Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 30 décembre 2019, n° 18/01230

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Chronologie de l’affaire

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Sabine Chastagnier · Gazette du Palais · 10 mars 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - com., 30 déc. 2019, n° 18/01230
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/01230
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Angers, 16 avril 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

VVG/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01230 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKN6

Jugement du 17 Avril 2018

Tribunal de Grande Instance d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance

ARRET DU 30 DECEMBRE 2019

APPELANTE :

SCI ALIENOR prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, substitué à l’audience par Me Nicolas TERLAIN – N° du dossier 118038, et par Me Laurence CADENAT, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMEE :

SARL IN’OV COIFFURE prise en la personne de son représentant légal

centre commercial du Lac de Maine Mollière

[…]

[…]

Représentée par Me Philippe RANGE, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 13801793

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 15 Octobre 2019 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme C D, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a été préalablement entendue en son rapport, et Mme ROBVEILLE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme C D, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme ROBVEILLE, Conseillère

Mme BEUCHEE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

Greffière lors du prononcé : Mme A

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 décembre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Véronique C D, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Florence A, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique du 10 octobre 2002 reçu par Maître Yves Gautier, notaire associé à Angers, la société (SCCV) Camille Claudel aux droits de laquelle vient désormais la société (SCI) Aliénor, a donné à bail à la société (SARL) In’Ov Coiffure un local à usage commercial situé dans un ensemble immobilier, […], à Angers et par extension à Beaucouzé.

Ce bail a été consenti pour une durée de douze années entières et consécutives commençant à courir le 1er octobre 2002, moyennant un loyer annuel de 14.797,84 € HT.

La SARL In’Ov Coiffure y exerce une activité de salon de coiffure.

Par acte d’huissier du 27 mars 2014, la SCI Aliénor a fait signifier à la SARL In’Ov Coiffure un congé à effet au 30 septembre 2014, date d’expiration du congé comportant offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 25.700 € HT à compter du 1er octobre 2014, date d’effet du renouvellement du bail.

Par lettre recommandée du 26 mai 2014, la SARL In’Ov Coiffure a accepté le principe de renouvellement du bail mais contesté le montant du nouveau loyer proposé.

Par acte d’huissier du 18 mai 2016, les parties ne s’étant pas accordées sur le montant du loyer, la SARL In’Ov Coiffure a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d’Angers aux fins de voir, suivant ses dernières conclusions devant ce juge, au visa des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, 23 et suivants du décret du 30 septembre 1953, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— déclarer la SCI Aliénor irrecevable en ses demandes, fins et conclusions ; l’en débouter intégralement,

— fixer à 18.750 € HT et hors charges, le loyer annuel dû à compter du 1er octobre 2014 à la SCI Aliénor,

— subsidiairement, fixer à 20.000 € HT et hors charges, le loyer annuel dû à compter du 1er octobre 2014 à la SCI Aliénor,

— en toute hypothèse, condamner la SCI Aliénor à lui payer une somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCI Aliénor aux entiers dépens de l’instance, recouvrés en application de l’article 699 du même code.

Par jugement du 17 janvier 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d’Angers a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. X.

L’expert a déposé son rapport proposant la fixation du loyer renouvelé à la somme de 20 000 €.

La bailleresse a alors saisi le juge des loyers commerciaux d’un mémoire tendant à voir fixer le montant du loyer à la somme annuelle de 25.000 €.

Par jugement du 17 avril 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d’Angers a :

— fixé à la somme de 20.000 € HT et hors charges à compter du 1er octobre 2014, le loyer annuel du bail renouvelé entre la SCI Aliénor et la SARL In’Ov Coiffure portant sur le local n° 9 situé dans l’ensemble […] à Angers et par extension à Beaucouzé,

— dit que les compléments de loyers consécutifs à cette fixation produiront intérêts au taux légal à compter du premier mémoire en défense du bailleur et à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

— débouté la SARL In’Ov Coiffure et la SCI Aliénor de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les dépens, comprenant les frais d’expertise, seront partagés par moitié entre les parties,

— autorisé selon l’article 699 du code de procédure civile, le conseil de la SARL In’Ov Coiffure à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Pour fixer la valeur locative annuelle du bail renouvelé aux mêmes clauses et conditions du bail précédent, à compter du 1er octobre 2014, à 200 € par m² pondéré, soit à la somme annuelle de 20.000 € HT et hors charges, le premier juge s’est appuyé sur le rapport d’expertise judiciaire et sur les éléments matériels versés au débat, dont il est notamment ressorti :

— que les parties s’entendaient sur les caractéristiques du local commercial, qu’en revanche la surface pondérée des locaux évalués par l’expert judiciaire devait être retenue pour avoir fait l’objet d’un mesurage plus précis que celui effectué par l’expert amiable à partir d’un relevé sommaire des lieux, dont se prévalait la SARL In’Ov Coiffure ;

— que la destination des lieux loués à l’activité 'coiffure, esthétique, manucure, soin du corps’ n’était pas discutée par les parties ;

— que si la pratique de mettre à la charge des autres locataires du même centre commercial les grosses réparations visées par l’article 606 du code civil et le coût des primes d’assurances souscrites par le bailleur est établie, il n’était pas prouvé par la bailleresse que de telles obligations entraient dans la détermination de la valeur locative des locaux loués par ces derniers ; qu’au surplus l’éventuelle contractualisation de cette pratique par certains des baux les concernant, était sans incidence sur la nécessité de prendre en compte le transfert de charges opéré par le bailleur sur le preneur ; que dès

lors l’abattement de 20 % sur la valeur locative proposé par l’expert devait être retenu ;

— que selon l’expert judiciaire, la commercialité de proximité n’avait pas évolué de manière significative pendant la durée du bail et ne s’était pas développée dans des conditions analogues à l’augmentation mécanique du loyer due à l’évolution de l’indice ICC de plus de 42 %, que le centre commercial avait moins d’attractivité que son concurrent le plus proche, que la zone de chalandise n’avait pas augmenté en surface ;

— que l’augmentation de la population environnante entre 2002 et 2014, l’implantation de nouvelles entreprises et ainsi d’une potentielle plus grande clientèle ne permettaient pas de considérer avec certitude une hausse du taux de pénétration du centre commercial et une évolution de la clientèle au cours de ces années ;

— que si le panel des baux pouvant servir de références pertinentes sur le centre commercial était réduit, les points de comparaisons recherchés par l’expert judiciaire étaient d’une part plus pertinents que ceux très disparates et situés dans des environnements divers proposés par l’expert amiable, d’autre part prenaient bien en compte les correctifs nécessaires (majoration de la valeur locative compte tenu de la vétusté et médiocrité des aménagements…) ;

— qu’il convenait selon M. X d’étudier la faisabilité économique du rapport entre le loyer et le chiffre d’affaires ; que le taux d’effort de la SARL In’Ov Coiffure, qui ne constitue pas un élément de détermination de la valeur locative, n’avait pas conduit l’expert à minorer les éléments d’évaluation.

Par déclaration reçue au greffe le 13 juin 2018, la SCI Aliénor a interjeté appel total de cette décision, intimant la SARL In’Ov Coiffure.

Une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties dont la SCI Aliénor avait accepté le principe.

La SARL In’Ov coiffure a refusé la mesure de médiation proposée par la cour.

L’affaire a reçu fixation selon la procédure prévue par les articles 905 à 905-2 du code de procédure civile.

La SCI Aliénor et la SARL In’Ov Coiffure ont conclu au fond.

Par ordonnance du 11 décembre 2018, saisi par conclusions d’incident de l’appelante du 23 novembre 2018, le président de la chambre commerciale a notamment prononcé l’irrecevabilité des conclusions de la SARL In’Ov Coiffure du 24 septembre 2018 comme tardives au regard du délai prévu par l’article 905-2 du code de procédure civile.

Une ordonnance du 07 janvier 2019 a clôturé l’instruction de l’affaire.

Par arrêt avant dire droit du 25 juin 2019, la cour d’appel d’Angers a ordonné la réouverture des débats et invité la SCI Aliénor à produire le bail du 10 octobre 2002 pour l’audience de réouverture des débats.

Le bail demandé a été produit.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

— le 23 novembre 2018 pour la SCI Aliénor,

qui peuvent se résumer comme suit.

La SCI Aliénor demande à la cour, au vu des articles L. 145-1 et suivants, R. 145-1 et suivants, L. 145-33, L. 145-34 du code de commerce, de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu une surface pondérée de 100 m²,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* appliqué un abattement de 20 % sur le montant de la valeur locative,

* écarté le constat d’une évolution des facteurs locaux favorable au commerce concerné,

* retenu comme valeur de comparaison les références du centre commercial Beaussier,

* fixé le montant de la valeur locative annuelle à 200 €/m² pondéré soit un loyer annuel de 20.000 €,

par conséquent,

— fixer le prix du bail renouvelé au 1er octobre 2014 à la somme annuelle de 25.000 €, hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées,

— condamner la SARL In’Ov Coiffure au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés conformément aux dispositions de l’article 1343-1 du code civil et leur capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du même code, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d’un an,

— condamner la SARL In’Ov Coiffure à payer à la SCI Aliénor la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

La SCI Aliénor s’estime fondée en sa demande tendant à voir augmenter le loyer du bail litigieux à l’occasion de son renouvellement.

Observant que seule la valeur locative reste débattue s’agissant de la fixation du loyer du bail renouvelé, elle conclut, d’abord, à la confirmation du jugement s’agissant de l’évaluation de la surface pondérée admise par chacune par des parties.

En revanche, elle fait grief au premier juge de s’être appuyé à plusieurs reprises sur le rapport d’expertise amiable de M. Y qui ne serait pas basé sur des références pertinentes, comparable avec les locaux litigieux, et dont elle sollicite l’écart des débats.

S’agissant des caractéristiques du local considéré, elle affirme qu’à la date du renouvellement, le local n’était plus une cellule brute de béton mais un local aménagé suite aux travaux réalisés par le preneur à ses frais. Elle prétend que ces travaux d’aménagement ont fait accession au bailleur en fin de bail et note d’ailleurs que l’expert judiciaire avait indiqué dans son projet de rapport que cette accession justifiait une décote de 25 %.

S’agissant des obligations respectives des parties, elle estime que le tribunal a appliqué de manière injustifiée des coefficients de minoration de 20 %.

Elle fait valoir que les clauses de transfert des grosses réparations et de la taxe foncière peuvent n’avoir aucune incidence sur la valeur locative dès lors que tous les éléments de recoupement

découlent des baux types du même centre commercial, incluant des charges identiques pour tous les occupants. Or, elle note que les clauses sont les mêmes dans tous les autres baux du centre commercial Mollière, et que même à prendre en compte les loyers du centre Beaussier, – ce à quoi elle s’oppose faute de communication dans le cadre de l’expertise des baux correspondant -, la taxe foncière est aussi refacturée au preneur dans cette structure et ne doit ainsi pas être retranchée de la valeur locative. En outre, elle estime qu’il y a lieu de prendre en considération, à titre de coefficient de majoration de 10 % de la valeur locative, la clause de non-concurrence insérée au bail au profit du preneur.

Elle considère que l’intimée ne peut pas remettre en cause sa gestion du centre commercial et lui reprocher ainsi de manquements à son obligation de moyens au vu du faible taux de vacance de ses diverses cellules et de son propre chiffre d’affaires, en constante progression depuis son ouverture.

Elle spécifie qu’il est d’usage d’accompagner l’ouverture de nouvelles activités par une progressivité du loyer, qu’elle ne se trouve ainsi pas confrontée à une obligation d’accorder des remises de loyers, qu’il ne saurait être déduit de ses mesures d’accompagnement temporaires des locataires, des difficultés à commercialiser son centre.

S’agissant des facteurs de commercialité, l’appelante met en exergue des contradictions dans le rapport définitif de M. X, dès lors qu’elle note que s’il a constaté une évolution favorable de l’environnement du centre commercial, il ne l’a pourtant pas estimée suffisante au regard de l’augmentation du loyer par l’effet de la clause d’indexation.

Elle affirme que si les facteurs de commercialité n’ont pas à être analysés comme motifs de déplafonnement, c’est-à-dire sous l’angle de l’appréciation de leur modification, leurs caractéristiques doivent être appréciées pour la fixation de la valeur locative, ce que n’a pas fait l’expert judiciaire. Or, elle constate que ces caractéristiques sont en l’espèce particulières et favorables.

A cet égard, elle indique que le centre commercial Mollière, bien desservi, bénéficie d’une excellente commercialité au niveau de sa situation géographique et de son implantation dans l’un des quartiers les plus aisés et dynamiques d’Angers, valorisée par un environnement commercial peu dynamique lui. Elle note que la population a nettement augmenté dans sa zone de chalandise directe.

Elle souligne à nouveau que le chiffre d’affaires de l’intimée, comme celui des commerces du même centre, a connu une progression régulière. Elle fait valoir que l’attractivité spécifique du centre Mollière réside dans les commerces multi-services qu’il offre, ce qui le distingue du centre commercial Grand Maine avec lequel l’a comparé l’expert amiable.

Elle se prévaut d’une évolution favorable de l’environnement du centre Mollière, relevant que selon l’expert judiciaire, l’augmentation du nombre de clients potentiels a été favorisée par le développement de zones d’activités et pavillonnaires. Elle ajoute que la population résidente relève de catégories socio-professionnelles relativement aisées.

Elle soutient qu’il n’y a pas lieu de retenir le résultat d’exploitation réalisé par le preneur, car l’évolution du niveau de charges est étranger à la localisation du commerce.

Elle considère que la référence aux prix pratiqués dans la galerie marchande du centre Mollière était suffisante et pertinente. Soutenant qu’une galerie marchande constitue une unité spécifique propre de marché, et implique la prise en considération des seuls éléments de comparaison à l’intérieur du centre commercial, elle prétend qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une comparaison avec les prix pratiqués au centre Beaussier, lequel ne dispose de surcroît pas des mêmes caractéristiques propres (baisse importante démographique, revenus moindres de la population, vétusté, aménagements médiocres, chiffres d’affaires inférieurs des commerces). A ce titre, elle précise avoir versé aux débats tous les baux actuellement en cours dont le loyer est connu, les estimant tous

exploitables.

Si la cour ne prenait pas en compte les seuls éléments de comparaison du centre Mollière, elle prétend que certaines références retenues par l’expert ne doivent pas être considérées compte tenu des dates ou modalités de fixation des prix, et de l’absence de contradictoire, faute de communication malgré ses demandes en cours d’expertise, de baux correspondants.

Elle considère que d’autres de ces références nécessitent l’application a minima d’un coefficient de majoration de 40 %. Elle estime que les références proposées par l’intimée ne sont pas exploitables, au vu des caractéristiques distinctes des locaux visés.

Elle soutient que le taux d’effort n’est pas un élément déterminant la valeur locative compte tenu du caractère limitatif de la liste de ces éléments ressortant de l’article L. 145-33 du code de commerce. Au défaut, elle fait grief à l’expert d’avoir procédé par voie d’affirmations péremptoires, alors que seul un ratio de loyer par rapport au chiffre d’affaires réalisées l’année du renouvellement, voire au chiffre d’affaires moyen des trois dernières années, serait acceptable. Elle constate en définitive que le loyer qu’elle réclame peut être parfaitement supporté par l’intimée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la fixation de la valeur locative

Selon l’article L. 145-33 du code de commerce la valeur locative d’un bail renouvelé se calcule, à défaut d’accord entre les parties, en prenant compte des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Le prix du bail s’apprécie à la date du renouvellement, soit en l’espèce, le 1er octobre 2014, toute notion d’évolution postérieure étant indifférente.

Ainsi, la valeur locative doit être déterminée en fonction d’un état de fait au 1er octobre 2014, toute notion d’évolution étant indifférente.

1) Sur les caractéristiques du local considéré

Les caractéristiques du local considéré s’apprécient au regard des critères de l’article R. 145-3 du code de commerce à savoir :

1° de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation où à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée';

4° de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail';

5° de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

La fixation à 100 m² de la surface pondérée du local objet du bail conformément aux conclusions de

l’expert n’est pas discutée.

Dès lors que le preneur réalise des travaux de mise en conformité des lieux loués à leur destination contractuelle, ces travaux ne constituent pas des améliorations relevant des conditions de l’article R.145-8 du code de commerce, mais des travaux de mise en conformité relevant de l’article R. 145-3 du même code, qui doivent impérativement et uniquement être invoqués dès le premier renouvellement suivant leur réalisation et doivent alors être pris en considération lors de la détermination de la valeur locative du bail renouvelé.

La SCI Aliénor fait valoir qu’au moment de la conclusion du contrat d’origine, le local loué était un local brut de béton, clos couvert et vitrine posée moyennant un loyer de 14 797,84 €, alors qu’au moment du renouvellement le local était devenu un local aménagé dans les conditions prévues à la clause d’accession de l’article XI-A du contrat de bail.

Elle considère que c’est cet état de local aménagé qui doit être pris en compte dans la détermination de la valeur locative.

Il n’est pas discuté qu’au moment de la conclusion du bail, le local loué était un local brut de béton, c’est-à-dire un immeuble simplement clos, sans aménagements intérieurs, et sans éléments d’équipement.

L’analyse des photos qui figurent au rapport d’expertise fait apparaître, ce qui n’est pas contesté, que le preneur a réalisé de nombreux travaux pour rendre le local loué adapté à son activité de coiffure et ce faisant le rendre conforme à sa destination contractuelle.

Les travaux ainsi menés sur un local brut de béton par le locataire, qui n’aurait pu, sans les avoir entrepris, exercer son activité, constituent nécessairement des travaux de mise en conformité des lieux à leur destination contractuelle.

Ainsi, c’est à raison que la SCI Aliénor soutient que l’état actuel des locaux doit être pris en compte dans la détermination de la valeur locative du local.

Toutefois, contrairement à ce qu’elle soutient, pour présenter une majoration du loyer proposée par l’expert, ce dernier a bien pris en considération l’aménagement des locaux puisqu’il a expressément précisé dans la rubrique qu’il consacre aux caractéristiques du local considéré que « la surface n’est donc plus une cellule brute de béton mais un local aménagé » et qu’il a également spécifié, suite à un dire du conseil de la SCI Aliénor, que si la cellule évaluée était brute de béton il aurait appliqué une décote de 25 % sur la valeur locative.

2) Sur la destination des lieux

Les lieux sont destinés à l’activité de « coiffure, esthétique, manucure, soin du corps », comme le prévoit le contrat de bail et c’est effectivement l’activité de la société In’ov Coiffure.

L’expert a retenu sans être contredit par les parties que les locaux sont adaptés à la destination du bail.

3) Sur les facteurs locaux de commercialité

Aux termes de l’article R. 145-6 du code de commerce les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présentent, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent de

manière durable ou provisoire.

Sur ce point, la valeur locative vise à refléter le potentiel de l’exploitation peu important que l’exploitant soit performant ou non.

La SCI Aliénor verse aux débats des photographies de l’emplacement des locaux démontrant la construction de nombreuses infrastructures entre 2002 et 2016 aux abords du centre commercial Mollière ainsi que des statistiques relatives à la population environnante. Elle indique notamment que le centre commercial Mollière, bien desservi, bénéficie d’une excellente commercialité au niveau de sa situation géographique et de son implantation dans l’un des quartiers les plus aisés et dynamiques d’Angers, valorisée par un environnement commercial peu dynamique lui, que la population a nettement augmenté dans sa zone de chalandise directe.

Cependant, le rapport d’expertise quant à lui indique en substance que la commercialité de proximité n’a pas évolué de manière significative pendant la durée du bail, et ne s’est pas développée dans des conditions analogues à l’augmentation mécanique du loyer due à l’évolution de l’indice ICC de plus de 42 %, que le centre commercial où est situé le local a moins d’attractivité que son concurrent le plus proche, que la zone de chalandise n’a pas augmenté en surface, les pièces produites aux débats par le bailleur ne démentant pas ces constatations de l’expert.

4) Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L’article R. 145-7 du code de commerce prévoit pour déterminer la valeur locative, qu’il doit être référé aux prix couramment pratiqués dans le voisinage à titre d’élément de comparaison, concernant des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 et qu’à défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Ces critères de comparabilité doivent conduire à ne retenir en principe que les références de loyer présentant une certaine homogénéité entre elles.

Les loyers pratiqués au sein des autres cellules du centre commercial Lac de Maine – Mollière, sont des loyers de référence pertinents, le centre commercial constituant une entité de marché autonome qui, par la présence d’un supermarché et d’un parking, comporte un pôle d’attraction propre.

La cour constate que l’expert judiciaire a retenu comme référence des baux consentis dans le centre commercial Beaussier, ces baux, qui n’ont pas été conclus la même année que le bail litigieux, ne sauraient constituer des baux de référence dès lors qu’il s’agit de locaux qui se trouvent dans un centre commercial présentant des caractéristiques très différentes de celui qui fait l’objet du présent litige, ce qui ne permet pas une comparaison utile, comme le soutient justement l’appelante.

Force est de constater que l’appelante, seule partie a avoir conclu dans les délais imposés, ne produit pas aux débats des baux de référence dont la date est contemporaine de celle de la date de renouvellement du bail et située dans un environnement immédiat de celui de la société In’Ov Coiffure. Elle justifie cependant de cette absence de communication, ces baux, conclus en 2002 et dont les congés ont été délivrés en 2014 étant en cours de fixation du montant du loyer.

Ainsi, seulement deux comparaisons semblent pertinentes concernant la période considérée, à savoir le bail de la boulangerie pour lequel il ressort un loyer renouvelé en 2014 de 248 € par m², ainsi que le bail de rôtisserie conclu en 2015 pour un loyer de 271 € par m².

Au regard des éléments développés, compte tenu de l’assez bonne situation des lieux pour le commerce considéré, du bon état général des locaux, de l’attractivité moyenne de la zone, la valeur

locative unitaire de 260 € le m², soit une valeur totale de 26 000 €, correspondant à la moyenne entre les références situées dans le centre commercial.

Il convient maintenant de rechercher si des causes de majoration ou de minoration telles que prévues par la loi peuvent venir affecter cette valeur moyenne.

5) Sur les causes de minoration et de majoration de la valeur moyenne

Selon l’article R. 145-8 du code de commerce

« Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé. »

En application de ce texte, le juge doit tenir compte des obligations respectives des parties, notamment celles incombant normalement au bailleur dont celui ci est déchargé sur le preneur sans contrepartie, pour fixer le loyer à la valeur locative, qui doit être minorée soit en procédant à un abattement forfaitaire, soit en déduisant le montant des charges de la valeur brute.

Le bail met à la charge du preneur l’entretien courant des locaux, les grosses réparations prévues à l’article 606 du code civil, la taxe foncière, les assurances souscrites par le bailleur pour les locaux loués (contre les risques incendies, explosions, dommages électriques, tempêtes, dégâts des eaux, émeutes, attentats, acte de terrorisme et de sabotage), ainsi que les honoraires d’administration ou de gérance de l’immeuble fixés forfaitairement à 8 % HT du montant TTC des loyers et charges dus par lui.

La bail qualifie expressément ces charges de « suppléments de loyers » (page 14 du contrat de bail).

Pour déterminer la valeur locative du local lors du renouvellement, le tribunal a repris l’analyse de l’expert et a appliqué un abattement total de 20 %, au titre des charges exorbitantes du droit commun assuré par le preneur correspondant à 5 % pour le foncier, 10 % pour les grosses réparations, 5 % pour les primes d’assurance.

La SCI Aliénor condamne cette analyse et estime que le tribunal a appliqué de manière injustifiée ces abattements au motif que les clauses de transfert des grosses réparations et de la taxe foncière peuvent n’avoir aucune incidence sur la valeur locative dès lors que tous les éléments de recoupement découlent des baux types du même centre commercial, incluant des charges identiques pour tous les occupants.

Toutefois, le fait que les loyers de référence des autres boutiques du centre commercial incluent les mêmes charges ne peut faire obstacle à l’application des dispositions de l’article R. 145-8 précité, étant précisé que les loyers de voisinage ne servent que de référence, la valeur locative du local considéré étant fixée en fonction des dispositions légales et de ses caractéristiques propres.

L’impôt foncier pèse en principe sur le bailleur et l’allégation que l’usage est de faire supporter par le preneur la charge de l’impôt foncier est inopérante dès lors qu’un tel usage, à le supposer établi, n’est pas de nature à remettre en cause le principe selon lequel la taxe foncière, doit normalement être supportée par le bailleur et que lorsqu’elle est mise à la charge du preneur par le bail, cela constitue une charge exorbitante de droit commun qui doit être prise en compte pour la fixation de la valeur locative.

Il y a lieu de réduire la valeur locative du local en raison de l’impôt foncier.

De même, les charges transférées ne sont pas prises en compte, et permettent de minorer la valeur locative, que lorsque le bail prévoit des dispositions mettant à la charge du preneur des obligations incombant au bailleur, sans contrepartie.

C’est donc par une motivation que la cour d’appel fait sienne, que le premier juge a retenu, que si la pratique de mettre à la charge des autres locataires du même centre commercial les grosses réparations visées par l’article 606 du code civil et le coût des primes d’assurances souscrites par le bailleur était établie, il n’était pas prouvé par la bailleresse que de telles obligations entraient dans la détermination de la valeur locative des locaux loués par ces derniers et qu’au surplus l’éventuelle contractualisation de cette pratique par certains des baux les concernant, ne remettait pas en cause la nécessité de prendre en compte le transfert de charges ainsi opéré par le bailleur sur le preneur.

S’agissant des honoraires d’administration et de gérance du centre commercial, celles ci correspondent notamment à l’éclairage, au nettoyage des parties communes du centre, des espaces verts … Si ces charges sont imputées aux locataires, c’est uniquement en contrepartie de services qui leurs sont rendus, de sorte qu’elles ne constituent pas des charges exorbitantes du droit commun pouvant donner lieu à minoration de la charge locative.

Il résulte de ce qui précède que la locataire ne peut prétendre à minoration que pour l’impôt foncier, les grosses réparations et les primes d’assurances. Ce faisant, il y a lieu de réduire la valeur locative en raison des charges exorbitantes de grosses réparations, et d’impôts fonciers.

Il sera retenu un abattement de 20 % sur la valeur locative, (5 % pour l’impôt foncier, 10 % pour les grosses réparations et de 5 % pour les primes d’assurance.)

Selon l’article VI du contrat de bail « Le bailleur s’interdit d’exploiter, directement ou indirectement, dans l’immeuble dont font partie les lieux loués, un commerce similaire à celui du 'preneur'. Il s’interdit également de louer à qui que ce soit tout ou partie du même immeuble pour l’exploitation d’un commerce identique à celui du preneur. »

L’appelante estime qu’il y a lieu de prendre en considération, à titre de coefficient de majoration de 10 % de la valeur locative, cette clause insérée au bail au profit du preneur, et sollicite à ce titre la réformation du jugement entrepris.

Cette clause a une portée limitée puisqu’elle ne s’applique qu’au même immeuble, mais elle entraîne un avantage certain pour le locataire justifiant une majoration de 5 %.

Il apparaît ainsi que la valeur locative moyenne de 26 000 € plus haut définie sera ainsi minorée de 15 % (20 % de minoration ' 5 % de majoration), de sorte qu’elle s’établit au 1er octobre 2014 à 26 000x0,85 = 22 100 €.

II. Sur les intérêts dus sur le différentiel de loyer

Les intérêts sont dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courant à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en fixation du

prix, lorsque le bailleur est à l’origine de la procédure et à compter de la notification du premier mémoire en défense du bailleur lorsque c’est le preneur qui a saisi le juge.

Le loyer ainsi fixé étant supérieur au loyer provisionnel, il convient, par confirmation du jugement, de faire droit à la demande de condamnation de la société In’Ov Coiffure au paiement des intérêts sur le complément de loyer avec capitalisation des intérêts.

III. Sur les dépens et les frais non répétibles

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Compte tenu de la nature de l’affaire et au sort qui a été réservé aux prétentions de l’appelante, il n’est pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais non répétibles d’appel, les dépens d’appel restant néanmoins à la charge de l’intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à 20 000 € hors taxes et charges';

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

FIXE à la somme de 22 100 € hors taxes et hors charges à compter du 1er octobre 2014 le loyer annuel du bail renouvelé entre la SCI Aliénor prise en la personne de son représentant légal et la SARL In’Ov Coiffure prise en la personne de son représentant légal ;

CONDAMNE la SARL In’Ov Coiffure prise en la personne de son représentant légal aux dépens d’appel ;

DÉBOUTE la SCI Aliénor prise en la personne de son représentant légal de sa demande au titre de ses frais non répétibles d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. A V. C D

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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 30 décembre 2019, n° 18/01230