Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 18 novembre 2021, n° 19/04219

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Eurojuris France · 31 janvier 2024

Une Cour de cassation droite dans ses bottes pour les contrats signés avant le 1er janvier 2022, en dépit d'une réforme du droit des sûretés abolitionniste applicable aux contrats signés postérieurement Par un la durée du cautionnement doit être expressément précisée dans la mention manuscrite sans possibilité d'un simple renvoi aux clauses dactylographiées de l'acte, alors que le nouvel article 2297 du Code civil, venu se substituer à ces textes, ne prévoit plus de mention de durée d'engagement à apposer dans l'acte par la caution elle-même. 1 - Selon l'article L341-2 devenu L331-1 du …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 18 nov. 2021, n° 19/04219
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/04219
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulon, 19 février 2019, N° 2011J00062
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2021

N° 2021/369

Rôle N° RG 19/04219 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6HQ

X-C Z

A Z

C/

Société LE FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS INTERVENANT VOLONTAIRE

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Rachel SARAGA-BROSSAT

Me Régis DURAND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 20 Février 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2011J00062.

APPELANTS

Monsieur X-C Z

né le […] à […],

demeurant […]

représenté par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Lionel LECOLIER, avocat au barreau de TOULON

Monsieur A Z

né le […] à […],

demeurant […]

représenté par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Lionel LECOLIER, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, agissant poursuites et diligences de son Directeur,

dont le siège social est sis […]

représentée par Me Régis DURAND de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS, ayant pour société de gestion la société EUROTITRISATION, et représenté par la société MCS ET ASSOCIES, agissant en qualité de recouvreur poursuites et diligences de son représentant légal,

intervenant volontairement aux droits de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

dont le siège social est sis […]

représentée par Me Régis DURAND de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente de chambe

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2021

Signé par Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions des parties

Selon statuts en date du 12 septembre 2007, M. A Z et son fils, M. X-C Z, ont constitué la société Z, située à Saint-Cyr-sur-Mer, ayant pour objet social la vente en gros et demi-gros de fruits et légumes et la vente de tous produits, matériels et accessoires pour les métiers de bouche et restaurants.

Selon acte sous seing privé du 12 septembre 2007, la SARL Z, représentée par son gérant, M. X-C Z, a ouvert dans les livres de la Société marseillaise de crédit un compte n° 2100250586U.

Selon acte sous seing privé du 31 octobre 2007, elle a acquis, auprès de M. A Z, un fonds de commerce de distribution de fruits et légumes en gros et demi-gros, exploité au marché Sainte Musse à Toulon au prix de 300.000 euros, financé par un prêt du même montant octroyé par la Société marseillaise de crédit, au taux d’intérêt de 5,35%, remboursable en 84 échéances mensuelles d’un montant de 4.385,44 euros.

Le prêt a été garanti par une inscription de privilège de nantissement sur le fonds de commerce, le cautionnement de MM. A Z et X-C Z à hauteur de 360.000 euros pour la durée du prêt augmentée de deux ans, la mise en gage par M. A Z d’un contrat d’assurance-vie.

Les conjoints respectifs des cautions ont donné leur consentement à l’acte.

Selon acte sous seing privé, du 14 novembre 2007, M. X-C Z s’est porté caution solidaire de tous les engagements de la société Z dans la limite de 132 000 euros pour une durée de 60 mois.

Le 8 avril 2009, les parties ont signé un avenant modifiant le nantissement du contrat d’assurance-vie.

A compter du mois de septembre 2010, la SARL Z a cessé le remboursement des échéances du prêt.

Par jugement du 10 novembre 2010 prononcé par le tribunal de commerce de Toulon, elle a été placée en liquidation judiciaire.

Le 04 novembre 2010, la Société marseillaise de crédit a déclaré sa créance au passif de la procédure collective entre les mains du liquidateur, Me Y, pour la somme de 300 461,17 euros, soit :

— solde du compte n° 2100 250586U : 50 806,15 euros

— cessions de créances loi Dailly : 56 825,66 euros

— solde du prêt : échéance impayée du 29 septembre 2010 4 385,44 euros, capital restant dû au 29 septembre 2010 188 443,92 euros, outre intérêts contractuels.

Par courriers recommandés avec accusés de réception en date des 4 et 10 novembre 2010, elle a mis en demeure en leur qualité de caution, d’une part M. A Z de lui payer la somme de 193.239,20 euros, et d’autre part M. X-C Z de lui verser la somme de

296 767,09 euros.

Suivant actes d’huissier en date des 5 et 7 janvier 2011, elle les a fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Toulon.

Par jugement du 15 mars 2012, confirmé par un arrêt sur contredit en date du 4 octobre 2012, le tribunal de commerce de Toulon s’est déclaré compétent en ce qui concerne la demande de la Société marseillaise de crédit contre M. A Z.

Par jugement en date du 25 janvier 2018, la juridiction consulaire a rouvert les débats pour recueillir l’avis des parties, en application des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile sur l’imprécision de la mention manuscrite et la nullité des engagements de caution de MM. Z pour le prêt d’un montant initial de 300 000 euros.

*

Vu le jugement en date du 20 février 2019 par lequel le tribunal de commerce de Toulon a :

— dit que le moyen de nullité soulevé par la partie défenderesse au regard de l’article L.341-2 du code de la consommation, tiré de l’imprécision de la mention manuscrite relative à la durée du cautionnement, n’est pas pris en compte ;

— débouté MM. X-C Z et A Z de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

— condamné M. X-C Z à payer à la SA société Marseillaise de crédit les sommes suivantes :

. 50.806,15 euros au titre du solde débiteur du compte numéro 2100250586U avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010, date de la mise en demeure et anatocisme annuel,

. 56.825,66 euros au titre des cessions de créances dayllisées et impayées à leurs échéances avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010, date de la mise en demeure et anatocisme annuel ;

— condamné MM. X-C Z et A Z solidairement et conjointement à payer à la SA société Marseillaise de crédit la somme de 193.239,20 euros au titre du solde de prêt d’équipement d’un montant initial de 300.000 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5.35 % l’an à compter du 04 novembre 2010, date de la mise en demeure et anatocisme annuel ;

— condamné MM. X-C Z et A Z solidairement et conjointement à payer à la SA société Marseillaise de crédit la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— ordonné l’exécution provisoire du présent Jugement nonobstant appel et sans caution ;

— condamné MM. X-C Z et A Z solidairement aux entiers dépens liquidés à la somme de 333,22 euros T.T.C., dont T.V.A. 54,87 euros.

Vu l’appel relevé le 13 mars 2019 par MM. Z ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2019 par lesquelles MM. X-C Z et A Z demandent à la cour de :

Vu les anciens articles 1116, 1134, 1147 et 1244-1 du code civil

— dire et juger recevable et bien fondé l’appel contre le jugement du 20 février 2019 ;

Y faisant droit,

— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

— dire et juger nuls les cautionnements consentis le 31 octobre 2007, en raison de l’imprécision des mentions manuscrites relatives à leur durée,

— dire et juger que la Société marseillaise de crédit a fait preuve de réticence dolosive à l’endroit de M. A Z et de M. X-C Z pour obtenir leurs cautionnements solidaires,

— annuler en conséquence tous les cautionnements et autres garanties consentis par M. A Z et M. X-C Z au profit de la Société marseillaise de crédit,

— débouter en conséquence la Société marseillaise de crédit de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la Société marseillaise de crédit à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Subsidiairement :

— dire et juger caduc le cautionnement solidaire de la société Z par M. A Z, au profit de la Société marseillaise de crédit, à hauteur de 360.000 euros, pour la durée du prêt augmentée de 2 ans, et ce depuis le 18 août 2008,

— dire et juger que la Société marseillaise de crédit n’est garantie par M. A Z qu’à hauteur de 45.448,75 euros, dernière valorisation du contrat d’assurance-vie affecté en gage à ladite banque,

— dire et juger que la Société marseillaise de crédit a commis des fautes graves en consentant un prêt excessif à la société Z pour l’acquisition d’un fonds de commerce non viable à un prix excessif, et en ne mettant pas en garde celle-ci et ses cautions, sur l’endettement excessif de la société, son risque de défaillance et celui de ses cautions d’être poursuivies,

— les décharger directement et totalement de tous leurs engagements de caution solidaire de la société Z au profit de la société Marseillaise de crédit, et d’une manière générale de toutes les garanties consenties à celle-ci,

— débouter en conséquence la société Marseillaise de crédit de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Marseillaise de crédit à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Encore plus subsidiairement :

— reporter de deux ans le paiement des sommes dues à la société Marseillaise de crédit et dire que les sommes reportées produiront intérêts au taux légal ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2021 par lesquelles le fonds commun de titrisation Ornus, intervenant volontaire, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation et représenté par la société MCS et associés, venant aux droits de la Société marseillaise de crédit, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 19 avril 2021, demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1154, 2288 et suivants du code civil

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 20 février 2019,

— débouter MM. X-C et A Z de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— condamner solidairement MM. X-C Z et A Z à lui payer la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Régis Durand ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 31 août 2021 ;

SUR CE, LA COUR

Sur la validité des cautionnements

MM. Z soutiennent la nullité de leurs engagements au motif que les mentions manuscrites relatives à la durée des cautionnements sont imprécises d’autant que les actes ne sont pas datés. Ils invoquent un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2015. Ils indiquent qu’ils étaient parfaitement en droit de profiter de la réouverture des débats devant le tribunal de commerce pour se prévaloir de ce nouveau moyen de défense, la procédure étant orale, et ils ajoutent qu’il n’existe en appel aucune restriction à la présentation de nouveaux moyens de droit et de fait.

Le Fonds commun de titrisation Ornus conclut à la confirmation du jugement qui n’a pas pris en compte le moyen de nullité tiré de l’imprécision de la mention manuscrite relative à la durée du cautionnement. Il estime que la juridiction de première instance ne pouvait relever d’office ce moyen et que les consorts Z ne pouvaient, après la clôture des débats intervenue à l’audience du 28 septembre 2017, reprendre le moyen à leur compte. Il observe que le cautionnement consenti par M. X-C Z le 14 novembre 2007 précise sa durée de 60 mois, que les deux appelants indiquent expressément la date du 31 octobre 2007 s’agissant des autres cautionnements, et qu’ils avaient pleinement conscience de la durée et de l’étendue de leurs engagements. Il invoque l’assouplissement de la jurisprudence de la Cour de cassation au sujet du formalisme en matière de cautionnement et se prévaut d’un arrêt qui a retenu que la validité de l’engagement n’était pas affectée par la contradiction entre deux dates contradictoires et différentes quant à la durée de l’engagement. Il fait valoir que le prêt a été conclu pour une durée de 84 mois (page 5 de l’acte) et que les engagements de caution ont été donnés pour une durée de 108 mois, ce que savaient parfaitement les consorts Z qui ont tenté de soulever cet argument uniquement lorsque la juridiction de première instance les a aiguillés par erreur et illégalement en ce sens.

Il ressort de la décision critiquée que, dans son jugement du 30 janvier 2018, le tribunal de commerce a relevé d’office que la mention manuscrite engageant solidairement les cautions était imprécise, rouvert les débats et invité les parties à communiquer leurs pièces et leurs observations.

Puis, il a rappelé les dispositions de l’article 120 du code de procédure civile et a indiqué que le juge ne peut soulever d’office des moyens, même d’ordre public, qui ont pour objet de protéger des personnes et que seules ces dernières peuvent invoquer ces dispositions. Il a donc décidé de ne pas prendre en compte le moyen de nullité.

À titre liminaire, il est rappelé qu’il entre dans le pouvoir du juge de soulever d’office toute violation des dispositions du code de la consommation.

Par ailleurs, la nullité des actes souscrits peut être soulevée devant la cour en tant que moyen de défense des appelants pour s’opposer à la demande en paiement de la banque.

En vertu de l’article L. 341-2 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même.

Si les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation ne précisent pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention doit être exprimée de manière précise, sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte ou à des éléments extérieurs à celui-ci ;

Or, en l’espèce, les mentions manuscrites des deux actes de caution, qui apparaissent à la page 19 de l’acte de prêt daté du 31 octobre 2007, indiquent pour la durée du prêt majorée de deux ans en sorte que cette durée n’est pas précisée contrairement aux exigences requises.

Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande d’annulation des cautionnements consentis au titre du prêt d’un montant de 300 000 euros.

En revanche, le cautionnement souscrit le 14 novembre 2007 En garantie de tous engagements par M. X-C Z est parfaitement daté et précis dans sa durée, en l’occurrence 60 mois, ce dont il résulte que la demande de nullité de l’acte ne saurait prospérer.

Du fait de l’annulation ci-dessus prononcée, l’argumentation des appelants relatives à la réticence dolosive de la banque par manquement à ses devoirs d’information, de conseil et de mise en garde au moment du prêt consenti par la Société marseillaise de crédit à la société Z, devient sans objet. En toute hypothèse, ne saurait constituer un dol à l’égard de la caution le seul manquement de l’établissement de crédit à son devoir de mise en garde, ainsi que le soutient l’intimée. Cette dernière rappelle également, à juste titre, que le manquement à une obligation précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci. Force est de constater que M. X-C Z ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité de man’uvres employées sciemment par la banque pour le tromper et provoquer dans son esprit une erreur déterminante qui l’a conduit à s’engager en qualité de caution le 14 novembre 2007. Dès lors, il n’y a pas lieu d’annuler cet engagement pour dol.

Sur la responsabilité de la banque

En conséquence des développements qui précèdent, la demande des appelants tendant à être déchargés de leurs engagements de caution en raison des fautes graves commises par la banque tant à l’égard de la société Z qu’à leur égard ne peut être examinée qu’à l’aune du seul cautionnement reconnu valable par la cour. Les consorts Z reprochent à la banque d’avoir accordé un crédit

excessif à la société Z, de ne pas avoir correctement instruit la demande de prêt alors que A Z se trouvait en état de cessation des paiements avant la vente de fonds et que son compte était en permanence débiteur. Ils invoquent le jugement du 31 octobre 2013 qui a retenu que le prêt représentait une charge manifestement trop élevée. Ils invoquent les difficultés du secteur d’activité du commerce de gros de fruits et légumes, les délais de paiement à 60 jours, les inévitables problèmes de trésorerie qu’allait rencontrer la société Z et qui n’ont pas été pris en compte par la banque. Ils soulignent l’autorisation de découvert de 30 000 euros consentie par la Société marseillaise de crédit et la convention de cession de créances professionnelles conclue et ils soutiennent que l’établissement bancaire a agi par intérêt personnel.

Le fonds commun de titrisation Ornus conteste la prétendue responsabilité contractuelle de la Société marseillaise de crédit. Il note que le tribunal de commerce a condamné M. X-C Z pour des fautes de gestion et qu’il a relevé des irrégularités dans les documents comptables de la SARL Z élaborés par son gérant. Il prétend que le prix de cession du fonds de commerce a été convenu entre la SARL Z et M. A Z, lequel a encaissé le prix de vente tout en détenant 200 parts sur 500 parts composant le capital social de la société. Il met en exergue la qualité d’emprunteur averti de la SARL Z qui a été assistée par son expert comptable et fait valoir que les appelants ont présenté un prévisionnel cohérent, que leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs engagements et que ce sont les seuls choix de gestion de l’emprunteur qui ont conduit à générer le passif existant au jour de la procédure.

La banque n’est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur ou d’une caution non avertie que si, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du crédit garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

L’adaptation de l’engagement de l’emprunteur ou de la caution par rapport à ses capacités financières ou le risque de l’endettement excessif doit s’apprécier à la date de l’engagement litigieux, en l’occurrence le 14 novembre 2007.

En l’espèce, la SARL Z et ses associés ont présenté à la banque, lors de la souscription du prêt, un compte de résultat prévisionnel à 12 mois, qui prévoyait au 30 septembre 2008 un chiffre d’affaires de 1 300 000 euros et un bénéfice de 59 750 euros, ce qui ne peut être considéré comme incohérent au regard des documents comptables afférents aux résultats de l’entreprise de A Z, faisant apparaître, notamment, un chiffre d’affaires de 1 083 715 euros et un bénéfice de 56 727 euros au 30 juin 2006 et un chiffre d’affaires de 1 172 418 euros et un bénéfice de 43 956 euros au 30 juin 2007. Ainsi, le prêt souscrit le 31 octobre 2007 était adapté aux capacités financières de l’emprunteur. Les consorts Z ne démontrent pas davantage le risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt et, du reste, la défaillance de l’entreprise est intervenue trois années plus tard. Les relevés du compte n°250586U de la SARL Z, qui font ressortir un solde débiteur, concernent la période comprise entre le 1er octobre 2009 et le 28 septembre 2010 et sont par suite inopérants, de même que la convention de cession de créances professionnelles en date du 8 avril 2008, les actes de cession de créances en date des 4 mai 2010 et 3 juin 2010, et les mouvements enregistrés sur le compte personnel de A Z en 2008-2009.

Les appelants invoquent tout aussi vainement le jugement en date du 31 octobre 2013 qui a condamné X-C Z à supporter le comblement du passif de la SARL Z à concurrence de la somme de 50 000 euros. En effet, les motifs de ce jugement, plus nuancés que l’interprétation donnée par les appelants, correspondent à l’appréciation des juges consulaires dans une problématique juridique différente et, en toute hypothèse, ne peuvent lier la cour. De surcroît, ce jugement a été rendu six années après l’octroi du prêt.

Enfin, l’appelant n’allègue ni ne démontre l’inadaptation de son engagement à ses capacités financières et, au demeurant, l’intimé verse aux débats la fiche patrimoniale que M. X-C

Z a renseignée et signée le 8 août 2007.

Il s’infère de ces développements que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde et la prétention de M. X-C Z à être déchargé de son engagement au regard des fautes graves commises par la Société marseillaise de crédit et des préjudices causés, nullement établis, ne saurait prospérer.

Sur les sommes dues

Le Fonds commun de titrisation Ornus ne peut réclamer aucune somme à M. A Z, et, en conséquence, le jugement doit être infirmé sur l’intégralité des condamnations prononcées à l’encontre de ce dernier.

En revanche, il est fondé à se prévaloir du cautionnement souscrit le 14 novembre 2007 par M. X-C Z et il justifie par les documents produits (convention d’ouverture de compte, actes de cession de créances professionnelles, déclaration de créance en date du 4 novembre 2010, mise en demeure du 10 novembre 2010, décompte en date du 10 novembre 2010, cession de créance intervenue 19 avril 2021 avec la Société marseillaise de crédit, courrier adressé à M. X-C Z le 31 mai 2021) de sa créance au titre du solde débiteur du compte n° 2100250586 à hauteur de 50 806,15 euros et au titre des cessions de créances Dailly à hauteur de 56 825,66 euros, de sorte le jugement sera confirmé sur les condamnations prononcées de ce chef, en principal et intérêts avec anatocisme, à l’encontre de M. X-C Z.

S’agissant de la demande de report à deux ans du paiement de la dette, à laquelle s’oppose le Fonds commun de titrisation Ornus, il convient d’observer que M. X-C Z a été assigné le 5 janvier 2011 et que son avis d’imposition sur les revenus de 2017 est ancien et non actualisé par des documents récents. Dès lors, le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande de délais de paiement.

Il est équitable d’allouer à l’intimé une indemnité au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. En conséquence, M. X-C Z sera condamné à lui verser la somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de M. X-C Z, outre ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement déféré sur les condamnations prononcées à l’encontre de M. X-C Z en sa qualité de caution des sommes dues au titre du solde débiteur du compte n° 2100250586U et des cessions de créances dayllisées, des dépens de première instance, ainsi que sur le rejet de la demande de délais de paiement ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule les cautionnements consentis par M. X-C Z et M. A Z au titre du prêt d’un montant de 300 000 euros souscrit le 31 octobre 2007 par la SARL Z ;

Déboute le Fonds commun de titrisation Ornus de ses demandes au titre des cautionnements consentis le 31 octobre 2007 par M. X-C Z et M. A Z ;

Condamne M. X-C Z à verser au Fonds commun de titrisation Ornus ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation représentée par la société MCS et associés, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. X-C Z aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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