Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 13 janvier 2022, n° 21/05985

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 13 janv. 2022, n° 21/05985
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 21/05985
Décision précédente : Tribunal de commerce de Marseille, 3 mars 2021, N° 2021F00108
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2022

N° 2022/011

N° RG 21/05985 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHKJ7

S.A. AXA FRANCE IARD


C/

S.A.R.L. NANO


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


Me Romain CHERFILS


Me Alain CHETRIT

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 04 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021F00108.

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD, demeurant […]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. NANO, demeurant […]

représentée et plaidant par Me Alain CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Béatrice MARS, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.


La Cour était composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente

Mme Béatrice MARS, Conseiller (rapporteur)

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2022.

ARRÊT


Contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2022,


Signé par Madame Béatrice MARS faisant fonction de présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***


La SARL Nano exploite un fonds de commerce de restauration sous l’enseigne «' Le Grand Café », situé […].


Elle est assurée auprès de la la SA AXA France Iard depuis le 1er février 2020, suivant un contrat d’assurance multirisque professionnelle garantissant notamment les pertes d’exploitation.


En application de l’arrêté du 14 mars 2020 (JORF n° 0064 du 15 mars 2020) portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, la SARL Nano a été contrainte de fermer son établissement du 16 mars 2020 au 2 juin 2020.


La SARL Nano a déclaré son sinistre auprès de la SA AXA France Iard par lettre recommandée du 19 octobre 2020, et a réclamé une indemnisation à hauteur de 32 664 euros au titre des pertes d’exploitation subies.


La SA AXA France Iard a refusé de prendre en charge le sinistre.


La SARL Nano a, par acte du 4 novembre 2020, assigné en référé la SA AXA France Iard devant le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille qui, par ordonnance du 7 janvier 2021, a dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond.

Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal de commerce de Marseille a :


- Déclaré réputée non écrite la clause d’exclusion de garantie libellée en ces termes : sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique


En conséquence :


- Condamné la société AXA France Iard SA à payer à la société Nano SARL la somme de 10 000 euros, à titre de provision, à valoir sur les pertes d’exploitation qu’elle a subies lors des fermetures de son établissement, dans la limite de trois mois


Sur le quantum des pertes d’exploitation subies par la société Nano SARL lors de la fermeture de son établissement


- Désigné M. X Y demeurant […] en qualité d’expert avec pour mission :


- d’entendre les parties en leurs explications et de répondre à leurs dires et à leurs observations


- de se faire communiquer tous documents utiles à ses investigations, notamment l’estimation effectuée par la «' société FHALFAMILY » et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années


- d’entendre tous sachant,


- de s’adjoindre, si besoin, un sapiteur de son choix


- d’évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute sur une période maximum de 3 (trois) mois, déduction faite d’une franchise de 3 (trois) jours


- d’examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance,


-d’évaluer le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causées par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires – charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, en recherchant si du chiffre d’affaires a été généré par des ventes à emporter ou «'click and collect » et en le retranchant alors, en prenant compte les facteurs externes indépendamment des pertes d’exploitation liées à la fermeture administrative


- d’évaluer le montant des pertes financières


- de chiffrer le montant de la perte de marge brute subie par la «' société FHALFAMILY » sur

une période maximum de 3 (trois) mois, déduction faite d’une franchise de 3 (trois) jours


- Dit que du tout, l’expert, dans les trois mois à compter de la date du versement de la consignation, devra dresser un rapport qui sera déposé au Greffe, en un seul exemplaire


- Dit que le suivi de l’expertise sera confié au Juge chargé du contrôle des expertises, au cabinet duquel, les parties et l’expert sont convoqués, le 9 septembre 2021. à 9 Heures, au 3ème niveau du Tribunal de Commerce de Marseille au bureau du juge chargé du contrôle des expertises, conformément aux dispositions de l’article 153 alinéa 2 du code de procédure civile


- Dit que la présente convocation serait caduque pour le cas où l’expert aurait déposé son rapport avant la date fixée pour le faire


- Dit que faute par l’expert d’avoir informé le Juge chargé du contrôle, de l’acceptation de sa désignation dans les quinze jours de la notification qui lui en est faite par le Greffe, il sera pourvu d’office à son remplacement par simple ordonnance présidentielle ou du Juge chargé du contrôle


- Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours


- Dit qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au Juge chargé du contrôle, la somme

globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et

débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire


- Dit qu’en cas de difficultés dans l’accomplissement de sa mission, l’expert devra en faire rapport au Juge chargé du contrôle, notamment pour le respect des délais et en vue d’une prorogation


- Dit que la société AXA France Iard SA devra consigner au Greffe du tribunal de commerce de Marseille, la somme de 3000 euros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert, dans le délai d’un mois à compter de l’invitation à ce faire qui lui sera adressée par le Greffe


- Dit et jugé que faute par la société AXA France Iard SA d’effectuer cette consignation dans ledit délai, l’article 271 du code de procédure civile sortira son plein et entier effet avec toutes ses conséquences et notamment la caducité de la désignation de l’expert


- Dit que le Greffe informera l’expert de la consignation intervenue


- Condamné la société AXA France Iard SA à payer à la société Nano SARLU la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile


- Condamné la société AXA France Iard SA aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 euros TTC


- Conformément aux dispositions des articles 514 et 515 du code de procédure civile, le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire


- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions

du jugement.


La SA AXA France Iard a relevé appel de cette décision le 21 avril 2021.

Vu les conclusions de la SA AXA France Iard, appelante, notifiées le 19 août 2021, au terme desquelles il est demandé à la cour de :


A titre principal :


- Infirmer le jugement du 4 mars 2021 du tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a :

* considéré que la clause d’exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l’article L.113-1 du code des assurances et qu’AXA France Iard devra garantir la société Nano au titre de la perte d’exploitation de son activité de restauration * condamné AXA France Iard à payer à la société Nano, à titre de provision, la somme de 10 000 euros

* ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin Monsieur X Y avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris

* condamné AXA France Iard à payer à la société Nano la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

* condamné AXA France Iard aux entiers dépens.


Et statuant à nouveau :


- Juger que la clause d’exclusion respecte le caractère formel exigé par l’article L.113-1 du code des assurances en ce qu’elle est claire et ne laisse pas de place à l’incertitude


- Juger que la clause d’exclusion ne vide pas l’extension de garantie de sa substance et qu’elle ne prive pas l’obligation essentielle d’AXA France Iard de sa substance


En conséquence :


- Déclarer applicable en l’espèce la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie


- Débouter la société Nano de sa demande de condamnation à l’encontre d’AXA France Iard


A titre subsidiaire :


- Juger que le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Marseille n’est pas justifié


- Réformer le jugement entrepris sur la mission confiée à l’expert judiciaire


Statuant à nouveau :


- Ordonner que l’expert judiciaire aura pour mission de :

' Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par l’assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années

' Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations

' Examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance et se rapportant uniquement à l’activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable

' Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires – charges variables) incluant les charges salariales, les économies réalisées

' Donner son avis sur le montant des aides/subventions d’État perçues par l’assurée ' Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture, en se fondant notamment sur les recettes encaissées les semaines ayant précédé le 15 mars 2020


En tout état de cause :


- Débouter la société Nano des fins de son appel incident


- Condamner la société Nano à payer à AXA France Iard la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix en Provence, avocats aux offres de droit.

Vu les conclusions de la SARL Nano, intimée, notifiées le 20 juillet 2021, au terme desquelles il est demandé à la cour de :


- Débouter la société AXA France Iard de son appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 04.03.2021 par le tribunal de commerce de Marseille comme infondé et injustifié, aussi bien à titre principal que subsidiaire


- Accueillir l’appel incident formulé par la société Nano, en ce qu’il a condamné la société AXA France Iard au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur les pertes d’exploitation subies


Statuant à nouveau :


- Majorer la condamnation de la société AXA France Iard à valoir sur les pertes d’exploitation subies lors de la fermeture de l’établissement de la société Nano pendant la période du 16 mars au 2 juin 2020 à la somme provisionnelle de 25 000 euros


- Confirmer le surplus du dispositif du jugement dont appel


Subsidiairement, pour l’hypothèse ou par extraordinaire la cour de céans devait juger la clause d’exclusion de garantie régulière :


- Condamner la société AXA France Iard au paiement de la somme de 32 664 euros à titre de dommages et intérêts et en réparation du préjudice subi


En tout état de cause :


- Condamner la société AXA France Iard au paiement de la somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS DE LA DECISION':


- Sur la validité de la clause d’exclusion :


Aux termes des conditions particulières Multirisque Professionnelle signée le 31 janvier 2020 dans le chapitre : Perte d’Exploitation suite à Fermeture Administrative’figure la mention suivante : la garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies':

1. la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même 2. la décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.


En l’espèce, la fermeture du restaurant de la SARL Nano a été ordonnée en application de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, pris au visa de l’article L 3131-1 du code de la santé publique en raison des menaces sanitaires graves et notamment les menaces d’épidémie. Cette fermeture a été confirmée par divers décrets postérieurs.


Les deux conditions de la garantie sont donc réunies en l’espèce, dès lors que la fermeture du restaurant de la SARL Nano a été ordonnée par une autorité administrative en raison d’un risque d’épidémie.


Les conditions particulières prévoient la clause d’exclusion suivante': Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.


La SARL Nano soulève la nullité de cette clause d’exclusion au motif qu’elle ne répond pas aux exigences légales en ce qu’elle n’est ni formelle, ni limitée et doit être interprétée, qu’elle a pour conséquence de vider l’obligation principale de sa substance, et en ce que la typographie de la clause ne satisfait pas aux prescriptions du 4ème alinéa de l’article L112-4 du code des assurances.


La SA AXA France Iard soutient que la clause d’exclusion visée figure en caractères très apparents et est claire et compréhensible par l’assuré, professionnel de la restauration, qu’elle remplit donc le caractère formel exigé par l’article L. 113-1 du code des assurances, que l’absence de définition du terme «' épidémie » est sans influence en ce que seule une «' fermeture individuelle » est garantie qu’elle que soit l’événement défini dans la clause d’exclusion, qu’une épidémie peut être à l’origine de la fermeture administrative d’un unique établissement, que la proposition d’avenant faite ne remet pas en cause la clarté de la clause d’exclusion, que la garantie d’un risque aléatoire constitue l’essence même d’un contrat d’assurance et que l’application d’une clause d’exclusion limitant la couverture à un risque même improbable n’est pas de nature à la priver du caractère limité exigé par l’article L113-1 du code des assurances. Elle soutient que la commune intention des parties n’était pas de couvrir le risque d’une fermeture généralisée à l’ensemble du territoire, risque imprévisible à l’époque, mais de couvrir les aléas inhérents à l’exploitation d’un restaurant exposés à des risques biologiques. Elle précise que la clause d’exclusion respecte le formalisme de l’article L112-4 du code des assurances et le caractère formel exigé par l’article L 113-1 du code des assurances et ne prive pas la garantie litigieuse de sa substance.


Aux termes de l’article L 112-4 du code des assurances l’exclusion de garantie doit être rédigée en caractères très apparents. En l’espèce cette clause est mentionnée dans les conditions particulières en majuscule et dès lors dans une police différente à même d’attirer l’attention de l’assuré sur les principe qu’elle édicte. Cette clause respecte donc les prescriptions de l’article L 112-4 du code des assurances.


En vertu de l’article L 113-1 du code des assurances, l’exclusion conventionnelle de garantie doit être formelle et limitée.


Les clauses d’exclusion de garantie ne sont ni formelles, ni limitées, dès lors qu’elles doivent être interprétées. Elles doivent se référer à des critères précis, des hypothèses limitativement énumérées qui excluent toute interprétation, de façon à permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie et être en mesure de la comprendre. La portée de l’exclusion doit être nette sans incertitude. La clause doit délimiter de façon particulièrement nette le champ dans lequel la garantie n’est pas due. Elle doit être limitée c’est-à- dire qu’elle ne doit pas vider la garantie de sa substance, solution consacrée en droit commun par l’article 1170 du code civil.


La preuve des conditions d’application de l’exclusion aux faits de l’espèce pèse sur l’assureur et il appartient à l’assuré de rapporter la preuve de la nullité de la clause. Enfin, la validité des clauses d’exclusion s’apprécie par rapport à la définition du risque.


Aux termes de l’article 1188 du code civil, le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.


L’article 1190 du même code dispose quant à lui que, dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et les contrat d’adhésion contre celui qui le propose.


En l’espèce, le fait qu’un restaurateur ait, par nature, conscience des risques d’une fermeture administrative du fait de la survenance d’un événement lié à son activité comme une infection alimentaire (à type salmonellose ou autres) au sein de son établissement, ne dispense pas l’assureur de donner une définition claire et précise des limites apportées à la garantie souscrite et notamment sur le terme «' épidémie ».


De même, la «' cause identique » figurant dans la clause d’exclusion renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit «' une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication », de sorte que, même si elle ne figure pas dans la clause d’exclusion, la notion d’épidémie constitue une condition de la mise en 'uvre de la garantie et affecte nécessairement le caractère formel de la clause d’exclusion.


Or la police souscrite ne donne aucune définition du terme « épidémie » qui pourtant se distingue de la maladie contagieuse ou de l’intoxication.


Le terme «' épidémie » est défini par le dictionnaire Larousse comme étant le développement et la propagation rapide d’une maladie contagieuse, le plus souvent d’origine infectieuse, dans une population. Le dictionnaire de l’académie française donne la définition suivante': l’apparition et propagation d’une maladie contagieuse qui atteint en même temps, dans une région donnée, un grand nombre d’individus. Selon le centre national de ressources textuelles et lexicales l’épidémie est définie comme étant l’augmentation inhabituelle et subite du nombre d’individus atteints d’une maladie transmissible existant à l’état endémique dans une région ou une population donnée. Enfin selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine l’épidémie est l’extension à une population, d’une maladie infectieuse à transmission interhumaine.


Il résulte de ces définitions tant générales que médicales, que l’épidémie est la propagation d’une maladie infectieuse et contagieuse à une population c’est à dire à un grand nombre de personnes ce qui ne peut être assimilé à «'un ensemble des personnes occupant un même établissement de restauration », le sens général du terme étant de plus, inconciliable avec la possibilité qu’un seul établissement soit affecté et le fait que l’assureur soit contraint de faire appel à des consultations de professeurs d’épidémiologie ou spécialistes de maladies infectieuses pour établir que, comme il le prétend, l’épidémie peut ne concerner qu’un petit nombre de personnes dans un espace limité démontre la nécessité d’interpréter le terme épidémie.


Ainsi, contrairement à ce que soutient l’assureur, un épisode de salmonellose, listériose, légionellose ou de grippe aviaire pouvant entraîner la fermeture d’un seul établissement au sein d’un département ne correspond pas à la définition habituelle de l’épidémie en ce qu’il ne s’agit pas de maladies transmissibles entre humains alors que les autres risques invoqués comme la gastro-entérite ou la fièvre typhoïde relèvent de la garantie pour fermeture suite à une maladie contagieuse. L’assureur ne démontrant pas à ce jour, l’existence d’un cluster relevant de l’épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un département et contredisant la définition usuelle de l’épidémie.


Il convient de noter en outre que la SA Axa France Iard a transmis à ses assurés un avenant applicable au 1er janvier 2021 dans lequel sont exclues de la garantie pertes d’exploitation celles qui ont pour cause une épidémie /épizootie /pandémie et dans lequel elle donne pour chacun de ces événements une définition précise, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.


La SA AXA France Iard soutient également que lors de la souscription de la police il n’entrait pas dans l’intention de l’assuré d’obtenir une couverture d’assurance pour se prémunir contre les conséquences d’une fermeture généralisée liée à une épidémie de l’ampleur de celle du Covid-19 mais uniquement de se voir garantis contre les aléas inhérents à son activité de restaurateur. Que de même l’assureur n’avait pas pour but de couvrir un risque systémique, qui concernerait plusieurs établissements en même temps, et qui se heurterait au principe de mutualisation des risques, qu’il n’a donc jamais été dans la commune intention des parties de couvrir les pertes alléguées résultant de mesures gouvernementales généralisées destinées à lutter contre la propagation d’une épidémie à l’échelle de la nation, qui ne relèvent en aucune manière d’un aléa normal d’exploitation, étranger aux prévisions des parties.


Il ne ressort pas de la police souscrite que la commune intention des parties lors de la souscription du contrat n’était pas de couvrir le risque d’une fermeture généralisée à l’ensemble du territoire mais seulement les aléas inhérents à l’exploitation d’un restaurant exposé à des risques biologiques, aucune restriction relative à ces seuls risques biologiques n’étant associée à la notion d’épidémie dans la police.


Enfin, s’il peut être admis que, lors de la conclusion du contrat, ni l’assureur, ni l’assuré ne pouvaient imaginer la survenue d’une épidémie affectant une partie importante de la population du monde entier comme cela a été le cas pour la Covid-19, un tel risque n’a nullement été exclu en tant que tel lors de la conclusion du contrat et alors, au surplus, que le principe d’une assurance est de couvrir des risques individuels, contractuellement définis, quels qu’ils soient, le caractère inédit et généralisé de l’événement n’étant pas de nature à empêcher la mobilisation de la garantie souscrite par l’assuré.


Il apparaît dès lors que l’exclusion de garantie figurant aux conditions particulières en ce qu’elle subordonne l’application de la garantie à l’existence d’un événement qualifié d’épidémie, sans que cette notion fasse l’objet d’une définition précise, circonscrit à un seul établissement dans un département n’est pas limitée et a pour effet de vider la garantie accordée de sa substance de sorte qu’elle n’est pas formelle et limitée et que, contrevenant aux dispositions de l’article 113-1 du code des assurances, elle doit être réputée non écrite.


La décision du premier juge sur ce point sera donc confirmée.


Aux termes des conditions particulières': la garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est à dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par ledit sinistre dans la limite de 3 mois maximum. Le montant de la garantie est fixé à 300 fois l’indice. L’assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.


La SARL Nano qui exploite un fond de commerce de restauration à «' Le Grand Café » indique avoir fait l’objet d’une fermeture administrative, suite à l’épidémie de Covid-19, du 16 mars 2020 au 2 juin 2020 et déclaré un sinistre auprès de son assureur. Elle sollicite donc une provision d’un montant de 25 000 euros à valoir sur l’indemnisation des pertes d’exploitation’qu’elle déclare avoir subies.


La SA AXA France Iard s’oppose à la demande présentée faisant valoir que le mode de calcul de l’assuré n’est pas conforme aux conditions du contrat.
Les conditions générales au titre de la garantie perte d’exploitation renvoie à l’article 2.1 et aux plafonds de garanties indiqués aux conditions générales, et stipule «' y compris frais supplémentaires sur une période d’indemnisation de 12 mois ».


L’article 2.1 mentionne concernant la perte d’exploitation': les dommages assurés': selon mention aux conditions particulières, soit la garantie s’exerce pour la perte que vous subissez et pour les frais supplémentaires que vous devez engager, soit elle est limitée à ces seuls frais supplémentaires. La perte faisant l’objet de la garantie est :

- soit la perte de marge brute que vous subissez durant la période d’indemnisation à la suite de la diminution de votre chiffre d’affaires causée par les événements précédents.

La marge brute est la différence entre : le chiffre d’affaires annuel hors TVA corrigé de la variation des stocks et le total des achats et charges variables. On entend par charges variables celles qui varient en fonction directe de vos activités professionnelles,

- soit la perte de revenus (ou d’honoraires) professionnels que vous subissez durant la période d’indemnisation à la suite de la diminution de votre activité causée par les événements précédents.

Les frais supplémentaires sont les frais d’exploitation excédant vos charges normales, qu’au cours de la période d’indemnisation vous engagez avec notre accord afin de retrouver ou de maintenir, à la suite des événements concernés, le niveau de marge brute ou de revenus (honoraires) correspondant à votre activité professionnelle garantie.


Les conditions générales précisent donc les modalités de calcul de l’indemnité (perte de marge brute, perte de revenus, frais supplémentaires d’exploitation), mais également l’indice applicable et le montant de la franchise et doivent donc servir de base au calcul de l’indemnité devant être allouée au titre des pertes d’exploitation quel que soit l’événement ayant donné lieu à ces pertes.


La SA AXA fait valoir que la mission confiée à l’expert n’a pas tenu compte des facteurs externes qui ont influé sur l’activité de l’assuré. Elle sollicite que soit donnée à l’expert une mission portant sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et sur les facteurs internes et externes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture. La SA AXA France Iard prétend en effet que les pertes d’exploitation indemnisables sont exclusivement celles résultant de la fermeture administrative sans qu’il y est lieu de prendre en considération les raisons de cette fermeture, à savoir l’épidémie de Covid 19, constituant des facteurs externes venant réduire le montant du calcul de l’indemnité. Elle soutient également qu’il convient de tenir compte dans le calcul du préjudice subi des charges variables non supportées durant la fermeture et des aides/subventions d’État perçues par l’assurée.


Sur le premier point, il convient de constater que ces facteurs externes ne sont nullement définis dans les conditions générales et exposeraient les assurés à des limitations d’indemnisation arbitraires. L’épidémie et la fermeture administrative étant liées par la définition même de la garantie et par les dommages qui en résultent puisque l’épidémie est la cause de la fermeture administrative, les conséquences de l’épidémie telle qu’une baisse de fréquentation en raison des mesures de confinement ne constituent pas des facteurs externes pouvant être retenus pour réduire la marge brute.


Il y a donc lieu de confirmer la mission d’expertise ordonnée par le premier juge sauf à demander à l’expert d’évaluer les sommes (aides et/ou subventions) perçues de l’État par la SARL Nano durant la période considérée et donner son avis sur l’incidence de ces aides et/ou subventions sur le sinistre.


La SA AXA France Iard s’oppose aux demandes indemnitaires formées par la SARL Nano faisant valoir que la méthode de calcul qui occulte l’application de certaines déductions, ne correspondrait pas aux stipulations contractuelles. En application des conditions particulières du contrat d’assurance, la garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est à dire la période commençant à courir le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par ledit sinistre dans la limite de trois mois maximum. Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice. L’assuré conservera à sa charge une franchise de trois jours ouvrés.


Il ressort des pièces produites que le restaurant exploité par la SARL Nano a fait l’objet d’une fermeture administrative suite à l’épidémie de Covid-19 du 16 mars 2020 au 2 juin 2020. Au vu des documents comptables produits (bilans) il y a lieu de confirmer la décision du premier juge qui a alloué à la SARL Nano une indemnité provisionnelle d’un montant de 10 000 euros.


- Sur l’article 700 du code de procédure civile':


Aucune considération d’équité ne justifie en la cause de laisser à la charge de la SARL Nano les frais irrépétibles engagés dans la présente instance. La SA AXA France Iard sera condamnée à lui verser à ce titre une somme de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS':


Confirme le jugement en date du 4 mars 2021,


Y ajoutant'


Dit que la mission confiée à M. X Y par le jugement déféré sera complété par le chef de mission suivant :


Dit que l’expert devra évaluer évaluer les sommes (aides et/ou subventions) perçues de l’État par la SARL Nano durant la période du 16 mars 2020 au 2 juin 2020 et donner son avis sur l’incidence de ces aides et/ou subventions sur le sinistre,


Fixe l’avance des frais de complément d’expertise à valoir sur le montant des honoraires de l’expert à la somme de 1500 euros qui sera consigné par la SA AXA France Iard auprès du greffe du tribunal de commerce de Marseille dans un délai de 3 mois,


Dit qu’à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti, la mission complémentaire de l’expert sera caduque,


Dit que pour le surplus, l’expert remplira sa mission conformément à la décision du 4 mars 2021, le juge chargé du contrôle étant celui déjà désigné,


Condamne la SA AXA France Iard à payer à la SARL Nano une somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


Condamne la SA AXA France Iard aux dépens d’appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 13 janvier 2022, n° 21/05985