Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 29 décembre 2023, n° 20/01814

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 29 déc. 2023, n° 20/01814
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 20/01814
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, 15 novembre 2020
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 26 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 23/

CE/XD

COUR D’APPEL DE BESANCON

ARRET DU 29 DECEMBRE 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 16 Juin 2023

N° de rôle : N° RG 20/01814 – N° Portalis DBVG-V-B7E-EKHA

S/appel d’une décision

du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LONS-LE-SAUNIER

en date du 16 novembre 2020

code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [B] [Z] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-charles MEUNIER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMES

S.C.P. BTSG en la personne de Maître [G] [F] dont le siège est situé, demeurant [Adresse 2], en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [T] [U]

N’ayant pas constitué avocat

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4], sise [Adresse 3]

représentée par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 16 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur ESTEVE Christophe, président de chambre, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Mme Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 20 octobre 2023 par mise à disposition au greffe. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises jusqu’au 29 décembre 2023.

**************

Statuant sur l’appel interjeté le 17 décembre 2020 par M. [B] [C] d’un jugement rendu le 16 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier, qui dans le cadre du litige l’opposant à M. [T] [U], la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [F] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [U] et l’association Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 4] (l’AGS) a :

— dit que la rupture du contrat de travail de M. [C] était bien une démission,

— débouté M. [C] de l’intégralité de ses demandes concernant la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture,

— constaté que le CGEA s’en rapporte sur la demande de fixation des créances salariales valant pour novembre et décembre 2019,

— fixé la créance salariale due à M. [C] pour la somme de 3 467,47 euros (salaires de novembre et décembre 2019) par le CGEA,;

— constaté que le CGEA n’a pas compétence pour la remise des documents de rupture,

— dit que le CGEA de [Localité 4] en sa qualité de gestionnaire de l’AGS ne pourra être amené à garantir que le montant des sommes allouées par le conseil de prud’hommes au demandeur dans la limite des dispositions légales prévues par les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail et que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail,

— débouté M. [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. [C] aux entiers dépens,

Vu l’ordonnance rendue le 20 décembre 2022 par le magistrat en charge de la mise en état, qui a :

— dit n’y avoir lieu à caducité sur le fondement de l’article 902 du code de procédure civile,

— déclaré caduque à l’égard de M. [T] [U] la déclaration d’appel adressée le 17 décembre 2020 par M. [B] [C] à l’encontre d’un jugement rendu le 16 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier dans le cadre du litige l’opposant à M. [T] [U], à la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [F] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] et à l’Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 4], en application de l’article 911 du code de procédure civile,

— dit que l’instance se poursuit entre d’une part M. [B] [C] et d’autre part la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [F] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] et l’Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 4],

— laissé les dépens de l’incident à la charge de M. [B] [C],

Vu les dernières conclusions transmises le 21 octobre 2021 par M. [B] [C], appelant, qui demande à la cour de :

— infirmer le jugement dont appel,

— dire que M. [T] [U] a gravement manqué à ses obligations ce qui a rendu impossible la poursuite de la relation de travail,

en conséquence,

— requalifier la démission contrainte de M. [B] [C] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner M. [T] [U] (et à tout le moins fixer au passif de la procédure collective) à payer à M. [C] les sommes suivantes :

—  12.288,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.584,17 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  3.567,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  356,72 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

—  3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

—  312,80 euros au titre des indemnités de repas,

—  2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le liquidateur à la remise des documents légaux de fin de contrat conformes au « jugement » à intervenir,

— dire le « jugement » à intervenir opposable à l’AGS,

— condamner la SCP BTSG à payer à M. [C] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCP BTSG en tous les dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 4 mai 2021 par l’AGS, intimée, qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu le 16 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier en toutes ses dispositions,

— dire que le CGEA n’a pas à garantir les sommes allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

— réduire le montant des dommages-intérêts alloués à M. [C],

— dire que le CGEA de [Localité 4] en sa qualité de gestionnaire de l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

— dire que le CGEA ne devra s’exécuter, toutes créances effectuées pour le compte du salarié confondues, qu’à titre subsidiaire en l’absence de fonds disponibles et sur présentation d’un relevé présenté par le mandataire judiciaire,

— dire que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes sommes et créances avancées pour le compte du salarie confondues, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail,

— statuer ce que de droit sur les dépens qui, en toute hypothèse, ne pourront être mis à la charge du CGEA de [Localité 4],

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de ces parties,

Vu l’absence de constitution d’avocat par la société BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [U], étant précisé que la déclaration d’appel lui ayant été signifiée le 8 mars 2021 à personne morale, le présent arrêt sera réputé contradictoire en application de l’article 474 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture du 4 mai 2023,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [C] a été employé par M. [T] [U] en qualité d’apprenti du 24 août 2009 au 23 août 2012 pour préparer un CAP de maçon et de carreleur mosaïste.

Puis M. [B] [C] a été embauché par M. [T] [U] sous contrat à durée déterminée du 8 octobre 2012 au 21 décembre 2012 en qualité de maçon/carreleur, niveau I, position 1, coefficient 150.

La relation de travail, qui est régie par la convention collective nationale des ouvriers des entreprises du bâtiment de moins de 10 salariés, s’est poursuivie après le terme sous la forme d’un contrat à durée indéterminée.

Par courrier du 10 décembre 2019, M. [B] [C] a présenté à son employeur sa démission, en indiquant qu’il effectuerait son préavis de quinze jours.

Par courrier du 6 janvier 2020 qui n’a pas été suivi d’effets, M. [B] [C] a sollicité auprès de son ancien employeur le paiement de ses salaires de novembre 2019 et décembre 2019, ainsi que la délivrance de ses documents de fin de contrat, précisant qu’à défaut il saisira le conseil de prud’hommes.

Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [T] [U].

C’est dans ces conditions que le 16 juin 2020 M. [B] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS

1- Sur la démission :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient dans ce cas au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur et ceux-ci doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Au cas présent, la lettre de démission en date du 10 décembre 2019 est rédigée en ces termes :

« J’ai l’honneur de vous informer de ma décision de démissionner de mes fonctions (Ouvrier Maçon) exercées depuis septembre 2009 au sein de l’entreprise.

J’ai bien noté que les termes de la convention collective prévoient un préavis de 15 jours.

Lors de mon dernier jour de travail dans l’entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi.

Je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations distinguées. »

Le salarié a ainsi manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail, sans faire la moindre réserve ni allusion à un quelconque désaccord, tout en indiquant qu’il respecterait son préavis de 15 jours.

Si par courrier du 6 janvier 2020 il a sollicité auprès de son ancien employeur le paiement de ses salaires de novembre 2019 et décembre 2019 ainsi que la délivrance de ses documents de fin de contrat, faute de quoi il saisirait le conseil de prud’hommes, M. [C] n’a pas pour autant remis en cause sa démission, étant précisé qu’il a retrouvé un emploi dès le 26 décembre 2019.

Ce n’est que six mois plus tard, en saisissant la juridiction prud’homale, qu’il a sollicité la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l’appui de ses demandes, il reproche à son ex-employeur le retard de paiement de ses salaires d’août, septembre et octobre 2019, l’absence de paiement de ses salaires de novembre et décembre 2019 et l’absence de paiement des cotisations auprès de la caisse des congés payés du BTP, celle-ci ayant eu pour conséquence, ainsi qu’il ressort des relevés produits, que sur 60 jours de congés ouverts pour les années 2018 et 2019, seuls 20 jours ont été payés par la caisse dont 0 jour en 2019.

Mais le salaire d’août 2019 a en définitive été réglé le 18 septembre 2019, celui de septembre 2019 le 14 octobre 2019 et celui d’octobre 2019 le 25 novembre 2019.

S’agissant des salaires impayés, seul celui de novembre 2019 était dû à la date de la démission, le 10 décembre 2019.

Quant aux cotisations dues par l’employeur à la caisse des congés payés du bâtiment, le salarié n’en avait jamais fait état, et spécialement pas dans son courrier de doléances du 6 janvier 2020. Il ne justifie pas avoir diligenté une procédure de référé à ce titre.

Considérant ces circonstances, les seuls faits reprochés désormais à l’employeur sont insuffisants à justifier de l’existence d’un différend antérieur ou contemporain de la démission.

Considérant en outre le caractère tardif de la contestation par le salarié de sa démission, la cour retient, à l’instar des premiers juges, que rien ne permet de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et non équivoque de démissionner.

Par ces motifs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu que la démission du salarié était claire et non équivoque et rejeté l’intégralité des demandes de M. [C] tendant à la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l’octroi des indemnités en résultant.

2- Sur la demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat :

Compte tenu des développements qui précèdent et des difficultés financières de l’entreprise ayant conduit à sa liquidation judiciaire, la déloyauté de l’employeur n’est pas caractérisée, de sorte que la décision attaquée sera également confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en dommages-intérêts présentée par M. [C].

3- Sur la demande en paiement au titre des indemnités de repas :

Cette demande n’est pas documentée et M. [C] n’y fait pas même allusion dans le corps de ses conclusions, de sorte qu’elle n’est pas fondée, le jugement étant aussi confirmé en ce qu’il l’a rejetée, expressément dans ses motifs et implicitement dans son dispositif.

4- Sur la remise des documents de fin de contrat :

Le jugement déféré ne peut en revanche qu’être infirmé en ce qu’il a constaté que le CGEA n’avait pas compétence pour la remise des documents de rupture, alors pourtant que le liquidateur judiciaire était partie en première instance.

Statuant à nouveau, il sera enjoint à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] de remettre à M. [B] [C] les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi), qui tiennent compte de la créance salariale fixée au passif de la liquidation judiciaire par la juridiction de première instance.

5- Sur la demande tendant à l’opposabilité de l’arrêt à intervenir à l’AGS :

L’AGS étant partie à l’instance d’appel et en tout état de cause les décisions de justice lui étant de plein droit opposables en application de l’article L. 3253-15 du code du travail, la demande de M. [C] tendant à voir juger le présent arrêt opposable à l’AGS est sans objet.

6- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision attaquée sera infirmée en ce qu’elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable d’allouer à M. [C] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager depuis l’introduction de la procédure prud’homale.

La liquidation judiciaire restant débitrice du salarié au terme de la procédure prud’homale, la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], es qualités sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a constaté que le CGEA n’avait pas compétence pour la remise des documents de rupture et statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Enjoint à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] de remettre à M. [B] [C] les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi), qui tiennent compte de la créance salariale fixée au passif de la liquidation judiciaire par la juridiction de première instance ;

Condamne la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] à payer à M. [B] [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt-neuf décembre deux mille vingt-trois et signé par M. Christophe ESTEVE, président de chambre, et M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

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