Cour d'appel de Bordeaux, 2e chambre civile, 30 mars 2023, n° 19/05905

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 30 mars 2023, n° 19/05905
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 19/05905
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 24 septembre 2019, N° 18/02793
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 4 avril 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 30 MARS 2023

F N° RG 19/05905 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJW6

S.A.R.L. ANTHELOS PROMOTION IMMOBILIERE SARL

c/

Monsieur [F] [M]

Monsieur [G] [M]

Madame [J] [M]

Monsieur [Y] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 septembre 2019 (R.G. 18/02793) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX – 7ème chambre civile – suivant déclaration d’appel du 08 novembre 2019

APPELANTE :

S.A.R.L. ANTHELOS PROMOTION IMMOBILIERE SARL

demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Alain LAWLESS de la SELARL ART LEYES, avocat au barreau de BORDEAUX susbtitué à l’audience par Me Ludovic GAUTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[F] [M]

né le 09 Décembre 1951 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

[G] [M]

né le 20 Juillet 1953 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

[J] [M]

née le 25 Novembre 1978 à [Localité 10]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

[Y] [U]

né le 29 Mai 1990 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Christophe GARCIA de la SELARL G&H AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT

Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par promesse unilatérale de vente du 4 mai 2016, Mme [W] [S] divorcée [M] s’est engagé à céder à la SARL Anthelios Promotion Immobilière (société Anthelios) un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7], sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours et retrait avant le 5 mars 2017.

Alléguant que la condition suspensive n’avait pu être réalisée faute de justification du dépôt d’une demande de permis de construire et estimant être créancière de l’indemnité contractuelle d’immobilisation d’un montant de 20 500 euros, par acte du 9 mars 2018, Mme [S] a assigné la SARL Anthelios devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de condamnation au paiement de cette somme

Mme [S] est décédée le 29 mai 2018.

Par acte du 28 mars 2018, ses héritiers, M. [F] [M], M. [G] [M], Mme [J] [R] et M. [Y] [U] ont déclaré reprendre l’instance.

Par jugement du 25 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— condamné la SARL Anthelios Promotion Immobilière à payer à M. [F] [M], M. [G] [M], Mme [J] [R] et M. [Y] [U], ensemble, la somme de 20 500 euros à titre d’indemnité d’immobilisation,

— ordonné l’exécution provisoire de son jugement,

— condamné la SARL Anthelios Promotion Immobilière à payer à M. [F] [M], M. [G] [M], Mme [J] [R] et M. [Y] [U], ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles,

— condamné la SARL Anthelios promotion immobilière aux dépens.

Le 8 novembre 2019, la SARL Anthelios a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2021, SARL Anthelios Promotion Immobilière demande à la cour, sur le fondement des articles 1188 et suivants, 1304-5, 1355 et 1589-2 du code civil, ainsi que des articles 6, 9, 15 et 72 du code de procédure civile, de :

— réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 25 septembre 2019 n°18/02793,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

— écarter l’application de la clause d’indemnité d’immobilisation au motif que la promesse unilatérale de vente est nulle,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire ne s’est pas réalisée,

— dire et juger que l’accomplissement des autres conditions suspensives n’est pas justifié,

— rejeter la demande de paiement d’indemnité d’immobilisation au motif que les conditions d’application de la clause ne sont pas réunies,

A titre infiniment subsidiaire,

— réduire le montant de la clause pénale à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

— débouter les ayants droit de Mme [S] de leur demande de paiement,

— les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Art Leyes.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2023, les consorts [M], [R] et [U] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1134 et 1178 anciens du code civil, de :

— les déclarer recevables et bien fondés en leurs constitution et conclusions,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

— rejeter le moyen de nullité soulevé par la SARL Anthelios promotion immobilière au motif de la concentration des moyens,

— rejeter l’ensemble de ses conclusions, fins, moyens et prétentions,

Y ajoutant toutefois,

— condamner la SARL Anthelios à leur régler la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité du moyen de défense tiré de la nullité de la promesse unilatérale de vente

L’appelante soutient que la promesse unilatérale de vente serait nulle faute d’avoir été constatée par un acte authentique ou un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par son bénéficiaire en application de l’article 1589- 2 du code civil, précisant en outre qu’un tel moyen qui tend au rejet des prétentions des intimés ne constitue pas une demande nouvelle devant la cour d’appel.

Les intimés soutiennent qu’un tel moyen est irrecevable devant la cour alors que la société Anthelios n’avait pas soutenu devant le tribunal que la promesse de vente serait nulle en application de cet article.

***

S’il incombe au demandeur à l’instance de présenter dès l’instance relative à sa première demande l’ensemble des moyens qu’il estime nécessaire au succès de sa prétention, le défendeur en revanche qui entend s’opposer à cette demande peut présenter en tout état de cause ses moyens de défense au fond, conformément aux dispositions de l’article 72 du code de procédure civile.

Ainsi, le moyen tiré de la nullité de la promesse qui constitue pour l’appelante un moyen de défense à la demande principale des intimés est recevable.

Sur la nullité de la promesse unilatérale de vente

L’article 1589-2 du code civil dispose : « Est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d’un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du code général des impôts, si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites promesses qui n’a pas fait l’objet d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé enregistré dans les dix jours de sa date. »

En l’espèce, la promesse de vente du 4 mai 2016 a été passée en l’étude de Maître [O], notaire à [Localité 9], par acte authentique, lequel a été signé électroniquement ainsi qu’en fait foi les pièces versées au débat par les intimés. ( cf : pièces n° 1 et 10).

En conséquence, les dispositions de l’article 1589-2 ont été respectées si bien que la promesse unilatérale de vente est parfaitement valide.

Sur le fond

Le tribunal a jugé que la promesse de vente consentie le 4 mai 2016 constituait un engagement unilatéral du vendeur, et l’indemnité d’immobilisation qui était prévue était due pour l’acquéreur à la double condition relative à l’obtention d’un permis de construire et à sa décision néanmoins de ne pas lever l’option d’achat.

La société Anthelios considère au contraire qu’aux termes de la promesse unilatérale de vente elle ne s’est jamais engagée à acquérir le bien de Mme [S], que la réalisation de la condition suspensive n’a pas d’effet sur la réalisation de la vente, qu’elle restait libre sans faute de sa part de ne pas acheter, que la condition suspensive relative à l’obtention du permis de construire ne s’est pas réalisée sans faute de sa part alors qu’elle a réalisé toutes les démarches suffisantes à son obtention mais qu’elle y a renoncé en raison de l’opposition de la mairie d'[Localité 7] , qu’en outre les intimés ne démontrent pas que les conditions suspensives stipulées dans la promesse de vente ont été réalisées dans le délai de la promesse qui expirait le 31 mai 2017, si bien que l’indemnité d’immobilisation n’est pas davantage due, et qu’enfin à titre subsidiaire il conviendrait de réduire le quantum de l’indemnité d’immobilisation qui constitue une clause pénale.

Les intimés soutiennent pour leur part que si seul le promettant s’engageait à vendre le bien immobilier, objet de la promesse, l’indemnité d’immobilisation constituait le prix de l’exclusivité, qu’en outre la société Anthélios reconnait ne pas avoir déposé de demande de permis de construire contrairement à ses obligations contractuelles alors que le refus préalable de la mairie d'[Localité 7] de voir implanter un immeuble collectif, ne présumait pas que le projet était contraire aux règles du plan local d’urbanisme, et qu’en ne déposant pas de demande de permis de construire, elle a méconnu son obligation si bien que la condition suspensive ne s’est pas réalisée de son seul fait, si bien qu’elle doit régler l’indemnité d’immobilisation qui avait été prévue.

***

Il résulte clairement de la promesse de vente consentie le 4 mai 2016 par Mme [S] à la société Anthelios, laquelle expirait le 31 mai 2017 que celle-ci comportait au profit de cette dernière une condition suspensive ainsi rédigée : « la réalisation des présente est soumise à l’obtention par le bénéficiaire d’un permis de construire devenu définitif comme purgé de tout recours et retrait administratif au plus tard le 5 mars 2017 pour la réalisation sur le bien objet de la présente convention de l’opération suivante : construction d’un programme de logements collectifs développant une surface de plancher de 2150 m² minimums, respectant les règles du plan local d’urbanisme en vigueur sur la commune ».

Ladite promesse précisait que si le bénéficiaire : « ne réalise pas la vente, alors que les conditions suspensives sont accomplies, il devra verser au promettant une indemnité de 20 500 € » et que : « le montant de l’indemnité d’immobilisation sera versé au promettant selon l’hypothèse suivante : en cas de non réalisation de la vente promise selon les modalités et délais prévus au présent acte, le montant de l’indemnité d’immobilisation sera acquis au promettant à titre d’indemnité forfaitaire pour l’immobilisation entre ses mains de l’immeuble formant l’objet de la présente promesse de vente pendant la durée de celle-ci ».

Dès lors la société Anthelios bénéficiait de la liberté d’acquérir ou de ne pas acquérir l’immeuble promis, mais s’engageait, en contrepartie de l’obligation souscrite par Mme [S] à verser une somme d’argent à celle-ci pour le cas où elle déciderait finalement de ne pas acquérir l’immeuble promis, malgré l’obtention de son permis de construire. Cette somme d’argent constitue la contre-prestation de l’obligation à laquelle le promettant est tenu de son engagement unilatéral de vendre le bien aux conditions d’ores et déjà définies.

En l’espèce, la société Anthelios s’engageait à déposer une demande de permis de construire et reconnait qu’elle n’a pas déposé cette demande devant l’hostilité d’une représentante de la commune d'[Localité 7] à la réalisation d’un immeuble collectif.

Toutefois, l’appelante s’était néanmoins engagée à déposer une telle demande de permis de construire, et ainsi que le font justement valoir les intimés il n’est pas démontré que le permis de construire aurait été refusé au regard des règles d’urbanisme, nonobstant l’opposition de principe affichée par la directrice de l’aménagement, de l’urbanisme et du développement durable qui avait fait valoir plus une position politique que juridique : « 'l’équipe ne souhaite pas de collectif sur cette parcelle '. » ( cf : pièce n°3 de l’appelante).

Ainsi que le premier juge l’a justement relevé, la société Anthelios n’a jamais levé l’option mais n’a pas déposé la demande de permis de construire alors qu’elle s’y était engagée, et qu’elle devait justifier du dépôt de sa demande auprès de Mme [S] au plus tard le 16 octobre 2016 ( la date initiale du 15 août 2016 avait été repoussée au 16 octobre 2016 par avenant du 23 septembre 2016) si bien que la condition de l’obtention d’un permis de construire est réputée accomplie, et l’appelante se trouve ainsi débitrice de l’indemnité d’immobilisation.

Cette indemnité d’immobilisation est la contrepartie de l’obligation du promettant et non la compensation du préjudice éventuel subi par celui-ci, et ne peut par voie de conséquence être assimilée à des dommages-intérêts, et a fortiori, à une clause pénale.

Dès lors, elle ne peut être révisée ainsi que le demande la société Anthelios.

Enfin, il ne peut être valablement soutenu que les intimés ne démontreraient pas que toutes les conditions suspensives prévues au compromis auraient été levées dans le délai de validité de la promesse, alors que la seule condition suspensive prévue était relative à la demande de permis de construire qui est réputée accomplie.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais et dépens

La société Anthelios qui succombe, supportera les dépens du présent recours et sera équitablement condamnés à payer aux intimés, ensemble, une somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel, toute autre demande de ce chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la SARL Anthelios Promotion Immobilière à payer à M. [F] [M], M. [G] [M], Mme [J] [R], et M. [Y] [U], ensemble, une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL Anthelios Promotion Immobilière aux dépens du présent recours.

La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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