Cour d'appel de Bordeaux, 29 mai 2013, n° 11/01195

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 29 mai 2013, n° 11/01195
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 11/01195
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 3 février 2011

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 29 MAI 2013

(Rédacteur : Madame Christine Rouger, Conseiller,)

N° de rôle : 11/01195

Société INEO

c/

SARL B

XXX

SAS LESCAUT

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2010 (R.G. 2010F00052) rectifié le 4 février 2011 par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclarations d’appel du 24 février 2011et 14 mars 2011

APPELANTE :

Société INEO venant aux droits de la SAS S.C.L.E, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

XXX – XXX

représentée par Maître Jacques VINCENS de la SELARL MILLESIME AVOCATS, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMEE ET APPELANTE suivant déclaration d’appel du 14 mars 2011

SARL B, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX – XXX

représentée par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jacques CHAMBAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

XXX , assureur de la société C prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX – XXX

représentée par la SCP LE BARAZER ET d’AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Odile EYQUEM-BARRIERE de la SCP ODILE EYQUEM-BARRIERE – EVE DONITIAN, avocat au barreau de BORDEAUX,

SAS LESCAUT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Boulevard Charles Garraud – 24100 BERGERAC

XXX, assureur de la SAS LESCAUT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 313 terrasse de l’arche – XXX

représentées par la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître DELAVOYE de la SCP DELAVALLADE – GELIBERT – DELAVOYE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 février 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Edith O’YL, Président,

Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller,

Madame Christine ROUGER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

La SARL B est une entreprise spécialisée dans la fabrication de résines synthétiques.

Le 23 novembre 2000 elle a passé commande d’un réacteur à induction REACTELEC à la SAS S.C.L.E, société d’électricité industrielle, pour un prix de 453.493,60 € HT, commande modifiée par avenant du 21 mai 2001 portant le prix total à 468.357,38 € HT.

Le matériel a été livré à l’usine B, mis en place, et a fait l’objet d’essais au cours desquels des modifications ont été réalisées. La mise en service effective est intervenue le 16 avril 2003.

Par LRAR du 6 septembre 2004 la SARL B informait la SAS SCLE de désordres survenus sur l’appareil, entraînant un arrêt de l’unité de production.

Le 8 septembre 2004 le bureau VERITAS procédait à des essais hydrauliques non satisfaisants, la pression ne pouvant être maintenue dans l’enceinte testée.

Un constat d’huissier était réalisé le 14 septembre 2004 à la requête de la SARL B, constatant l’impossibilité d’utiliser l’appareil faute pour la pression de se maintenir.

Sur assignation de la SARL B, par ordonnance du 2 décembre 2004, une expertise judiciaire était ordonnée en référé par le président du tribunal de commerce de Bordeaux, confiée à M. Z.

Cette expertise a été étendue à la société LESCAUT, société de chaudronnerie, à la société C, bureau d’études, à la compagnie AXA FRANCE IARD et à la société EDF.

L’expert a déposé son rapport le 23 octobre 2009.

Par acte du 8 janvier 2010 la société B a assigné la SAS SCLE devant le tribunal de commerce de Bordeaux en résolution de la vente pour vices cachés et, subsidiairement, en réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

La SAS SCLE a quant à elle assigné AXA FRANCE IARD, assureur de la SAS LESCAUT et de la société C et la SAS LESCAUT notamment aux fins de se voir relever et garantir de toute condamnation par la société LESCAUT et son assureur AXA et subsidiairement, in solidum par la société LESCAUT et son assureur et par la compagnie AXA en sa qualité d’assureur de la société C.

Par jugement du 7 janvier 2011, selon jugement rectificatif du 4 février 2011, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— joints les instances n°s 2010 F 0052 et 2010 F 00333

— dit que le contrat liant la SCLE et la SARL B est soumis aux dispositions de l’article 1779 et suivants du code civil

— rejeté la demande formée par la SARL B sur le fondement des vices cachés

— dit que la SAS SCLE est responsable du dommage vis à vis de la société B

— condamné la SAS SCLE à payer à la SARL B à titre de dommages et intérêts la somme de 1.385.071,12 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation de ceux-ci

— dit que la SAS LESCAUT est responsable du dommage dans sa sphère de compétence vis à vis de la SCLE

— dit que la compagnie AXA FRANCE lui doit sa garantie

— condamné la SAS LESCAUT et la SAS AXA FRANCE in solidum à relever et garantir indemne la SAS SCLE à hauteur de 294.327,61 € , la compagnie AXA FRANCE y étant tenue dans la limite de 290.363 €

— condamné la SAS AXA FRANCE assureur de la société C à relever et garantir indemne la SAS SCLE à hauteur de la somme de 51.940,17 €

— condamné la SAS SCLE à payer une indemnité de 5.000 € à la SARL B au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la SAS LESCAUT et la compagnie AXA FRANCE à payer chacune à la SAS SCLE une indemnité de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— ordonné l’exécution provisoire à charge pour la SARL B de fournir garantie à hauteur de 800.000 € et pour la SAS SCLE de fournir garantie à hauteur de 200.000€

— condamné les sociétés SCLE, SAS LESCAUT et AXA FRANCE aux dépens, y compris les frais d’expertise, la première à hauteur de 50 %, les deuxième et troisième pour le solde par moitié pour chacune d’elles

La SAS S.C.L.E (société de construction de lignes électriques) a interjeté appel de cette décision le 24 février 2011, intimant notamment la société AXA ENTREPRISES IARD direction construction IDF, assureur de la société C et la SAS COMPAGNIE AXA FRANCE ASSURANCES, assureur de la SAS LESCAUT.

Le 14 mars 2011 la société INEO, venant aux droits de la société SCLE par transmission universelle du patrimoine, à elle aussi interjeté appel, de même que la SARL B.

Les différents appels enregistrés ont fait l’objet d’une jonction.

Dans ses dernières écritures signifiées le 5 février 2013 la société INEO, venant aux droits de la SAS SCLE, appelante, sollicite :

Avant-dire droit, la prononcé de la nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. Z et que la cour ordonne une contre expertise

A défaut,

— que la cour confirme la décision entreprise:

°en ce qu’elle a retenu l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage entre la société SCLE et la société B,

°en ce qu’elle a confirmé que la société B ne peut rechercher la société SCLE que sur le fondement de l’article 1147 du code civil

°dit que la société B ne peut obtenir indemnisation du préjudice immatériel au delà du 27 juin 2007

°retenu les défaillances contractuelles de la société LESCAUT et de la société C

— que la cour infirme la décision entreprise en ce qu’elle a refusé de constater que la société C est intervenue à la demande de la société B en qualité d’ingénieur et de concepteur du réacteur à induction et en ce qu’elle a retenu l’indemnisation de la remise en place du réacteur à induction défaillant et son remboursement et, statuant à nouveau, que la cour:

— constate que la société C est la seule conceptrice du réacteur à induction défaillant

— constate que la société LESCAUT a violé son obligation de résultat quant à la réalisation de soudure conforme aux règles de l’art

— déboute en conséquence la société B de toutes ses demandes liées aux vices de conception relevés par l’expert judiciaire à l’encontre de la société SCLE

— juge que la société B devra exercer son recours contre son cocontractant, la société C et son assureur la société AXA

— condamne la société LESCAUT et son assureur AXA à relever et garantir indemne la société SCLE de toutes condamnations

— juge que le préjudice immatériel doit être limité à la somme de 7.212,82 € relative aux achats de résine et 3.660,25 € concernant les pertes sur transports et livraisons partielles suite aux retards de livraison

— déboute la société B de l’ensemble de ses réclamations formées au titre du préjudice immatériel en ce qu’il est hypothétique et non prévisible

A titre subsidiaire,

— que la cour condamne in solidum la société LESCAUT et son assureur la compagnie AXA en sa qualité d’assureur de la société C à relever et garantir indemne la société SCLE de toute condamnation

— les condamne in solidum au paiement d’une indemnité de 40.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ceux compris ceux du référé et d’expertise judiciaire,

Dans ses dernières écritures signifiées le 30 janvier 2013 la SARL B, intimée et appelante, demande à la cour de:

— la déclarer recevable et bien fondée en son appel

— déclarer la société INEO irrecevable et mal fondée en son appel

— déclarer les sociétés AXA FRANCE IARD, AXA FRANCE IARD PESSAC et SAS LESCAUT irrecevables et mal fondées en leur appel incident

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la SA INEO, venant aux droits de la SAS SCLE est responsable du dommage à son égard et l’a condamnée à réparer son entier préjudice

— réformer et infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

°juge que le contrat conclu entre elle et la société SCLE est un contrat de vente

°dise que le réacteur était entaché d’un vice caché au moment de la vente

°juge que la société INEO, venant aux droits de la société SCLE doit réparer intégralement son préjudice

°ordonne la résolution de la vente du réacteur

°condamne la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, à lui restituer le prix de vente soit la somme de 453.282,69 € HT

°condamne la société INEO venant aux droits de la société SCLE à lui payer, à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes:

—  431.462,72 € HT au titre des frais d’acquisition, installation et mise en place de l’unité de production

—  62.580 € HT au titre des frais liés aux opérations d’expertise (démontage du réacteur et autres frais)

—  7.912,82 € HT au titre de la perte liée à l’approvisionnement de produits extérieurs, achat externe de résine

—  3.660,24 € HT au titre de la perte sur transport livraison partielle suite à retard de livraison

—  1.974.797 € au titre des pertes d’exploitation provisoirement arrêtées au 1er février 2013, puis 20.108€ par mois du 1er mars 2013 jusqu’à totale indemnisation

—  47.985,13 € HT au titre de frais de location de conteneur actualisés au mois de février 2013 puis 527 € par mois du 1er mars 2013 jusqu’à totale indemnisation

—  13.190,46 € HT au titre des frais générés par l’assistance technique à expertise, frais d’huissier, frais du Bureau VERITAS

°condamne la SA INEO, venant aux droits de la société SCLE à lui rembourser les frais d’expertise qu’elle a exposés, frais du sapiteur compris, soit la somme de 11.074,40 €HT

°juge que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement 7 janvier 2011

°ordonne la capitalisation des intérêts

°condamne la SA INEO, venant aux droits de la société SCLE à lui payer une somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

°déboute la SA INEO, la compagnie AXA FRANCE IARD et la société LESCAUT et sa compagnie d’assurance de toutes leurs demandes

A titre subsidiaire, si la cour estimait que le contrat la liant à la SCLE n’est pas un contrat de vente:

— juge qu’il s’agit d’un contrat de louage d’ouvrage

— constate que la société SCLE est responsable de son préjudice sur le fondement de l’article 1792 du code civil et, subsidiairement, sur le fondement de l’article 1147 du code civil , en conséquence, condamne la société INEO, venant aux droits de la SCLE à lui payer à titre de dommages et intérêts :

— la somme de 453.282,69 € HT au titre du prix payé pour une installation inutilisable

—  431.462,72 € HT au titre des frais d’acquisition, installation et mise en place de l’unité de production

—  62.580 € HT au titre des frais liés aux opérations d’expertise (démontage du réacteur et autres frais)

—  7.912,82 € HT au titre de la perte liée à l’approvisionnement de produits extérieurs, achat externe de résine

—  3.660,24 € HT au titre de la perte sur transport livraison partielle suite à retard de livraison

—  1.974.797 € au titre des pertes d’exploitation provisoirement arrêtées au 1er février 2013, puis 20.108€ par mois du 1er mars 2013 jusqu’à totale indemnisation

—  47.985,13 € HT au titre de frais de location de conteneur actualisés au mois de février 2013 puis 527 € par mois du 1er mars 2013 jusqu’à totale indemnisation

—  13.190,46 € HT au titre des frais générés par l’assistance technique à expertise, frais d’huissier, frais du Bureau VERITAS

— juge que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 7 janvier 2011

— ordonne la capitalisation des intérêts

— condamne la SA INEO, venant aux droits de la société SCLE à lui payer une somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise

— déboute la SA INEO de toutes ses demandes

A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, n’est pas seule responsable vis à vis d’elle, constate:

— que tant les sociétés LESCAUT, INEO et C engagent leur responsabilité sur le fondement de l’article 1147 et 1382 du code civil

— les condamne à lui payer à titre de dommages et intérêts les mêmes sommes que ci-dessus avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 7 janvier 2011 et capitalisation des intérêts

— condamne la société INEO, venant aux droits de la société SCLE à lui payer une somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— les condamne aux dépens en ce compris les frais d’expertise

— déboute la SA INEO, la compagnie AXA FRANCE IARD et la société LESCAUT et sa compagnie d’assurance de toutes leurs demandes

En tout état de cause, condamne la société INEO, venant aux droits de la société SCLE en tous dépens avec distraction au profit de son avocat constitué,

Dans ses dernières écritures signifiées le 31 mai 2012 la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de la société C, intimée, appelante incidente, demande à la cour, infirmant le jugement entrepris, de :

— juger que la responsabilité de la société C n’est nullement établie dans les désordres observés aux termes du rapport d’expertise judiciaire

— débouter les société INEO venant aux droits de la société SCLE et B de leurs demandes dirigées contre AXA FRANCE assureur de la société C

— juge que la responsabilité de la société C n’est pas recherchée sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil et en conséquence, juge qu’elle ne peut être amenée à intervenir en garantie au titre du contrat responsabilité décennale souscrit auprès d’elle par la société C

— juge qu’elle ne peut davantage intervenir au titre du contrat responsabilité civile professionnelle

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait confirmer la décision déférée en ce qu’elle a retenu même partiellement la responsabilité de la société C, qu’elle juge que cette dernière serait garantie et relevée indemne intégralement par les sociétés INEO et LESCAUT sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, leurs fautes respectives étant directement à l’origine des dommages allégués par la société B

En toute hypothèse,

— de condamner la société INEO venant aux droits de la société SCLE à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de son avocat constitué,

Dans leurs dernières écritures signifiées le 6 février 2013, la compagnie AXA FRANCE IARD PESSAC et la SAS LESCAUT , intimées, appelantes incidentes, sollicitent la réformation du jugement entrepris et que la cour, statuant à nouveau :

A titre principal,

— constate que la société LESCAUT n’a commis aucune faute dans la mesure où la soudure réalisée a cédé à une température de 700 °C, largement supérieure à celle indiquée sur le cahier des charges

— constate que seule une erreur flagrante de conception est à l’origine des désordres

— déboute les sociétés SCLE et B de toutes leurs demandes à l’égard de la société LESCAUT

— condamne la société SCLE à payer leur payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité de la société LESCAUT :

— juge que la responsabilité de la SCLE et de la société C est principalement engagée

— condamne en conséquence la société SCLE et la compagnie AXA assureur de la société C à garantir et relever indemne la société LESCAUT de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre

— réduise à de plus justes proportions le montant du préjudice

— constate que la garantie due par la compagnie au titre des dommages immatériels est plafonnée à 293.692 € outre une somme de 3.329 € au titre de la franchise contractuelle

— condamne solidairement la société SCLE et la compagnie AXA assureur de la société C au paiement d’une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction,

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2013.

SUR CE, LA COUR :

1°/ Sur la nullité du rapport d’expertise

La société INEO, venant aux droits de la SCLE, conclut à la nullité du rapport d’expertise judiciaire pour non respect du délai imparti pour le dépôt du rapport, la dernière ordonnance de prorogation du 14 juin 2007, fixant le délai au 30 juin 2007, n’ayant été suivie d’aucune autre prorogation et l’expert n’ayant déposé son rapport que le 23 octobre 2009.

Si aux termes de l’article 239 du code de procédure civile le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis par le juge, aux termes de l’article 235 du même code, seul le juge peut, à la demande des parties ou d’office, remplacer le technicien qui manquerait à ses devoirs après avoir recueilli ses explications.

En l’espèce, l’expert judiciaire n’a pas été déchargé de la mission qui lui avait été confiée par ordonnance du 2 décembre 2004 et cette décharge ne peut résulter de la seule expiration du délai accordé pour le dépôt du rapport après prorogation, l’article 284 du code de procédure civile prévoyant que dés le dépôt du rapport le juge fixe la rémunération de l’expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.

Il ne peut dés lors être soutenu qu’à l’expiration du dernier délai de prorogation, la désignation de l’expert judiciaire serait devenue caduque et que les opérations poursuivies après cette date, dont la rédaction et le dépôt du rapport, n’auraient plus eu de fondement juridique. Aucune irrégularité de fond ne peut dés lors découler du dépôt tardif du rapport.

Aux termes de l’article 114 du code de procédure civile aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En l’espèce, aucun texte ne prévoit la nullité du rapport d’expertise pour non respect du délai imparti par le juge pour le dépôt du rapport . Ce retard ne caractérise pas davantage l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public et il n’est pas allégué qu’il ait eu une incidence sur les résultats de l’expertise.

En conséquence, complétant le jugement entrepris lequel n’a pas statué sur ce point dans son dispositif, la demande de la société INEO, venant aux droits de la SCLE, tendant à la nullité du rapport d’expertise doit être rejetée.

2°/ Sur la demande de contre-expertise

La demande de contre-expertise formulée avant tout examen du fond par la société INEO ne se fonde sur aucune violation par l’expert du principe de la contradiction ou de son obligation d’impartialité. Il est allégué une impossibilité d’exercice des droits de la défense au prétexte que l’expert aurait procédé à une analyse péremptoire des défauts de conception sans lien avec les désordres constatés et dénoncés par la société B. Or, au vu des éléments techniques versés aux débats, des dires des parties au cours de l’expertise, et des réponses que l’expert a pu y apporter, il appartient à la cour de déterminer le rôle de chacun des intervenants, et la nature des désordres affectant le réacteur objet du litige et leur imputabilité.

Les autres moyens développés au soutien de cette demande ne sont relatifs qu’à des erreurs ou approximations qui auraient été commises par l’expert judiciaire selon la société INEO ainsi qu’à une méthodologie 'scientifique’ contestée au vu d’un rapport amiable de cabinet D, conseil technique de la société SCLE, devenue INEO, établi le 7 novembre 2011, soit deux ans après le dépôt du rapport, étant précisé que ce cabinet D a assisté la société SCLE tout au long des opérations d’expertise, y compris en assistant aux réunions.

Or, ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions de l’expert et il appartient à la Cour, lors de l’examen au fond du litige et au vu de l’ensemble des pièces versées aux débats, de faire siennes ou non les conclusions de l’expert judiciaire en appréciant leur objectivité, leur valeur et leur portée et, si nécessaire, d’ordonner tout complément d’investigation technique en cas d’insuffisance.

Il n’y a pas lieu dés lors, de faire droit, avant tout examen au fond, à la demande de contre-expertise formulée par la société INEO.

3°/ Sur les différents rapports contractuels

a) Rapports B-SCLE (INEO)

Il est établi par les pièces versées aux débats que la SCLE, société d’électricité industrielle intégrant un service travaillant sur l’automatisme et l’électronique, la SNPE Ingénierie, spécialisée en ingénierie de la chimie fine, et la SA LESCAUT, spécialisée dans la tuyauterie et la chaudronnerie mais réalisant aussi des réacteurs, cristallisoires etc (doc 7 de la société INEO), ont conçu, à partir de 1989 , avec l’aide de la direction des Etudes et Recherches d’EDF, un réacteur chimique demi-coquillé tout en inox, chauffé par induction, fonctionnant sur un réseau de courant tri-phasé industriel de 50 HZ destiné à diverses applications industrielles ( fabrication de résines, peintures, vernis, fabrication de colles, chimie fine).

Ce procédé a donné lieu, en 1992, au dépôt à l’INPI de la marque REACTELEC par la SNPE I ( pièce 6 de la société INEO).

La plaquette de présentation du procédé précise le rôle de chacun des intervenants ayant participé à son élaboration à savoir:

— SNPE I : savoir faire en ingénierie de génie chimique et dans le domaine de la sécurité

— SCLE : définition et conception des inducteurs, réalisation de l’automatisation, supervision du réacteur et de son environnement procédé en collaboration avec le client, maîtrise du câblage du réacteur et des instruments sur le site

— LESCAUT : maîtrise de la construction mécanique INOX de l’ensemble, éventuellement à la demande du client, extension de la prestation à l’ensemble de la tuyauterie requise par l’unité

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire (page 47), lequel sur ce point ne fait l’objet d’aucune critique, qu’avant l’intervention du marché B au cours de l’année 2000, objet du présent litige, seulement 8 réacteurs de ce type avaient été réalisés:

— certains avec des volumes se rapprochant de celui souhaité par la société B (8 m3 et 12 m3) pour 450 KW mais avec une température de 200°C

— d’autres beaucoup plus petits pour des volumes de 0,63 m3 et 1 m3 pour 90 KW avec une température de 300 ° C.

Or en l’espèce, le réacteur commandé par la société B à la société SCLE le 23 novembre 2000, avec câblage, raccordement du réacteur, poste préfabriqué 800 KVA, et régulateur, selon cahier des charges établi à l’entête de la SCLE le 31/07/00 portant les références SPC/10/ETLIX01 indice C (pièce 4 de B) et proposition chiffrée de la SCLE du 27 octobre 2000 représentant un coût total de 2.974.723 F HT, concerne un réacteur à induction 10.000 l (10 M3) d’une puissance de 500 KW pour une température de 270 °.

Le document SPC/10/ETLIX01 indice C ayant donné lieu à l’accord des parties (SCLE et B) précise l’expression du besoin du client à savoir ' spécifier un réacteur chauffé par induction de capacité utile 9500 l en inox 316 L d’une puissance électrique de 500 kw environ'.

Il définit les caractéristiques de la fourniture à réaliser, soit le réacteur proprement dit, demi-coquillé avec double enveloppe, mais aussi l’ensemble d’inducteurs et de culasses, un ventilateur pour mise en surpression de la double enveloppe, un ensemble d’armoires électriques de puissance et de commande, un transformateur d’adaptation de tension et d’isolement, l’instrumentation liée à la gestion des sécurités. Il prévoit l’établissement de différents dossiers techniques (dossier technique chaudronnerie, dossier technique inducteurs, dossier technique armoires électriques).

Le dossier technique 'induction’ n’a été élaboré par la SCLE que le 8 février 2001 (pièce 44 de INEO) sous le n° NC01/10/ETLIX01. Il consiste en une note de calcul établissant le dimensionnement du système d’induction : calcul des volumes à chauffer, détermination des paramètres de la géométrie des éléments internes: épaisseur de l’ensemble 'virole + demi coquille', choix de l’entrefer, perméabilité et résistance du matériau de la cuve, modélisation de la géométrie , simulations du circuit électrique et des inducteurs en fonctionnement, caractéristiques des inducteurs, calcul des pertes de charges.

Le contrat définitif fait suite à un avant projet sommaire établi par la société H I en septembre 1999 précisant que B souhaitait développer son site et envisageait la construction d’un atelier pour la fabrication de vernis avec installation d’un nouvel équipement de production d’une capacité de 8000 l et inventoriant le processus de fabrication des vernis, les utilités, les équipements nécessaires (pièce 9 de INEO).

Il s’agissait donc en l’espèce d’une réalisation complexe, spécifiquement adaptée aux besoins exprimés par la société B pour sa production industrielle, et non d’un modèle de série, de sorte que le contrat liant la société B à la société SCLE, devenue INEO, ne peut s’analyser en un contrat de vente.

En conséquence, c’est par une exacte appréciation des faits de l’espèce et du cadre juridique applicable que les premiers juges ont dit que le contrat liant la SCLE et la société B est un contrat de louage d’ouvrage et non un contrat de vente et rejeté l’action engagée par la SARL B sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par ailleurs , c’est encore par une juste appréciation que les premiers juges ont écarté l’application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité des constructeurs. En effet, l’ouvrage en cause, à savoir la conception, la réalisation et la mise en oeuvre du réacteur litigieux, n’est pas un ouvrage de nature immobilière s’agissant uniquement d’un élément d’équipement destiné à une exploitation industrielle dissociable de l’ensemble immobilier à l’intérieur duquel il devait trouver place, et sa réalisation ne relevait pas de travaux de construction.

Dés lors, la responsabilité de la société SCLE , aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société INEO, ne peut être recherchée par son cocontractant la société B, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, à savoir les dispositions de l’article 1147 du code civil.

b) Rapports B- C

Il ressort des comptes rendus de chantier produits aux débats par la société INEO (pièces 28, 29,30) que la société C, représentée par M. G, ayant une activité de bureau d’étude technique et de direction de travaux, a été chargée par B de la coordination de l’ensemble des travaux d’aménagement du nouvel atelier, les différents intervenants sur le chantier étant :

— la SEPRA, chargée du génie civil ( factures produites par B pièces 56 et 62)

— la société CRIG HAUTEFAYE, chargée de toutes les tuyauteries extérieures au réacteur lui-même ( factures au dossier de B)

— la SCLE (Toulouse et Bordeaux) chargée de l’équipement proprement dit, c’est à dire du réacteur à induction tant au niveau de l’ instrumentation que de la tuyauterie

La société B a d’ailleurs réglé à la société C des études géotechniques pour évaluer les besoins de solidité du sol devant supporter le poids du réacteur à réaliser (pièce 40 de B), ainsi qu’une somme de 150.000 F entre février 2001 et février 2002, au fur et à mesure de l’avancement des travaux correspondant au suivi du chantier (pièces 35,41,44,57, 88 de B).

Ces pièces établissent que la société B avait confié à la société C le suivi et la coordination de l’ensemble du chantier concernant son nouvel atelier destiné à recevoir le nouveau réacteur.

En revanche, aucun document n’établit que la société C se soit vu confier par la société B une mission de conception quelconque au niveau du réacteur proprement dit, seule la SCLE étant liée à ce titre par le contrat susvisé à la société B.

c) B-SA LESCAUT-SCLE

Aucune pièce ne vient établir que la société B ait confié une quelconque mission à la SA LESCAUT, laquelle a uniquement réalisé, pour le compte de la SCLE et sous le contrôle de cette dernière ainsi qu’il sera examiné ci-dessous dans le cadre de l’appel en garantie de INEO, la cuve inox du réacteur intégrant les équipements spécifiques préconisés par la SCLE, prestation qu’elle a facturé à la SCLE selon facture de solde du 31 octobre 2001 (pièce 40 de INEO).

Il n’existe en conséquence aucun rapport contractuel justifié entre la SA LESCAUT et la société B, la SA LESCAUT étant intervenue en qualité de sous-traitante de la société SCLE pour la réalisation de la cuve INOX du réacteur.

4°/ Sur les défauts affectant le réacteur et la responsabilité de la société INEO venant aux droits de la société SCLE

Il ressort du rapport d’expertise, lequel n’est pas remis en cause sur ce point, que:

— le réacteur livré chez B le 20 septembre 2001 n’a pu être opérationnel que le 16 avril 2003, des modifications ayant été rendues nécessaires en décembre 2002, apportées par la SCLE au niveau des seuils de température, le seuil de température du produit à chauffer de 250 à 260 ° exigé par B n’ayant pas été atteint après les essais de novembre 2002

— fin juillet 2004 des difficultés sont intervenues dans le fonctionnement des systèmes électriques et électroniques, le cycle s’étant arrêté en cours de production et l’installation n’ayant pu être remise en route

— de l’eau a été constatée sous la cuve et une sécurité électrique a interdit tout redémarrage malgré l’intervention d’un électricien

Le bureau VERITAS, mandaté par B, est intervenu le 8 septembre 2004.

L’essai hydraulique réalisé sur les demi-coquilles de l’appareil ne s’est pas avéré satisfaisant, la pression d’un des circuits ne pouvant être maintenue à 3,90 bar, la chute de pression étant constatée sans délai.

Le contrôle a conclu que le circuit n’était pas étanche et présentait un défaut qu’il convenait de localiser avant toute remise en service. (Pièce 2 de B).

L’impossibilité du maintien de la pression dés le remplissage a en outre été constatée par huissier le 14 septembre 2004 et à nouveau constatée par l’expert judiciaire dés la deuxième réunion d’expertise, le 17 mars 2005, la certitude d’une insuffisance d’étanchéité d’une des demi-coquilles des suites d’une fuite non localisée étant acquise et le réacteur ayant été transféré chez LESCAUT .

Lors de la troisième réunion d’expertise, réalisée le 26 mai 2005 dans les locaux de la société LESCAUT, il a été procédé au démontage de la cuve du réacteur.

L’expert a relevé des zones ayant subi des échauffements locaux plus intenses, matérialisés par une couleur orangée de la tôle constituant les semi-coquilles.

Il a été décidé, en présence des parties et de leurs conseils, de déterminer l’ordre de grandeur de la température de la tôle au niveau des points chauds et, pour ce faire, un lot d’échantillon de tôle identique a été remis à l’expert par la société LESCAUT.

Il a en outre été constaté sur la première demi-coquille testée une fuite, de débit faible, sur le fond de la cuve, tandis que la seconde demi-coquille restait étanche.

Après test de ressuage, il a été diagnostiqué une fissure dans l’axe d’une soudure résultant d’une absence partielle de fusion des bords à souder du côté interne de la coquille , l’expert concluant à un joint non soudé à pleine pénétration et donc à un défaut de soudage non conforme à la norme 25817.

En page 34 de son rapport l’expert judiciaire a en outre remis en cause les contraintes thermiques importantes subies par la tôle occasionnant une fatigue du métal importante (450 ° au sommet des demi-coquilles), température qu’il a estimée non conforme à la consigne de conception (300 °).

Le rapport X, établi en novembre 2011, soit plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire, alors que ce cabinet avait assisté la SCLE au cours de l’expertise, remet en cause la rigueur scientifique de l’expert en ce qu’il a estimé la température atteinte par les tôles par une comparaison de couleurs, sans validation de l’étalonnage du four, des mesures des durées d’exposition et des valeurs des sondes et sans tenir compte de la composition de l’acier et de la teneur en oxygène de l’atmosphère.

Néanmoins, relativement aux températures atteintes par le sommet des demi-coquilles, le dire récapitulatif du conseil de la société SCLE du 18 juin 2007, ne remet nullement en cause les estimations de température réalisées par l’expert judiciaire. Au contraire, il affirme que tous les réacteurs à induction depuis le début supportent des températures sommitales de demi coquilles de 400 ° à 600 °, soit un gradient de température de 200 ° à 250° au delà de celle de la virole interne. Les contestations émises par le cabinet X remettant en cause la méthode scientifique de l’expert quant aux relevés de température sont donc sans incidence.

Il n’est dés lors pas utilement remis en cause que les contraintes thermiques importantes subies par la tôle étaient par nature susceptibles de fragiliser le métal fondu des soudures sous l’effet des actions mécaniques (traction-compression liées à la dilatation du métal sous l’effet de la température) et qu’il était indispensable de tenir compte, dans la conception, des gradients effectifs de température susceptibles d’être atteints, compte tenu de l’épaisseur des tôles de la cuve retenue, en l’espèce de 8 mm, de l’entrefer et de la forme de la demi-coquille, afin d’éviter tout 'point chaud’ sur la paroi interne du réacteur, et ce d’autant plus que le modèle 'de base’ élaboré avec EDF DER attirait l’attention sur ces gradients de température pouvant entraîner des contraintes thermo-mécaniques allant jusqu’à la fragilisation de l’ensemble et sur la nécessité de prendre en compte les flux de chaleur locaux sur la paroi interne du réacteur variant en fonction de l’épaisseur de métal (demi-coquille + cuve).

En conséquence, au regard des constatations de l’expert, à l’égard desquelles aucune critique sérieuse ne peut être retenue, et des pièces du dossier, il convient de retenir que la rupture de la soudure à l’origine de la fuite ayant rendu le réacteur inexploitable résulte tant d’une insuffisance de la soudure, que d’une insuffisance de la conception du réacteur compte tenu de ses spécificités devant correspondre aux besoins exprimés par le client, à savoir une extrapolation du modèle 'de base’ EDF sans étude spécifique du cycle thermique compte tenu du choix et du dimensionnement des matériaux.

En outre, tout remontage de l’installation ne peut sérieusement être envisagé, dés lors que, même après contrôle de toutes les soudures, compte tenu des observations ci-dessus, le risque de fuite n’est pas exclu au regard des contraintes thermiques générées lors du fonctionnement de ce réacteur, le concepteur n’ayant pas pris en compte le problème de maintenance et de réparation en cas de défaillance de la partie interne du four à induction.

La société INEO, venant aux droits de la SCLE, seule contractante de la société B pour la réalisation du réacteur litigieux, n’offre d’ailleurs pas d’assurer cette maintenance alors que la SCLE elle-même n’assurait plus la maintenance de ses installations au moment de l’expertise. Elle se contente de reporter la responsabilité sur la société C, laquelle, ainsi qu’il a été dit ci-dessus n’avait été chargée par la société B que du suivi et de la coordination des opérations d’aménagement de ces nouveaux locaux d’exploitation destinés à accueillir physiquement le réacteur , alors que la SCLE avait seule pris en charge à l’égard de la société B la conception, la réalisation, l’installation et la mise en fonctionnement du dit réacteur.

Or le locateur d’ouvrage est tenu d’une obligation de résultat quant à l’exécution de la chose prévue au contrat, à savoir la livraison de la chose commandée exempte de malfaçons, et ne peut s’exonérer à l’égard du maître de l’ouvrage qu’en justifiant que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

La société INEO, venant aux droits de la société SCLE, unique contractant de la société B quant à la conception et la réalisation du réacteur litigieux, ne justifie en l’espèce d’aucune cause étrangère qui ne puisse lui être imputée au regard des vices de conception retenus ci-dessus rendant le réacteur impropre à l’usage auquel il était destiné. Elle ne peut davantage se prévaloir à l’égard de son co-contractant des fautes de son sous-traitant, la SA LESCAUT, quant à la soudure défectueuse, pour s’exonérer de sa responsabilité.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a jugé que la SCLE, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société INEO, était responsable du dommage vis à vis de la SARL B.

5°/ Sur le préjudice subi par la SARL B

Le réacteur fourni par la société SCLE étant inutilisable en l’état, réparable, mais sans assurance de pérennité tant au regard des insuffisances de conception relevées ci-dessus quant aux contraintes thermiques fragilisant les tôles que de l’absence de maintenance assurée par son concepteur, la société B est bien fondée à solliciter le remboursement des sommes qu’elle a dû débourser pour sa réalisation soit la somme de 453.282,69 € HT qu’elle réclame.

L’installation de ce réacteur a par ailleurs nécessité des aménagements complémentaires spécifiques à la création de la nouvelle unité de production (étude de sol, mise en place de périphériques, accès, modification de toiture, branchements électriques, équipements auxiliaires spécifiques).

Une grande partie de ces installations n’est pas réutilisable avec un réacteur classique. Les quelques équipements potentiellement réutilisables ou adaptables à un réacteur traditionnel, doivent être affectés de moins value compte tenu de leur

durée d’immobilisation. Le coût financier supporté en pure perte par la société B de ce fait ressort, au vu du rapport de synthèse de son expert M. Y auquel sont annexées toutes les factures réglées, à la somme de 430.465,72 € HT(pièce 147 de B).

En outre le coût du démontage et de l’extraction du réacteur inutilisable par la société GAME ressort, selon le rapport d’expertise judiciaire, à la somme de 51.850€ HT et celui du démontage par la société LESCAUT pour les besoins de l’expertise judiciaire à 10.730 € HT , ces frais ayant été assumés par la société B. Ces frais directement en lien avec le dysfonctionnement du réacteur caractérisent un préjudice complémentaire indemnisable.

Enfin, pour stocker le matériel démonté dans l’attente de l’issue du litige , la société B a dû avoir recours à la location de conteneurs auprès de la société GAME, représentant un coût total au 23 juillet 2012, selon factures justificatives versées aux débats, de 39.836 € HT se décomposant comme suit:

— novembre, décembre 2005 à Mars 2006 2.700 €

— Avril- juin 2006 1.820 €

— Juillet-septembre 2006 1.620 €

— douze mois sur 2007 à 540 € 6.480 €

— douze mois sur 2008 à 567 € 6.804 €

— douze mois sur 2009 à 567 € 6.804 €

— janvier à septembre 2010 5. 670 €

— mai à décembre 2011 3.969 €

— janvier à juillet 2012 (pièce 161) 3.969 €

Il n’est cependant pas justifié de la poursuite de cette location postérieurement à juillet 2012.

En ce qui concerne les pertes d’exploitation invoquées par la société B l’expert judiciaire a recouru aux services de M. A, expert comptable, pour les évaluer.

Le rapport de ce dernier ne figure pas aux pièces dites annexées en Annexes II au rapport d’expertise judiciaire tel que communiqué par les parties.

Il ressort néanmoins du rapport d’expertise et des écritures respectives des parties que M. A avait évalué à 591.247 € les pertes d’exploitation arrêtées au 1er juillet 2007 et à 20.525 € par mois les pertes d’exploitation subies par la société B depuis le 1er juillet 2007 jusqu’à la remise en fonctionnement normal du réacteur n° 3 .

La société B a invoqué au titre des pertes d’exploitation des annulations de commandes entre septembre 2006 et juin 2007 du fait du non fonctionnement de son réacteur n° 3, représentant un total de 38.820 € HT (page 26 du rapport d’expertise).

Ces annulations de commandes n’ont pas été contestées. Elles ont été prises en compte dans les pertes d’exploitation par l’expert A ( p 27 du rapport d’expertise, poste 8). Elles doivent donc être prises en compte dans l’évaluation du préjudice d’exploitation effectivement subi.

Des pertes liées à l’approvisionnement de produit extérieur pour 7.212,82 € HTet des pertes sur transports, livraisons partielles suite aux retards de livraisons à hauteur de 3.660,25 € HT ont en outre été retenues par l’expert judiciaire et sont

reconnues comme établies par la société INEO dans ses écritures. Elles doivent aussi être prises en compte dans le préjudice d’exploitation effectivement subi.

En ce qui concerne la perte de production par rapport à celle espérée du fait de la mise en place du réacteur à induction elle est certaine en son principe dés lors que le réacteur a été commandé comme constituant une unité de production supplémentaire par rapport à celles déjà existantes.

Il résulte en effet de la plaquette de présentation EDF du site B ( pièce 43 de INEO) que cette entreprise disposait déjà de deux réacteurs indépendants à huile thermique, alimentés chacun par une chaudière à gaz naturel permettant la continuation de la production même en cas de maintenance d’un appareil, le réacteur à induction ayant été choisi en sus pour rendre plus flexible la production et répondre aux demandes particulières des clients tout en assurant les conditions de sécurité attendues des industriels de la chimie et de la parachimie pour les commandes passées à B.

Le rendement de l’installation par induction est mentionné comme étant de 90% tandis que celui constaté sur l’installation à huile thermique était de 70 %. Alliant pluridisciplinarité et sécurité, cette installation devait en outre permette des économies d’énergie.

Ce nouvel équipement devait en conséquence nécessairement améliorer la capacité de production de l’usine B.

Il est exact que l’expert judiciaire a tardé pour déposer son rapport définitif puisque le sapiteur financier M. A a répondu aux dires des parties le 1er février 2008 et que le dernier dire récapitulatif de M° VINCENS pour la société SCLE étant en date du 26 février 2008, le rapport définitif n’a été déposé que le 23 octobre 2009.

Il n’a cependant été sollicité par aucune des parties son dessaisissement.

En toute hypothèse, aucune proposition de réparation permettant la remise en route du réacteur n’ayant été faite ni acceptée par la société SCLE, la responsabilité du sinistre et sa portée étant contestées, la société B ne pouvait que conserver le réacteur en l’état jusqu’à l’intervention d’une décision judiciaire définitive statuant sur les responsabilités et le préjudice et ce, d’autant plus que la société SCLE et ensuite la société INEO, venant aux droits de la SCLE, sollicitaient la nullité de l’expertise judiciaire et l’institution d’une contre-expertise.

Il ne peut donc utilement être soutenu que la société B devrait supporter le préjudice d’exploitation subi depuis décembre 2007, l’impossibilité d’exploiter le réacteur résultant non du retard dans le dépôt du rapport d’expertise mais des insuffisances de la société SCLE dans la conception et la réalisation du réacteur litigieux ainsi que de son absence d’assurance de la maintenance.

Néanmoins, l’impossibilité d’utilisation de ce nouvel équipement ne peut avoir généré pour la société B qu’une perte de chance d’augmenter la production en l’absence de certitude sur l’importance et la pérennité de la clientèle supplémentaire espérée.

Les documents comptables versés aux débats établissent d’ailleurs que malgré le non fonctionnement de ce nouvel équipement les chiffres d’affaires réalisés par la société B ont particulièrement augmenté à partir de l’exercice 2007( 4 537 887 en 2007, 5 889 709 en 2008, 4 634 714 en 2009, 4 746 035 en 2010 et 5 023 248 en 2011), alors qu’ils étaient régulièrement inférieurs à 4 000 000 de 2003 à 2006 (3 414 833 en 2003, 3 662 215 en 2004, 3 768 220 en 2005, 3 995 925 en 2006).

Aucun prévisionnel chiffré de la rentabilité escomptée du projet n’est par ailleurs produit.

Dés lors, la perte de chance d’obtenir des marchés supplémentaires pour la société B du fait de la défection du réacteur pour l’installation duquel elle avait investi des sommes importantes sera évaluée depuis septembre 2004 jusqu’à ce jour à la somme de 500 000€ , la société B étant par ailleurs indemnisée des investissements qu’elle a réalisé en vain.

En ce qui concerne les autres frais exposés générés par l’assistance technique à l’expertise, frais d’huissier et frais de contrôle par le bureau VERITAS, ils relèvent de l’indemnisation de l’article 700 du code de procédure civile.

Quant aux frais d’expertise judiciaire, y compris les frais du sapiteur, ils relèvent des dépens sur le sort desquels il sera statué in fine par le présent arrêt.

En conséquence, il convient de condamner la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, à payer à titre de dommages et intérêts à la société B en réparation du préjudice subi du fait de la fourniture du réacteur à induction défectueux la somme de 1.035.857,48 € HT se décomposant comme suit :

-453.282,69 € HT en remboursement des sommes réglées pour la réalisation proprement dite du réacteur

-430.465,72 € HT en remboursement des installations périphériques et annexes non réutilisables ou affectées de moins value du fait de leur durée d’immobilisation

-51.850 € HT au titre du coût du démontage et de l’extraction du réacteur inutilisable par la société GAME

-10.730 € HT au titre du démontage du réacteur proprement dit par la société LESCAUT

—  39.836 € HT au titre des frais de location de conteneurs auprès de la société GAME, effectivement justifiés jusqu’au 23 juillet 2012

—  38.820 € HT au titre des pertes d’exploitation résultant d’ annulations effectives de commandes entre septembre 2006 et juin 2007 du fait du non fonctionnement du réacteur

-7.212,82 € HT au titre des pertes liées à l’approvisionnement de produit extérieur

—  3.660,25 € HT au titre des pertes sur transports et livraisons partielles suite aux retards de livraisons

outre une indemnité de 500 000 € en réparation de la perte de chance d’augmenter la production depuis septembre 2004 jusqu’à ce jour, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l’article 1153-1 du code civil, avec capitalisation des intérêts moratoires année échue par année échue en application des dispositions de l’article 1154 du même code. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné la SCLE à payer à la SARL B la somme de 1.385.071,12 €.

6°/ Sur les appels en garantie de la société INEO venant aux droits de la société SCLE

a) à l’égard de la SA LESCAUT et de son assureur AXA FRANCE IARD PESSAC

Il est reconnu en l’espèce que la SCLE a sous-traité à la société LESCAUT la réalisation de la cuve inox du réacteur à induction.

A ce titre, en qualité de locateur d’ouvrage et sur le fondement de l’article 1147 du code civil, la société LESCAUT est tenue à l’égard de la SCLE, devenue INEO, d’une obligation de résultat quant à la fourniture exempte de vice de la chose commandée, sauf à elle à établir que les désordres ou défectuosités constatés seraient imputables à une cause étrangère.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire, page 20, que la fuite constatée sur l’une des demi-coquilles, rendant le réacteur inutilisable, a notamment pour origine une fissure sur une des demi-coquilles provenant d’une absence partielle de fusion des bords à souder du côté interne de la coquille, le joint n’ayant pas été soudé à pleine pénétration , la direction de la fissure étant voisine de celle de l’axe de la soudure et se situant dans le métal fondu.

La fissure a pris naissance à la racine pour se propager dans toute l’épaisseur de la soudure, l’acier quant à lui ne présentant pas de défauts métallurgiques.

L’insuffisance du joint soudé s’est traduite par une épaisseur de tôle inférieure à l’épaisseur nominale de 1 mm au lieu de 3 mm, l’expert concluant que l’origine de la fissuration est liée aux contraintes mécaniques subies par la tôle dont l’épaisseur n’est que de 1 mm ainsi qu’aux contraintes thermiques associées en précisant que c’est à cause de l’épaisseur du cordon diminué de plus de la moitié que les contraintes mécaniques ont généré des déformations plus importantes entraînant l’apparition de la fissure.

C’est en raison de cette insuffisance de pénétration de la soudure que l’expert judiciaire a conclu à sa non conformité à la norme 25817.

Ce manquement aux règles de l’art dans la réalisation de la soudure est imputable à l’exécutant de la soudure à savoir la société LESCAUT.

Il est en lien direct avec la fuite d’eau et l’arrêt consécutif du réacteur dés lors que cette insuffisance de soudure a fragilisé la cuve laquelle, par nature, devait être soumise à des contraintes mécaniques nécessairement connues du chaudronnier auxquelles s’ajoutaient des contraintes thermiques importantes que la société LESCAUT ne pouvait ignorer pour avoir participé à l’élaboration du procédé de base sous l’égide de la société EDF et avoir déjà réalisé avant ce chantier six réacteurs à induction dans son partenariat avec les sociétés SCLE et SNPE I.

S’il est exact qu’en juillet 2001 une épreuve hydraulique des deux demi-coquilles a été effectuée par la société LESCAUT sans qu’aucune fuite ou déformation n’ait été constatée, il convient néanmoins de souligner le réacteur a été livré sur site chez B le 20 septembre 2001, qu’il a fait par la suite l’objet de nombreux essais de chauffe pour déterminer les seuils de chauffe et de refroidissement permettant de paramétrer l’automate pour une gestion automatique de l’installation, qu’en décembre 2002 des modifications ont été apportées par la SCLE concernant les températures, pour atteindre la température du produit à chauffer souhaitée par le client B et que ce n’est que le 16 avril 2003 que les derniers paramètres ont été arrêtés et que le matériel s’est trouvé opérationnel.

Peu utilisé en début d’exploitation, le cycle de production s’est arrêté dés fin juillet 2004 sans possibilité de remise en route, de l’eau ayant été constatée sous la cuve à ce moment là.

La rupture de la soudure défectueuse est donc intervenue rapidement dés lors que le réacteur, opérationnel, a été effectivement utilisé.

En conséquence, la société LESCAUT ne peut utilement soutenir que sa soudure, même défectueuse, serait sans incidence sur la survenance du sinistre et que seul un défaut de conception, qui ne lui serait pas imputable, serait à l’origine de la rupture de la soudure litigieuse.

Néanmoins, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la rupture de la soudure n’est pas la cause exclusive de la fissure et de la fuite qui en est résulté, cette rupture étant aussi liée à des insuffisances dans la conception du réacteur.

Or le concepteur du réacteur tant à l’égard du maître de l’ouvrage, la société B, que de la société LESCAUT est la société SCLE.

En effet , c’est la société SCLE qui a rédigé le dossier technique 'Induction’ n° NC01/10/ETLIX01 établissant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus le dimensionnement du système d’induction (calcul des volumes à chauffer, détermination des paramètres de la géométrie des éléments internes: épaisseur de l’ensemble 'virole + demi coquille', choix de l’entrefer, perméabilité et résistance du matériau de la cuve, modélisation de la géométrie , simulations du circuit électrique et des inducteurs en fonctionnement, caractéristiques des inducteurs, calcul des pertes de charges).

C’est aussi la société SCLE qui a rédigé à son entête le cahier des charges chaudronnerie CCC/10/ETLIXO1 indice D à destination du chaudronnier.

Dans le compte rendu de réunion du 17 octobre 2000 réalisé sous la signature du représentant de la SCLE, M. F, avant tout accord du maître de l’ouvrage sur le marché (pièce 32 de la société INEO), il est bien précisé que la SCLE rédige le cahier des charges chaudronnerie lui servant à consulter et qu’elle en fera valider la partie technique par PI. Il s’agit là de Process I, cabinet d’étude avec lequel la société SCLE a manifestement travaillé en étroite collaboration sur le projet B et qui n’est pas dans la cause.

Ce compte rendu interne de réunion émanant de la SCLE ' Département Energie et Systemes/ASPE/EIN', sous la signature de M. F, tout comme celui du 9/11/2000 (pièce 33 de INEO ) mentionne deux intervenants pour Process I (M. G et Mme E).

D’autres comptes-rendus de réunion ( septembre, octobre et décembre 2000) établissent que H I et Process I du groupe BIOACCESS ont participé activement à l’élaboration technique du procédé aux côtés de la SCLE.

La seule facture de la société LESCAUT à l’égard de la SCLE versée aux débats (pièce 40 de INEO) est un solde pour 'Etude et réalisation d’un réacteur ' suivant cahier des charges CCC/10/ETLIXO et spécification et plan 'PLN 1.002.00043.JFD.B'.

Ce plan est produit par la société INEO en pièce 24 et il émane de Process I.

Dans le cahier des charges chaudronnerie rédigé par la SCLE et sur la base duquel elle aurait procédé 'aux consultations', il est précisé que :

— la SCLE est maître d’oeuvre dans la pose des inducteurs et de culasses, se réservant le droit de souder et visser toutes pièces nécessaires à leur fixation et à la connectique associée (article 3.9)

— elle spécifie au chaudronnier les pièces de fixation de ces inducteurs et culasses à réaliser et monter selon Annexe I

— elle devra approuver les plans d’exécution du chaudronnier (article 5)

— elle définit :

°l’épaisseur de la paroi de la cuve (8mm au minimum)

°l’isolation du dôme

°le calorifurage de la paroi à réaliser dont elle réserve néanmoins la maîtrise d’oeuvre au chaudronnier, constructeur de la cuve

°les finitions de la paroi intérieure

°le schéma de la demi-coquille T50 (annexe II)

— elle impose au constructeur de la cuve, en l’espèce le chaudronnier LESCAUT, d’établir des notes de calcul de la fourniture en tenant compte des conditions d’utilisation, des conditions d’épreuve et des normes en vigueur. Or l’inox de la cuve n’est en l’espèce affecté d’aucune insuffisance ou non conformité

Il résulte de ces éléments que c’est bien la SCLE qui était à l’égard de la société LESCAUT concepteur du procédé, la société LESCAUT devant quant à elle exécuter la cuve Inox du réacteur selon les prescriptions de dimensionnement définies par la SCLE, laquelle était assistée d’un ou plusieurs bureaux d’études techniques.

La société LESCAUT ne peut dés lors engager sa responsabilité à l’égard de la SCLE dans la réalisation du dommage que du fait de la réalisation non conforme aux règles de l’art de la soudure à l’intérieur de laquelle s’est produite la fissuration et dans la seule proportion de l’incidence de cette exécution non conforme dans la réalisation du dommage, laquelle, très marginale au regard des vices de conception retenus imputables à la SCLE, doit être retenue à hauteur de 15%.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SA LESCAUT à relever et garantir la SCLE à hauteur de la somme de 294.327,61 €, il convient en conséquence de condamner la société LESCAUT à relever et garantir la société INEO, venant aux droits de la SCLE, des condamnations prononcées à son encontre à l’égard de la société B à hauteur de 15 % , soit d’une part, à hauteur de la somme de 155.378,62 € HT au titre des déboursés, pertes de commandes effectives, pertes liées à l’approvisionnement, aux transports et livraisons partielles, et d’autre part, de la somme de 75.000 € au titre de l’indemnité allouée pour pertes d’exploitation.

XXX ne conteste pas devoir sa garantie au titre de la responsabilité civile de la SA LESCAUT. Elle indique néanmoins qu’elle ne doit cette garantie que dans la limite du plafond contractuel des dommages immatériels, soit 293.692 €, et sous déduction de la franchise contractuelle de 3.329€.

La compagnie AXA FRANCE IARD verse aux débats les conditions particulières du contrat responsabilité civile entreprise n° 0000001687711004 souscrit pour le compte de la société LESCAUT par SFL HOLDING le 21 décembre 2001, en vigueur à l’époque de la réalisation du chantier B.

Ces conditions particulières prévoient pour les dommages immatériels après livraison non consécutifs à des dommages corporels ou matériels un plafond de garantie de 264.652 € par année d’assurance ainsi qu’une franchise de 3.000 €, ces montants étant annuellement indexés.

En conséquence, au regard des clauses contractuelles et de l’indexation appliquée par la compagnie AXA FRANCE IARD au jour du sinistre, cette dernière sera condamnée à l’égard de la société SCLE in solidum avec la société LESCAUT pour le montant ci-dessus mais, contrairement à ce qui est mentionné dans le dispositif du jugement entrepris, dans la limite de 293.692 € et, ajoutant au jugement entrepris, sous déduction de la franchise contractuelle de 3.329 €.

b) A l’égard de la société C et de son assureur AXA FRANCE IARD

Il a été retenu ci-dessus que la société B avait confié à la société C le suivi et la coordination de l’ensemble du chantier concernant son nouvel atelier destiné à recevoir le nouveau réacteur, prestation pour laquelle elle l’avait rémunérée, mais qu’il n’était pas établi qu’elle ait confié à la société C une mission quelconque de conception au niveau du réacteur proprement dit, seule la SCLE étant liée à ce titre par le contrat susvisé à la société B.

La société INEO, venant aux droits de la société SCLE, conteste avoir eu un quelconque lien contractuel avec la société C, recherchant sa garantie, et consécutivement celle de son assureur responsabilité civile, sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Or elle ne caractérise aucune faute imputable à une intervention d’ingénierie de la société C qui l’aurait induite en erreur dans son travail de conception du réacteur litigieux et serait à l’origine du sinistre.

L’avant projet sommaire a été élaboré par la SCLE antérieurement au marché conclu par B avec, à ses côtés, deux sociétés d’ingénierie, H et Process I, lesquelles n’ont jamais été appelées en cause.

Les conditions d’intervention de la SA C en tant que cabinet d’étude et d’ingénieur conseil réalisant pour la SCLE en janvier 2001 des calculs concernant le refroidissement du réacteur ( pièce 23 de INEO) ainsi qu’en février 2001 un croquis d’installation de prise d’échantillons souhaité par le maître de l’ouvrage B restent inconnues.

Aucun des documents sociaux ou extraits Kbis versés aux débats n’établit en effet que la société C ait repris ou absorbé les cabinets H, Process Ingénierie ou le groupe dit BIOPROCESS.

Le plan du réacteur dit n°03130 A1 ou AE transmis par la société C à la société LESCAUT en février 2001 ( pièces 25 et 26 de INEO) avec commentaires 'VAO', aucune explication n’étant donnée sur la signification de cette abréviation, n’est pas produit aux débats. Il résulte néanmoins du bordereau d’envoi du 28 février 2001 qu’il ne concerne que l’aménagement nécessaire à la prise d’échantillon et des cannes plongeantes y afférentes.

Or il n’est ni allégué ni démontré que la proposition de l’installation nécessaire à la prise d’échantillons dans la cuve du réacteur, ou encore les calculs concernant le refroidissement du réacteur transmis par la société C à la SCLE en janvier 2001, dont on ignore comment la SCLE les a utilisés et si même elle les a utilisés, soient d’une quelconque manière à l’origine du sinistre.

En conséquence, en l’absence de faute prouvée par la société INEO, venant aux droits de la SCLE, de la société C ayant un lien de causalité direct avec la réalisation du dommage, elle ne peut qu’être déboutée de son appel en garantie et de son action directe en garantie contre l’assureur responsabilité civile de la société C, aujourd’hui en procédure collective, la société AXA FRANCE IARD. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné la compagnie AXA FRANCE IARD assureur de la société C à relever et garantir indemne la SCLE à hauteur de 51.940,17 €.

7°/ Sur l’appel en garantie de la société LESCAUT

La responsabilité et la garantie de la société LESCAUT n’étant retenue qu’en proportion de la faute d’exécution qui lui est strictement imputable dans la réalisation de la soudure non conforme, elle ne peut dés lors être relevée et garantie par quiconque des condamnations prononcées à son encontre. Il convient donc, ajoutant au jugement entrepris, de la débouter de sa demande tendant à être relevée et garantie indemne de toute condamnation prononcée à son encontre.

8°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société INEO, venant aux droits de la SCLE, et la société LESCAUT et son assureur AXA FRANCE IARD PESSAC succombant, elles supporteront, compte tenu du partage de responsabilité instauré, les dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et ceux d’appel, à proportion de 3/4 à la charge de la société INEO et de 1/4 in solidum à la charge de la SAS LESCAUT et de son assureur la compagnie AXA FRANCE IARD PESSAC.

Les dispositions du jugement entrepris quant aux indemnités allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées, sauf à préciser que la condamnation de AXA FRANCE intervient en sa qualité d’assureur responsabilité civile de la société LESCAUT.

Succombant en appel, la société INEO, venant aux droits de la SCLE, est en outre redevable envers la société B d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.

Elle doit être relevée et garantie de cette condamnation in solidum par la SAS LESCAUT et son assureur responsabilité civile la compagnie AXA FRANCE IARD PESSAC à hauteur de 15 %.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement :

Complétant le jugement entrepris, déboute la société INEO, venant aux droits de la SCLE, de sa demande en nullité du rapport d’expertise judiciaire de M. Z

Déboute la société INEO, venant aux droits de la SCLE, de sa demande de contre-expertise

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a :

— condamné la SAS SCLE à payer à la SARL B à titre de dommages et intérêts la somme de 1.385.071,12 €

— condamné la SAS LESCAUT et la SAS AXA FRANCE in solidum à relever et garantir indemne la SAS SCLE à hauteur de 294.327,61 € , la compagnie AXA FRANCE y étant tenue dans la limite de 290.363 €

— condamné la SAS AXA FRANCE assureur de la société C à relever et garantir indemne la SAS SCLE à hauteur de la somme de 51.940,17 €

— condamné les sociétés SCLE, SAS LESCAUT et la compagnie AXA FRANCE aux dépens, y compris les frais d’expertise, la première à hauteur de 50 % et les deuxième et troisième , le solde par moitié pour chacune d’elles

Le confirme pour le surplus de ses dispositions sauf à préciser que la condamnation prononcée à l’encontre de la compagnie AXA FRANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile l’est en sa qualité d’assureur responsabilité civile de la SAS LESCAUT

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, à payer à la société B, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la fourniture du réacteur à induction défectueux :

1°/ la somme de un million trente cinq mille huit cent cinquante sept euros et quarante huit centimes HT (1.035.857,48 € HT) se décomposant comme suit :

-453.282,69 € HT en remboursement des sommes réglées pour la réalisation proprement dite du réacteur

-430.465,72 € HT en remboursement des installations périphériques et annexes non réutilisables ou affectées de moins value du fait de leur durée d’immobilisation

-51.850 € HT au titre du coût du démontage et de l’extraction du réacteur inutilisable par la société GAME

-10.730 € HT au titre du démontage du réacteur proprement dit par la société LESCAUT

—  39.836 € HT au titre des frais de location de conteneurs auprès de la société GAME, effectivement justifiés jusqu’au 23 juillet 2012

—  38.820 € HT au titre des pertes d’exploitation résultant d’ annulations effectives de commandes entre septembre 2006 et juin 2007 du fait du non fonctionnement du réacteur

-7.212,82 € HT au titre des pertes liées à l’approvisionnement de produit extérieur

—  3.660,25 € HT au titre des pertes sur transports et livraisons partielles suite aux retards de livraisons

2°/ une somme de 500 000 € en réparation de la perte de chance d’augmenter la production depuis septembre 2004 jusqu’à ce jour

Dit que les intérêts moratoires ci-dessus alloués se capitaliseront année échue par année échue à compter du présent arrêt

Déboute la société B du surplus de ses demandes d’indemnisation

Dit que la société LESCAUT engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, dans la limite de sa faute d’exécution dans la réalisation d’une soudure soit à hauteur de 15 %

Condamne en conséquence in solidum la société LESCAUT et son assureur la compagnie AXA FRANCE IARD PESSAC à relever et garantir la société INEO des condamnations prononcées ci-dessus à hauteur de 15 %, soit d’une part, de la somme de 155.378,62 € HT au titre des déboursés, pertes de commandes effectives, pertes liées à l’approvisionnement, aux transports et livraisons partielles, et d’autre part, de la somme de 75.000 € au titre de l’indemnité allouée pour pertes d’exploitation, la compagnie AXA FRANCE IARD PESSAC n’étant quant à elle tenue de l’exécution de cette condamnation que dans la limite du plafond de garantie, soit de la somme de 293.692 €, et sous déduction de la franchise contractuelle de 3.329 €

Déboute la société INEO de son appel en garantie à l’encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD en tant qu’assureur de la société C

Déboute la société LESCAUT de ses appels en garantie

Condamne la société INEO, venant aux droits de la société SCLE, à payer à la société B une indemnité de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel

Dit que la société INEO sera relevée et garantie de cette condamnation in solidum par la société LESCAUT et son assureur AXA FRANCE IARD PESSAC à hauteur de 15 %

Dit que les dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et d’appel seront supportés à hauteur de 3/4 par la société INEO et de 1/4 in solidum par la société LESCAUT et son assureur AXA FRANCE IARD PESSAC avec autorisation de recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats constitués pour la société B, pour la compagnie AXA FRANCE IARD assureur de la société C et pour la société LESCAUT et son assureur AXA FRANCE IARD PESSAC, chacun pour la part les concernant.

Le présent arrêt a été signé par Edith O’YL, présidente, et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 29 mai 2013, n° 11/01195