Cour d'appel de Dijon, 5 novembre 2013, n° 12/01393

  • Photographie·
  • Image·
  • Labour·
  • Cheval·
  • Sociétés·
  • Vigne·
  • Père·
  • Reproduction·
  • Support·
  • Utilisation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 5 nov. 2013, n° 12/01393
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 12/01393
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Dijon, 8 janvier 2012, N° 08/03612

Texte intégral

XXX

SA CPEF CHANSON PERE ET FILS

SARL ECRIVIN

C/

Z, B A

SA CPEF CHANSON PERE ET FILS

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013

N° 13/

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 12/01393

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 09 JANVIER 2012, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON

RG 1re instance : 08/03612

APPELANTE :

SARL ECRIVIN

dont le siège social est XXX

XXX

représentée par Me Patrick PORTALIS, membre de la SCP DOREY PORTALIS PERNELLE BERNARD FOUCHARD, avocat au barreau de DIJON

APPELANTE ET INTIMÉE :

XXX

dont le siège social est XXX

XXX

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, assistée de la SCP BERGERET-BOUILLERET, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ :

Monsieur Z, B A

né le XXX à SAINT A D’HERE (38400)

XXX

XXX

représenté par Me D E, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Septembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame BOURY, Présidente de Chambre, Président,

Madame OTT, Présidente de chambre,

Monsieur MOLÉ, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Y,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Madame BOURY, Présidente de Chambre, et par Madame Y, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Z A, entrepreneur de travaux agricoles qui fournit aux propriétaires de vignes des prestations de services consistant notamment dans le labour des vignes au moyen de chevaux, a constaté que la SA Chanson Père et Fils (CPEF) pour laquelle il a réalisé, de l’année 2002 à l’année 2005, des labours de vignes, a fait établir et a diffusé des documents à destination du public ou de sa clientèle en reproduisant une photographie le représentant de façon centrée, unique et identifiable en cours de labour.

De même, il a constaté sur le site internet de la SA Chanson Père et Fils la reproduction de son image dans des conditions similaires alors qu’il n’a jamais autorisé ladite reproduction.

C’est ainsi que, par acte d’huissier en date du 20 septembre 2008, Monsieur A a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dijon, la société CPEF exploitant sous le nom commercial Chanson Père et Fils, sur le fondement des articles 9 et 1382 du code civil afin de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— faire interdiction à cette dernière de reproduire, sur quelque support que ce soit, et de diffuser son image réalisant une prestation de labour à cheval, ce dans le délai de cinq jours à compter de la signification de la décision et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,

— ordonner à la société CPEF de procéder à ses frais à la destruction de tout support reproduisant ladite image dans le délai de cinq jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée,

— condamner la défenderesse à lui payer la somme de 60.000 euros en réparation de son préjudice et la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Monsieur A a fait valoir devant le tribunal, en substance, que l’utilisation de son image alors qu’il est en train de réaliser une prestation de labour constitue une atteinte au respect de la vie privée, et qu’il n’a pas autorisé la reproduction d’une photographie le représentant dans une action de labour, qui plus est à des fins commerciales, puisque la diffusion de son image dans les prospectus et reproductions ainsi réalisés, était destinée à la promotion de la maison Chanson Père et Fils, ajoutant que son préjudice résulte de la confusion créée dans l’esprit de ses clients actuels ou potentiels entre l’entreprise qu’il exploite et l’entreprise Chanson Père et Fils, ainsi que de la dépréciation de la valeur tant patrimoniale qu’extra-patrimoniale de son image trop largement diffusée.

Par acte d’huissier du 22 octobre 2000, la société CPEF exploitant sous le nom commercial Chanson Père et Fils a fait assigner devant le même tribunal la SARL Ecrivin afin de voir condamner cette dernière à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en principal frais et accessoires, avec intérêts au taux légal au jour du règlement jusqu’au complet remboursement et capitalisation.

Les affaires ayant été jointes, la société CPEF, pour conclure au rejet des prétentions de Monsieur A, a soutenu que les photographies querellées avaient été prises au cours de l’année 2001, avec le plein accord de Monsieur A, dans le cadre d’une opération de promotion de la Maison Chanson, importante maison de vins de Beaune, confiée à la SARL Ecrivin, laquelle a réalisé un ouvrage luxueux destiné à promouvoir son image et ses produits, illustré de photographies, dont l’une représente effectivement Monsieur A labourant 'le clos des feves'.

Compte tenu de la date à laquelle les photographies ont été prises (2001), la société CPEF a d’abord soulevé la prescription de l’action de Monsieur A qui n’aurait pas été introduite dans le délai de 5 ans à compter du jour où il a pu connaître les faits.

La société CPEF a ensuite plaidé devant le tribunal le fait que Monsieur A ne serait pas reconnaissable sur la photographie incriminée et la connaissance que Monsieur A avait de cette photographie utilisée uniquement pour valoriser le travail de labour à cheval et nullement dans le but de porter atteinte à la vie privée de Monsieur A qui exerce son art publiquement.

Enfin, il était fait observer que la tardiveté de la réaction prouvait l’absence de préjudice, étant donné que ne jouissant pas d’une grande notoriété, sa représentation sur un support luxueux n’a pu, selon cette société, dévaloriser son image.

Dans ses rapports avec la SARL Ecrivin, la SA CPEF qui sollicite sa garantie, prétendait que la photographie lui avait été vendue par la première et que c’est à elle qu’il appartenait de s’assurer de l’accord de la personne photographiée.

Selon ce que prétendait CPEF, la SARL Ecrivin aurait aussi commis une faute en lui laissant croire que le prix du cliché incluait le droit de l’utiliser de manière illimitée et à des fins promotionnelles et ne se limitait pas à son utilisation dans la plaquette réalisée.

La SARL Ecrivin a nié toute cession de droits à la SA CPEF sur le cliché incriminé et prétendait que la photographie 'cheval dans les vignes’ invoquée par Monsieur A associée à un vin précis n’était pas celle qu’elle avait prise eu égard à la position du cheval à gauche et non à droite.

Le tribunal de grande instance de Dijon, par jugement du 9 Janvier 2012 :

— a dit que l’action engagée par Monsieur Z A à l’encontre de la SA CPEF exerçant sous l’enseigne Chanson Père et Fils n’est pas prescrite,

— a dit que constitue une atteinte au droit à l’image de Monsieur Z A la reproduction de la photographie 'Cheval dans les vignes",

— a fait interdiction à la SA CPEF de reproduire sur quelque support que ce soit et de diffuser l’image de Monsieur Z A réalisant une prestation de labour à cheval, ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, et sous astreinte de 30 € par infraction constatée,

— s’est réservé la liquidation de l`astreinte,

— a condamné la SA CPEF à payer à Monsieur Z A la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice, ainsi que la somme de 700 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SARL Ecrivin à relever et garantir la SA CPEF des condamnations prononcées à son encontre,

— débouté la SA CPEF de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive et de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile formulée à l’encontre de Monsieur Z A,

— débouté la SARL Ecrivin de ses demandes d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formulée à l’encontre de la SA CPEF et de Monsieur Z A,

— dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision,

— condamné la SA CPEF aux dépens qui comprendront le coût du procès-verbal de constat réalisé le 13 juillet 2008 par la SCP Roland Rozec Huissiers de justice associés au Creusot avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Champenois avocat dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Appel a été relevé par la SARL Ecrivin suivant déclaration du 26 Juillet 2012 (12/1393).

Un second appel a été régularisé le 27 Juillet 2012 par la SCP Bergeret Bouilleret avocat de la SA CPEF, mais par erreur, sur cet appel, la SCP Bergeret Bouilleret a mentionné comme appelant aussi la SARL Ecrivin déjà appelante et dont il n’était pas l’avocat.

Le problème a été résolu par la jonction des deux instances, par ordonnance du 15 Octobre 2012, et la constitution de la SCP Dorey Portalis aux lieu et place de la SCP Bergeret Bouilleret pour le compte de la SARL Ecrivin.

Par ses conclusions du 6 Février 2013, la société CPEF demande à la Cour de :

— réformer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré l’action de Monsieur Z A recevable, et, statuant à nouveau, au visa de l’article 2224 du Code Civil, déclarer l’action fondée sur des faits remontant à plus de cinq ans, irrecevable,

— subsidiairement, sur le fond, au visa des articles 9 et 1382 du Code Civil, débouter Monsieur Z A de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions eu égard à la finalité du cliché incriminé, réalisé et utilisé avec l’accord de Monsieur A dans des conditions dénuées d’intention malveillante et plus généralement de faute, et portant sur l’activité professionnelle et publique de Monsieur Z A sans porter atteinte à sa vie privée et en l’absence de preuve d’un préjudice directement imputable,

— infiniment subsidiairement, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a, au visa des articles 1147 et 1528, condamné la Société Ecrivin à la garantir de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais et accessoires,

— à titre reconventionnel, réformer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que l’action intentée par Monsieur A n’était pas abusive, et statuant à nouveau, condamner Monsieur Z A à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses conclusions du 14 Décembre 2012, Monsieur A demande à la Cour, au visa des articles 9 et 1382 du Code civil, de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dijon en date du 9 Janvier 2012 en ce qu’il a :

— dit que son action à l’encontre de la SA CPEF exerçant sous l’enseigne Chanson Père et Fils n’était pas prescrite,

— dit que la reproduction de la photographie « cheval dans les vignes » constituait une atteinte à son droit à l’image,

— fait interdiction à la Société CPEF de reproduire, sur quelque support que ce soit, et de diffuser son image réalisant une prestation de labour à cheval, ce, dans le délai de deux mois, à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 30 € par infraction constatée, en se réservant la liquidation de l’astreinte,

y ajoutant,

— ordonner à la société CPEF de procéder à ses frais à la destruction de tout support reproduisant ladite image, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision a intervenir, sous astreinte de 30 € par infraction constatée,

— réformer le jugement et condamner la société CPEF à lui payer la somme de 60.000 € en réparation du préjudice subi,

— débouter les sociétés CPEF et Ecrivin de leurs demandes d’indemnisation et fondées sur l’article 700 code de procédure civile dirigées contre lui,

— débouter les sociétés CPEF et Ecrivin de toutes demandes plus amples ou contraires,

— condamner la SA CPEF à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— rectifier l’erreur matérielle contenue dans le jugement querellé, en ce qu’il a condamné la société CPEF aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître E et non de Maître Champenois,

— condamner la société CPEF aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par Maître D E, lesquels comprendront le coût du constat d’huissier réalisé par la SCP Roland & Rozec en date du 18 Juillet 2008, aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure civile.

Par ses conclusions du 7 février 2013, la SARL Ecrivin demande à la Cour, déclarant son appel recevable, d’infirmer la décision entreprise, et :

à titre principal, de :

— la décharger des condamnations prononcées à son encontre,

— condamner Monsieur A à lui payer la somme de 4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

à titre subsidiaire, de :

— juger que Monsieur A n’est pas identifiable, sur la photographie,

— juger qu’il a consenti à l’utilisation de cette photographie sur la plaquette de la maison Chanson,

— juger au moins que Monsieur A ne justifie d’aucun préjudice.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 Juin 2013.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR QUOI

sur la prescription

attendu qu’il n’est pas contesté que la photographie litigieuse a été prise en 2001 et que l’action a été introduite le 20 Septembre 2008 ;

attendu que selon l’article 2222 du code civil tel qu’issu de la loi du 17 Juin 2008, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou de forclusion (non encore échu à la date d’entrée en vigueur de la loi au 18 Juin 2008), le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

attendu que, quelle que soit la qualification donnée à l’action de Monsieur A, soumise antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, soit à la prescription trentenaire de l’article 2262 du code civil en tant qu’action personnelle, soit à la prescription décennale de l’article 2270-1 en tant qu’action en responsabilité civile extra-contractuelle, le délai d’action qui n’a pas pu courir antérieurement à la date de la prise de vue en 2001, était toujours ouvert à la date du 18 Juin 2008, lors de l’entrée en vigueur de la loi ;

qu’ainsi, le nouveau délai de cinq ans instauré par l’article 2224 du code civil pour les actions personnelles ou mobilières n’a commencé à courir que le 18 Juin 2008 et la prescription n’était donc pas acquise à la date de l’assignation du 20 Septembre 2008 ;

que par ce motif substitué à celui du premier juge qui a recherché sans nécessité la date à laquelle Monsieur A avait pu avoir connaissance de l’existence du cliché litigieux, le rejet de la fin de non recevoir maintenue en appel contre toute évidence par la société CPEF, et la recevabilité de l’action doivent donc être confirmés ;

Sur le fond

— sur les demandes de Monsieur A à l’encontre de la société CPEF

attendu que selon l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée et les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ;

attendu que le droit au respect de la vie privée ainsi énoncé, permet à toute personne de s’opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image ;

et attendu qu’au vu de la photographie incriminée prise dans les vignes du Domaine viticole de la Maison Chanson Père et Fils, de Monsieur A en action de labour avec son cheval, le premier juge a justement retenu, contrairement à ce que persiste à soutenir les sociétés appelantes, que l’intéressé était parfaitement identifiable et justement rappelé qu’il était en droit d’interdire la reproduction de son image ;

que le tribunal a également justement retenu qu’il était indifférent que la photographie ait été prise à l’occasion de l’activité professionnelle de Monsieur A qui n’avait aucun caractère public, quoi que persiste à soutenir sans aucune justification la société CPEF ;

que toute personne est fondée à s’opposer à la reproduction de son image, que la photographie soit prise dans un lieu strictement privée ou dans un lieu ouvert, à l’occasion de l’exercice d’une profession, étant observé qu’en l’espèce, contrairement à ce que prétend la société CPEF, le cliché n’a nullement pour objet de mettre en avant l’activité professionnelle de Monsieur A, mais de valoriser l’image du domaine viticole à raison de l’utilisation d’une méthode traditionnelle de labour ainsi illustrée, ce qui est totalement différent ;

attendu qu’ayant ensuite justement énoncé qu’il appartenait à celui qui reproduit l’image, d’apporter la preuve de l’autorisation du sujet, le premier juge a, par une motivation qu’il convient d’adopter, retenu que la preuve d’une autorisation de Monsieur A ne résultait ni de sa complaisance – au demeurant non prouvée – lors de la prise de vue, ni de l’attestation établie le 16 Décembre 2008 par Monsieur X photographe de la SARL Ecrivin faisant état de ce que Monsieur A s’était prêté à la séance de photographies en sachant qu’elles étaient destinées à être utilisées à des fins commerciales et promotionnelles de la Maison Chanson Père et Fils, ce témoignage ayant été judicieusement écarté par le juge en raison du lien de subordination unissant le témoin et la société Ecrivin dont la responsabilité est recherchée ;

attendu que contrairement à la jurisprudence citée par la société CPEF dans laquelle le consentement tacite de l’intéressé a été déduit de sa participation au tournage d’un film destiné à une diffusion publique, il n’est pas justifié d’un consentement de Monsieur A à la diffusion de son image à des fins commerciales, quand bien même, il se serait laissé prendre en photographie sans protester ;

et attendu que les sociétés CPEF et Ecrivin ne peuvent justifier la violation du droit à l’image de Monsieur A par la circonstance que celui-ci se prêterait volontiers à être photographié, ainsi que le démontre notamment une revue de presse communiquée en pièce 17 ;

qu’en effet, Monsieur A étant libre de consentir ou non à la diffusion de son image et seul apte à déterminer si le contexte de la diffusion est conforme à son éthique personnelle, son consentement doit être requis ;

et attendu que la preuve n’étant pas plus apportée en appel, qu’en première instance, du consentement de Monsieur A à l’utilisation de son image, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’atteinte portée au droit de Monsieur A par la reproduction de la photographie 'Cheval dans les vignes’ ;

attendu qu’à titre subsidiaire, les sociétés appelantes soutiennent en substance, que Monsieur A qui n’est pas présenté sur la photographie d’une manière péjorative, ne justifierait d’aucun préjudice dès lors qu’il ne démontrerait pas une quelconque dépréciation de son image, ni un manque à gagner alors que, ne bénéficiant pas d’une grande notoriété, il profiterait au contraire, par le biais des publications litigieuses, de l’image luxueuse et valorisante d’une maison de renommée internationale ;

mais attendu que l’atteinte portée à l’image contre le gré de la personne porte en elle-même un préjudice ;

que la découverte par Monsieur A, non seulement des publications sur supports papier diffusées auprès de la clientèle (29 000 exemplaires entre 2004 et 2007), mais encore et a fortiori, d’une large diffusion, sur le site internet de la Maison Chanson Père et Fils de son image pouvant être librement téléchargée, ainsi qu’il appert du constat d’huissier du 18 Juillet 2008, à des fins commerciales qui lui sont étrangères, caractérise bien l’existence d’un préjudice dès lors que Monsieur A ne bénéficie d’aucune rémunération sur cette utilisation commerciale de son image, alors qu’elle participe à la valorisation commerciale de la Maison Chanson Père et Fils ;

que de plus, les pièces produites par Monsieur A qui, outre son activité d’entrepreneur de travaux agricoles écologiques ( pièce 21), dispense de la formation au travail du sol avec le cheval (pièce 9), participe à la valorisation de cet animal (pièce8) et est lui-même viticulteur d’un vignoble écologique (pièce 11), montre que toute son activité est orientée dans un esprit de respect de la nature, et de valorisation du cheval en tant qu’aide à une retour à des méthodes traditionnelles protectrices de la terre (pièce 14), mais nécessairement moins rémunératrices ;

qu’ainsi, la revue de presse figurant en pièce 17 dont s’emparent les sociétés appelantes pour ironiser sur l’attrait de Monsieur A pour la photographie et minimiser le préjudice allégué, témoigne non pas d’un caractère cabotin, comme voudraient le faire croire les société CPEF et Ecrivin, mais bien d’une volonté de promouvoir des méthodes traditionnelles d’élevage de la vigne plus protectrices de la nature, de favoriser la renaissance d’un métier oublié de laboureur à cheval, et de promouvoir une race de cheval de trait participant au 'développement durable et tourisme vert';

attendu que la société Ecrivin explique dans ses conclusions que la société CPEF lui avait commandé spécifiquement, en plus des photographies classiques de ses vignes, cette photographie de labour à cheval destinée à valoriser une image du domaine respectueuse de la nature ;

que l’utilisation de cette photographie dans un but unique de communication de l’image d’un Domaine respectueux de la nature, mais restant cependant, dans les faits, attaché à cultiver et promouvoir le luxe, l’élégance et le raffinement, comme le souligne elle-même la société CPEF, est éloignée des préoccupations de Monsieur A soucieux pour sa part d’un véritable respect de la nature s’accompagnant nécessairement de sacrifices financiers peu compatibles avec l’image cultivée par la société CPEF ;

qu’ainsi, Monsieur A prouve que l’utilisation de la photographie litigieuse, de nature à créer une confusion avec la Maison Chanson Père et Fils, dans l’esprit des clients de sa propre entreprise et au regard de ses diverses activités, lui être préjudiciable et justifie une réparation qui, en considération des éléments de l’espèce, a été insuffisamment évaluée par le premier juge et doit être portée à la somme de 25.000 € propre à compenser toutes types de préjudice confondus subis par Monsieur A ;

qu’il sera précisé, pour répondre à l’argumentation des appelantes sur la tardiveté de la réaction de Monsieur A, qu’elles ne justifient pas de circonstances qui permettraient d’asseoir la conviction que Monsieur A aurait eu, comme elles le soutiennent, connaissance de l’existence des publications litigieuses, antérieurement à l’année 2008 au cours de laquelle il a introduit son action ;

qu’il convient d’autre part, de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a fait interdiction à la société CPEF, de reproduire sur quelque support que ce soit et de diffuser l’image de Monsieur A réalisant une prestation de labour à cheval, sous les mêmes conditions de délai et d’astreinte prévues par le jugement qui courront à compter du présent arrêt, dès lors que le jugement n’était pas assorti de l’exécution provisoire ;

attendu, par ailleurs, que si le tribunal a, dans ses motifs, fait droit à la demande tendant à ce que soit ordonnée à la SA CPEF, de procéder, à ses frais, sous les mêmes conditions d’astreinte que ci-dessus, à la destruction de tout support reproduisant ladite image, il a omis cette disposition au dispositif de sa décision ;

qu’il convient, faisant droit à la demande, de réparer cette omission ;

— sur la demande de garantie de la SA CPEF à l’encontre de la société Ecrivin

attendu que pour retenir la responsabilité intégrale de la société Ecrivin envers la société CPEF, le premier juge a considéré en substance, que la vente par la première à la seconde, pour 98 €, de la photographie 'cheval dans les vignes', imposait à la SARL Ecrivin, dans le cadre de son obligation de délivrance envers l’acquéreur, de garantir à l’acquéreur que le sujet avait donné son consentement et que la photographie pouvait être utilisée sans restriction ;

mais attendu qu’il résulte de l’exposé des circonstances de la prise de vue litigieuse non véritablement démenties par la société CPEF, que chargée de l’élaboration d’une plaquette publicitaire de la Maison Chanson Père et Fils, la société Ecrivin a pris diverses photographies du Domaine incluses dans le forfait, mais que la société CPEF a souhaité valoriser l’image d’un travail respectant la nature en l’illustrant par la photographie d’un labour avec cheval dans les vignes ;

que c’est ainsi, que cette photographie prise ultérieurement, a été facturée le 17 Avril 2002 pour 98euros en supplément ;

attendu que les sociétés appelantes sont en désaccord sur ce qui a été ainsi vendue, la société CPEF soutenant que la société Ecrivain lui a vendu la photographie et qu’elle aurait dû lui assurer qu’elle était libre de tous droits, alors que la société Ecrivin conteste avoir cédé des droits sur cette photographie, se prévalant des dispositions de l’article L 111.1 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle posant le principe selon lequel l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit, en sorte qu’une oeuvre de l’esprit ne peut être exploitée sans cession des droits patrimoniaux qui lui sont attachés ;

et attendu que la société Ecrivin soutient justement que l’intitulé contenu dans la facture 'prise de vue : cheval dans les vignes’ correspond à la facturation de la prestation de la prise de la photographie en supplément, non comprise dans le forfait initial de la plaquette publicitaire à laquelle elle devait être intégrée, et nullement à une vente ou une cession de droits patrimoniaux sur cette photographie qui aurait

permis à la SA CPEF une utilisation élargie en dehors du cadre de la plaquette litigieuse, la société Ecrivin soutenant à bon droit que la preuve n’est pas rapportée par des moyens conformes aux dispositions des articles L 131-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, d’une cession de droits d’exploitation et de reproduction de la photographie en dehors de la plaquette litigieuse ;

attendu que la SARL Ecrivin se prévaut d’une jurisprudence selon laquelle le titulaire des droits ne serait pas tenu d’une obligation de conseil à l’égard du client qui se borne à lui passer commande de la réalisation d’un cliché quant à la nécessité de conclure un contrat de cession de droit d’auteur en cas d’exploitation, pour soutenir qu’en l’espèce, elle n’était tenue d’aucune obligation de conseil et d’information à l’égard de la société CPEF ;

mais attendu qu’en tant que professionnel de l’édition et de la communication, la SARL Ecrivin avait nécessairement l’obligation de s’enquérir auprès de la société CPEF du consentement de Monsieur A, pour être photographié dans les vignes et pour que sa photographie soit utilisée sur une plaquette publicitaire de la société CPEF ;

qu’il ne résulte d’aucune pièce que la SARL Ecrivin s’est assurée soit auprès de la société CPEF, soit auprès de Monsieur A lui-même, du consentement de ce dernier ;

que la SARL Ecrivin a donc commis une faute qui a participé au dommage ;

attendu qu’en revanche, il est établi que la photographie litigieuse , initialement commandée dans un cadre défini pour l’élaboration par la SARL Ecrivin d’une plaquette publicitaire, a ensuite été largement diffusée par la société CPEF, dans le cadre d’autres publications commandées à d’autres prestataires, et surtout, sur le site internet de la Maison Chanson Père et Fils sur lequel la photographie est accessible sans restriction de téléchargement ;

attendu en conséquence, que si le préjudice est né, faute pour la SARL Ecrivin de s’être enquise du consentement de Monsieur A, il a été considérablement aggravé par le propre comportement de la société CPEF qui, en tant que société moderne gérant un domaine viticole de renom orienté vers l’international, était nécessairement en capacité de mesurer le risque de l’utilisation de la photographie litigieuse au-delà du cadre dans lequel elle avait été prise ;

qu’aucune responsabilité ne peut donc être retenue à l’encontre de la SARL Ecrivin dans l’utilisation ultérieure par la société CPEF d’une photographie qui n’avait nullement été vendue à cette dernière et n’avait d’autre finalité que son insertion à la plaquette réalisée par la SARL Ecrivin ;

qu’en considération de la participation respective des fautes commises par les sociétés Ecrivin et CPEF dans le préjudice de Monsieur A, la société Ecrivin doit sa garantie à la société CPEF, mais dans la limite de 30% du montant de la réparation ;

qu’il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point ;

— sur les demandes accessoires

attendu qu’il y a lieu de confirmer la décision déférée en ses dispositions rejetant la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la SA CPEF, et des demandes fondées sur l’article 700 élevées par les sociétés CPEF et Ecrivin, le rejet de ces prétentions étant conformes au sens de la décision ;

attendu que les dépens de première instance seront confirmés, sauf du chef de l’inclusion du coût du procès-verbal de constat d’huissier du 18 Juillet 2008 qui ne fait pas partie des dépens taxables, mais relève des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

attendu que la société CPEF qui succombe en son appel, en supportera intégralement les dépens ;

attendu que l’équité commande de faire droit à la demande de Monsieur A et de condamner la société CPEF au paiement, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, envers lui, de la somme de 2.500 € tenant compte du coût du procès-verbal de constat ;

qu’il y a lieu de rejeter toutes autres demandes de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf :

— du chef du montant de la réparation allouée à Monsieur A,

— du chef de la condamnation de la SARL Ecrivin à relever et garantir la SA CPEF de la totalité des condamnations prononcées à son encontre,

— du chef de l’intégration du coût du procès-verbal de constat du 18 Juillet 2008 dans les dépens,

réformant sur ces dispositions, statuant à nouveau et ajoutant,

— condamne la société CPEF à payer à Monsieur A la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice,

— dit que les conditions de l’astreinte assortissant le jugement, courront à compter du présent arrêt,

— répare l’omission du tribunal et ordonne à la SA CPEF de procéder à ses frais à la destruction de tout support reproduisant l’image incriminée de Monsieur A en action de labour dans les vignes du Domaine Chanson Père et Fils, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 30 € par infraction constatée à l’issue de ce délai,

— condamne la SARL Ecrivin à garantir la société CPEF des condamnations prononcées à son encontre en faveur Monsieur A, mais dans la limite de 30 % de cette condamnation, soit à hauteur de 7.500 €,

— répare l’erreur matérielle figurant au dispositif du jugement et dit que le droit de recouvrement prévu par l’article 699 est accordé à Maître E et non pas à Maître Champenois,

— condamne la société CPEF au paiement envers Monsieur A de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejette toutes autres demandes du chef de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne la société CPEF aux entiers dépens,

— accorde à Me E Avocat le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— rejette toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Dijon, 5 novembre 2013, n° 12/01393