Cour d'appel d'Angers, n° 12/00963

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, n° 12/00963
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 12/00963
Décision précédente : Cour d'appel de Poitiers, 16 novembre 2009

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

(Renvoi après cassation)

XXX

ARRET N°:

AFFAIRE N° : 12/00963

JUGEMENT du 29 Juin 2004

Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE

n° d’inscription au RG de première instance 02/01851

— arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 17 novembre 2009

— arrêt de la cour de cassation du 26 janvier 2012

ARRET DU 29 OCTOBRE 2013

APPELANTE ET DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Daniel CHATTELEYN de la SCP CHATTELEYN ET F, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 40199 et par Maître CIANCIARULLO, avocat plaidant au barreau de La Rochelle

INTIMÉ ET DEFENDEUR SUR RENVOI APRES CASSATION :

Monsieur J-K R

né le XXX à PARIS

XXX

1275 CHESEREX-SUR-NYON SUISSE

Représenté par Me Sophie DUFOURGBURG de la SCP SOPHIE DUFOURGURG- CHRISTINE GUILLOT- AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 15112 et par Maître PIC, avocat plaidant au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 18 Juin 2013 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport et devant Madame MONGE, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame RAULINE, conseiller faisant fonction de président

Madame VAN GAMPELAERE, conseiller

Madame MONGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur C

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 29 octobre 2013 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame VAN GAMPELAERE, conseiller, en remplacement du président empêché et par Monsieur C, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite de la tempête du 28 décembre 1999, M. J-K F a dû faire abattre un grand nombre d’arbres de sa propriété de Salles-sur-Mer (17).

Par lettre du 15 mai 2000, il a chargé la société Setrap, entreprise de terrassement et de travaux publics, prise en qualité de « mandataire », de faire transporter et stocker 250 grumes de chêne et de frêne, en vue, d’une part, de faire scier le bois d’oeuvre et, d’autre part, de vendre le reste des grumes.

La société Setrap a entreposé ces grumes sur un terrain dont elle pensait avoir la disposition, mais le propriétaire du terrain, M. Y, s’est approprié les grumes et les a vendues pour son propre compte à l’entreprise Rougier.

Sur intervention de la société Setrap, 90 m³ de bois de chauffage ont été restitués à M. J-K F.

Le 21 janvier 2002, la société Setrap a fait sommation à ce dernier d’avoir à reprendre possession du lot de bois d’oeuvre d’origine représentant 196 m³ qui avait été retrouvé dans l’entreprise Rougier.

M. J-K F n’a pas déféré à cette sommation et, par acte du 9 décembre 2002, il a fait assigner la société Setrap en indemnisation de la valeur marchande du bois d’oeuvre dont il a été dépossédé.

Par jugement du 29 juin 2004 le tribunal de grande instance de la Rochelle a :

— relevé l’existence du mandat donné par M. J-K F à la société Setrap,

— dit la société Setrap responsable du dommage subi par M. J-K F du fait des fautes commises dans le cadre de son mandat,

— condamné la société Setrap à payer à ce dernier les sommes de :

—  144 400 euros à titre de dommages et intérêts par application de l’article 1991 du Code Civil, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

—  1 500 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— rejeté les surplus des demandes des parties,

— condamné la société Setrap aux entiers dépens.

Par arrêt du 24 octobre 2006, la cour d’appel de Poitiers a :

— réformé le jugement déféré en ses dispositions non contraires à l’arrêt,

— condamné la société SETRAP à payer à J-K F une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré,

— rejeté les autres demandes des parties.

Par arrêt du 20 décembre 2007, la Cour de Cassation a cassé, au visa des articles 4 et 16 du Code de Procédure Civile, ledit arrêt d’appel, mais uniquement en sa disposition rejetant la demande de M. J K F tendant à écarter diverses pièces des débats ainsi qu’en sa disposition fixant à la somme de 5.000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à celui-ci, et renvoyé les parties devant la même cour, autrement composée.

Par arrêt du 24 novembre 2009, la cour d’appel de Poitiers a :

— Dit n’y avoir lieu à rejet des débats de la pièce n° 12 produite par M. J-K F, ni des conclusions signifiées le 24 septembre 2009 par la société Setrap,

— Confirmé le jugement du tribunal de Grande Instance de la Rochelle du 29 juin 2004 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société Setrap à payer à J-K F une somme de 144 400 euros à titre de dommages et intérêts par application de l’article 1991 du Code Civil, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

Statuant à nouveau de ce chef,

— Condamné la Société Setrap à payer à M. J-K F une somme de 117 600 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

— Condamné la Société Setrap à payer à M. J-K F une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— Condamné la société Setrap aux dépens de la première instance d’appel et de l’instance sur renvoi après cassation.

Par arrêt du 26 janvier 2012, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à rejet des débats de la pièce n° 12 produite par M. J K F, ni des conclusions signifiées le 24 septembre 2009 par la société Setrap et sur les autres points renvoyé la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, pour être fait droit devant la cour d’appel d’Angers.

Pour casser l’arrêt du 24 novembre 2009 la Cour de Cassation a relevé que:

— pour retenir la responsabilité de la société Setrap et la condamner à indemniser l’entier préjudice subi par M. J K F, l’arrêt retient que le mandataire a manqué à ses obligations en procédant au stockage du bois sur le terrain d’autrui sans se prémunir du risque d’appropriation du bois stocké par un tiers, appropriation qui n’a pas présenté un caractère de force majeure susceptible d’exonérer le mandataire de sa responsabilité envers le mandant ;

— et qu’en statuant ainsi sans rechercher si la société Setrap avait, comme elle le prétendait, agi à titre gratuit et commis de bonne foi dans l’intérêt de M. F les actes que celui-ci lui imputait à faute, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Par déclaration du 4 mai 2012, la société Setrap a saisi la présente cour.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance rendue le 29 mai 2013 a clôturé la procédure.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

— le 7 mai 2013 pour la société Setrap,

— le 21 novembre 2012 pour M. J K F

qui peuvent se résumer comme suit.

La société Setrap demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer M. J K F irrecevable et mal fondé en ses demandes et l’en débouter et de condamner ce dernier à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros et la somme de 4 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

A titre subsidiaire, elle sollicite l’organisation d’une expertise judiciaire.

En substance, elle indique en page 14 de ses conclusions, que suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 20 décembre 2007, l’existence du mandat ne peut plus, à proprement parler, être remise en cause, même si la preuve n’est pas rapportée de ce qu’elle aurait accepté l’ensemble des termes du courrier du 15 mai 2000.

Elle expose qu’elle est néanmoins fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 1792 du code civil dans la mesure où elle a agi à titre gratuit et commis de bonne foi dans l’intérêt de l’intimé, les actes que celui-ci lui impute à faute.

Au soutien de la gratuité du mandat allégué elle relève qu’aucune rémunération n’a été prévue et que si le mandat est présumé onéreux lorsqu’il est conféré à un professionnel c’est à la condition que cette profession habituelle soit de s’occuper des affaires d’autrui, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisqu’elle exerce une activité de terrassement et de travaux publics.

Elle indique encore qu’aux termes du mandat, il était précisé qu’elle devait agir conjointement avec M. J K F pour rechercher une entreprise de sciage de bois ainsi qu’une entreprise pour l’achat des grumes, que ce dernier n’a pris aucune initiative en ce sens et qu’il n’a pas dressé inventaire ou un état descriptif du bois enlevé.

Elle fait valoir que si elle s’est fait dérober les grumes, elle en a obtenu la restitution de sorte que M. J K F ne peut se prévaloir d’une absence de diligence de la part de son mandataire étant observé qu’il ne rapporte pas la preuve que le lot de bois dont elle a offert restitution ne serait pas celui qu’il lui a confié.

Elle ajoute que dans l’hypothèse où une faute serait retenue à son encontre la responsabilité devrait être appréciée moins rigoureusement compte tenu du caractère gratuit du mandat, la cour devant, en conséquence, réduire le montant des dommages intérêts sollicités.

En toute hypothèse, elle soutient que le préjudice ne peut être réparé par référence au rapport de M. H A qui n’est pas contradictoire et qui ne peut dès lors constituer un élément de preuve fiable et objectif.

Elle fait observer que le bois n’est plus visible et que l’évaluation à laquelle il a procédé sur la base d’éléments qui étaient contestés par M. J K F lui-même est dépourvue de sérieux et empreinte de partialité.

Elle ajoute qu’une étude de M. E fondée sur l’analyse du bois lui-même, démontre que celui-ci était de qualité moyenne, voire médiocre et qu’il pouvait être évalué, s’il était frais, pour le bois de chauffage à 48 euros le m3 et de 35 à 95 euros le m3 pour le surplus.

Elle note que les demandes présentées sont donc fantaisistes étant ajouté qu’il convient de rappeler que M. J K F, sommé de reprendre possession de son bois dès janvier 2002, s’est toujours abstenu de le faire.

Relevant que l’intimé ne conteste plus que son bois se trouve bien à la scierie Rougier Luché, elle fait valoir qu’une expertise pourrait utilement être ordonnée.

M. J K F demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté l’existence d’un mandat et retenu l’existence de fautes contractuelles commises par la société Setrap engageant sa responsabilité contractuelle, et statuant à nouveau de condamner la société à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 143 520 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande initiale soit à compter du 9 décembre 2002, outre une indemnité de procédure de 10 000 euros.

Il rappelle que l’existence d’un mandat résulte de l’arrêt du 24 octobre 2006, passé en force de chose jugée sur ce point.

Il soutient que le litige ne porte plus que sur le point de savoir si ce mandat a été donné à titre gratuit ou onéreux.

Il fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que les mandats professionnels sont présumés donnés à titre onéreux, qu’il ressort des termes mêmes du mandat que la société Setrap a agi dans un but intéressé dès lors que la lettre du 15 mai 2000 prévoyait qu’elle serait rémunérée 'à des tarifs à convenir’ et qu’elle n’a accepté le mandat que dans le but de satisfaire son client, pour lequel elle réalisait des travaux et de continuer à travailler pour lui.

Il ajoute qu’il ressort des pièces produites par l’appelante elle-même qu’elle procède à des achats de bois sciés afin de les commercialiser auprès de différentes entreprises de maçonnerie, de sorte qu’elle était nécessairement intéressée par la vente des billes litigieuses, voire par un éventuel achat.

Il considère que la cour doit donc constater le caractère onéreux du contrat et rejeter la demande de la société Setrap tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article 1792 du code civil.

En toute hypothèse, il fait valoir que même si la cour retenait que le mandat avait été consenti à titre gratuit, cette qualification n’aurait aucune incidence sur le fait que la société Setrap reste tenue de l’indemniser de l’intégralité de son préjudice, les dispositions de l’article 1792 du code civil ne concernant que l’appréciation de la faute et non l’étendue de la réparation.

Il fait valoir que la responsabilité de la société Setrap est engagée en ce qu’elle a commis une faute en n’entreposant pas le bois dans des conditions de nature à préserver sa qualité en vue de la vente, en ayant entreposé le bois sur un terrain ne lui appartenant pas sans avoir obtenu l’autorisation du propriétaire du terrain et en ne veillant pas à ce que des dispositions soient prises pour s’assurer que les tiers détenteurs, lorsqu’ils ont été identifiés, stockaient le bois dans de bonnes conditions.

Il relève que la société Setrap ne peut s’exonérer de sa responsabilité en lui opposant le fait qu’il n’a pas pris possession du bois lorsqu’elle l’a sommé de le faire dès lors que le bois proposé à la restitution était en très mauvais état et qu’il n’est pas établi que ce bois correspondait bien aux grumes lui appartenant.

Il soutient que le bois enlevé par la société Setrap était de haute qualité et de grande valeur de sorte que son préjudice est considérable et établi par l’analyse réalisée par l’expert forestier, M. A qui fournit une estimation à hauteur de la somme de 143 520 euros, proche de celle que la société Setrap avait elle-même opposée à la société Rougier et à M. Y dans le litige les concernant.

Il note que le rapport de M. A, fondé sur des éléments objectifs, tels que des pièces produites par la société Setrap, a été débattu contradictoirement et qu’il a ainsi pu faire l’objet d’une analyse critique de la part de l’appelante.

Il fait ensuite observer que le rapport de M. E produit par la société Setrap ne reflète pas de manière objective la réalité du préjudice subi puisqu’il exclut les chênes américains, marronniers, frênes et peupliers et qu’il ne porte que sur 50 grumes de chênes de circonférence moyenne et non sur les 168 grumes identifiées dans l’inventaire joint au constat du 25 janvier 2002 et dont certaines avaient un cubage plus élevé.

Il note enfin que l’expertise sollicitée est sans intérêt dans la mesure où une large part du bois a disparu et que les grumes restantes ont pu se déprécier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- sur la recevabilité des demandes de M. J K F

La société Setrap conclut à l’irrecevabilité des demandes de M. J K F mais ne développe que des moyens qui tendent en réalité à voir juger qu’il est mal fondé en ses demandes.

Cette fin de non recevoir sera écartée.

2.- sur la responsabilité

Il est constant que la société Setrap, entreprise de terrassement et de travaux publics, avait pour client M. J K F pour le compte duquel elle réalisait des travaux dans sa propriété.

Le 15 mai 2000, M. J K F lui a adressé le courrier suivant, visant en objet ' L’herbaudière, Salles sur Mer et ainsi rédigé:

' Je vous confirme les termes de notre conversation téléphonique de ce jour.

A la suite de la tempête de fin décembre 1999, j’ai été obligé de faire abattre un grand nombre d’arbres situés sur ma propriété. D’après les bûcherons chargés de cette opération, environ 250 grumes de chêne et de frêne pour l’essentiel, sont à évacuer.

Je vous remercie de bien vouloir, en tant que mandataire, faire transporter et stocker les grumes, le temps que, conjointement nous trouvions une entreprise disposée d’une part à scier le bois d’oeuvre et à me le restituer, et d’autre part à acheter le reste des grumes, le tout à des tarifs à convenir.'

L’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

Il est constant que c’est suite au courrier du 15 mai 2000 que la société Setrap ne conteste pas avoir reçu, qu’elle a fait transporter et stocker les grumes appartenant à M. J K F.

L’existence d’un mandat, tel qu’il résulte des termes de ce courrier, n’est donc pas contestable, la société Setrap ne soutenant pas qu’elle en aurait, avant de procéder à l’enlèvement des grumes, amendé de quelque manière le contenu.

La présomption de responsabilité de l’article 1991 du code civil ne s’applique qu’en cas d’inexécution du mandat.

En l’espèce, la société Setrap a fait procéder à l’enlèvement et au stockage du bois.

Sa responsabilité ne peut donc être rechercher, pour faute prouvée que sur le fondement de l’article 1992 du même code aux termes duquel 'le mandataire répond non seulement du dol, mais des fautes qu’il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.'

En l’espèce les parties s’opposent en premier lieu sur le point de savoir si le mandat litigieux était salarié ou gratuit.

En application de l’article 1986 le mandat est gratuit s’il n’y a convention contraire.

La lettre du 15 mai 2000 ne porte aucune mention expresse relative à une rémunération de la société Setrap.

L’expression 'Le tout à des tarifs à convenir', se rattache en effet à l’évidence aux opérations de transport et stockage de grumes, de sciage des bois d’oeuvre et de vente des autres grumes et elle ne manifeste en aucune manière que M. J K F entendait rémunérer la société Setrap pour le service qu’il lui demandait.

Le fait qu’il était prévu que l’entreprise chargée de scier le bois d’oeuvre serait choisie conjointement par le mandant et le mandataire ne permet pas d’établir qu’une rémunération était, à l’évidence prévue en faveur de l’appelante.

Il existe certes une présomption de mandat salarié lorsque celui ci est confié à un mandataire dans le cadre de sa profession habituelle.

Cependant, contrairement à ce que soutient l’intimé il ne ressort d’aucune de pièces produites aux débats (dont il ne dit d’ailleurs pas quelles elles seraient) que la société SETRAP faisait profession habituelle de vente de bois ou d’intermédiaire dans ce type d’opération lorsqu’en 2000, il lui a confié le bois litigieux, les pièces produites paraissant faire état, par interprétation, d’une telle activité portant sur des opérations intervenues en 2006.

L’exercice d’une telle activité en 2000 n’est pas plus établi par les attestations produites desquelles il résulte que la société Setrap utilisait ordinairement la parcelle sur laquelle elle avait stocké le bois, pour entreposer des remblais ou du matériel de chantier.

Une seule des attestations, celle de M. B fait référence à des dépôts de bois mais il précise que le dépôt de billes de grumes s’est fait 'depuis la tempête’ de sorte que le bois évoqué peut être celui de M. F et qu’en tout cas l’imprécision de l’attestation, ne permet pas de retenir que la société Setrap entreposerait du bois à titre habituel au point qu’il puisse être considéré qu’elle en faisait profession.

Si le gérant d’une SCI Château de Buzay a confirmé le 10 août 2006, au gérant de la société Setrap avoir vendu du bois aux établissements Guignard, il ne ressort nullement de cette attestation, faute de plus amples précisions, que cette vente aurait été réalisée par l’entremise de la société Setrap.

Le seul fait que cette dernière, comme le fait valoir l’intimé, ait pu accepter le mandat litigieux pour fidéliser son client ne permet pas, en soi, de considérer que le mandat doit être réputé salarié au motif qu’il présentait de l’intérêt pour elle.

Enfin, il n’est pas soutenu que le stockage du bois aurait été rendu nécessaire pour permettre la réalisation par la société Setrap des travaux qui lui avaient été confiés dans la propriété de l’appelant et que ce serait, dans le cadre même de la réalisation de ces travaux que le mandat lui aurait été concédé.

Dans ces conditions, M. J K F est mal fondé à se prévaloir de la présomption qu’il invoque et il doit être retenu que le mandat consenti à la société Setrap avait un caractère gratuit.

La société Setrap est donc fondée à se prévaloir des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1992 du code civil en considération duquel, le juge doit apprécier la responsabilité du mandataire à titre gratuit de manière moins rigoureuse qu’en cas de mandat salarié, au regard de l’importance du manquement, de la bonne foi du mandataire et des circonstances de faits, au vu desquelles il peut alors exonérer en tout ou partie le mandataire.

A l’égard de son mandant, la société Setrap devait stocker le bois dans des conditions garantissant qu’elle serait en mesure de le lui représenter pour qu’il puisse, le moment venu, le mettre à disposition de l’entreprise chargée de scier et transformer les grumes.

En entreposant le bois sur un terrain ne lui appartenant pas et sur lequel elle ne justifie pas qu’elle avait avoir obtenu de la part du propriétaire un titre lui donnant droit d’occupation ou qu’elle avait été expressément autorisée par le propriétaire pour entreposer le bois litigieux, la société Setrap s’est dépossédée dans des conditions qui ne garantissaient pas le maintien du bois à la disposition de son mandat.

Ayant ainsi rendu possible l’enlèvement et la vente du bois litigieux par le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle l’avait entreposé, elle a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité à l’égard de M. J K F.

Elle ne peut s’en exonérer en faisant valoir qu’il aurait appartenu à M. J K F de faire inventorier le bois avant le stockage.

Outre que ce dernier n’en avait nulle obligation, l’absence d’inventaire est sans lien avec le préjudice allégué.

La société Setrap peut néanmoins, à juste titre au regard des dispositions de l’article 1992 du code civil, arguer de sa bonne foi dans la mesure où :

— il n’est pas contesté, et cela résulte des attestations qu’elle produit, qu’elle déposait de longue date du matériel de chantier sur la parcelle litigieuse sans que le propriétaire ait manifesté la moindre opposition

— contre toute attente, ce dernier a immédiatement après leur stockage fait enlever les grumes pour les vendre.

Il reste que cela ne saurait l’exonérer de toute responsabilité à l’égard de son mandat.

Compte tenu de ces éléments il convient d’exonérer partiellement, à hauteur de 20 % de sa responsabilité, même si elle a fait diligence pour retrouver le bois litigieux, ce qui était la moindre de choses.

3.- sur le préjudice

Le 14 janvier 2002, la société Setrap a fait délivrer à M. J K F une sommation dans les termes suivants : "la société requérante vient de récupérer suite à un accord transactionnel le lot de bois litigieux. En conséquence, il vous est fait sommation d’avoir à venir prendre possession immédiatement de l’intégralité de votre bois détourné, à savoir :

— grumes chêne : 169,155 m³

— chêne américain : 4,470 m³

— frêne : 2,304 m³

— marronnier : 12,925 m³

— peuplier : 7,804 m³

qui se trouve détenu par la SARL ROUGIER (…)".

Dès le 25 janvier 2012, l’intimé a fait établir un constat d’huissier en sa présence et celle de la société Setrap pour décrire la consistance du lot de bois objet de la sommation du 14 janvier 2002, à laquelle il n’a pas déféré.

Il est annexé au procès-verbal une liste des grumes concernées, détaillée par essence, ainsi que par numéro, longueur, circonférence et cubage de chaque grume, cette liste ayant été établie par l’entreprise Rougier à laquelle les grumes avaient été revendues par M. Y.

Lors de l’établissement du procès verbal, ni la société Setrap ni le représentant de M. J K F, M. D, n’ont émis la moindre réserve sur le fait que bois inventorié par l’huissier de justice correspondait bien au bois confié pour stockage à la société Setrap, étant observé que les cubages par essence, figurant sur la liste annexée au procès verbal correspondent très exactement à ceux visés dans la sommation du 14 janvier 2002.

C’est donc par référence à ces cubages par essence que doit être apprécié le préjudice de M. J K F.

Aux termes du procès verbal de constat du 25 janvier 2002, Maître X, huissier de justice a constaté que:

— l’ensemble du bois était entreposé pèle-mêle à même le sol, sol constitué uniquement de terre actuellement très humide et boueuse,

— ces bois étaient constitués de chêne, de chêne américain, de marronnier, de frêne et d’un peuplier,

— les grumes de marronnier étaient en très mauvais état, couvertes et fortement attaquées par des champignons,

— la quasi-totalité des grumes de chêne étaient éclatées dans leur masse,

— un nombre important d’entre elles étaient percées de trous de vers.

— M. D (représentant J-K F et M. Z (bûcheron) lui avaient exposé que la perte serait importante notamment en raison des mauvaises conditions de stockage prolongées.

Dans ces conditions compte tenu de l’état de dégradation du bois qui lui était représenté, M. J K F était fondé à ne pas souhaiter en reprendre possession et la société Setrap ne peut utilement soutenir que l’intimé aurait été à l’origine de son propre dommage ou à tout le moins qu’il y aurait largement contribué en refusant de prendre possession du bois entreposé dans l’entreprise Rougier lorsqu’elle lui en fait sommation.

La société Setrap met en avant une consultation qui a été réalisée le 9 septembre 2009 par M. E, agréé par le tribunal de commerce en qualité de mesureur en bois, force est de constater que ce dernier n’a examiné qu’une faible partie du bois (50 billes dont 43 billes de bois d’oeuvre ) et que son estimation, au mieux de 95 euros le m³, ne porte que sur des essences destinées à la réalisation de traverses ou de charpente, catégories de moindre valeur.

Cette consultation qui ne porte donc pas sur l’ensemble du lot de bois ne peut utilement servir de référence à une estimation du préjudice.

L’intimé se prévaut d’une étude de M. A qui a pu être contradictoirement débattue, étant observé qu’il a définitivement été jugé, par suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2012, que cette pièce était valablement produite aux débats.

Cette étude comporte un examen précis de la valeur vénale du bois en prenant en considération la consistance l’ensemble du lot enlevé, en quantité et en essence, telle que décrite dans la sommation et l’annexe du procès verbal d’huissier du 25 janvier 2002.

Si M. A n’a pu examiner le bois litigieux, il a néanmoins ainsi pu travailler sur une description parfaitement détaillée des grumes litigieuses en considération, pour chacune d’elles, de leurs essence, longueur, circonférence et cubage.

Ce dernier, après une étude minutieuse parvient à une valeur vénale du lot de 63 434,04 euros au regard des prix connus en 2000 2001 ainsi détaillée:

— bois de menuiserie: 50 079 euros sur la base de 686,02 euros au m³

— bois de charpente: 10 427,51 euros sur la base de 274,41 euros au m³

— chêne d’Amérique : 2 012, 32 euros soit 609,80 euros au m³

— bois de palettes: 914,69 euros soit 76,22 euros au m³

M. A relève que le bois d’oeuvre (bois de menuiserie et bois de charpente) est susceptible d’une plus value pour stockage et séchage ce qui aurait permis à M. J K F de vendre les bois litigieux, après séchage, pour une somme de l’ordre de 91 850 euros, ce qui ajouté au chêne d’Amérique et bois de palette représente une valeur de 94 777,01 euros.

Si M. A indique que son évaluation pourrait encore être majorée de 25 % si l’intimé avait stocké et laisser sécher le bois jusqu’en 2006, il ne ressort d’aucune pièce que tel aurait bien été le projet de M. J K F.

M. X, gérant de scierie, qui connaissait le bois enlevé puisqu’il l’avait marqué avant que M. Y ne se le soit approprié, évoque pour sa part une valeur de l’ordre de 5.500 F. / m³, soit 838 € / m³.

L’intimé justifie, par la production de trois factures distinctes, qu’il a acquis du bois de chêne en 1997 et 1999 aux prix s’échelonnant de 802 à 963 € HT / m³.

Il a également produit un devis datant de juin 2001, chiffrant la valeur de la grume de chêne pour charpente à la somme de 637 € HT / m³.

Ces éléments viennent utilement compléter, l’étude réalisée par M. A et la cour trouve, dans cette étude et les factures et devis susvisés, sans qu’une expertise ne s’impose, les éléments d’appréciation pour fixer la valeur vénale du bois à la somme de 114 000 euros TTC, la société Setrap ne formulant aucune observation sur l’assujettissement à la TVA.

Par application de la dérogation prévue par l’article 1153-1 alinéa 2 du code civil, l’intimé ayant été privé pendant plus de 10 ans du bois dont il espérait tirer profit, les intérêts courront sur cette somme à compter du jugement entrepris.

Compte tenu de l’exonération partielle de responsabilité plus haut retenue, la société Setrap sera donc condamnée au paiement de la somme de 91 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2004.

4. Sur la demande indemnitaire présentée par la société Setrap

M. J K F ayant prospéré en la plus large partie de ses demandes, il ne peut être utilement soutenu que l’action qu’il a introduite aurait un caractère abusif.

La demande indemnitaire formée de ce chef par la société Setrap doit être rejetée par confirmation du jugement entrepris.

5. Sur les dépens et les frais non répétibles

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et frais non répétibles de première instance seront confirmées.

Il sera alloué à l’intimé une indemnité de procédure de 5 000 euros, l’appelante étant déboutée de sa demande de ce chef.

La société Setrap sera condamnée au paiement des dépens de la présente instance et de ceux des deux arrêts cassés

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et frais non répétibles de première instance et en ce qu’il a déclaré M. J K F recevable en son action et débouté la société Setrap en sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

L’infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Déclare M. J K F recevable en ses demandes,

Dit que M. J K F a donné mandat à la société Setrap à titre gratuit,

Vu l’article 1992 du code civil,

Déclare la société Setrap partiellement responsable, à hauteur de 80 %, du préjudice subi par M. J K F

Fixe le préjudice subi par M. J K F à la somme de 114 000 euros,

Condamne la société Setrap à payer à M. J K F la somme de 91 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2004 et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Setrap aux dépens d’appel incluant les dépens des arrêts cassés et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT empêché

D. C V. VAN GAMPELAERE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Angers, n° 12/00963