Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 juin 2021, n° 19/03309

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Chronologie de l’affaire

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www.herald-avocats.com · 15 septembre 2021

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 25 juin 2021, n° 19/03309
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/03309
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 26 juin 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ID

MINUTE N° 302/2021

Copies exécutoires à

La SELARL ACVF ASSOCIES

Maître CROVISIER

Le 25 juin 2021

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 juin 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 19/03309 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HERB

Décision déférée à la cour : jugement du 27 juin 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTS et défendeurs :

1 – Maître D-E Y

demeurant […]

[…]

2 – La Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social 14 Boulevard D et Alexandre Oyon

[…]

représentés par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocats à la cour

INTIMÉE et demanderesse :

La SCI TOWER

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Maître CROVISIER, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 avril 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Françoise HARRIVELLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement après prorogation du 04 juin 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par acte authentique du 17 octobre 2007, reçu par Me D-E Y, alors notaire à […], la SCI Tower, représentée par M. F-G H, a acquis du cabinet F-G H les volumes n° 4, 6 et 7 d’un ensemble immobilier à usage commercial et tertiaire dénommé Espace Porte des Vosges, sis à Sainte Marguerite, pour un prix de 1 179 000 euros hors taxes, soit 1 410 084 euros toutes taxes comprises. La SCI Tower a procédé à la déduction du montant versé au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Par acte authentique du 11 janvier 2013, également reçu par Me Y, la SCI Tower a vendu à la SCI Frou Frou les volumes n° 29 et 30 de l’Espace Porte des Vosges au prix de 449 600 euros, les locaux étant loués à la SARL Eva. Par acte du même jour, elle a vendu à M. X, gérant de la SCI Frou Frou, les volumes n° 27 et 28 de cet Espace au prix de 515 200 euros, le local étant loué à la SCI Frou Frou pour un usage commercial. Les volumes ainsi cédés étaient issus de la division des volumes acquis en 2007.

Ces deux actes mentionnaient que la vente n’entrait pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Invoquant un manquement du notaire à son devoir de conseil pour ne pas avoir attiré son attention sur le fait que les ventes auraient pu être soumises à la TVA, la SCI Tower a mis en demeure Me Y, par courriers des 6 octobre 2013 et 7 septembre 2015, de l’indemniser du préjudice subi par suite de l’obligation qui lui a été faite de rembourser à l’administration fiscale la somme de 102 065,10 euros correspondant à la TVA initialement déduite.

La société MMA, assureur de Me Y, a invité la SCI Tower à solliciter un dégrèvement

d’imposition, ce que cette dernière a fait le 16 décembre 2016 sans succès, sa réclamation ayant été rejetée le 10 avril 2017.

La SCI Tower a alors assigné Mme Y, désormais retraitée, et son assureur, la société MMA IARD devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg, selon exploit du 21 juillet 2017, aux fins d’obtenir indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal a condamné in solidum Me Y et la société MMA IARD à payer à la SCI Tower la somme de 83 457 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation, ainsi qu’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a rappelé d’une part, que conformément à l’article 261-5-2° du code général des impôts dans sa version applicable au litige, sont exonérées de TVA les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans, l’article 260-5° bis du même code prévoyant toutefois, pour de telles opérations, une possibilité d’opter pour le régime de la TVA, d’autre part, que l’article 257 bis du code général des impôts prévoyait une dispense de TVA pour les livraisons d’immeubles réalisées entre redevables de la taxe portant sur une universalité totale ou partielle de biens, cette exemption s’appliquant notamment aux cessions d’immeubles affectés à une activité de location immobilière avec reprise ou renégociation des baux en cours.

Le tribunal a ensuite retenu que les ventes du 11 janvier 2013 portant sur des biens immobiliers achevés depuis plus de cinq ans étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions qui précédent, et que les actes ne mentionnant ni la qualité de redevable de la TVA des cessionnaires, ni la dispense de taxation prévue par l’article 257 bis précité dont les conditions n’étaient pas réunies, les actes étaient soumis au tarif de droit commun en matière de vente immobilières, ce qui entraînait pour le vendeur une régularisation de la TVA déduite en 2007.

Le tribunal a estimé que Me Y, qui avait reçu l’acte de 2007 qui entrait dans le champ d’application de la TVA en application de l’article 257-7 du code général des impôts alors applicable, avait engagée sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382, ancien du code civil pour ne pas avoir informé le vendeur sur les conséquences financières et le risque de régularisation de TVA découlant du choix de soumettre les ventes au régime des droits d’enregistrement, alors qu’il existait une possibilité pour les cessionnaires d’opter pour le régime de la TVA. Il a considéré que le préjudice consistait en une perte de chance pour la SCI Tower d’avoir obtenu l’assujettissement des actes au régime de la TVA et d’éviter la régularisation, et a estimé cette perte de chance à 90 % de la somme de 92 750 euros.

Mme D E Y et la société MMA IARD ont interjetés appel de ce jugement le 19 juillet 2019.

Par conclusions transmises par voie électronique le 8 mars 2021, elles demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de débouter la SCI Tower de ses demandes et de son appel incident et de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes relèvent que la responsabilité du notaire, au titre des actes qu’il reçoit, ne peut être recherchée que sur un fondement délictuel, de sorte que la demande de la SCI Tower est mal fondée en tant qu’elle tend à rechercher la responsabilité contractuelle de Me Y.

Elles contestent toute faute de Me Y et soutiennent que les cessions litigieuses ne pouvaient être soumises à la TVA, en application de l’article 260-5 bis du code général des

impôts, dans la mesure où elles étaient éligibles de plein droit au bénéfice de la dispense de taxation prévue par l’article 257 bis du même code, de sorte que l’option de l’article 260-5 bis ne pouvait s’exercer.

Elles soutiennent en effet que l’article 257 bis permet de bénéficier, selon le cas, soit d’une dispense de taxation pour les immeubles qui entrent dans le champ d’application de la TVA, soit une dispense de régularisation de la TVA antérieurement déduite pour les immeubles n’entrant pas dans le champ de la TVA, dès lors que la cession intervient dans le cadre de la transmission d’une universalité de biens, ce qui est le cas lorsque la vente porte sur des locaux affectés à la réalisation d’une activité de location immobilière.

Les appelantes soutiennent que l’article 257 bis doit s’appliquer, lorsque les conditions sont réunies, sans que soit imposé un quelconque formalisme dans la rédaction des actes de vente et notamment l’indication de ce texte.

Or en l’espèce, les locaux vendus étaient loués, l’activité locative a été poursuivie par les acquéreurs, et le vendeur était redevable de la TVA, peu important les mentions de l’acte à cet égard, seule se posait la question de la qualité de redevable de la TVA des cessionnaires qui n’est pas indiquée dans l’acte, mais qui pouvait faire l’objet d’une option de leur part.

Elles considèrent par conséquent qu’il appartenait à la SCI Tower de contester la décision administrative de rejet qui n’était pas suffisamment motivée et que cette abstention est à l’origine du préjudice qu’elle allègue.

Me Y conteste tout manquement à son devoir d’information et de conseil. Elle souligne d’une part que les compromis de vente, qui ont déterminé le régime fiscal applicable aux cessions puisque les parties étaient convenues d’un prix net, n’ont pas été rédigés par l’étude notariale et d’autre part que le notaire a alerté le vendeur sur le régime fiscal de la vente en fonction de l’option ou non pour la TVA de l’acquéreur.

Les appelantes contestent enfin le préjudice allégué et le lien de causalité avec la faute imputée à Me Y, soutenant que la SCI Tower ne rapporte pas la preuve qu’elle a supporté une régularisation à hauteur de 102 065,10 euros. En outre le préjudice consisterait tout au plus en une perte de chance d’éviter l’imposition, laquelle est inexistante. En effet, en s’abstenant de former un recours contentieux contre la décision de rejet de l’administration fiscale, la SCI Tower, qui est une professionnelle de l’immobilier et qui était assistée d’une agence immobilière et d’un expert comptable, est à l’origine de son propre préjudice, et surtout elle ne démontre pas que les acquéreurs auraient accepté de faire l’avance de la TVA.

Par conclusions du 5 mars 2021, la SCI Tower conclut au rejet de l’appel principal et sur appel incident demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné in solidum Me Y et la société MMA IARD à payer à la SCI Tower la somme de 83 457 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, sollicitant leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 102 065,10 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 septembre 2015. Subsidiairement, elle sollicite le montant alloué par le tribunal mais assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Elle sollicite enfin la confirmation du jugement en ses dispositions non contestées et la condamnations des appelantes au paiement d’une indemnité de procédure de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle indique que sa demande est fondée sur l’article 1382, ancien du code civil.

Elle relève que les actes en cause portant sur des immeubles achevés depuis plus de cinq ans et ne mentionnant pas la qualité de redevables de la TVA des parties ne relèvent pas du

champ d’application de cette taxe. Elle soutient qu’il appartenait au notaire de vérifier l’exactitude des mentions portées dans son acte et de renseigner son client sur le régime fiscal applicable.

Elle estime que si elle avait été dûment informée sur la possibilité d’opter pour le régime de la TVA, en application de l’article 260 du code général des impôts, cela lui aurait permis d’éviter une coûteuse régularisation ultérieure et considère qu’il appartenait au notaire d’examiner les compromis de vente rédigés sous seings privés.

Elle considère qu’elle ne pouvait bénéficier de la dispense de l’article 257 bis puisqu’aucun des cessionnaires n’avait opté pour le régime de la TVA au moment de la vente et se réfère à cet égard à la décision de rejet de l’administration fiscale, dont elle estime qu’elle ne peut être contestée, soulignant notamment que l’un des locaux loués est occupé par l’acquéreur ce qui exclut l’application de cette dispense.

Elle soutient également que l’un des clercs de l’étude de Me Y lui aurait transmis une information erronée consistant à affirmer que seul l’acquéreur bénéficierait de l’option d’assujettir la vente à la TVA et que Me Y aurait reconnu sa faute dans sa déclaration de sinistre.

La SCI Tower soutient que sa qualité de professionnelle de l’immobilier ne dispense pas le notaire de son obligation d’information et de conseil, que son préjudice est certain puisque si la vente avait été soumise à la TVA, les acquéreurs auraient pu la déduire et elle n’aurait pas subi de régularisation.

Elle indique justifier du montant de la régularisation qui a été admis par l’administration fiscale et demande les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 septembre 2015.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 9 mars 2021.

MOTIFS

Le notaire, en sa qualité d’officier ministériel chargé d’authentifier les actes qu’il reçoit, est tenu à un devoir d’information et de conseil à l’égard de l’ensemble des parties à l’acte, même professionnelles. Le notaire est notamment tenu d’informer et d’éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, des actes auxquels il prête son concours. En cas de manquement à ce devoir, le notaire engage sa responsabilité, sur le fondement de l’article 1382, ancien, du code civil, applicable au litige, disposition expressément invoquée par la SCI Tower à l’appui de sa demande.

Il est constant que la vente du 17 octobre 2007 était soumise à la TVA en application des dispositions de l’article 257-7° du code général des impôts, alors en vigueur, qui assujettissait à ce régime toutes les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles quelle qu’en soit la nature.

Conformément à l’article 207.II-2 et III-1-1 de l’annexe 2 du code général des impôts, en cas de cession de l’immeuble avant le terme d’une période de 20 ans comprenant l’année de son acquisition et si cette cession n’est pas soumise à la TVA, la taxe qui a été initialement déduite lors de l’acquisition doit faire l’objet d’une régularisation à hauteur de 1/20e par

année restant à courir jusqu’au terme de la période de 20 ans.

Or les cessions de janvier 2013 qui portaient sur des immeubles achevés depuis plus de cinq ans étaient exonérées de la TVA, conformément à l’article 261- 5 2°du code général des impôts, dans sa version en vigueur à cette date, sauf à ce que les parties demandent l’application du régime de la TVA en application de l’article 260-5 bis du même code.

En l’espèce, les deux actes reçus par Me Y le 11 janvier 2013 mentionnent que le vendeur et l’acquéreur déclarent ne pas être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l’article 256 A du code général des impôts et que la vente sera soumise au tarif de droit commun en matière immobilière tel que prévu par l’article 1594 D du code général des impôts, de sorte que la SCI Tower est, par voie de conséquence tenue de procéder à la régularisation de la TVA déduite en 2007.

La SCI Tower reproche à Me Y d’une part de ne pas l’avoir informée des conséquences fiscales des ventes passées en janvier 2013 et notamment du risque de régularisation au prorata temporis de la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors de l’acquisition de 2007, d’autre part de ne pas l’avoir avisée de la possibilité de soumettre la vente à la TVA.

Pour contester toute faute de sa part, Me Y ne peut utilement soutenir que les cessions litigieuses bénéficiaient de plein droit de la dispense de taxation à la TVA, en application de l’article 257 bis du code général des impôts qui dispose que : ' Les livraisons de biens et les prestations de services, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens. Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s’il y a lieu, pour l’application des dispositions du e du 1 de l’article 266, de l’article 268 ou de l’article 297 A.', et que corrélativement, la SCI Tower était dispensée de toute régularisation de la TVA déduite.

Cette analyse se heurte en effet à la décision de la Direction générale des finances publiques qui a rejeté la réclamation de la SCI Tower en considérant que les cessions en cause ne bénéficiaient pas de cette dispense de taxation à la TVA aux motifs que les actes ne comportent pas la qualité de redevable des cessionnaires et ne visent pas non plus la dispense de taxation prévue à l’article 257 bis.

Il convient d’ailleurs de relever que, dans ses courriers des 24 octobre 2013 et 11 septembre 2014, Me Y n’évoquait nullement une telle dispense de régularisation et indiquait que les ventes n’étaient assujetties à la TVA que sur option de l’acquéreur et proposait des actes rectificatifs.

Me Y, à qui il incombait de délivrer à la SCI Tower une information claire et précise sur le régime fiscal des actes qu’elle recevait, ne peut reprocher à celle-ci de ne pas avoir exercé de recours contentieux pour contester une décision de l’administration dont les motifs reposent notamment sur l’analyse des termes même des actes de vente reçus par elle, alors surtout que le bénéfice de cette dispense suppose que les parties à l’acte soient toutes deux redevables de la TVA, et notamment les cessionnaires, ce que ne mentionne pas son acte qui indique le contraire.

Il appartient ainsi à Me Y de démontrer qu’elle a satisfait à son devoir d’information et de conseil en attirant l’attention de la SCI Tower, fût-elle un professionnel de l’immobilier, sur les conséquences fiscales liées au fait que les actes de vente n’étaient pas soumis à la TVA mais au régime général des droits d’enregistrement, l’information donnée devant être complète et circonstanciée. Le fait que les compromis de vente sous seings privés

antérieurement conclus entre les parties ne prévoient pas la soumission des actes à cette taxe ne dispense pas le notaire chargé d’authentifier l’accord des parties de ce devoir.

À cet égard, s’il ressort de deux courriers électroniques datés des 14 mai et 23 août 2012 que la question de l’assujettissement de la vente à la TVA a été évoquée avec M. Z A, notaire stagiaire en l’étude de Me Y, ce que confirme M. B C expert comptable, pour autant il n’est pas démontré que les conséquences fiscales de l’absence de soumission des ventes à la TVA aient été clairement exposées au vendeur.

Me Y admettait d’ailleurs dans sa déclaration de sinistre que cette information n’avait pas été donnée.

C’est donc à bon droit que le tribunal a retenu que Me Y avait manqué à son devoir d’information et de conseil en s’abstenant de fournir à la SCI Tower une information complète et circonstanciée sur les conséquences fiscales des ventes.

Le préjudice découlant de ce manquement au devoir de conseil s’analyse en une perte de chance d’avoir pu passer l’acte sous un autre régime fiscal et d’avoir pu éviter d’avoir à supporter une régularisation de TVA.

Il convient toutefois de relever que les actes de ventes ne pouvaient être soumis à la TVA qu’en accord avec les acquéreurs qui auraient dû supporter le coût de cette taxe, la soumission à ce régime présentant également l’inconvénient pour eux de devoir, le cas échéant, supporter une régularisation de taxe en cas de revente des biens avant l’expiration du délai de 20 ans précité.

La SCI Tower ne démontre nullement que M. X, respectivement la SCI Frou Frou dont il est le gérant, auraient consenti à modifier le régime d’imposition des actes, ce qui impliquait qu’ils optent à titre personnel pour ce régime, alors qu’au contraire, il est avéré qu’ils ont refusé de régulariser les actes rectificatifs préparés par Me Y.

En l’état de ces constatations, la cour considère que la perte de chance subie par la SCI Tower ne saurait excéder 25 %.

Il ressort du compte TVA collectée que le montant de la TVA reversée suite aux ventes s’est élevé à 102 065,10 euros le montant porté sur la déclaration d’août 2014 tenant compte d’autres opérations.

Il convient donc de retenir, non pas le solde du compte de TVA comme l’a fait le tribunal, mais le montant de la TVA restituée, soit la somme précitée de 102 065,10 euros, à laquelle sera appliqué le coefficient de perte de chance. C’est donc un montant de 25 516 euros qui sera mis à la charge de Me Y et de son assureur in solidum.

S’agissant d’une créance de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal sont dus à compter du présent arrêt, conformément à l’article 1231-7 alinéa 2 du code civil, capitalisables dans les conditions prescrites par l’article 1343-2 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

En considération de la succombance respective en appel, il convient de laisser à la charge de chacune des parties ses propres dépens d’appel ainsi que les frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 27 juin 2019, sauf en ce qu’il a condamné in solidum Me Y et la société MMA IARD à payer à la SCI Tower la somme de 83 457 € (quatre-vingt trois mille quatre cent cinquante sept euros), outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

CONDAMNE in solidum Mme D-E Y et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à la SCI Tower la somme de 25 516 € (vingt cinq mille cinq cent seize euros), outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter ses propres dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE

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