Cour d'appel d'Amiens, n° 12/01068

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, n° 12/01068
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 12/01068

Texte intégral

ARRET

B

B

B

C/

Société SMABTP

SELARL R-S mandataire judiciaire de la SARL D’FER

CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE LA SOMME

SCP HENNEAU adm judiciaire de la SARL D’FER

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU HUIT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 12/01068

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AMIENS DU DIX FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

PARTIES EN CAUSE :

Mademoiselle N B

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Madame J B

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX – XXX

XXX

Monsieur V B

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me Jean françois LEPRETRE, avocat au barreau D’AMIENS

APPELANTS

ET

Société SMABTP

XXX

XXX

Représentée par Me D BRIOT de la SCP BRIOT, avocat au barreau D’AMIENS

SELARL R-S, en qualité de mandataire judiciaire de la SARL D’FER

XXX

02100 SAINT-QUENTIN

CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE LA SOMME

XXX

XXX

Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocat au barreau D’AMIENS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 11 juin 2015 devant la cour composée de M. D BOIFFIN, Président de chambre, Mme Marie-Christine A et Mme P Q, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

Sur le rapport de Mme A et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 octobre 2015, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 08 octobre 2015, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. D BOIFFIN, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DÉCISION :

Vu l’assignation de la Chambre de Commerce et d’ Industrie de la Somme (CCI de la Somme) aux fins d’expertise judiciaire par L J et N B et de Monsieur V B (Consorts B) en date du 26 avril 2006 ;

Vu l’ordonnance de référé rendue le 17 mai 2006 et désignant Monsieur D Y en qualité d’expert ;

Vu le pré-rapport d’expertise déposé le 14 novembre 2007 et les trois rapports complémentaires des 25 février, 19 mai et 29 juillet 2008 ;

Vu l’acte du 18 février 2009 aux termes duquel les Consorts B, propriétaires d’une maison d’habitation située à XXX, cadastrée section XXX, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d’ Amiens la CCI de la Somme aux fins de la voir déclarer responsable de dommages qui auraient été causés à leur immeuble par les travaux de démolition auxquels cette dernière a fait procéder, entre mai et juin 2000, par la SARL D’FER sur le bâtiment situé XXX, sur la parcelle cadastrée XXX dont elle est propriétaire ;

Vu l’assignation en garantie de la SARL D’FER par la CCI de la Somme en date du 25 juin 2009 et la jonction des procédures, puis leur disjonction, prononcées par ordonnances du juge de la mise en état des 17 septembre 2009 et 3 novembre 2011 ;

Vu l’intervention volontaire devant le tribunal de grande instance d’Amiens de la SMABTP, assureur de la SARL D’FER par des conclusions du 20 octobre 2010 ;

Vu le jugement du 10 février 2012, aux termes duquel le tribunal de grande instance d’Amiens a pour l’essentiel :

— prononcé la mise hors de cause de la SMABTP et rejeté par voie de conséquence les demandes formées par elle et contre elle ;

— débouté les Consorts B de leur demande de déclaration de responsabilité de la CCI de la Somme ;

— rejeté la demande d’indemnisation formée par les Consorts B contre la CCI de la Somme à hauteur de 111.314,78 euros à titre de dommages et intérêts en principal et intérêts légaux de retard ;

— rejeté leurs demandes concernant la fixation du point de départ des intérêts de retard et la capitalisation de ceux-ci ;

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné les Consorts B aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE ;

— rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

Vu l’appel général de cette décision interjeté par les Consorts B selon déclaration transmise au greffe de la Cour par la voie électronique le 15 mars 2012 ;

Vu l’arrêt du 22 janvier 2014, aux termes duquel la Cour, statuant avant dire droit, a :

— invité Monsieur D Y à compléter son rapport d’expertise en précisant, le cas échéant après une nouvelle réunion des parties, si l’utilisation par la société D’FER d’une boule pour procéder à la démolition serait de nature à avoir joué un rôle déclenchant ou aggravant des désordres dont font état les Consorts B, et en donnant à la Cour tous les éléments utiles permettant de déterminer la part que pourrait représenter cet élément dans la survenance des dits désordres ou de certains d’entre eux ;

Vu le rapport d’expertise déposé le 25 octobre 2014 par Monsieur D Y ;

Vu les ultimes conclusions déposées et signifiées par la voie électronique le 23 avril 2015, aux termes desquelles les Consorts B demandent à la Cour de :

— dire leur appel bien fondé ;

— infirmer le jugement du 10 février 2012 en toutes ses dispositions ;

— dire et juger n’y avoir lieu à homologation des conclusions de l’expertise judiciaire de Monsieur D Y du fait de ses insuffisances et de ses contradictions manifestes ;

— se fonder sur la note technique de Monsieur H C du 2 janvier 2008 et sur le rapport d’expertise de Monsieur T X du 2 septembre 2013 ;

En conséquence,

— dire et juger les Consort B recevables et bien fondés dans leurs demandes formulées à l’encontre de la CCI de la Somme ;

— dire et juger la CCI de la Somme pleinement et entièrement responsable de tous les désordres survenus dans leur propriété suite aux travaux de démolition entrepris durant le cours de l’année 2000 dans les parcelles mitoyennes cadastrées section XXX, 48, 49 et 50, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, subsidiairement, 1383 du code civil ;

Subsidiairement,

— dire et juger la CCI de la Somme pleinement et entièrement responsable de plein droit des désordres survenus dans leur propriété du fait des dits travaux de démolition pour troubles anormaux de voisinage sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 1er du code civil ;

— condamner la CCI de la Somme à leur payer solidairement la somme de 111.314,78 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous leurs chefs de préjudices en principal et intérêts légaux de retard ;

— fixer le point de départ des intérêts légaux de retard au 26 avril 2006, date de l’assignation délivrée à la CCI de la Somme devant le juge des référés, conformément aux dispositions de l’article 1353-1 du code civil, subsidiairement, à la date de l’introduction de l’action au fond ;

— ordonner la capitalisation des intérêts de retard échus sur une année entière dans les conditions visées à l’article 1154 du code civil ;

— condamner la CCI de la Somme à leur payer solidairement une indemnité d’un montant de 20.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la CCI de la Somme en tous les frais et dépens de première instance et d’appel et en prononcer la distraction au profit de la SCP LEPRETRE, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

— condamner la CCI de la Somme à supporter l’intégralité des frais d’expertise judiciaire de Monsieur D Y ;

— dire et juger que les frais et dépens mis à la charge de la CCI de la Somme incluront le coût des procès-verbaux de constat de la SCP MARGOLLE BARBET, huissiers de justice associés à Amiens, dressés les 21 juin 2000, 8 janvier 2003, 25 janvier 2006 et 6 novembre 2006 ;

— débouter la CCI de la Somme de tous ses fins, moyens et prétentions, purement et simplement ;

— très subsidiairement, ordonner une contre expertise confiée à un expert national suivant la mission fixée dans l’ordonnance du juge des référés du 31 mai 2006 ;

Vu les ultimes conclusions déposées et signifiées par la voie électronique le 14 avril 2015, aux termes desquelles la CCI de la Somme demande à la Cour, au visa des articles 1382 et 1382 du code civil, des articles 564, 699, 700 et 954 du code de procédure civile et L 124-3 du code des assurances de :

A titre principal,

— confirmer purement et simplement le jugement du 10 février 2012 en ce qu’il a débouté les Consorts B de l’ensemble de leurs demandes dirigées contre la CCI de la Somme ;

— dire que sa responsabilité ne saurait davantage être recherchée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ;

— dire irrecevable la demande de contre expertise formée pour la première fois en appel par les Consorts B en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle ;

A titre subsidiaire, si par impossible la Cour devait infirmer le jugement attaqué et retenir sa responsabilité,

— condamner la SMABTP, assureur de la SARL D’FER, sur le fondement de l’action directe, à la garantir et relever indemne de toutes condamnations qui interviendraient à son encontre ;

— débouter la SMABTP de ses entiers moyens, fins et prétentions ;

A titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger satisfactoire la proposition faite par l’expert d’indemnisation des Consorts B à hauteur de 7.000 euros ;

En tout état de cause,

— condamner les Consorts B à lui payer une somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocats aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les ultimes conclusions déposées et signifiées par la voie électronique le 26 février 2015, aux termes desquelles la SMABTP demande à la Cour de :

— déclarer irrecevable la CCI de la Somme à présenter une quelconque réclamation à son encontre ;

— confirmer en tous points la décision entreprise ;

— condamner tout succombant à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de l’instance ;

Vu l’assignation du 27 février 2015 délivrée à la requête de la SMABTP à la SELARL R S, prise en qualité de liquidateur de la SARL D’FER, acte, remis à une personne habilitée, contenant la signification de ses conclusions déposées le 26 février 2015 ;

Vu l’acte de signification des conclusions de la CCI de la Somme à SELARL R S, prise en qualité de liquidateur de la SARL D’FER, remis le 15 avril 2015 à une personne habilitée ;

Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mai 2015 prononçant la clôture et fixant l’affaire à l’audience du 11 juin 2015 ;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux ultimes conclusions des parties visées ci-dessus pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

CECI EXPOSE, LA COUR ,

La SELARL R S, défaillante devant la Cour, ayant été assignée à personne, il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire par application de l’article 474 alinéa 1er du code de procédure civile.

Sur la demande de contre-expertise :

Au soutien de leur demande de contre expertise confiée à un expert national, formée à titre « très subsidiaire » dans leurs conclusions d’appel, les Consorts B prétendent, pour l’essentiel, que, dès le début des opérations d’expertise, Monsieur Y s’est auto convaincu que les désordres présentés par leur immeuble résultaient de sa vétusté, qu’il a refusé de recueillir leur avis, alors qu’ils étaient assistés par Monsieur C, économiste de la construction, et éludé toutes les pièces qu’ils produisaient, notamment les factures de travaux réalisés dans l’immeuble. Ils lui reprochent de ne pas avoir répondu à la mission qui lui avait été confiée par l’ordonnance de référé du 31 mai 2006.

Cependant, c’est à bon droit que la CCI de la Somme soulève l’irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel, étant relevé que les Consorts B n’ont pas, comme il leur était loisible de le faire, formulé cette demande, ni devant le juge de la mise en état, pendant l’instruction de l’affaire au fond, ni devant le tribunal.

En conséquence, il convient de déclarer les appelants irrecevables en leur demande de contre expertise.

Sur la responsabilité pour faute de la CCI de la Somme :

Il appartient aux Consorts B, qui fondent leur demandes sur les dispositions des articles 1382, subsidiairement 1383 du code civil, d’établir à la charge de la CCI de la Somme une faute et un lien de causalité entre cette faute et le dommage dont ils réclament la réparation.

La faute résultant de l’absence de référé préventif :

Les Consorts B soutiennent que la CCI de la Somme a omis de faire procéder à une mesure de référé préventif, alors qu’elle ne pouvait ignorer que l’opération de démolition à entreprendre risquait d’être à l’origine, du fait de son ampleur, de troubles de voisinage et de désordres dans les immeubles riverains. Ils soulignent que le tissu urbain est dense dans ce quartier et que le règlement d’urbanisme attire précisément l’attention des constructeurs sur les phénomènes d’instabilité du sol et leur prescrit des mesures techniques pour assurer la stabilité des ouvrages existants.

La CCI de la Somme est fondée à faire valoir, comme l’ont retenu les premiers juges, que cette obligation incombait à la SARL D’FER en vertu de l’article 0.18 du cahier des clauses techniques particulières. Il convient d’ajouter, au vu des pièces produites en appel par la CCI de la Somme, que cette société a bien respecté cette obligation en faisant dresser, le 16 mars 2000, un constat d’huissier qui a consigné, comme il est d’usage, l’état des immeubles existants dans le périmètre immédiat du futur chantier de démolition, ce qui n’est pas le cas de la maison des Consorts B laquelle ne jouxte pas immédiatement l’immeuble démoli.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il n’a pas retenu de faute de ce chef à la charge de la CCI de la Somme, étant observé qu’en tout état de cause, un tel manquement n’aurait pu générer pour les Consorts B qu’une perte de chance de faire procéder eux-mêmes à tous les constats utiles et non les dommages matériels dont ils sollicitent la réparation.

— La faute résultant d’un défaut d’affichage du permis de démolir :

Les Consorts B, qui se prévalent des dispositions du code de l’urbanisme antérieures à la loi du 5 janvier 2007 mettant à la charge du maître de l’ouvrage l’affichage du permis de démolir pendant toute la durée du chantier et au moins pendant deux mois, soutiennent que la CCI de la Somme n’a pas respecté cette l’obligation d’affichage, de sorte qu’ils se sont trouvés dans l’incapacité d’assurer la sauvegarde de leurs droits, notamment en saisissant le juge des référés d’une demande d’expertise préventive.

Cependant, ainsi que l’ont retenu les premiers juges et le soutient à juste titre la CCI de la Somme, l’affichage du permis de démolir est établi par le constat dressé le 16 mars 2000 qui précise qu’un panneau portant la date et la référence du permis de démolir délivré le 21 septembre 1997 par la mairie d’Amiens à la CCI de la Somme se trouve fixé sur le portail de l’immeuble situé au XXX.

Les Consorts B avaient donc la possibilité de prendre connaissance du projet de démolition dans un délai suffisant avant le démarrage du chantier pour saisir le juge des référés ou faire établir un constat d’huissier préventif. Ils ne sont donc pas fondés à invoquer un tel manquement à la charge de la CCI de la Somme, lequel n’aurait, en tout état de cause, justifié qu’une indemnisation au titre de la perte de chance de faire un tel constat.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il n’a pas retenu de faute de ce chef à la charge de la CCI de la Somme.

— Les conditions d’exécution des travaux de démolition :

Les Consorts B imputent l’origine des désordres présentés par leur immeuble, selon eux à compter du mois de juillet 2000, d’une part, à l’action néfaste de l’eau ayant fragilisé le sous sol de leur immeuble à la suite des fuites survenues entre 1961 et 1976 pour lesquelles la Société Industrielle d’Amiens, propriétaire de l’immeuble voisin avant son acquisition par la CCI de la Somme, a été condamnée à réaliser des travaux de confortement de leur immeuble par un jugement du tribunal de grande instance d’Amiens du 26 janvier 1979, d’autre part, à la démolition au moyen d’une boule de l’immeuble de béton armé édifié sur ce terrain appartenant à la CCI de la Somme, au début de l’année 2000, tout en faisant valoir, pour contester les conclusions du complément de rapport d’expertise déposé par Monsieur Y devant la Cour, que cette technique a été abandonnée non seulement en raison des risques encourus par les ouvriers travaillant sur les chantiers de démolition, mais aussi en raison des dommages pesant sur les immeubles bâtis voisins, comme l’établit la recommandation INRS n° 135 du 27 juin 1990 qui préconise de ne pratiquer la démolition au godet ou à la boule que si, préalablement au début des opérations, cette construction (construction contigüe à la construction à démolir) a été convenablement isolée des constructions contigües par des saignées. Ils prétendent qu’au cas d’espèce, ces précautions n’ont absolument pas été prises et que les bâtiments sont demeurés étroitement imbriqués lors des opérations de démolition pratiquées à la boule par la SARL D’FER.

La CCI de la Somme, qui rappelle avoir acquis son immeuble en 1997, est fondée à dénier toute responsabilité dans les désordres dont les Consorts B demandent la réparation en faisant valoir, comme l’a constaté l’expert judiciaire, l’ont retenu les premiers juges et l’établissent les pièces produites aux débats par les appelants eux-mêmes, que :

— leur immeuble est âgé de plus de trois cents ans ;

— de leur propre aveu, sa dernière rénovation remonte aux années 1920-1930 ;

— cet immeuble, situé dans le secteur de la gare et de la cathédrale, s’est trouvé exposé aux bombardements ayant détruit le centre de la ville d’Amiens au cours de la dernière guerre mondiale, comme le rappelle l’expert judiciaire ;

— il a également subi des infiltrations dans les années 1960 et 1970, ainsi que l’établit le litige ayant opposé Madame F B à l’ancien propriétaire, la Société Industrielle d’Amiens, pour des infiltrations provenant des installations de cette société (WC, cantines, canalisations) ;

— le 9 juin 1980, Madame F B a fait constater par un huissier de justice qu’en dépit des travaux mis en 'uvre par la Société Industrielle d’Amiens en exécution du jugement du 26 janvier 1979, de nouveaux désordres étaient apparus, notamment des fissures dans la salle de bains et dans la chambre à coucher ainsi qu’une brèche dans le mur extérieur jouxtant sa propriété et le fonds appartenant dorénavant à la CCI de la Somme ; il se déduit de ce constat que cet immeuble présentait encore des fissures vingt ans avant les opérations de démolition litigieuses, sans qu’il soit démontré qu’elles aient été entre temps réparées depuis le constat du 9 juin 1980 ;

— les procès-verbaux de constat dressés le 21 juin 2000, date de la fin des travaux, et le 8 août 2001, plus d’un an après leur achèvement, n’établissent pas l’existence de désordres susceptibles d’être imputés à la démolition récente de l’immeuble voisin, le premier constat attestant à l’inverse du bon état des murs de l’immeuble des Consorts B à une date très proche de l’achèvement des travaux de démolition ;

— le constat du 8 janvier 2003 faisant état de fissures dans le salon, la salle à manger et la chambre du premier étage, dont Madame N B imputait l’origine à des travaux de voirie, ne fait nullement le lien entre ces désordres et les travaux de démolition réalisés en mai et juin 2000, étant souligné que ce constat a été dressé à la demande de Madame B pour retarder les travaux de ravalement ordonnés par la ville d’Amiens.

Il convient d’ajouter que l’étude technique non contradictoire établie par Monsieur T X en cours d’instance d’appel doit être examinée avec réserves en ce que, d’une part, il s’agit d’un expert mandaté et rémunéré par les appelants, de sorte qu’il ne peut être retenu que son avis ait été formulé en toute impartialité, d’autre part, ses constatations, treize années après la fin de la démolition, sont trop tardives pour établir précisément l’impact des travaux litigieux sur l’immeuble des Consorts B, étant rappelé qu’ils demandent la réparation de « tous les désordres survenus dans leur propriété suite aux travaux de démolition entrepris durant le cours de l’année 2000 dans les parcelles mitoyennes cadastrées section XXX, 48, 49 et 50, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, subsidiairement, 1383 du code civil ».

Quand Monsieur X affirme que les fuites, déjà constatées entre 1961 et 1979, ont provoqué des affouillements qui se sont progressivement effondrés, notamment le 9 juin 2000, ce postulat ne repose sur aucun élément de preuve, étant relevé qu’un tel incident n’aurait pas manqué d’être signalé par Madame N B, occupante des lieux, lors de la visite du 21 juin 2000 de l’huissier qu’elle a mandaté pour un constat. Or, à cette date, l’huissier qui s’est rendu sur les lieux, n’a relevé aucune déformation au niveau du mur de clôture séparant l’immeuble des Consorts B du terrain de la CCI de la Somme, ce que confirment les photographies annexées au procès verbal de constat. Il n’a pas davantage mentionné que les murs de la maison ou de ses dépendances auraient subi un effondrement en lien avec des fuites d’eau provenant de ce mur mitoyen. Il n’existe donc pas de preuve d’un lien de causalité direct et certain entre ces prétendues fuites, les travaux de démolition entrepris par la CCI de la Somme en mai et juin 2000, la décompression du sol et le tassement de la partie gauche de l’immeuble constatée par Monsieur X en 2013.

Enfin, il convient de relever que, si comme l’avance Monsieur X, les désordres trouvent leur origine dans un affouillement des fondations de la maison des Consorts B, ce que confirme Monsieur Y qui ajoute en conclusion de son complément d’expertise que « les très nombreuses fissures constatées dans l’immeuble montrent qu’il n’y a pas eu de travaux de confortation de l’immeuble au fil des années lors des différentes sollicitations que l’immeuble a pu subir et que ce manque de confortation est la cause des désordres », cette origine serait néanmoins imputable à la qualité de travaux réalisés en exécution du jugement du 26 janvier 1979, sous la direction de Monsieur Z, expert désigné par le tribunal, qui a établi un procès verbal de réception contradictoire entre les parties le 30 novembre 1979, mentionnant la réalisation de travaux de reprise et de consolidation du gros 'uvre approuvés par le Bureau Veritas, lequel a préconisé dans sa note technique du 28 mai 1979 de « ne pas toucher aux fondations, mais de faire exécuter un revêtement tarmac étanche dans la cour de la Société Industrielle et de renvoyer les eaux pluviales de cette zone dans le réseau des eaux pluviales » en ayant estimé que « cette disposition évitant l’infiltration des eaux, garantira la stabilité du sol sous les fondations ; on peut raisonnablement penser que l’immeuble ne bougera plus ». Or, dès le 9 juin 1980, Madame F B a fait constater par un huissier l’apparition de nouvelles fissures à l’intérieur de sa maison d’habitation et d’une brèche dans le mur extérieur jouxtant sa propriété et le fonds appartenant à la Société Industrielle d’Amiens. Les appelants, qui viennent aux droits de Madame F B, n’établissent pas que ce constat ait servi à engager une nouvelle action en responsabilité contre la Société Industrielle d’Amiens pour ces désordres apparus dans l’année de la réception des travaux. En tout état de cause, la manifestation de ces désordres et leur aggravation ultérieure sont dépourvues de tout lien de causalité avec les travaux menés par la CCI de la Somme en 2000. Cette dernière ne saurait donc en être déclarée responsable.

S’agissant des ondes de choc provoquées par la destruction des murs de béton de l’immeuble démoli par la CCI de la Somme, il convient de considérer que, si ces ondes étaient à l’origine de nouvelles fissures apparues dans leur immeuble, comme le soutiennent les appelants, ces désordres se seraient manifestés pendant les travaux ou dans un temps très bref après leur achèvement. Or, les constats d’huissier dressés le 21 juin 2000 et le 8 août 2001 ne mentionnent pas l’existence de tels désordres qui n’ont été décrits que lors des constats postérieurs et, au plus tôt, le 8 janvier 2003.

Enfin, dans le complément d’expertise ordonné par la Cour, Monsieur Y écarte formellement tout lien de causalité entre les désordres présentés par l’immeuble des Consorts B et la démolition de l’immeuble appartenant à la CCI de la Somme, même dans l’hypothèse où ces travaux auraient été exécutés au moyen d’une boule : « il n’y a aucun doute sur la notion de phénomène déclenchant ; ce n’est pas l’éventuel usage de la boule qui a créé les désordres, dans la mesure où cette maison présente un très grand nombre de fissures, de faux aplomb, de détérioration de poutres, de plâtre fissuré au fil des années depuis 1961 ».

En conséquence, c’est par de justes motifs, adoptés par la Cour, que les premiers juges ont écarté toute faute ou imprudence commise par la CCI de la Somme, de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 ou celui de l’article 1383 du code civil, en relation avec les désordres dont les Consorts B demandent la réparation et débouté ceux-ci de l’ensemble de leurs demandes.

Les éléments qui viennent d’être développés doivent conduire à exclure la responsabilité de la CCI de la Somme pour un trouble anormal de voisinage, à défaut pour les appelants d’établir un lien de causalité direct et certain entre les désordres dont ils demandent la réparation et les conditions de réalisation du chantier de démolition litigieux.

Par voie de conséquence, la demande de garantie formée par la CCI de la Somme contre la SMABTP, assureur de la SARL D’FER devient sans objet.

Cependant, le jugement doit être réformé en ce qu’il a mis hors de cause la SMABTP, dont l’intervention volontaire à l’instance en qualité d’assureur de la SARL D’FER était justifiée.

— Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il condamne les Consorts B aux entiers dépens de première instance.

Les appelants succombant en leurs prétentions devant la Cour, il convient de les condamner à supporter les dépens d’appel qui comprendront les frais du complément d’expertise ordonné en appel, et de les débouter de leur demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. à hauteur de 3.000 euros pour la CCI de la Somme et de 2.000 euros pour la SMABTP.

L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité formée par la CCI de la Somme et la SMABPT sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 euros pour la CCI de la Somme et de 2.000 euros pour la SMABTP.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

— Déclare L J et N B et Monsieur V B irrecevables en leur demande de contre expertise ;

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 février 2012 par le Tribunal de Grande Instance d’ AMIENS, sauf en ce qu’il prononce la mise hors de cause de la SMABTP ;

L’infirmant de ce chef et y ajoutant,

— Constate que la demande de garantie formée contre SMABTP, assureur de la SARL D’FER, est sans objet en l’absence de condamnation prononcée contre la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Somme ;

— Condamne L J et N B et Monsieur V B à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 3.000 euros à la Chambre de Commerce et d’ Industrie de la Somme et une somme de 2.000 euros à la SMABTP ;

— Déboute L J et N B et Monsieur V B du surplus de leurs demandes ;

— Condamne L J et N B et Monsieur V B aux dépens d’appel qui comprendront les frais du complément d’expertise ordonné par la Cour ;

— Accorde à la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocats, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Amiens, n° 12/01068