que la salariée n’a été victime ni de harcèlement sexuel ni de harcèlement moral et que de plus l’employeur a pris les mesures provisoires adaptées quand elle a porté à sa connaissance les accusations précitées lesquelles devaient se révéler infondées. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

10/ Sur l’exécution fautive du contrat de travail

La salariée reproche à l’employeur d’avoir exécuté de manière fautive le contrat de travail en la sanctionnant de manière abusive à maintes reprises et en manquant à son obligation de sécurité. Elle sollicite la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Mais, comme il a été dit précédemment, l’employeur n’a sanctionné la salariée de manière injustifiée qu’une fois et il a déjà été condamné à réparation de ce chef. De plus, il n’a pas manqué à son obligation de sécurité. En conséquence, la salariée sera déboutée de ce chef de demande.

11/ Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

La preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement, visée à la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, n’incombe pas spécialement à l’employeur, mais le doute profite à la salariée.

En l’espèce, l’employeur reproche à la salariée d’avoir ouvert des courriels confidentiels sur le poste de travail de son manager, M. G Z, en l’absence de ce dernier et de ne pas avoir veillé aux restrictions d’accès de sa zone de travail. Il produit les pièces suivantes :

' un relevé du détail des jours et des heures des connexions sur le poste de M. Z du 8 janvier au 30 mars 2012 ;

' une capture d’écran de la messagerie de ce dernier du 15 mars au 11 avril 2012 ;

' l’accusé réception du courriel adressé le 20 mars 2012 à M. Z par M. A faisant état d’une lecture le samedi 24 mars 2012 à 4h19, alors que M. Z était en vacances comme démontré par son bulletin de salaire lui-même produit ;

' les horaires de travail de la salariée ;

' la justification de ce que M. H I était en congé toute la semaine en cause ;

' le courriel adressé le 29 mars 2012 à M. Z par M. A et l’accusé de réception faisant état d’une lecture le vendredi 30 mars 2012 à 2h19 ;

' le bulletin de salaire de M. Z justifiant qu’il était alors en congé ;

' le relevé de pointage de la salariée montrant sa présence à l’heure de lecture du courriel ;

' une attestation de M. Z faisant état de la diffusion d’informations confidentielles qui lui avait été confiées par courriel et affirmant qu’il n’avait pas divulgué son mot de passe et qu’il ne pouvait se connecter depuis son domicile et aussi que les messages dont l’ouverture avait généré les deux accusés de réception précités étaient pourtant marqués comme non lus ;

' la justification de ce que M. Z n’a été doté d’un ordinateur portable qu’au mois de décembre 2014.

La salariée répond qu’elle n’a pu consulter les courriels de M. Z ne disposant ni de son identifiant ni de son mot de passe et que d’autres personnes ont pu s’introduire dans le magasin dont elle laissait les portes ouvertes durant ses pauses pour permettre aux techniciens de venir chercher des pièces.

La cour retient que les dénégations de la salariée ne sont corroborées par aucun élément, qu’ainsi rien ne permet de retenir raisonnablement qu’une autre personne que la salariée ait eu accès au poste informatique de M. Z aux heures portées sur les deux accusés de réception, que le fait que ce dernier ne lui ait pas confié son identifiant et son mot de passe caractérise bien la violation des deux correspondances. Cette faute suffit à caractériser, sans doute raisonnable, la cause réelle et sérieuse de licenciement. Il n’est pas besoin d’examiner le second grief qui n’est tiré que de la défense de la salariée, qui pour s’exonérer du premier reproche, s’est elle-même accusée d’avoir maintenu le magasin ouvert durant ses pauses.

En conséquence, le licenciement s’avère fondé sur une cause réelle et sérieuse et la salariée sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse distinguant le préjudice économique du préjudice moral, étant relevé qu’elle ne sollicite plus en appel de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement.

13/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à la salariée à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018, date du jugement entrepris.

Les intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils seront dus pour une année entière.

Il convient d’allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le droit proportionnel de l’article R. 444-55 du code de commerce (ex-article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996) n’est pas dû dans les cas énumérés par le 3° de l’article R. 444-53, soit une créance alimentaire ou née de l’exécution d’un contrat de travail. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

L’employeur supportera les dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL VINCENT ARNAUD.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

L’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Ordonne la requalification de la relation de travail à compter du 15 mai 2000 en un contrat de travail à durée indéterminée.

Annule l’avertissement prononcé le 11 novembre 2000.

Condamne la SAS STMICROELECTRONICS à payer à Mme B Y les sommes suivantes :

• 2 545,21 € à titre d’indemnité de requalification ;

• 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour abus du pouvoir disciplinaire.

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018.

Dit que les intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils seront dus pour une année entière.

Déboute Mme B Y de ses autres demandes.

Condamne la SAS STMICROELECTRONICS à payer à Mme B Y la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Condamne la SAS STMICROELECTRONICS aux dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la SELARL VINCENT ARNAUD.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 26 février 2021, n° 18/02138