Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 19 mars 2019, n° 17/01777

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 19 mars 2019, n° 17/01777
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 17/01777
Décision précédente : Cour d'appel d'Amiens, 15 janvier 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRET

N° 112

X

C/

SAS J B DIFFUSION

SAS J B T

PG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 19 MARS 2019

N° RG 17/01777 – N° Portalis DBV4-V-B7B-GUSP

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE DUNKERQUE EN DATE DU 05 mai 2014

ARRÊTS DE LA COUR D’APPEL DE DOUAI (CHAMBRE 2 SECTION 1) EN DATE DES 10 septembre 2015 et 15 octobre 2015

ARRÊT DE LA CHAMBRE COMMERCIALE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE DE LA COUR DE CASSATION EN DATE DU 15 mars 2017

ORDONNANCES DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT DE LA CHAMBRE ECONOMIQUE DE LA COUR D’APPEL D’AMIENS EN DATE DES 16 janvier 2018 et 10 juillet 2018

PARTIES EN CAUSE

[…]

Monsieur I R X

[…]

[…]

Représenté par Me Patrick PLATEAU de la SCP MILLON – PLATEAU, avocat au barreau d’AMIENS, postulant et plaidant par Me J MEURICE de la SCP MEURICE AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DEFENDERESSES A LA SAISINE

La SAS J B DIFFUSION prise en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

Les Carrés de l’Arc – Bât. A – Rond-point du Canet

[…]

La SAS J B T prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Les Carrés de l’Arc – Bât. A – Rond-point du Canet

[…]

Représentées initialement par Me Jean-Marie CAMUS, avocat au barreau d’AMIENS puis représentées par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, postulant et plaidant par Me Mickaël RIVOLLIER du cabinet WHITE & CASE LLP, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 10 Janvier 2019 devant :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre,

Mme Odile GREVIN, Conseillère,

et Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 19 Mars 2019.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : M. G H

PRONONCE :

Le 19 Mars 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre a signé la minute avec M. G H, Greffier.

DECISION

Statuant sur une action engagée par monsieur I X à l’encontre des sociétés J B Diffusion et J B T et tendant à la résiliation d’un contrat d’agent commercial et au paiement d’une provision sur un rappel de commissions et de diverses indemnités, le tribunal de commerce de Dunkerque par un jugement rendu le 5 mai 2014, a débouté monsieur X de ses demandes.

Sur un recours formé par monsieur X, la cour d’appel de Douai, par un arrêt rendu le 10 septembre 2015 et complété le 15 octobre 2015, a confirmé le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande relative au commissionnement dû sur les ventes réalisées auprès du magasin exploité par la

société J B Diffusion à Lille dans la galerie des tanneurs ; elle a principalement condamné la société J B Diffusion à produire l’état récapitulatif du chiffre d’affaires réalisés dans le magasin situé dans la galerie des tanneurs à Lille et à payer à monsieur X une provision de 15 000 euros à valoir sur ses commissionnements sur cette activité. La cour d’appel de Douai a par ailleurs retenu que les grands comptes n’ouvraient pas droit à commissionnement et elle a débouté monsieur X de sa demande de résiliation du contrat aux torts de la société J B Diffusion.

Saisi d’une part par monsieur X, d’autre part par les sociétés J B, la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2017, a :

— rejeté le moyen présenté par les sociétés J B relativement au droit au commissionnement sur le chiffre d’affaires du magasin de la galerie des tanneurs à Lille, tel que reconnu à monsieur X en retenant que la cour d’appel de Douai n’avait pas dénaturé les termes d’un courrier émanant des sociétés J B en retenant qu’elles avaient accepté le principe de ce commissionnement et qu’elle avait suffisamment caractérisé le fait que ce magasin ne relevait pas de la catégorie des 'grands comptes’ ;

— accueilli le moyen relatif au commissionnement sur la vente de 14 323 paires de N L en retenant que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve et qu’il appartenait à la société J B Diffusion de justifier du chiffre d’affaires réalisé auprès des groupements situés dans le secteur de monsieur X ;

— accueilli le moyen tiré de l’application des articles 1147 et 1184 du code civil, en retenant que le défaut de paiement des commissions relatives aux ventes faites dans le magasin de la galerie des tanneurs à Lille entre le mois de novembre 2008 et le 31 décembre 2014 constituait un manquement à une obligation essentielle à la charge du mandant.

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes de résiliation du contrat aux torts des sociétés J B et de paiement de rappel de commissions à l’exception de celles sur relatives aux ventes réalisées dans le magasin de la galerie des tanneurs à Lille ; elle a renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel d’Amiens.

Monsieur X a procédé à une déclaration de saisine le 2 mai 2017.

Par une décision rendue le 16 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a :

— enjoint les sociétés J B de remettre à monsieur X un état complet certifié sincère et véritable du chiffre d’affaires direct et indirect – valeur marchandise – qu’elles ont réalisé pour la période allant du 1er avril 2004 au 22 juillet 2016 sur le secteur contractuel de M. I X, que ce soit à l’égard des groupements, des « Grands Comptes », des magasins appartenant à la société BRD ou à la société BRA directement ou par l’intermédiaire de filiales, des magasins à l’enseigne Clarks quel qu’en soit le propriétaire ou par tout autre moyen ou canal de distribution ;

— dit que cette injonction est assortie d’une astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification de la présente ordonnance s’agissant des éléments comptables courant sur la période de 2008 au 22 juillet 2016.

Par une seconde ordonnance d’incident rendue le 10 juillet 2018 rectifiée le 13 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a :

— dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;

— dit n’y avoir lieu de rejeter des débats les pièces communiqués par le demandeur à l’incident ;

— liquidé l’astreinte fixée par ordonnance du 16 janvier 2018 à la somme de 1 000 euros et condamné in solidum les sociétés J B Diffusion et J B T à payer cette somme à monsieur X ;

— enjoint à nouveau les sociétés J B Diffusion et J B T de remettre à monsieur I X un état complet certifié sincère et véritable par un expert-comptable du chiffre d’affaires qu’elles ont réalisé pour la période allant du 1er avril 2004 au 22 juillet 2016 sur le secteur contractuel de monsieur X, avec les clients Jorcel Services, Metro-cash, La Halle, Sakso, K L, Outlet, Planet Shoes à […] à Morteau (25) et Danièles N à Wittelsheim (68) , sous astreinte de 500 euros par jour de retard , passé le délai de deux mois après la signification de la présente ordonnance s’agissant des éléments comptables courant sur la période de 2008 au 22 juillet 2016 ;

— débouté les parties de toute demande plus ample ;

— condamné les sociétés J B Diffusion et J B T aux dépens de la procédure incidente.

Aux termes de conclusions remises le 3 janvier 2019 dont le dispositif doit être expurgé des mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, monsieur Y demande à la cour :

— d’annuler la clause qui exclut de l’assiette des commissions les grands comptes 'qui pourraient par la suite apparaître sur son secteur à moins bien sûr que ce soit la volonté du mandant',

— de condamner solidairement les sociétés J B Diffusion et J B T à lui payer les sommes de 766,27 euros hors taxe au titre des commissions dues sur les commandes de la société Turri, 3544,73 euros hors taxe au titre des commissions dues sur les commandes de la société C, 8050,67€ hors taxe au titre de la «rectification des écarts constatés par l’expert comptable des sociétés J B Diffusion et J B T», outre intérêts judiciaires à compter du 17 juillet 2013 date de l’assignation initiale,

— de liquider à la somme de 30 000 euros l’astreinte fixée par l’ordonnance du conseiller de la mise en état dans l’ordonnance du 10 juillet 2018 et condamner solidairement les sociétés J B Diffusion et J B T au paiement de cette somme,

— d’ordonner à peine d’astreinte définitive de 800 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir la remise à Monsieur X par les sociétés B d’un état complet certifié sincère et véritable du chiffre d’affaires direct et indirect réalisé sur le secteur contractuel de Monsieur X pour la période du ler avril 2004 au 22 juillet 2016 et celui réalisé par les sociétés Jorcel services devenue Eram à compter du ler janvier 2013 , Metro Cash, La Halle, la compagnie Européenne de la chaussure, Sakso-Sagone, K, […] à Morteau, […] à Morteau, M N et Harcourt,

— d’ordonner de même à peine de telle astreinte qu’il plaira à la cour de fixer par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir la remise à Monsieur X par les sociétés B d’un état du chiffre d’affaires direct et indirect réalisé pour la période du 1er avril 2004 au 22 juillet 2016 sur son secteur contractuel, par les groupements , magasins à enseigne Clarks et les plates-formes de vente commercialisant des produits Clarks via internet,

— de condamner solidairement les sociétés J B Diffusion et J B T au paiement des commissions au taux contractuel de 10 % sur le chiffre d’affaires tel qu’il apparaîtra outre intérêts judiciaires à compter du 17 juillet 2013 date de l’assignation initiale et par provision au paiement d’une somme de 600 000 € à valoir sur les commissions telles qu’elles s’établiront ;

renvoyer les parties à faire le compte des commissions dues et dire qu’à défaut d’accord il appartiendra à la partie le plus diligente de saisir à nouveau la cour pour

qu’il soit fait droit,

— déclarer recevable la demande de résiliation judiciaire du contrat et prononcer la résiliation judiciaire du contrat d’agent commercial du 16 mars 2004 aux torts et griefs de la société J B Diffusion et en tant que de besoin de la société J B T , à effet 22 avril 2016 date de la rupture ultérieurement prononcée,

— de condamner solidairement la Sas J B Diffusion et la Sas J B T à payer les sommes de 50 000 € HT à titre de commissions devenues exigibles par suite des livraisons intervenues postérieurement à la cessation du contrat en application de l’article 9 du contrat, 256 086 € à titre provisionnel ou subsidiairement 162645 € et 80 000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts judiciaires à compter du 17 juillet 2013 date de l’assignation initiale, subsidiairement à compter du 15 mars 2017 date de la demande judiciairement formulée à titre conservatoire dans l’attente de l’arrêt devant être rendu par la Cour de Cassation et ce dans le prolongement de la revendication du droit à indemnité de résiliation formulée le 22 juillet 2016,

— de renvoyer les parties à faire le compte de I’indemnité complémentaire sur la base de deux ans calculés sur le rappel de commissions tel qu’il sera tranché à l’issue de l’arrêt à intervenir et à défaut d’accord entre les parties et dire qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir à nouveau la cour,

— de déclarer tant irrecevable que mal fondée les demandes tendant à la révision des termes de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 juillet 2018 et à l’annulation de la condamnation à la somme de 1000 € au titre de la liquidation d’astreinte prononcée par l’ordonnance de mise en état du 10 juillet 2018 et subsidiairement à la condamnation de Monsieur X au paiement d’une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de compensation avec l’astreinte liquidée ; de les débouter de toutes demandes fins et conclusions à ce titre,

— de condamner solidairement les sociétés J B Diffusion et J B T au paiement de la somme de 12 000 € en application des dispositions de I’article 700 du code de procédure civile.

Sous le visa de l’article L 134-6 du code de commerce et rappelant que la preuve de l’assiette des commissions pèse sur le mandant, monsieur X revendique le droit à une commission de 10% sur l’ensemble de l’activité effectivement réalisée auprès d’une personne implantée sur son secteur exclusif, indépendamment du critère du lieu de facturation qu’il estime non pertinent.

Il soutient que la notion de 'grands comptes’ ne peut être étendue au-delà de la liste mentionnée dans le contrat, que certains des clients que les sociétés B considèrent comme 'grands comptes’ existaient avant la conclusion du contrat et il invoque le caractère potestatif de la clause contractuelle. Il reproche aux sociétés J B de n’avoir pas déféré à l’injonction leur imposant de justifier des volumes d’activité réalisés sur son secteur par les magasins Outlet, Sakso Sagone, Métro Cash, Harcourt et Jorcel Service remplacée par la société Eram à compter du 1er janvier 2013.

Dénonçant un manquement à l’obligation de loyauté tenant à la mise en place d’un circuit de vente parallèle sur son secteur d’activité par l’intervention directe de monsieur J B ou le développement de plates-formes de vente sur internet, à la clause d’exclusivité, une carence dans l’obligation d’information incombant au mandant et le défaut de paiement des commissions, monsieur X sollicite la résiliation du contrat d’agent commercial aux torts des mandants.

Soutenant que la prescription ne peut lui être opposée dès lors que sa créance résulte d’éléments de fait qui lui ont été cachés, monsieur X détaille les commissions qu’il réclame et le préjudice qu’il invoque ; il conteste les griefs émis par les sociétés J B sur sa manière d’exécuter le contrat.

Il s’oppose enfin aux demandes reconventionnelles tendant à l’annulation de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 10 juillet 2018.

Par des conclusions remises le 8 janvier 2019, les sociétés J B T et J B Diffusion (les sociétés BRD-BRA) dont le dispositif doit être expurgé des mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, demandent à la cour de :

— rejeter la demande de nullité de l’article 6 du contrat d’agent commercial,

— déclarer irrecevables comme prescrites toutes demandes relatives à des commissions pour la période antérieure au 17 juillet 2008,

— débouter monsieur X de sa demande de rappel de commissions,

— déclarer irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat d’agent commercial,

— débouter monsieur X de toutes demandes indemnitaires ou de paiement d’un 'retour sur échantillonnage’ et de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque qui a débouté monsieur X de toutes ses demandes en paiement à l’exception des demandes relatives au magasin de la galerie des tanneurs à Lille,

— débouter monsieur X de ses demandes de production de pièces, d’astreinte et de liquidation d’astreinte, d’annuler l’astreinte prononcée par le conseiller de la mise en état le 10 juillet 2018 et de condamner monsieur X à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour demandes abusives de ce chef, subsidiairement d’ordonner la compensation entre cette somme et la somme de 1 000 euros représentant l’astreinte liquidée le 10 juillet 2018,

— condamner monsieur X aux dépens et leur accorder le bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimées relatent que depuis qu’il a créé la société J B Diffusion en 1996 pour représenter en France la marque de N Clarks en qualité d’agent général d’une société de droit anglais, monsieur J B gère lui-même les clients grands-comptes , que la société a fait appel à des agents commerciaux pour traiter la clientèle locale et les revendeurs indépendants, qu’en 2007 la société J B Diffusion a développé à la demande de sa partenaire une chaîne de magasins Clarks exploités directement ou dans le cadre d’une franchise et qu’en 2011 l’activité d’agent général a été transférée à la société J B T tandis que la société J B Diffusion poursuivait la gestion des magasins Clarks.

Elles exposent qu’en 2010 est apparu un nouveau canal de distribution, la vente en ligne, imprévisible en 2004, qu’à compter de 2011 les résultats de monsieur X ont fortement baissé alors que l’agent commercial ne participait pas aux réunions d’équipes et séminaires de vente, qu’il tenait des propos dénigrants envers la politique commerciale de la marque Clarks et virulents à l’adresse de la direction de la société Clark International, toutes circonstances ayant conduit la société anglaise à remettre en question l’exclusivité confiée à la société J B T.

Elle s’opposent aux demandes de monsieur X relatives à l’exécution du contrat d’agent commercial en soutenant que certains clients cités par celui-ci n’appartiennent pas à son secteur dès

lors que les achats ont été facturés hors de ce secteur, l’adresse de facturation constituant le lieu de l’activité commerciale effective de ces clients, au contraire de l’adresse de telle boutique ou du lieu de livraison ; elles notent que ce critère de rattachement est d’un usage habituel et a été appliqué par monsieur X pendant de nombreuses années, à son avantage pour certains clients.

Elles rappellent que l’activité auprès des clients qui vendent par correspondance est contractuellement exclue de l’assiette du commissionnement et notent que monsieur X module le critère de rattachement à son secteur selon les circonstances.

Elles indiquent que le contrat exclut aussi de l’assiette du commissionnement les clients 'grands-comptes’ dont la définition est notoire et tient à l’importance du chiffre d’affaires réalisés auprès de tel client au regard du niveau d’activité de l’entreprise, de son rôle au niveau national, de son emprise géographique, de sa notoriété, les revenus tirés des clients grands-comptes couvrant les coûts structurels de l’entreprise. Elles relèvent que le contrat cite de manière expressément non exhaustive certains grands-comptes alors rattachés via leur adresse de facturation au secteur de monsieur X et réserve l’apparition d’autres clients grands-comptes à l’avenir sans que cette disposition puisse être considérée comme purement potestative au regard du concept notoire de 'grand-compte'.

Elles soulignent que monsieur X ne définit pas la notion de 'groupement’ à laquelle il fait référence et soutiennent ne devoir aucune somme à ce titre.

Les intimées font valoir qu’elles ont produit tous les éléments permettant à monsieur X de chiffrer d’éventuelles demandes et dénoncent le caractère mal fondé d’une demande de provision et le caractère irréaliste et non circonstancié des montants réclamés.

Subsidiairement, elle soutiennent que les demandes de commissions doivent être limitées dans le temps en application de l’article L 110-4 du code de commerce, soit au 17 juillet 2008 et elles contestent avoir manqué à leur obligation d’information. Elles démentent avoir organisé des circuits de distribution parallèles portant préjudice à leur agent.

Elles s’opposent aux demandes de commission relatives aux clients Turri & fils dont les commandes ont été annulées. Elles notent que monsieur X réclame désormais un rappel de commissions sur la base du rapport établi par la société ADM experts dont il ignore pourtant la plupart des mentions.

Les intimées indiquent que la demande de résiliation judiciaire du contrat est devenue sans objet dès lors que le contrat a été résilié pour faute grave de l’agent commercial le 22 avril 2016 et elles contestent subsidiairement avoir commis quelque manquement. Elles détaillent les fautes imputables à monsieur X et font plaider qu’aucune somme n’est due à monsieur X au titre de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L 134-12 du code de commerce. Elles contestent le calcul avancé par monsieur X et relèvent que celui-ci a continué à bénéficier de tous les supports de l’entreprise jusqu’à la cessation de son activité.

Elles soulignent les conditions inhabituellement avantageuses proposées globalement à ses sous-agents dont monsieur X et elles s’opposent à toute demande pécuniaire relative à la résiliation du contrat.

Soutenant avoir satisfait l’ensemble des demandes de communication de pièces, elles s’opposent enfin à toute nouvelle injonction , astreinte ou liquidation d’astreinte, et soutiennent au contraire que la liquidation par le conseiller de la mise en état de l’astreinte prononcée initialement n’a pas lieu d’être et doit être rapportée.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties

pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 10 janvier 2019.

MOTIFS

Il est constant que l’appelant d’une part et la société J B Diffusion d’autre part étaient liés par un contrat d’agent commercial soumis aux dispositions des articles L 134-1 et suivants du code de commerce, la société J B Diffusion étant alors elle-même agent général de la société de droit anglais C&J Clark International limited (Clark International). Les intimées indiquent sans être démenties que la société J B T a succédé à la société J B Diffusion dans cette mission d’agent général, tandis que la seconde développait un réseau de magasins de vente directe de N Clarks et les deux sociétés J B concluent conjointement sans distinguer la relation de chacune avec monsieur X de sorte qu’à défaut de plus ample information, il est retenu qu’elles sont tenues solidairement et dans les mêmes termes à l’encontre de monsieur X. Elles seront dénommées ci-après sociétés BRD-BRA.

Selon l’article L 134-4, les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties.

Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information.

L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat.

L’article L 134-5 dispose que tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre.

Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s’appliquent lorsque l’agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l’agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d’activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l’absence d’usages, l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération.

Selon l’article L 134-6, pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission définie à l’article L. 134-5 lorsqu’elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminé, l’agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d’agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

En l’espèce, les sociétés BRD-BRA ont été ou sont l’agent commercial général sur le territoire français de la société C&J Clark International LTD de droit anglais.

Le contrat litigieux conclu 16 mars 2004 confère à monsieur X en qualité d’agent commercial l’exclusivité de la vente et de la diffusion de la marque de N Clarks gamme traditionnelle sur un secteur géographique comprenant une vingtaine de départements français précisément identifiés.

Il prévoit une rémunération sous forme d’une commission égale à 10 % de toutes les commandes directes ou indirectes sur le secteur agréé, calculées sur la base de la valeur nette HT de la marchandise telle qu’elle résulte des facturations après déduction d’éventuels rabais, remises ou ristournes après livraison effective des marchandises et règlement des factures correspondantes.

Le contrat prévoit aussi :

— que des accords particuliers entre le mandant et un groupement pourront donner lieu à un taux de commission inférieur,

— que dans le cas d’ouverture sur le secteur du mandataire de magasins appartenant au mandant directement ou indirectement ou de magasins à enseigne 'Clarks', les parties envisageront l’éventualité d’un commissionnement sur le chiffre d’affaires généré par ces structures et le taux à appliquer,

— qu’il existe sur le secteur du mandataire un certain nombre de clients dénommés 'grands-comptes’ qui, pour des raisons historiques ou relationnelles sont et resteront traités directement par le mandant et sur lequel le mandataire ne pourra prétendre à aucune commission ; le contrat dispose 'de façon non exhaustive, on peut citer par exemple : le groupe Bonus, le groupe Samy, la chaîne Courir, la VPC (les 3 Suisses, la Redoute, Bragard…), les grands magasins (le Printemps …), etc…' le contrat excluant aussi toute commission sur les clients 'grands-comptes’ qui 'pourraient par la suite apparaître sur son secteur, à moins bien sûr que ce soit la volonté du mandant.'

Les parties s’opposent sur l’exécution des obligations nées de ce contrat et sur les conditions et conséquences de sa résiliation.

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat

A l’appui de sa demande de paiement de commissions, monsieur X reproche aux sociétés BRD-BRA d’ avoir exclu de l’assiette de calcul de ses commissions des clients appartenant à son secteur d’exclusivité, des clients qualifiés unilatéralement de 'grands-comptes’ et des magasins 'Clarks’ situés sur son secteur d’activité.

— définition des clients appartenant au secteur de monsieur X

Il ressort des pièces versées aux débats que les sociétés BRD-BRA ont recouru simultanément aux services de plusieurs 'sous-agents’ tels que M. X pour commercialiser les N de la marque Clarks en France, certains tableaux comparatifs mentionnant six sous-agents disposant chacun d’un secteur géographique exclusif composé de plusieurs départements.

Il résulte par ailleurs de la simple évidence qu’un certain nombre de clients, dont certains ont une envergure nationale notoire, ont des lieux de vente répartis sur les secteurs géographiques de plusieurs agents.

Il s’infère nécessairement de ce simple constat la nécessité pour les sociétés BRD-BRA d’adopter un critère unique de rattachement au secteur géographique de chaque agent, sauf à léser l’un ou à acquitter plusieurs fois la commission relative à une même vente.

A la suite de l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 16 janvier 2018, les intimées ont sollicité leur expert-comptable, le cabinet ADM experts qui a été établi un rapport le 2 mars 2018.

Il ressort de ce rapport que l’expert-comptable s’est employé à rapprocher les données fournies par la société C&J Clark International LTD sur la facturation à ses clients et la comptabilité des sociétés

BRD-BRA.

Les documents disponibles et effectivement utilisés par l’expert-comptable, la 'Base clients France’ (compte client, nom, adresse facturation) et le 'fichier de facturation des clients français’ fournis par la société C&J Clark International LTD pour la période 2007 – 2016 corroborent le fait que la comptabilité et la gestion du mandant initial sont établies par client selon l’adresse de facturation indépendamment du nombre et de la localisation des points de vente ou de livraisons groupées.

Après avoir vérifié les procédures de contrôles internes relatives à la re-facturation par les sociétés BRD-BRA à leurs sous-agents, l’expert-comptable atteste que le commissionnement des sous-agents correspond au rattachement opéré sur chaque secteur en fonction de l’adresse de facturation utilisée par la société C&J Clark International LTD et que le même critère de rattachement a été appliqué au commissionnement de M. X à quatre exceptions précisément identifiées sur une période de douze années, l’une en faveur de M. X portant sur un chiffre d’affaires de 39 904,28 euros, trois en défaveur de M. X portant sur un chiffre d’affaires total de 40 215,82 euros, la fiabilité des éléments comptables consultés se manifestant par le fait que l’expert-comptable a identifié l’agent qui aurait dû recevoir ou celui qui a reçu par erreur le commissionnement concerné.

Il convient néanmoins de nuancer l’interprétation faite par l’expert-comptable de l’anomalie constatée en faveur de M. X en ce qu’elle concerne le grand-compte Bragard dont l’adresse de facturation est située dans le secteur de M. X ; l’anomalie retenue vise en réalité le fait qu’il s’agisse d’un grand-compte et non pas d’un client disposant d’une adresse de facturation hors de ce secteur ; il sera revenu ci-après sur l’analyse de cet élément dans l’examen des grands-comptes.

Il résulte également des éléments du dossier et notamment d’attestations rédigées par des agents commerciaux des sociétés BRD-BRA que les agents, dont M. X, disposaient mensuellement des relevés des commandes rattachées à leur secteur et qu’ils avaient accès à une information sur l’activité globale réalisée en France par l’ensemble des agents (logiciel Clarks sales force system) et qu’ils étaient appelés à se rencontrer régulièrement lors de séminaires de vente ; ainsi parfaitement informé du critère de rattachement géographique notoirement utilisé tant par le mandant initial que par l’agent général, M. X n’a émis aucune critique sur cette pratique pendant près de dix années ; il ne conteste pas avoir ainsi reçu des commissions sur l’ensemble de la facturation opérée aux clients Turri & fils et Z et Impaire dont plusieurs points de vente sont pourtant situés hors de son secteur.

Les listings de clients versés aux débats convainquent que, dans le contexte d’une très grande variété d’organisation des sociétés clientes (commerçant indépendant à magasin unique, chaîne de magasins à la gestion plus ou moins centralisée, clients utilisant ou non des plates-formes d’achat intégrées, des entrepôts de stockage et de répartition), l’adresse de facturation d’un usage habituel s’agissant in fine de ventes au détail au grand public, correspond au lieu de l’activité commerciale effective déterminée par chaque client pour ce qui le concerne.

Au contraire, ni l’adresse de livraison qui peut correspondre ou non au lieu de vente des produits par les clients, au lieu de la prise de décision d’achat ou au lieu de la gestion de la commande, ni le lieu final de vente des produits qui peut être connu ou non des sociétés C&J Clark International LTD et BRD-BRA selon le mode d’organisation du client ne permettraient à l’agent général de satisfaire simultanément les contrats conclus dans les mêmes termes avec plusieurs sous-agents.

En conséquence, il convient de retenir que la pratique du rattachement au secteur géographique de chaque agent commercial des sociétés BRD-BRA selon le critère de l’adresse de facturation est conforme aux dispositions précitées et de rejeter les moyens avancés par M. X de ce chef.

Dès lors que les pièces versées aux débats par les deux parties suffisent à déterminer l’appartenance ou non des clients sur lesquels monsieur X revendique un droit à commission au secteur

géographique de celui-ci, il convient de débouter monsieur X de sa demande d’injonction de produire des pièces sous astreinte.

Il est ainsi avéré notamment par l’attestation établie le 13 décembre 2018 par le cabinet ADM Experts dont le contenu n’est contrarié par aucun autre élément de fait que, à partir des intitulés de clients utilisés par M. X :

— le client 'Sakso’ (aussi dénommé Sakso-Sagone par référence à l’enseigne 'Sagone’ mentionnée sur l’extrait K-bis) a pour adresse de facturation Paris, hors du secteur de M. X,

— le client 'La Halle’ n’existe pas dans la comptabilité des sociétés BRD-BRA distinctement de la société Compagnie européenne de la chaussure qui exerce sous l’enseigne La Halle aux N selon l’extrait K-bis et a pour adresse de facturation Paris, hors du secteur de M. X,

— le client 'Jorcel services’ n’existe pas dans la comptabilité des sociétés BRD-BRA distinctement de la société Eram dont l’adresse de facturation est à Saint G O (49), hors du secteur de M. X,

— le client 'Métro Cash’ aussi dénommé 'Métro’ selon une enseigne mentionnée sur l’extrait k-bis a une adresse de facturation à Marne-la-vallée (77), hors du secteur de M. X,

— les dénominations 'Outlet’ et 'K Clarks’ correspondent comme l’enseigne 'Régina’ au même client 'Out Let Us Do It’ dont l’adresse de facturation était à Hyères (83) jusqu’en 2012 et est désormais à Limoges (87), hors du secteur de M. X ; il est justifié que l’intitulé 'Clarks K Outlet’ correspond en réalité à l’une des adresses de livraison de la société OtLet Us Do It située à l'[…],

— le client 'Harcourt’a pour adresse de facturation Claye-Souilly (77), hors du secteur de M. X.

Il y a lieu en conséquence, de débouter Monsieur X de toutes ses demandes relatives à ces clients.

Il ressort par ailleurs des recherches dont le cabinet ADM Experts rend compte et dont le résultat n’est contrarié par aucun élément de fait ni contredit par M. X que la société Planet Shoes qui utilise le nom commercial 'Onze boutique’ ainsi qu’il ressort de l’extrait K-bis n’est devenue cliente de la société Clark International que postérieurement à la résiliation du contrat de M. X et que M. P Q exerçant à Wittelsheim (68) sous l’enseigne 'N A’ (citée par M X) n’exploite plus son commerce depuis l’année 2000 et qu’aucune facturation n’a été faite par la société Clark International à ces nom ou adresse.

Monsieur X est donc mal fondé en ses demandes relatives à ces deux entités 'Planet Shoes’ et 'N A'.

Enfin, il est attesté que les documents comptables des sociétés BRD-BRA ne révèlent aucun groupement situé sur le secteur de M. X qui aurait pu donner lieu à un chiffre d’affaires.

— clients 'Grands-comptes'

Monsieur X soutient qu’en l’absence de définition contractuelle de la notion de 'grands-comptes', les mandants peuvent déterminer de manière discrétionnaire l’assiette des cotisations en retenant ou non de façon unilatérale la qualification de grand-compte ; il fait valoir que la clause précité doit ainsi être annulée dès lors qu’elle est purement potestative.

Or, d’un usage particulièrement courant, la notion grand-compte peut être définie comme se

rapportant à un client qui présente une importance significative par sa contribution réelle ou potentielle au chiffre d’affaires de l’entreprise ou par sa sensibilité au regard de la stratégie ou du positionnement de l’entreprise. Il est notoire qu’un client grand-compte fait l’objet au sein de l’entreprise d’un suivi particulier souvent confié à un dirigeant ou à un responsable spécifique, voire à des procédures ou des conditions commerciales particulières.

S’il appartient aux sociétés mandantes d’établir la pertinence de la qualité de grand-compte qu’elles attribuent à certains de leurs clients, le fait que le contrat ne définisse pas cette notion de grand-compte et procède à une énumération expressément non limitative des clients concernés ne saurait conférer à la clause litigieuse un caractère purement potestatif, cette qualité de grand-compte étant soumise à l’appréciation de la cour.

Il faut d’ailleurs relever que cette notion de grand-compte est suffisamment identifiée au sein de l’activité des sociétés BRD-BRA qu’elle apparaît dans la ventilation des ventes annuelles aux côtés de celles qui sont attribuées à chacun des six sous-agents commerciaux, les documents versés aux débats par monsieur X mentionnant l’existence de 20 clients grands-comptes en 2014 et 2015 sur un total de 482 et 429 clients respectivement (pièces 47 et 48) ; deux agents commerciaux des sociétés BRD-BRA attestent que l’ensemble des agents recevaient régulièrement des relevés sur l’activité de vente, incluant les grands-comptes qui étaient donc parfaitement identifiés.

Dans le cadre d’une activité commerciale appelée à se développer, le libellé parfaitement clair de la clause litigieuse réserve naturellement la possibilité de l’obtention future de nouveaux clients importants susceptibles d’être qualifiés 'grands comptes’ et traités comme tels ; le principe ayant été posé que l’activité auprès des clients grands-comptes est exclue de l’assiette du commissionnement de monsieur X, il ne saurait être fait grief au mandant d’avoir envisagé la possibilité qu’il décide d’inclure l’activité d’un grand-compte à venir dans l’assiette du commissionnement de monsieur X ; cette déclaration ne créant ni droit, ni obligation de part et d’autre n’affecte aucunement le principe convenu de l’exclusion des grands-comptes du commissionnement de monsieur X.

En conséquence, la clause litigieuse est valable.

***

Il convient d’examiner successivement si les clients sur l’activité auprès desquels monsieur X demande à être commissionné sont ou non des 'grands-comptes'.

Le groupe Bonus, le groupe Samy, la chaîne Courir, la société Bragard et le grand magasin Le Printemps dont dépend la société Monderer sont expressément identifiés comme grands-comptes dans le contrat et exclus de l’assiette du commissionnement de monsieur X ; ces clients ne peuvent donc donné lieu à aucune commission.

La société Métro Cash & Carry France (plus de 85 entités de vente de demi-gros sur l’ensemble du territoire national et un capital social de plus de 45 millions d’euros, environ 110 000 € de commandes en cours au 6/2/2012), la société Compagnie européenne de la chaussure qui exerce sous l’enseigne La Halle aux N et qui est mentionnée comme grand-compte dans des échanges en 2014 (capital social de 175 millions d’euros et plus de 700 magasins spécialisés dans la vente de N), la société Eram précédemment identifiée sous le nom de la société Jorcel Services dont elle était l’associée unique (250 magasins spécialisés, 67 000 €de commandes en cour au 6/2/2012 ), la société Sarenza l’un des leaders de la vente en ligne de N constituent des grands-comptes au sens du contrat au regard de leur envergure et de leur notoriété nationales qui en font des clients sensibles et de l’importance du chiffre d’affaires qu’elles génèrent pour la société Clark International.

De même, la société Out Let Us Do It dont il est justifié que les commandes ont été directement

suivies par M. J B depuis 2002, qui représente huit lieux de vente dont l’un sous l’enseigne K et un autre sous l’enseigne K Clarks et un montant de commandes de plus de 750 000 € au 6/2/2012 constitue un grand-compte au regard de son importance historique pour les sociétés mandantes.

Si monsieur X fait observer que ces clients existaient déjà à la date de conclusion du contrat et qu’ils auraient pu être mentionnés expressément dans la liste des grands-comptes énumérés, il est en réalité justifié que, contrairement aux grands-comptes dénommés dans le contrat (à l’exception de la chaîne Courir) , ces clients n’étaient pas rattachés au secteur de l’intéressé par leur adresse de facturation.

Il ressort en effet des motifs qui précèdent que les clients Métro Cash, Out Let Us Do It, La Compagnie européenne de la chaussure (La Halle), Eram n’appartiennent pas au secteur géographique de M. X de sorte qu’il ne peut revendiquer aucuns droits à commission sur le chiffre d’affaires réalisés auprès d’eux.

Il ressort de l’attestation du cabinet ADM Experts que parmi les clients grands comptes facturés sur le secteur de M. X et pour lesquels aucune commission n’a été versée à l’intéressé, seule la société Daxon n’apparaît pas dans la liste nominative incluse dans le contrat conclu litigieux en 2004. Cette identification et surtout le fait que monsieur X ne sollicite aucune commission sur le chiffre d’affaires réalisé auprès de la société Daxon confirme d’une part que les clients 'grands-comptes', spécialement et notoirement suivis par monsieur B ainsi qu’il ressort des attestations versées aux débats par les intimées, étaient parfaitement identifiables et identifiés au sein de l’entreprise et d’autre part que M. X savait le chiffre d’affaires réalisés auprès d’eux exclue de l’assiette de ses commissions.

En conséquence, il convient de débouter M. X de toutes ses demandes relatives aux clients grands-comptes.

Il a été dit ci-dessus que l’expert-comptable avait relevé comme une anomalie par rapport aux termes du contrat qui exclut toute commission sur l’activité déployée auprès des clients grands-comptes, le fait que monsieur X avait perçu une commission sur le chiffre d’affaires réalisé entre 2005 et 2007 auprès du client Bragard, grand-compte nommé dans le contrat.

Or, monsieur X justifie par un document manuscrit qui lui a été adressé par télécopieur le 16 mars 2005 que monsieur J B – auteur manifeste et non contesté de ce document – lui avait demandé d’intervenir auprès du client Bragard à tout le moins ponctuellement. Les commissions ainsi versées à M X ne correspondent donc pas à une erreur comptable mais à la conséquence logique de l’application de la disposition contractuelle selon laquelle le mandant pourrait exceptionnellement accepter de verser une commission à l’agent sur le chiffre d’affaires réalisé auprès d’un grand-compte.

Cette commission versée pour une période déterminée et qui correspond manifestement à une prestation délivrée par monsieur X n’a donc pas été payée par erreur ; pour autant, elle ne crée pas un droit permanent à commission de l’agent commercial sur l’activité auprès du grand-compte Bragard en l’absence de toute preuve par M. X d’un engagement en ce sens de son mandant.

— commissions sur les ventes auprès des magasins à l’enseigne Clarks

Le contrat prévoit que l’agent commercial pourrait avoir droit à une commission dont le taux serait à débattre sur le chiffre d’affaires réalisé auprès de magasins à enseigne 'Clarks’ ou appartenant directement ou indirectement au mandant sur son secteur.

Le seul magasin à l’enseigne 'Clarks’ ouvert dans ses circonstances par la société BRD est celui de la

[…].

Les dispositions de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Douai sur le droit à commission de M. X sur l’activité générée par ce magasin sont exclues de la saisine de la cour de renvoi.

Il n’y a donc à statuer sur ce point.

— commissions restant dues sur les clients Turri & fils et C et sur les écarts comptables constatés

Le contrat dispose que, nonobstant des avances mensuelles, le droit à la commission n’est acquis par le mandataire qu’après livraison des marchandises objet des ordres pris et règlement effectif des factures correspondantes. Il ajoute que les commissions perçues sur des factures finalement non réglées par le client pour des raisons autres qu’imputables au mandant seront déduites sur une facture suivante du mandataire ou régularisées par un avoir.

Monsieur X sollicite le paiement de deux factures de commissions relatives aux clients Turri & fils et C.

Il ressort de la pièce 26.2 des intimées que la commande de la société Turry & fils prise par M. X au mois d’octobre 2015 a été annulée par le client qui dénonçait un retard de livraison par rapport à la date annoncée du mois de mars. Or, la fiche présentant les délais de livraison et indiquant le mois de mai pour les commandes passées au mois d’octobre précédent corrobore un déficit d’information ou de compréhension du client au moment de la prise de commande qui ne peut être imputé au mandant ; en application du contrat, M. X n’a pas droit à une commission sur le montant de cette commande.

Les pièces 27 des intimées révèlent que M. X a obtenu de la société C une commande de produits alors que la dirigeante de cette société s’était semble-t-il montrée très virulente dans une critique de la stratégie commerciale de la société Clark International et dans un soutient à une procédure judiciaire à l’encontre de celle-ci et que la société Clark International a estimé devoir subordonner l’acceptation de cette commande à la formalisation d’excuses de la part de la société cliente ; si l’on peut comprendre que M. X dénonce l’absence de rémunération d’un travail effectivement accompli dans des circonstances sans doute délicates, l’annulation de commande qui s’en est suivie ne peut être imputée aux sociétés BRD-BRA ; celles-ci ne sont donc pas redevables des commissions correspondantes.

Le cabinet ADM experts a relevé dans son rapport du mois de mars 2018 que des commissions dues à M. X en ce qu’elle se rapportait à des ventes à des clients facturés sur son secteur avaient par erreur été versées à deux autres agents commerciaux. Il s’agit :

— des commissions dues les ventes réalisées entre 2013 et 2016 au client Emma Shoes dont l’adresse de facturation est dans l’Oise sur un chiffre d’affaires de 35 722,36 euros,

— des commissions dues les ventes réalisées en 2015 au client Malory Shoes dont l’adresse de facturation est dans le département du Jura sur un chiffre d’affaires de 1 586,76 €,

— des commissions dues les ventes réalisées en 2016 au client RECTO dont l’adresse de facturation est dans le département de la Saône et Loire sur un chiffre d’affaires de 2 906,70 euros.

Les périodes concernées par la demande de paiement des commissions correspondantes sont manifestement incluses dans la période quinquennale précédant cette demande judiciaire de sorte que l’action de monsieur X est recevable.

En application du contrat, M. X est donc bien fondé à solliciter le paiement de la somme de 4 021,58 euros.

En conséquence, réformant le jugement entrepris, il convient de condamner in solidum les sociétés BRD-BRA à payer à monsieur X la somme de 4 021,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2019, date de la demande judiciaire.

Les motifs qui précédent conduisent à débouter M. X de toutes autres demandes relatives à l’exécution du contrat.

Sur la résiliation du contrat et ses conséquences

Les sociétés BRD-BRA ont notifié à M. X par courrier du 22 avril 2016 la résiliation du contrat d’agent commercial en reprochant à l’intéressé une faute grave.

Indépendamment de la discussion qui va suivre sur les conditions et motifs de cette rupture contractuelle, la cour ne peut que constater que le contrat a été effectivement rompu à l’issue du préavis de trois mois soit le 22 juillet 2016, la demande tendant à faire prononcer judiciairement la résiliation du contrat étant donc devenue sans objet.

En application de l’article L 134-7 du code de commerce, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat d’agence.

M. X sollicite le paiement de la somme de 50 000 euros au titre de commissions assises sur des ventes qui auraient été facturées après la rupture du contrat sur des commandes passées par lui ou sur son secteur.

Or, il ressort de la pièce 4 des intimées que M. X a perçu en 2016 la somme de 52 100 € HT à titre de provision alors que l’intéressé a cessé son activité le 22 juillet 2016. En l’absence de tout élément de fait susceptible d’étayer l’existence d’une commande passée par M. X qui n’aurait pas donné lieu à commission au cours de cette même année, la comparaison du montant de commissions versées en 2016 et des montants versés au cours des deux années pleines antérieures (62 070,76 € et 70 730,20 €) suffit à établir que M. X a été rempli de ses droits au titre de ses 7 mois d’activité en 2016.

En outre, le calcul des commissions dues sur l’activité auprès du magasin Clarks de Lille inclut les commissions pour l’année 2016, de sorte que M. X n’a pas d’autre créance sur ce point.

Enfin, l’erreur d’attribution de la commission sur le client RECTO en 2016 a été prise en compte ci-dessus, de sorte que M. X n’est créancier d’aucune commission impayée au titre de son activité en 2016.

***

Selon l’article L 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Selon l’article L 134-13, la réparation prévue à l’article L. 134-12 n’est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.

M. X reproche aux sociétés BRD-BRA des manquements aux obligations de loyauté et d’information, aux règles d’exclusivité sur son secteur et à l’obligation de payer les commissions.

Les sociétés BRD-BRA reprochent à M. X une insuffisance chronique d’activité par rapport à ses homologues, un travail insuffisant sur le terrain, des absences aux réunions de travail notamment à la réunion stratégique organisée par la société Clark International au mois de décembre 2015 et une attitude qui a conduit à un rappel à l’ordre de la part de la société Clark International.

Les dossiers très documentés des deux parties révèlent que pendant environ sept années la collaboration entre l’agent commercial et ses mandants a été fluide, confiante, efficace et fructueuse, le montant des commissions perçues par M. X en 2010 atteignant 122 900 euros HT ; fruits d’une compétence que la société BRD avait pu testée dans le cadre d’un précédent contrat de salariat et d’un investissement personnel sans doute important, les résultats du travail de M. X le plaçait alors parmi les agents les plus efficients, situation reconnue par les sociétés BRD-BRA qui avaient augmenté son taux de commission pendant certaines périodes et lui avaient accordé certaines facilités matérielles.

Il en ressort qu’à partir de l’année 2011, et surtout 2012, la création par la société C&J Clark International d’un site internet de vente en ligne, le référencement des N Clarks chez plusieurs vendeurs en ligne à bas prix, tels Amazon ou Sarenza et l’essor des magasins d’usine ont provoqué de fortes tensions entre les agents commerciaux et leurs clients qui relevaient des prix pratiqués inférieurs aux leurs dans des commerces devenus concurrents ; ils dénonçaient aussi un changement dans le processus d’achat du consommateur final qui laissait d’importants coûts de fonctionnement à leur charge (le client venant essayer en boutique) tout en les privant de chiffre d’affaires (le client achetant ensuite en ligne).

Les échanges de correspondance produits montrent que, dans ce contexte, des clients de M. X ont clairement manifesté leur décision de renoncer à commercialiser les produits Clarks estimant que d’autres fournisseurs défendaient mieux les intérêts du commerce physique de proximité.

Ils établissent aussi que les sociétés BRD-BRA ont épousé ces revendications relayées par M. X et qu’elles ont entrepris des actions notamment pour contrôler les conditions de vente proposées par les sites de vente en ligne et faire procéder à des rectifications de prix mais que, se heurtant sans doute au principe de réalité et tenues par une obligation de loyauté envers leur propre mandant, elles ont aussi relevé que la création d’un site de vente par la société Clark International correspondait à une évolution incontournable du commerce et qu’il fallait plus généralement s’adapter au développement du commerce en ligne (pièces 26 à 33 de l’appelant).

Il convient d’observer en outre, que la stratégie commerciale mise en place par la société Clark International et qui a favorisé la présence de la marque dans les magasins d’usine via notamment la société Out Let Us Do It, s’est imposée tant aux sociétés BRD-BRA qu’à leurs propres agents.

Dans ce contexte, il convient d’examiner les griefs émis par chacune des parties en retenant que M. X a assigné ses mandants pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat au mois de juillet 2013 et que le contrat a été effectivement rompu le 22 juillet 2016, les relations entre les parties entre ces deux dates ayant été nécessairement marquées par la délivrance de l’assignation.

Il convient de relever à cet égard que les griefs désormais émis n’avaient donné lieu à aucune doléance documentée de part ou d’autre avant la délivrance de l’assignation.

Au contraire au mois d’août 2012 encore, M. X informait loyalement M. B que la baisse d’activité pour Clarks le conduisait à prendre d’autres cartes d’agent commercial et M. B exprimant sa compréhension, proposait de voir dans les rapports avec la société Clark International, le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, soulignant les résultats positifs attendus du

travail de collaboration avec une marque forte (pièce 37.3 des intimées).

Si M. X reproche à ses mandants un défaut de loyauté et d’information au cours du contrat, il n’étaye pas ce grief. Au contraire, les motifs qui précèdent montrent que les prétentions financières de M. X relatives au rattachement de certains clients à son secteur étaient mal fondées, l’application du contrat par les sociétés BRD-BRA ne justifiant pas de critique à l’exception de trois erreurs d’affectation très ponctuelles et portant sur des montants très faibles au regard du montant global des commissions payées, erreurs qui n’ont été révélées que par les vérifications comptables imposées dans le cadre de la présente instance.

Les outils dont M. X disposait pour vérifier non seulement les paramètres d’exécution de son contrat mais aussi l’activité de l’ensemble des six agents commerciaux, la transmission mensuelle des données d’activité dont des spécimens sont versés aux débats et dont le caractère systématique est attesté par d’autres agents commerciaux (M D, M. E, Mme F), infirment le reproche d’opacité et de dissimulation.

Le courrier en date du 27 septembre 2007 par lequel M. B informe M. X du projet d’ouverture de magasins à enseigne Clarks et lui propose une commission conformément au contrat, les échanges entre M. B et M. X au sujet de la vente d’échantillons ou produits déclassés à un client Félix, soldeur semble-t-il, à laquelle les mandants ont renoncé en raison du désaccord de M. X témoignent au contraire d’une application loyale et transparente du contrat.

De fait, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le contrat prévoyait expressément une clientèle de grands-comptes susceptible d’être développée et la possibilité d’ouverture de magasins à l’enseigne 'L’ sur le secteur de M. X moyennant une commission, de sorte que le grief tiré d’une violation de la clause d’exclusivité ne peut être retenue.

Enfin, si les parties ont déploré l’évolution des pratiques et habitudes commerciales en faveur des transactions via internet et du développement des magasins d’usine, il ne saurait être reproché à faute aux sociétés BRD-BRA d’avoir recherché les moyens de compenser la perte de chiffre d’affaires réalisé auprès des commerces traditionnels en acceptant ou tolérant le référencement des produits Clarks sur des sites de vente en ligne ou en conservant dans sa clientèle la société Out Let Us Do It, vendeur en magasins d’usine et présente depuis 2002.

Il faut observer que l’ensemble des agents commerciaux des sociétés BRD-BRA ont été confrontés à ce changement péjoratif d’environnement et que certains ont néanmoins su maintenir voir augmenter leur activité.

En revanche, il a été définitivement jugé que les sociétés BRD-BRA ont manqué à leur obligation de verser à M. X une commission sur le chiffre d’affaires réalisé auprès du magasin à l’enseigne 'Clarks’ ouvert par la société BRD dans la galerie des tanneurs à Lille.

Ce fait constitue une faute contractuelle et l’attestation par M B le 16 novembre 2016 que le chiffre d’affaires ainsi soumis à commissionnement s’élève à 1 670 484,41 euros pour la période 2008-2014 donne la mesure du manque à gagner subi par M. X.

Les société BRD-BRA font valoir en retour que M. X a fourni un travail insuffisant, qu’il n’a pas assisté à des réunions importantes et qu’il a eu un comportement préjudiciable à leur relation avec leur propre mandant.

Les tableaux présentant l’activité par agent commercial en 2014 et 2015 (pièce 38 des intimées) et dont les données ne sont pas contestées montrent un nombre relatif de clients actifs beaucoup plus faibles sur le secteur de M. X que dans les autres secteurs ; la courbe des résultats de l’intéressé montre une chute forte et continue des résultats à partir de 2011 et un message du 21 mai 2015

adressé à la force de vente mentionne que M. X est le seul agent dont les résultats sont en baisse ; de fait, le chiffre d’affaires réalisé par M. X a été divisé par deux entre 2011 et 2016.

Si M. X reproche à ses mandants d’avoir contrecarré son activité, il ne précise pas de façon circonstanciée en quoi consistait le comportement dénoncé et ne l’étaye aucunement, de sorte qu’une faute consistant en un délaissement du secteur est retenue à l’encontre de M. X.

Il est par ailleurs avéré que M. X n’a pas participé à la moitié des conférences de présentation des nouvelles collections Clarks entre 2011 et 2015. Pour autant, sa participation a d’autres manifestations et les raisons familiales et médicales documentées qui expliquent ses absences au mois de novembre 2014 et décembre 2015 conduisent à nuancer la portée de ce grief.

Enfin, si les sociétés BRD-BRA versent aux débats un courrier de la société Clark International faisant part à son agent général de sa préoccupation sur la baisse des résultats de M. X, ses absences aux lancements des collections, ses critiques négatives sur la stratégie de la marque et intimant à son co-contractant de mettre un terme à cette situation par toute mesure appropriée, force est de constater que ce courrier est daté du 15 décembre 2015, que les deux seuls faits précis cités sont anciens (2013, 2014) et que ce courrier fait référence à des échanges précédents sur la façon de travailler de M. X qui ne sont aucunement documentés. L’existence d’une procédure judiciaire en cours relativement à la résiliation du contrat de M. X impose un certain recul quant au caractère dirimant d’une menace à laquelle les sociétés BRD-BRA auraient été confrontées du fait de M. X.

De même, la volonté – certes compréhensible – de documenter les relations litigieuses objet d’une instance judiciaire n’a- t-elle pas été étrangère à la multiplication soudaine des courriers adressés à M. X en 2015 par les sociétés BRD-BRA qui font état d’exigences dont les années antérieures ne portent pas trace. Il ne peut en être induit une réalité ou une aggravation des manquements reprochés à M. X.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les relations entre les parties s’étant dégradées dans le cadre d’une évolution du contexte global de leur collaboration qui ne leur est pas elle-même imputable, chacune a commis des fautes, sans que la faute commise par M. X puisse être qualifiée de faute grave. La résiliation du contrat est donc la conséquence de torts partagés.

Partant, M. X a droit à une indemnité compensatrice en application du texte précité.

M. X soutient qu’il a droit à une indemnité correspondant à deux années de commission calculées sur une moyenne annuelle sur la durée du contrat, relève que l’allocation d’une provision s’impose tant que le montant total des commissions dues n’est pas connu et s’oppose à la seule prise en compte des deux dernières années d’exécution du contrat au cours desquelles il estime avoir été entravé dans son exercice.

Les sociétés BRD-BRA font valoir que l’indemnité est fixée selon l’usage au double de la moyenne des cotisations perçues au cours des trois dernières années. Elles soutiennent que M. X a conservé toute latitude pour exercer son activité pendant cette période et ajoutent qu’une décote de 20 % doit être appliquée pour tenir compte de lérosion de la clientèle confiée à M. X.

M. X ne justifie pas que les conditions d’exercice de son mandat se sont dégradées du fait des sociétés BRD-BRA au cours des années 2013-2015 alors qu’il avait lui-même pris l’initiative d’une action judiciaire aux fins de résolution du contrat dès le mois de juillet 2013 et il ne prétend pas avoir été dépourvu des outils mis à la disposition de chaque agent.

Il est justifié au contraire qu’il a participé à un certain nombre de salons professionnels pendant cette période et qu’il a été remboursé de ses frais. Dès lors qu’est connu le montant des commissions dues

au titre des années 2013-2015, il n’y a lieu à condamnation provisionnelle.

A l’inverse, le seul fait que le nombre de clients sur le secteur de M. X ait diminué entre 2004 et 2016 ne saurait justifier la décote sollicitée par les société BRD-BRA dans la mesure où, le contexte ayant fortement évolué ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il n’est pas démontré que les clients perdus l’ont été par la seule faute de M. X.

En conséquence, conformément à l’usage, l’indemnité est fixée en fonction du double du droit à commission moyen pour une année calculée sur les trois derniers exercices en incluant les commissions dues sur l’activité auprès du magasin Clarks de Lille et le rappel de commissions retenu ci-dessus (au pro rata annuel s’agissant de la commission Emma Shoes), soit :

2013 : 68 644,20 + 14 377,29 + 893,06 (Emma Shoes) = 83 914,55 €

2014 : 70 730,20 + 14 434,42 + 893,06 = 86 057,68 €

2015 : 62 070,76 + 13 711,79 + 893,06 + 158,67 (Malory Shoes)

= 76 834,28 €

soit la somme de 164 537,67 euros.

Il y a lieu, partant de condamner in solidum les sociétés BRD-BRA à payer cette somme à M. X augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2013, date de la demande judiciaire.

***

Les fautes commises par les deux parties conduisent à écarter tout abus dans la rupture du contrat et à débouter M. X de sa demande indemnitaire de ce chef.

Sur les autres demandes

Il n’appartient pas à la cour d’ 'annuler’ une décision prise par le conseiller de la mise en état en application de l’article L 131-4 du code des procédure civiles d’exécution. En conséquence, les société BRD-BRA sont irrecevables en leur demande tendant à l’annulation de la décision de liquidation de l’astreinte prononcée à leur encontre.

Alors que l’exercice d’un droit ne dévie en abus que lorsqu’il traduit une intention malicieuse, force est de constater que les demandes de production de pièces formées par M. X et auxquelles il a été partiellement fait droit par le conseiller de la mise en état, ont abouti à la production de l’attestation rédigée par le cabinet ADM Experts le 13 décembre 2018 dont l’utilité pour la solution du litige transparaît suffisamment des motifs qui précèdent.

En conséquence, il y a lieu de débouter les société BRD-BRA de leur demande indemnitaire pour abus de droit.

Succombant majoritairement dans leurs prétentions, les sociétés BRD-BRA supportent les dépens de première instance et d’appel ;

L’équité commande que la somme de 8 000 euros soit accordée à l’appelant en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

infirme le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque rendu le 5 mai 2014 en toutes ses dispositions soumises à la présente cour et, statuant à nouveau,

condamne in solidum les sociétés J B Diffusion et J B T à payer à monsieur X la somme de 4 021,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2019 au titre des commissions restant dues en exécution du contrat d’agent commercial ;

constate que le contrat d’agent commercial a été résilié à effet au 22 juillet 2016 et dit la demande de résiliation judiciaire sans objet ;

condamne in solidum les sociétés J B Diffusion et J B T à payer à M. X la somme de 164 537,67 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2013 à titre d’indemnité compensatrice ;

déclare les sociétés J B Diffusion et J B T irrecevables en leur demande d’annulation de la décision du conseiller de la mise en état de liquider l’astreinte prononcée le 16 janvier 2018 ;

déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

condamne in solidum les sociétés J B Diffusion et J B T aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. X la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

accorde le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile à la SCP Millon Plateau, avocats.

Le Greffier, La Présidente,

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Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 19 mars 2019, n° 17/01777