Cour d'appel de Lyon, du 20 juin 2001, 1998/03394

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

D’une part, l’article 1 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 qui détermine la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit ne fait pas distinction selon la nature de la responsabilité encourue. D’autre part, l’action en responsabilité exercée par le sous-acquéreur victime d’une atteinte à la sécurité contre le fabricant relève d’une obligation de sécurité autonome de nature extra-contractuelle introduite de façon prétorienne en s’inspirant de la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Ni le blessé, ni les sociétés revendeuses n’ont de liens contractuels avec la société fabricante de jantes pour véhicules et sont donc tiers au sens de l’article 1165 du Code civil. Ainsi l’action en responsabilité du sous-acquéreur à l’encontre du fabricant doit être qualifiée à partir de la Convention qui écarte de son domaine les rapports entre la personne lésée et de celle par laquelle la propriété ou la jouissance du produit a été transférée. Il s’ensuit que l’action en responsabilité du sous-acquéreur contre le fabricant s’accorde au domaine défini par la Convention.Les règles de rattachement sont précisées par les articles 4 et 5 de la Convention. Le premier de ces textes dispose que la loi applicable est la loi interne de l’État sur le territoire duquel le fait domma- geable s’est produit, si cet État est aussi celui de la résidence habituelle de la personne directement lésée. Le second de ces textes précise précise que "nonobstant les dispositions de l’article 4 la loi applicable est la loi interne de l’État de la résidence habituelle de la personne directement lésée, si cet État est aussi celui de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée ou celui sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne lésée

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 20 juin 2001, n° 98/03394
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 1998/03394
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 19 avril 1998, N° 199524040;1998/03394
Textes appliqués :
Convention de la Haye 1973-10-2, articles 1, 4, 5, Code civil, article 1165
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006937690

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE LYON 6e Chambre ARRET du 20 JUIN 2001 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 20 Avril 1998 (RG : 199524040) N° RG Cour : 1998/03394

Nature du recours : DECL. D’APPEL Code affaire : 504 Avoués :

Parties : – ME MOREL MONSIEUR X… François demeurant : BRIORD 01470 VERIZIEUX Avocat : Maître LAGARDE (ROUEN)

APPELANT

---------------- – ME MOREL SARL PRO IMPORT BIKE, anciennement X… MOTO PIECES dont le siège social est : 18/22 rue de Verdun 69100 VILLEURBANNE Représenté par ses dirigeants legaux Avocat : Maître LAGARDE (ROUEN)

APPELANTE

---------------- – SCP AGUIRAUD-NOUVELLET SARL REMORQUES CHARNOUD dont le siège social est : 60 rue du Lac 69003 LYON Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître DURADE-REPLAT

INTIMEE

---------------- – ME VERRIERE SA GENERALI FRANCE, venant aux droits de la Compagnie LA FRANCE, agissant tant personnellement qu’en qualité de conventionnellement subrogée dans les droits de Monsieur X… et de la Société PRO IMPORT BIKE dont le siège social est : 5 rue de Londres 75456 PARIS CEDEX 09 Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître CARLOT, substituant Maître MOUISSET

INTIMEE

---------------- – SCP BRONDEL-TUDELA SA SOCAH dont le siège social

est : 2 rue de la Frégère 34080 CLERMONT L’HERRAULT Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître ZARADE

faite dans le délai de 5 jours et le délai de prescription de l’action d’un an a été interrompu par l’assignation en référé du 12 mai 1993 et la mise en oeuvre de l’expertise. Enfin, elles ajoutent que la Société SOCAH pourrait également agir en matière non contractuelle sur le fondement de l’article 2043 du Code Civil italien dans le délai de 5 ans en raison des lésions causées aux droits de l’acquéreur par la prestation du vendeur.

Ainsi la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH demandent à titre principal l’infirmation du jugement déféré et de voir dire que l’accident est imputable à la seule négligence de Monsieur X…, qu’aucun manquement ne peut être reproché

Ainsi la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH demandent à titre principal l’infirmation du jugement déféré et de voir dire que l’accident est imputable à la seule négligence de Monsieur X…, qu’aucun manquement ne peut être

reproché à la Société SOCAH dans ses obligations de vendeur et doit donc être mise hors de cause. Subsidiairement, elles demandent d’être relevées et garanties par la Société SARL CHARNOUD en raison de son manquement à son devoir d’information et de dire leur recours contre la Société ADR et son assureur recevable et fondé quelque soit la législation applicable. Elles sollicitent également une somme de 100.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. [********]

La Société SARL CHARNOUD soutient que les actions exercées par la Société SOCAH, elle-même, la Société X… MOTO PIECES et par Monsieur X… sont fondées en droit français sur l’obligation de sécurité qui incombe au fabricant et qu’en cette matière la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la responsabilité du fait des produits doit s’appliquer indépendamment de toute condition de réciprocité. Comme cette convention exclut de son domaine les

INTIMEE

---------------- – SCP BRONDEL-TUDELA SA ZURICH dont le siège social est : 17/19 rue Guillaume Tell 75017 PARIS Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître ZARADE

INTIMEE

---------------- – SCP JUNILLON-WICKY SOCIETE ADR dont le siège social est : Spa Via Sriani 9, UBOLDO 21040 VARESE (ITALIE) Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître ARNAUD

INTIMEE

---------------- – SCP JUNILLON-WICKY SOCIETE INA ASSITALIA dont le siège social est : Via Casula 17 Varèse 21100 ISPETTORATO RC (ITALIE) Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître FAVAREL-VEIDIG

INTIMEE – ME BARRIQUAND CAISSE REGIONALE DES ARTISANS ET COMMEROEANTS DU RHONE CMR DU RHONE dont le siège social est : 69 rue Duquesne 69452 LYON CEDEX 06 Représenté par ses dirigeants légaux Avocat :

Maître MASANOVIC

INTIME

---------------- – ME MOREL CAISSE VIEILLESSE DES ARTISANS ASSURANCES AVA dont le siège social est : 66 rue Stendhal 75020 PARIS Représenté par ses dirigeants légaux Avocat : Maître SOULIER

INTIMEE

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 27 Mars 2001 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE du 17 Avril 2001 LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de : . Monsieur VEBER, Président . Madame DUMAS, Conseiller . Madame JEAMMAUD, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame Y…, Greffier, a rendu l’ARRET contradictoire suivant prononcé à l’audience publique du 20 JUIN 2001 par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec le Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

relations entre fabricant et acquéreur originaire, il faut donc distinguer la loi applicable à la responsabilité de la Société ADR vis à vis des Sociétés SARL CHARNOUD, X… MOTO PIECES et de Monsieur X… de celle applicable à la responsabilité de la Société ADR vis à vis de son cocontractant la Société SOCAH.

La Convention de La Haye de 1973 conduit à l’application de la loi française dans la mesure où le dommage s’est produit en FRANCE, que la personne directement lésée y est résidente et que celle-ci y a acheté le produit. La Société SARL CHARNOUD prône une interprétation autonome de la convention quant à la nature de l’action en responsabilité du sous-acquéreur à l’encontre du fabricant et estime que les Sociétés X… MOTO PIECES et CHARNOUD sont fondées à exercer un recours direct contre le fabricant ADR sur le fondement de la responsabilité contractuelle existante en droit français et Monsieur X…, tiers victime directe du dommage, dispose également d’une action directe contre le fabricant en vertu de la responsabilité extra contractuelle du fait des produits.

La loi italienne qui est applicable au recours de la Société SOCAH à l’encontre du vendeur et fabricant la Société ADR prévoit un régime de responsabilité sans faute résultant du décret 224 du 24 mai 1988 qui a transposé dans son droit interne la Directive Européenne du 25 juillet 1985. La Société SARL CHARNOUD fait remarquer que ce décret prévoit la possibilité pour un fournisseur de se dégager de toute

responsabilité dès lors qu’il a indiqué l’identité du fabricant, ce qui est le cas pour la Société SOCAH, que ce décret permet la réparation du préjudice corporel de Monsieur X… et un délai de prescription de trois ans qui n’a pas été dépassé en l’espèce. Elle estime ainsi que la Société ADR et son assureur doivent être condamnés in solidum à réparer l’entier préjudice de Monsieur X… et de la Société PRO IMPORT BIKE.

La Société ADR, société de droit italien installée à UBOLDO où elle fabrique des jantes pour véhicules, a vendu à la Société SOCAH, société française installée à CLERMONT-L’HERAULT, un lot de jantes dont celle-ci a pris livraison le 12 février 1992 à l’usine. Ce lot a été vendu le 5 mars 1992 à la Société SARL REMORQUES CHARNOUD qui a revendu quatre exemplaires à la Société SARL X… MOTO PIECES. Le 23 octobre 1992, Monsieur François X… a été grièvement blessé par la projection d’une partie de l’une de ces jantes alors qu’il réparait une roue.

A la suite du rapport de l’APAVE en date du 8 décembre 1992 concluant que l’accident est consécutif à une diminution locale d’épaisseur de la tôle emboutie dans la zone de la valve au ras de la soudure d’assemblage des deux parties constitutives de la jante, le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de LYON a ordonné le 18 mars 1993 une expertise médicale confiée au Docteur Z…, une expertise comptable confiée à Monsieur A…, condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD et son assureur, la Compagnie LA FRANCE, à verser à Monsieur X… une provision de 200.000 F à valoir sur son préjudice corporel et à payer à la Société SARL X… MOTO PIECES une provision de 100.000 F.

Par ordonnance du 10 juin 1993, le Juge des référés a condamné in solidum la Société SOCAH et son assureur, la Compagnie ZURICH, à relever et garantir la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE des condamnations prononcées à leur encontre le 18 mars 1993 et a dit que la Société ADR devait relever et garantir la Société

SOCAH et son assureur. De même, par ordonnance du 16 novembre 1993, la Société INA ASSITALIA, assureur de la Société ADR, a été condamnée à garantir la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH.

Par ordonnance du 21 avril 1994, le Juge des référés a condamné la Société SARL CHARNOUD et son assureur à verser à Monsieur X… une Concernant les responsabilités, la Société SARL CHARNOUD rappelle les conclusions formelles de l’expert sur le défaut de fabrication imputable à la Société ADR, la responsabilité de la Société SOCAH qui, bien qu’ayant reçu plusieurs jantes détériorées, n’a rien fait alors qu’en tant qu’importateur exclusif elle était la seule à pouvoir avertir les distributeurs d’un vice susceptible d’affecter les biens vendus. Elle estime ainsi qu’elle ne doit conserver aucune part de responsabilité et doit être intégralement relevée et garantie par la Société SOCAH et son assureur. En revanche, elle considère que Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES en raison du recours à une pression excessive ont engagé leur responsabilité à concurrence

de la moitié, que le préjudice de Monsieur X… a été normalement apprécié par le Tribunal sauf en ce qui concerne le préjudice fonctionnel séquellaire qui est déjà indemnisé dans le cadre de l’IPP, que ses demandes en appel doivent être écartées et que l’évaluation de l’expert A… relative au préjudice de la Société SARL X… MOTO PIECES doit être corrigée en fonction des réalités économiques concrètes. Elle estime enfin que la créance des organismes sociaux, présentée pour la première fois devant la Cour est irrecevable et en tout cas doit être déduite du préjudice de Monsieur X….

La Société SARL CHARNOUD conclut ainsi qu’en application de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 la loi française applicable conduit à dire que Monsieur X… et les Sociétés SARL X… MOTO PIECES et CHARNOUD sont fondés à exercer un recours direct contre la Société ADR sur le fondement de l’obligation de sécurité incombant au fabricant, que la Société SOCAH ne peut exercer de recours contre la Société ADR que

sur le fondement du droit italien lequel écarte la responsabilité des fournisseurs dès lors que le fabricant du produit a été identifié, que la Société ADR et son assureur doivent donc indemnité provisionnelle complémentaire de 800.000 F et a condamné la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à les relever et garantir.

Sur appels interjetés contre ces ordonnances, la Cour d’Appel de LYON, par arrêt du 22 décembre 1994, a confirmé les décisions entreprises et désigné Monsieur B… aux fins d’expertise technique sur les circonstances de l’accident.

Par ordonnance de référé du 4 avril 1995, la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE ont été condamnées à verser une nouvelle provision de 900.000 F à la Société SARL X… MOTO PIECES, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à les relever et garantir de cette condamnation et la Société ADR et la Société INA ASSITALIA à relever et garantir la Société SOCAH et son assureur.

Par arrêt du 6 février 1997, la Cour d’Appel de LYON a confirmé l’ordonnance du 14 mai 1996 par laquelle le Juge de la mise en état a

chargé l’expert Z… d’un complément d’expertise en vue de déterminer la nécessité pour Monsieur X… d’être assisté d’une tierce personne, a condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE à payer à la Société SARL X… MOTO PIECES une provision de 500.000 F en réservant pour le fond les demandes d’appel en garantie contre les Sociétés SOCAH, ADR et leurs assureurs.

Par actes des 15, 19 et 23 mai 1995, la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de LYON Monsieur X…, la Société SARL X… MOTO PIECES, la Société SOCAH, la Compagnie ZURICH, la Société ADR et la Compagnie INA ASSITALIA aux fins de voir statuer sur la responsabilité de l’accident et sur leur appel en garantie dirigé contre la Société SOCAH, la Société ADR et leurs assureurs.

L’expert Z… a déposé ses rapports les 24 décembre 1993 et 21 novembre 1996 en concluant à une IPP de Monsieur

X… de 88 % et à la nécessité d’une tierce personne quatre heures par jour. L’expert réparer l’entier préjudice de Monsieur X… et de la Société SARL X… MOTO PIECES, devenue PRO IMPORT BIKE, et qu’elle doit être elle-même mise hors de cause. Subsidiairement, la Société SARL CHARNOUD demande la condamnation in solidum de la Société SOCAH, de la Compagnie ZURICH, de la Société ADR et de la Société INA ASSITALIA à la relever et garantir de toute condamnation et notamment celle prononcée le 14 mai 1996 et sollicite une somme de 30.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. [********]

La Société ADR rappelle qu’elle a été appelée en cause pour la première fois par assignation en référé de la Société SOCAH (12 mai 1993) dans le cadre du recours de l’acheteur contre le vendeur, puis que la Société SARL CHARNOUD a saisi le Tribunal au fond dans le cadre contractuel des relations entre acheteur et vendeur (articles 1604 et 1641 Code Civil) et qu’enfin, Monsieur

X… et la Société X… MOTO PIECES se sont placés dans le cadre de l’action directe contractuelle du sous-acquéreur à l’encontre du vendeur originaire. Elle précise que tous les contrats de vente de matériel conclus entre elle-même et la Société SOCAH ont été exécutés en ITALIE, lieu de fabrication, de livraison et de paiement, que la loi italienne est ainsi applicable aux rapports entre elle-même et la Société SOCAH en application de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 et de la Convention de ROME du 19 juin 1980. Elle demande la confirmation du jugement déféré sur ce point.

La Société ADR soutient que, selon les dispositions de l’article 1495 du Code Civil italien, l’action se prescrit dans tous les cas un an à compter de la livraison même si les vices n’ont pas été découverts ou dénoncés en temps utile. Ainsi, la jante incriminée ayant été achetée le 12 février 1992, le premier référé étant en date du 12 mai 1993, la procédure engagée au fond par la Société SARL CHARNOUD datant du

A… retient dans son rapport, déposé le 29 septembre 1994, un préjudice économique de la Société SARL X… MOTO PIECES de 3.808.000 F après prélèvement d’une rémunération pour le gérant ou de 6.584.000 F sans prélèvement. Enfin, l’expert B… dans son rapport du 15 mars 1996 retient un vice de fabrication affectant la jante ayant causé l’accident.

Par jugement du 20 avril 1999, le Tribunal de Grande Instance de LYON a :

 – dit que les demandes de Monsieur X… et de la Société X… MOTO PIECES dirigées contre la Société SARL CHARNOUD et la Société SOCAH sont fondées sur l’obligation contractuelle de sécurité due par le vendeur professionnel, de même que le recours de la Société SARL CHARNOUD à l’encontre de la Société SOCAH ;

 – dit que les demandes dirigées par Monsieur X…, la Société SARL X… MOTO PIECES, la Société SARL CHARNOUD et la Société SOCAH à l’encontre de la Société ADR ne peuvent être fondées que sur les dispositions de la loi italienne ;

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire afin de permettre aux parties, et plus particulièrement à la Société ADR et la Compagnie INA ASSITALIA de donner toutes informations utiles sur les dispositions de la loi italienne applicables aux recours des acquéreurs, sous-acquéreurs et tiers utilisateurs à l’encontre du fabricant d’un produit défectueux et notamment les dispositions internes d’intégration de la Directive Européenne du 25 juillet 1985 ; Statuant exclusivement sur les demandes liées aux contrats de ventes passées en FRANCE ;

19 mai 1995, et celle de la Société SOCAH par conclusions du 16 avril 1996, la Société ADR estime que toute action en dommages et intérêts de l’acheteur contre le vendeur est prescrite qu’elle émane de la Société SOCAH, de la Société SARL CHARNOUD, de Monsieur X… ou encore de la Société SARL X… MOTO PIECES.

A titre subsidiaire, si la loi applicable était la loi française, la Société ADR oppose la prescription des actions engagées à son encontre pour n’avoir pas été formées à bref délai selon les

dispositions de l’article 1648 du Code Civil.

A titre encore plus subsidiaire, sur le fond, la Société ADR conteste les conclusions de l’expert B… lui reprochant d’avoir écarté les observations de son expert-conseil Monsieur C… et soutient que les jantes qu’elle fabrique, si elles sont montées et utilisées dans des conditions normales, ne peuvent conduire au développement de fissures telles que celles constatées sur les jantes de la remorque de Monsieur X…, affirmant que sur les 9.000 jantes produites aucun autre accident ne s’est produit. Elle estime que l’on ne peut écarter l’hypothèse d’un défaut de construction de la remorque, soit un montage anormal des essieux, soit un usage anormal de celle-ci soit la conjonction de ces deux facteurs. Elle fait remarquer que la pression maximale sur ce type de jante ne doit jamais excéder 3,5 bars alors qu’il est établi et non contesté que l’accident est survenu lors d’une pression de gonflage de 9 bars et que l’accident ne serait jamais survenu si Monsieur X… n’avait pas monté une chambre à air

sur une jante qu’il savait endommagée et destinée à recevoir un pneu sans chambre. Elle reproche à Monsieur X… de ne pas s’être tenu sur le côté et à bonne distance de la roue qu’il était en train de gonfler. Elle conclut enfin que la jante n’ayant pas été utilisée conformément à l’usage auquel elle était destinée, elle ne peut être tenue pour responsable.

 – dit que le défaut de fabrication affectant la jante fabriquée par la Société ADR est la cause exclusive de l’accident du 23 octobre 1992 ;

 – dit que la Société SARL CHARNOUD et la Société SOCAH, tenues de vendre à la Société SARL X… MOTO PIECES des jantes exemptes de tout défaut de fabrication, sont entièrement responsables du préjudice subi par Monsieur X… et la Société X… MOTO PIECES ;

 – condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD, la Compagnie LA FRANCE, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à verser à Monsieur

X… la somme de 6.102.918,35 F, outre intérêts au taux légal au titre du solde indemnitaire de son préjudice corporel, déduction devant être faite des provisions allouées, sous réserve des limites de garantie prévues par les polices d’assurance ;

 – condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD, la Compagnie LA FRANCE, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à verser à la CAISSE REGIONALE DES ARTISANS ET COMMEROEANTS DU RHONE la somme de 98.499,04 F au titre des prestations en nature servies à Monsieur X… ainsi qu’aux ASSURANCES VIEILLESSE DES ARTISANS la somme de 585.054,65 F au titre de la pension pour incapacité au métier versée jusqu’au 31 décembre 1997 ;

 – condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD, la Compagnie LA FRANCE, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à verser à la Société SARL X… MOTO PIECES la somme de 2.800.000 F, outre intérêts au taux légal en réparation de son préjudice économique, déduction devant être faite des provisions déjà allouées et sous réserve des limites de garantie prévues par les

polices d’assurances ;

Concernant les préjudices invoqués par Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES, la Société ADR s’en rapporte aux arguments développés par les Sociétés SARL CHARNOUD et SOCAH. Si la Cour devait faire droit en tout ou partie aux demandes dirigées contre elle, la Société ADR demande que son assureur, la Compagnie INA ASSITALIA, soit condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations.

En fin de ses conclusions, la Société ADR a demandé qu’il soit fait usage de la procédure de renvoi préjudiciel en interprétation (Article 1777-a du Traité CEE du 25 mars 1957) concernant l’interprétation de l’article 10 de la directive communautaire du 25 juillet 1985 et de dire que Monsieur X…, en sa qualité de personnes physique utilisatrice, est seul fondé à se prévaloir des dispositions de cette directive intégrée par le droit italien le 24 mai 1988 et pour obtenir uniquement la réparation du dommage subi pour lésions corporelles. [******]

La Compagnie GENERALI FRANCE, qui vient aux droits de la Compagnie LA FRANCE, s’en rapporte quant au choix du fondement retenu par le jugement déféré (obligation contractuelle de sécurité du vendeur ou du fabricant) mais critique l’absence d’incidence de la faute de Monsieur X… (surgonflage) par rapport au défaut de fabrication alors que l’existence et le lien de causalité de chacune des causes (défaut de fabrication, défaut d’utilisation par surgonflage et défaut de contrôle de l’installation d’air comprimé) ne peuvent être contestés et conduisent à l’application d’un partage et à la limitation du droit à indemnisation tant de Monsieur X… que la Société SARL X… MOTO PIECES. La Compagnie GENERALI précise que dans l’hypothèse où la Cour viendrait à débouter Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES de leurs demandes contre la Société SARL CHARNOUD, il conviendrait cependant de condamner ceux-ci à lui rembourser les provisions versées 1.500.000 F (Monsieur X…),


- ordonné l’exécution provisoire ;

 – condamné la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à relever et garantir intégralement la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE des condamnations prononcées à leur encontre ;

 – débouté la Société SOCAH de son recours en garantie dirigé contre la Société SARL CHARNOUD et la Compagnie LA FRANCE.
Monsieur X…, la Société SARL X… MOTO PIECES, les Sociétés SOCAH et ZURICH INTERNATIONAL ainsi que la Société SARL CHARNOUD ont relevé appel de cette décision.
Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES, devenue depuis SARL PRO IMPORT BIKE, font valoir que sur le terrain des responsabilités la confirmation du jugement déféré s’impose d’une part, en raison des rapports d’expertise sans ambigu’té, Monsieur X… faisant remarquer que la pression de gonflage à 9 bars n’est pas démontrée, d’autre part, car la responsabilité des co-défendeurs doit être retenue tant sur le

fondement des vices cachés que sur le fondement de l’obligation de sécurité qui pèse sur le fabricant et les vendeurs successifs.
Monsieur X… précise que l’expertise a démontré que la cause première de l’accident est le défaut de fabrication affectant la jante qui a entraîné une dégradation importante de celle-ci par fatigue et que le Tribunal a estimé que la faute qu’il aurait commise (surgonflage) aurait été sans incidence en présence d’une jante sans défaut de fabrication. Il soutient en outre que cette faute n’est pas avérée.

Concernant l’action dirigée contre la Société ADR et son assureur, Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES reprennent les

1.000.000 F (SARL X…).

Concernant le préjudice, la Compagnie GENERALI fait siennes les conclusions des intimées tendant à la réduction des indemnités allouées, précisant que les créances des organismes sociaux (CMR et AVA) devront être déduites. Elle souligne, toutefois, que les demandes de la CMR et de la Caisse AVA présentées pour la première fois devant la Cour sont irrecevables.

La Compagnie GENERALI sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir que son obligation vis à vis de la Société SARL CHARNOUD est limitée à un plafond de 2.500.000 F atteint par les versements déjà effectués. Elle demande à être relevée et garantie par la Société SOCAH et son assureur, la responsabilité de cette société étant entièrement engagée tant sur le fondement des articles 1604 et 1641 du Code Civil, que sur le fondement de son obligation contractuelle de sécurité ou sur le fondement du manquement à son obligation d’information. Ainsi la responsabilité de vendeur de la Société SARL CHARNOUD doit être intégralement garantie par son propre vendeur, la Société SOCAH. Elle sollicite également une indemnité de 50.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Compagnie GENERALI et son assuré la Société SARL CHARNOUD déclarent également exercer un recours à concurrence de la somme versée à l’encontre du fabricant italien en qualité de subrogés dans les conditions du droit commun dans les droits de Monsieur

X… et de la Société SARL X… MOTO PIECES, tiers victimes. Ils invoquent l’applicabilité de la loi française en vertu de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973, convention non ratifiée par l’ITALIE mais indépendante de toute condition de réciprocité, car Monsieur X… comme la Société SARL X… MOTO PIECES sont domiciliés en FRANCE et l’accident causé par le produit litigieux a eu lieu sur le territoire conclusions du Professeur COURBE selon lesquelles :

1/ – les actions formées par Monsieur X… à l’encontre de la Société SARL CHARNOUD et de la Société SOCAH sont régies par le droit français et conduisent à mettre en oeuvre l’obligation de sécurité qui pèse sur le fabricant et les vendeurs successifs à l’encontre des tiers ;

2/ – l’action directe de Monsieur X… à l’encontre de la Société ADR est régie par le droit français dans ses mêmes dispositions en vertu de l’article 4 de la Convention de La

Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ;

3/ – les actions exercées par la Société SARL X… MOTO PIECES à l’encontre de la Société SARL CHARNOUD et de la Société SOCAH sont régies par le droit français et conduisent à l’indemnisation de son préjudice en vertu des obligations imposées en droit français au vendeur professionnel ;

4/ – l’action directe exercée par la Société SARL X… MOTO PIECES à l’encontre de la Société ADR doit être soumise au droit français de la responsabilité extra-contractuelle du fait de l’absence de nature contractuelle de l’action directe du sous-acquéreur à l’encontre du fabricant en droit italien ;

5/ – s’il était retenu une qualification contractuelle, il conviendrait de soumettre cette action directe de la Société SARL X… MOTO PIECES contre la Société ADR, au droit français de la responsabilité extra-contractuelle, le droit

italien ignorant la notion de chaîne de contrats. Si cette action se trouvait soumise au français. Subsidiairement, la Compagnie GENERALI soutient, quant à l’application de la loi italienne, que le recours des victimes d’un produit défectueux ne repose pas sur les articles 1470 à 1547 du Code Civil italien mais sur la directive communautaire 85/374 du 25 juillet 1985 introduite en droit italien par décret du 24 mai 1988 soit antérieurement à l’accident. Elle précise que le bénéfice de cette directive n’est absolument pas réservé au simple consommateur, que le délai de prescription est de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance du défaut ou de l’identité du producteur, en l’espèce la Société ADR et son assureur ont été assignés le 23 mai 1995, le sinistre étant survenu le 23 octobre 1992, que la directive ayant aboli la distinction entre responsabilité contractuelle et quasi-délictuelle, il conviendrait de faire application du délai de 5 ans prévu par l’article 2947 du Code Civil italien.

Concernant la responsabilité de la Société ADR, fabricant, la

Compagnie GENERALI fait remarquer que la conception du mode d’assemblage de la jante a été considérée comme dangereuse par l’expert avec une absence de contrôle sérieux de la soudure lors de la fabrication, une absence totale de notice de calcul et une absence de test de fatigue. La responsabilité du fabricant se trouve engagée selon la directive pour le dommage causé par la mort comme par les lésions corporelles ou ses conséquences et la Compagnie GENERALI estime qu’en sa qualité de subrogée dans les droits des victimes, elle est fondée à demander la garantie intégrale de la Société ADR et de son assureur. Elle sollicite également à leur encontre une somme de 50.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. [******]

La Société INA ASSITALIA fait remarquer que Monsieur X…, la Société SARL X… MOTO PIECES ont introduit leur action sur le

droit italien, seules seraient applicables les règles de droit italien concernant la responsabilité extra-contractuelle en vertu desquelles l’action de la Société SARL X… MOTO PIECES pourrait prospérer sans que puisse être opposée la prescription.

Concernant les préjudices, Monsieur X… estime que le Tribunal a sous-estimé les postes de préjudice suivants :

[* I.P.P. (88 %) : Monsieur X… demande en réparation du préjudice purement physiologique la somme de 2.024.000 F et au titre du préjudice professionnel reconnu certain par le Docteur Z… la somme de 6.000.000 F obtenue en prenant en compte d’une part son revenu annuel lors de l’accident (325.000 F x 13,379 prix du franc de rente= 4.348.175 F), d’autre part le fait que son entreprise en pleine expansion devait obligatoirement entraîner une augmentation des revenus ;

*] Tierce personne : Monsieur X… en fixe à la somme de 75 F le coût horaire soit 9.000 F par mois et 108.000 F par an. Par application du prix du franc de rente, il sollicite la somme arrondie de 1.500.000 F.
Monsieur X… présente également des demandes nouvelles concernant la mise en place de prothèses esthétiques (24.000 F) et différents devis de matériel visant à améliorer sa vie quotidienne (26.982,20 F).

La Société SARL PRO IMPORT BIKE maintient sa demande d’entérinement du rapport de l’expert en faisant observer que depuis la société s’est effondrée, mettant en évidence les conséquences économiques du handicap de Monsieur X…

Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES concluent ainsi à la condamnation conjointe et solidaire des Sociétés SARL CHARNOUD, fondement des articles 1641 et 1643 du Code Civil et que le Juge n’avait pas le pouvoir de modifier le fondement des prétentions des parties sans violer l’article 4 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société INA ASSITALIA, envisageant les différents recours intentés contre la Société ADR, demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré inapplicable la Convention de VIENNE du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises qui régit uniquement

les droits et obligations entre vendeur et acheteur et exclut de son domaine la responsabilité du vendeur pour décès ou lésions corporelles causés par les marchandises.

Invoquant la qualification contractuelle de l’action directe du sous-acquéreur contre le fabricant, elle soutient que l’action de Monsieur X… à l’encontre de la Société ADR a une nature contractuelle car celui-ci est partie au contrat passé avec la Société SARL CHARNOUD notamment parce qu’il fait corps avec la Société SARL X… MOTO PIECES qu’il dirigeait et qu’il a choisi le fondement contractuel de la responsabilité pour vice caché pour obtenir la condamnation solidaire des Sociétés SARL CHARNOUD, SOCAH et ADR. La Société INA ASSITALIA avance que la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits est inapplicable dès qu’il existe un lien contractuel (article 1er) et que les critères de rattachement invitent à exclure une action contractuelle même intentée par l’un des intervenants de la chaîne contractuelle (articles 4a, 5 et 6). Du fait que seule l’action d’une victime sans

aucun lien contractuel avec le fabricant peut relever de la Convention du 2 octobre 1973, elle en déduit que ni la Société SOCAH, ni la Société SARL CHARNOUD, ni la Société SARL X… MOTO PIECES ni même Monsieur X… ne peuvent asseoir leurs prétentions sur ses dispositions. Elle prône l’application de la SOCAH et ADR à payer la somme de 5.080.000 F au titre du préjudice de la Société SARL X… MOTO PIECES, la somme de 9.152.333 F au titre du préjudice de Monsieur X… soumis au recours des organismes sociaux, la somme de 524.000 F au titre du préjudice personnel de Monsieur X…, la somme de 26.982,20 F au titre de son préjudice matériel et la somme de 200.000 F en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. [********]

La Société SOCAH et son assureur, la Société ZURICH, soutiennent à l’appui de leur appel que l’expertise de Monsieur B… a violé le principe du

contradictoire, que la responsabilité de la Société SOCAH n’est pas engagée et subsidiairement que le quantum de la condamnation est excessif.

Concernant l’expertise B…, elles reprochent à l’expert d’avoir contacté directement les parties, de leur avoir demandé des pièces sans en aviser les conseils ni ceux des autres parties. Elles ajoutent que l’expert, qui n’a organisé qu’une seule réunion pour évoquer les problèmes de responsabilité, s’est contenté de lire un pré-rapport en n’impartissant aux parties qu’un délai de 14 jours pour faire connaître leurs observations. Elles estiment que l’expert a adopté un comportement partial et a rejeté en bloc leurs dires sans y répondre. Elles en déduisent que le tribunal ne pouvait entériner ce rapport.

Concernant sa responsabilité, la Société SOCAH conteste les conclusions de l’expert lui reprochant, en sa qualité d’importateur exclusif des jantes ADR, de n’avoir pas alerté ses propres clients après la découverte, 20 jours avant l’accident de Monsieur X…, de défauts graves sur les jantes.

Elle précise qu’en sa qualité de vendeur, elle a parfaitement respecté ses obligations tant de conseil que d’information à l’égard de son acheteur ce qui résulte de la lettre de la Société SARL CHARNOUD du 30 octobre 1992 faisant état de Convention de La Haye du 15 juin 1955 applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels qui détermine l’application de la loi italienne (article 3, la vente est régie par la loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle) et est applicable à l’action des autres intervenants car le contrat de base sert de fondement à l’action directe.

La Société INA ASSITALIA conteste l’affirmation du jugement selon laquelle le vendeur, la Société ADR, se trouverait soumis à une obligation de sécurité au prétexte que le Code Civil italien ne reconnaît pas d’action directe au sous-acquéreur. Elle précise que Monsieur X… n’est pas un tiers véritable mais un acheteur professionnel ayant concouru à la conclusion du contrat et que l’obligation de sécurité doit alors être appréhendée à travers le contrat.

En application de la loi italienne sur l’action en responsabilité du vendeur en cas de vice caché, elle indique que l’action de la Société SOCAH contre son vendeur est soumise à un délai de déchéance de 8 jours quant à la découverte du vice et à un délai de prescription d’un an à compter de la date de livraison. Celle-ci ayant eu lieu le 12 février 1992, l’action introduite au fond par voie de conclusions en date du 16 avril 1996 est prescrite à défaut de réserve adressée par la Société SOCAH à la Société ADR dans les 8 jours du dépôt du rapport de l’APAVE révélant l’existence du vice. La Société INA ASSITALIA estime, en outre, que la Société SOCAH et son assureur ayant invoqué la garantie des vices cachés, le jugement ne pouvait modifier le fondement juridique de leurs prétentions en retenant l’obligation de sécurité du vendeur.

La Société INA ASSITALIA précise que l’action contractuelle de la Société SARL CHARNOUD est irrecevable en droit italien car les sous-acquéreurs ne peuvent agir que contre leur co-contractant direct

la demande de la Société SOCAH de cesser toute vente une quinzaine de jours avant le sinistre. Elle estime qu’il appartenait ainsi à la Société SARL CHARNOUD d’informer ses clients dont la Société X… MOTO PIECES puisque qu’elle ne pouvait avoir connaissance de la distribution faite par la Société SARL CHARNOUD. Elle ajoute que la Société ADR est seule concernée par le vice du produit et qu’il convient également de retenir le rôle actif de Monsieur X… qui a violé les règles élémentaires de sécurité en utilisant une pression anormalement élevé pour réparer sa roue. Elle fixe ainsi à 50 % la responsabilité de Monsieur X… et de la Société SARL X… MOTO PIECES.

Sur les préjudices, la Société SOCAH et la Société ZURICH estiment que le déficit fonctionnel séquellaire de Monsieur X… ne devait pas être indemnisé indépendamment de l’IPP qui le prend en compte et que la Société SARL X… MOTO PIECES, qui n’a jamais fourni de renseignements sur son activité et qui a subi de profondes modifications, doit justifier de sa situation financière et économique.

La Société ZURICH expose qu’en exécution des ordonnances de référé et au titre de l’exécution provisoire, elle a déjà réglé la somme de 5 millions de francs à Monsieur X… et à la Société SARL X… MOTO PIECES, que ce montant correspond au plafond fixé par la police souscrite par la Société SOCAH, qu’elle ne peut garantir au-delà de cette somme dont elle demande la condamnation à la Société ADR et à son assureur la Société INA ASSITALIA.

La Société SOCAH et la Compagnie ZURICH estiment que l’action de Monsieur X… à l’encontre de la Société SARL CHARNOUD peut être fondée, selon la loi française, sur le droit de la vente et les articles 1641 et suivants du Code Civil ou sur les dispositions des

et si la Cour reconnaissait à la Société SARL CHARNOUD une action directe à l’encontre du fabricant italien, cette action devrait être déclarée prescrite dès lors que l’action engagée par la Société SARL CHARNOUD le 19 mai 1995 l’a été plus d’un an à compter de la date de livraison. De même, elle soutient qu’en exerçant une action directe contractuelle à l’encontre du vendeur originaire, les sous-acquéreurs, Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES, viennent aux droits de l’acheteur et que les liens contractuels entre vendeur et acheteur sont régis par le droit italien qui n’ouvre pas d’action directe au sous-acquéreur.

Envisageant le fondement délictuel, la Société INA ASSITALIA fait remarquer que les dispositions de la directive communautaire du 25 juillet 1985 sur la responsabilité des produits défectueux, intégrés en droit italien en 1988, ne seraient pas applicables car la directive ne vise que le consommateur personne physique, que le dommage indemnisable en droit italien est limité à 750.000 lires et que le préjudice économique ou commercial se trouve exclu. Seul, selon elle, Monsieur X… pourrait agir sur ce fondement mais son action serait prescrite selon la loi italienne dans la mesure où la prescription de 3 ans commence du jour où la victime a ou aurait dû avoir connaissance des dommages, du défaut du produit et de l’identité du responsable. A titre

subsidiaire, elle demande la saisine de la Cour de Justice d’une question préjudicielle concernant l’interprétation du délai de prescription tel que prévu par l’article 10 de la directive du 25 juillet 1985 repris par la loi italienne.

Enfin dans l’hypothèse où la Cour retiendrait la compétence de la loi française, la Société INA ASSITALIA invoque le bref délai de l’article 1648 du Code Civil dont le point de départ est la découverte du vice pour voir constater la prescription des actions engagées tant par la Société SOCAH que par la Société SARL CHARNOUD, articles 1392 et suivants du même code ainsi que sur les nouvelles dispositions des articles 1386-1 et suivants. Selon la loi italienne, la transposition de la directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du producteur conduit à l’indemnisation de Monsieur X… par le producteur ADR de même que l’article 2043 du Code Civil italien assimilable à l’article 1382. Elles soutiennent, en outre, qu’en droit italien, la responsabilité de la Société SOCAH ne peut être engagée par Monsieur X… car elle n’est pas producteur et ne

peut être tenue contractuellement à l’égard de Monsieur X…

Sur le plan contractuel, la Société SOCAH et son assureur soutiennent que la Convention de VIENNE du 11 avril 1980 est applicable, la FRANCE et l’ITALIE l’ayant adoptée, et la société SOCAH ayant alerté dans le bref délai la société ADR du défaut de conformité et dénoncé celui-ci au plus tard dans le délai de deux ans à compter de la remise effective des marchandises. A l’appui de la compétence de la loi française, désignée par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 en matière de responsabilité des produits à défaut de loi applicable en tant que loi du domicile de l’acheteur, la société SOCAH avance qu’elle est une société de droit français considérée par ADR comme son seul distributeur. La diffusion des produits en FRANCE impose l’application du seul droit français dans les rapports contractuels d’où il résulte que le fabricant se doit de vérifier la conformité de ses produits aux règles de sécurité du pays de distribution comme le lui impose le Code Civil, l’ordre public international français et la directive du 27 juillet 1985. A titre

subsidiaire, au cas où la loi italienne serait applicable, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH estiment que les dispositions des articles 1490 et suivants du Code Civil italien concernant la garantie des vices rédhibitoires leur permettraient d’agir valablement contre la société car la dénonciation des vices a été Monsieur X… ou la Société SARL X… MOTO PIECES. A défaut, au cas où les actions seraient admises, elle sollicite la mise hors de cause de la Société ADR en raison de la gravité des fautes de Monsieur X… lors du gonflage du pneu et l’absence de démonstration par l’expert de l’existence d’un vice caché. [******]

La Caisse AVA fait valoir qu’elle a servi une pension d’invalidité à Monsieur X… depuis le 23 janvier 1993, que le montant actuel est de 4.615,07 F par mois et qu’elle est fondée à solliciter la condamnation solidaire de la Société SARL CHARNOUD, de la Compagnie LA FRANCE, la Société SOCAH et de la Compagnie ZURICH à lui verser la somme de 773.011,93 F au titre de la

pension pour incapacité au métier outre une somme de 10.000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[******]

La Caisse Maladie Régionale des Travailleurs Indépendants du Rhône (CMR) expose qu’elle a été amenée à servir pour son assuré, Monsieur X…, des prestations d’un montant de 98.499,04 F directement liées à son hospitalisation et aux interventions chirurgicales. Elle a fait valoir sa créance devant le tribunal par lettre du 2 mars 1998 et soutient qu’en application de l’article 554 du Nouveau Code de Procédure Civile l’intervention de la CMR en cause d’appel serait parfaitement recevable dès lors qu’elle justifie d’un intérêt pour agir et que sa demande présente un lien suffisant avec les prétentions originaires. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné in solidum la Société SARL CHARNOUD, la Compagnie GENERALI FRANCE, la Société SOCAH et la Compagnie ZURICH à lui rembourser les sommes versées au titre des prestations soit 98.489,04 F. Elle sollicite en outre une somme de 10.000 F en

application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS

I – Sur la loi applicable :

Attendu que le 23 octobre 1992, Monsieur X… a été gravement blessé par la rupture d’une jante de roue d’une remorque que la Société SARL X… MOTO PIECES, dont il est le principal animateur, avait acquise auprès de la Société SARL CHARNOUD, cette dernière ayant acheté un lot de 30 pièces à la Société SOCAH, importateur en FRANCE de ce matériel fabriqué en ITALIE par la Société ADR ;

Attendu que pour retenir la responsabilité entière in solidum de la Société SARL CHARNOUD et de la Société SOCAH pour les préjudices subis par Monsieur X… et la Société SARL X… MOTO PIECES, le jugement attaqué a relevé que le vendeur professionnel est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à

créer un danger pour les personnes ou les biens et qu’il est responsable tant à l’égard des tiers que de son acquéreur ;

Attendu que la Société INA ASSITALIA reproche au jugement d’avoir en statuant ainsi modifié les prétentions des parties dans la mesure où l’action de Monsieur X… et de la Société SARL X… MOTO PIECES avait pour fondement la garantie des vices cachés telle que prévue par les articles 1641 et 1643 du Code Civil ;

Que, toutefois, en première instance la Société SARL CHARNOUD avait invoqué dans ses conclusions que l’action de Monsieur X… était en réalité fondée sur l’obligation de sécurité due par le vendeur ; qu’ainsi ce fondement se trouvait inclus dans le débat et soumis à la discussion contradictoire des parties ;

Que c’est donc à juste titre que le Premier Juge a estimé que concernant les ventes réalisées en FRANCE les demandes en réparations de Monsieur X… et de la Société SARL X… MOTO PIECES comme le recours en garantie de la Société SARL CHARNOUD contre la Société SOCAH avaient pour fondement l’obligation de sécurité du vendeur professionnel ;

Attendu que les parties divergent quant à la loi applicable en ce qui concerne les recours directs exercés contre le fabricant italien, la Société ADR par la Société SOCAH, premier acquéreur, et les sous-acquéreurs, la Société SARL X… MOTO PIECES, la Société SARL CHARNOUD ainsi que par Monsieur X…, la Société SOCAH invoquant la Convention de VIENNE du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, les Sociétés ADR et INA ASSITALIA la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels, ratifiée par la FRANCE et l’ITALIE, les autres parties la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ;

Attendu que si aux termes de l’article 4 de la Convention de VIENNE du 11 avril 1980 celle-ci régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu’un tel contrat fait naître

entre le vendeur et l’acheteur, l’article 5 précise qu’elle ne s’applique pas à la responsabilité du vendeur pour décès ou lésions corporelles causés à quiconque par les marchandises ;

Attendu que la Convention de La Haye du 15 juin 1955 précise pour sa part dans son article 5-4e qu’elle ne s’applique pas aux effets de la vente à l’égard de toutes personnes autres que les parties ; qu’elle apparaît ainsi applicable aux relations entre la Société SOCAH, acheteur originaire, et la Société ADR, fabricant ; que selon cette convention, à défaut de loi déclarée applicable par les parties, ce qui est le cas en l’espèce, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande ; qu’il est constant que la Société ADR, qui a son siège en ITALIE, y a également reçu la commande de la Société SOCAH; que la vente passée entre ces deux sociétés relève donc de la loi italienne ;

Qu’en revanche la Convention de La Haye du 2 octobre 1973, dont l’article premier dispose que lorsque la propriété ou la jouissance du produit a été transférée à la personne lésée par celle dont la

responsabilité est invoquée, la convention ne s’appliquera pas dans leurs rapports respectifs, paraît devoir s’appliquer aux tiers ;

Attendu que la Société INA ASSITALIA soutient que les actions directes des sociétés sous-acquéreurs comme celle de Monsieur X…, ont une nature contractuelle exclusive de l’application de cette convention et qu’en outre ils ne peuvent être considérés comme tiers au contrat originaire ;

Attendu d’une part, que l’article 1er de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 qui détermine la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit ne fait pas distinction selon la nature de la responsabilité encourue ; que, d’autre part, l’action en responsabilité exercée par le sous-acquéreur victime d’une atteinte à la sécurité contre le fabricant relève d’une obligation de sécurité autonome de nature extra-contractuelle introduite de façon prétorienne en s’inspirant de la Directive Européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ; qu’enfin, ni Monsieur X…, ni les Sociétés SARL

X… MOTO PIECES et SARL CHARNOUD, n’ont de liens contractuels avec la Société ADR, et sont donc des tiers au sens de l’article 1165 du Code Civil ;

Qu’ainsi l’action en responsabilité du sous-acquéreur à l’encontre du fabricant doit être qualifiée à partir de la Convention qui écarte de son domaine les rapports entre la personne lésée et celle par

Qu’ainsi l’action en responsabilité du sous-acquéreur à l’encontre du fabricant doit être qualifiée à partir de la Convention qui écarte de son domaine les rapports entre la personne lésée et celle par laquelle la propriété ou la jouissance du produit a été transférée ; qu’il s’ensuit que l’action en responsabilité du sous-acquéreur contre le fabricant s’accorde au domaine défini par la Convention ;

Attendu que les règles de rattachement sont précisées par les articles 4 et 5 de la Convention ; que le premier de ces textes dispose que la loi applicable est la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet Etat est aussi celui de la résidence habituelle de la personne directement lésée, ou celui de l’établissement principal de la personne dont la

responsabilité est invoquée, ou celui sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ; que le second de ces textes précise que « nonobstant les dispositions de l’article 4 » la loi applicable est la loi interne de l’Etat de la résidence habituelle de la personne directement lésée, si cet Etat est aussi celui de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée ou celui sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ;

Qu’il ressort de l’application cumulée de ces textes que la loi applicable est la loi française puisque le dommage s’est produit en FRANCE où réside habituellement la victime, Monsieur X… qui y a acquis le produit défectueux ;

Qu’ainsi les actions tant de Monsieur X…, que de la Société SARL X… MOTO PIECES et de la Société SARL CHARNOUD à l’encontre de la Société ADR relèvent de la loi française ;

II – Sur la responsabilité :

Attendu qu’il résulte du rapport de l’expert B… que la jante litigieuse était constituée de deux demies flasques dissymétriques soudées entre elles et que l’analyse de la cassure a révélé un processus de ruine par fissuration progressive lente de fatigue amorcée par effet d’entaille et de surcharge au raccordement imparfait du cordon de soudure avec la paroi du flanc le plus étroit ;

Que l’examen de cinq jantes récupérées (chez Monsieur X… et auprès de la SARL CHARNOUD) et faisant partie du lot de 30 pièces achetées à la Société SOCAH et fabriquées par la Société ADR a permis de constater que l’une est totalement rompue (jante litigieuse) après fissuration des 2/3 de la surface résistante, deux présentent une rupture partielle du demi flasque étroit le long du cordon de soudure, une autre est fissurée partiellement le long du cordon de soudure et la dernière est neuve, prélevée dans le stock de la Société SARL CHARNOUD ;

Que l’expert a estimé que le défaut le plus important constituant un

vice de fabrication est la présence sur la jante sinistrée d’un caniveau continu « ou manque de métal en forme de sillon s’étendant sur la totalité de la longueur et en bordure de la soudure » d’une profondeur moyenne de 0,8 mm qui a diminué d’autant l’épaisseur de paroi du flan étroit dans la zone affectée thermiquement, de moindre résistance, avec de fortes contraintes résiduelles et qui a ainsi contribué à l’augmentation considérable et simultanée des contraintes et du coefficient de concentration de ces dernières ; que selon lui, ce vice de fabrication a eu pour conséquence, par l’effet d’entaille important, de diminuer très fortement la durée de vie de l’assemblage (3 à 4 mois) par abaissement de la résistance à la fatigue ;


Qu’au cours de son expertise, l’expert a démontré par le calcul et par un essai, « ne reproduisant que sensiblement l’état d’endommagement de la jante litigieuse au moment des faits, ainsi que les conditions de gonflage de la roue le jour de l’accident » que la cause de celui-ci était une pression excessive de 9 bars environ, nécessaire pour rompre par cisaillement, quasi simultanément et brutalement la totalité des zones résistantes de la jante avant l’explosion finale de la chambre à air ; qu’il a précisé qu’une pression similaire imposée à une jante, de même type, avec un faible défaut en pied de cordon, équipée d’un pneu neuf, avec ou sans chambre à air, impose une forte déformation latérale (5mm environ) mais ne peut faire en aucun cas exploser la jante ;

Que dans ses conclusions l’expert a estimé la Société ADR directement responsable de la conception de la jante litigieuse, en particulier du mode d’assemblage par soudure d’angle des deux demies jantes dissymétriques ; que cette disposition constructive est jugée par essence dangereuse et ne respectant pas les règles de l’art en la matière car génératrices de concentrations de contraintes et de contraintes résiduelles importantes incompatibles avec les possibilités de résistance du matériau adopté ; qu’il a de plus souligné les défauts inhérents au type d’assemblage qui en créant un caniveau en pied de cordon et un manque de liaison dans une zone d’accès difficile constituent de véritables vices de fabrication accentuant l’effet néfaste du mode de liaison ; qu’il a enfin relevé l’absence de notice de calcul ou de vérification de la structure

(statique et dynamique) et que les contrôles en fabrication étaient notamment pour le cordon de soudure imprécis et peu fiable, pouvant parfois ne pas détecter les pièces portant un vice de fabrication ;

Attendu que les conclusions de l’expert judiciaire rejoignent en ce qui concerne le défaut de la jante les conclusions du rapport de l’APAVE, selon lesquelles l’accident est consécutif à une diminution locale de l’épaisseur de la tôle emboutie au ras de la soudure d’assemblage des deux parties constitutives ; que cette diminution jusqu’au 1/3 de l’épaisseur entraîne une moindre résistance de la tôle et surtout une géométrie propice à une forte concentration de contraintes multipliant par un facteur proche de deux le niveau de contrainte dans cette zone ;

Attendu que la Société SOCAH et la Société ADR reprochent à l’expert de n’avoir pas respecté le principe du contradictoire et de n’avoir pas répondu aux griefs exposés dans leurs dires et notamment à ceux avancés par l’expert de la Société ADR ;

Qu’il ressort de l’expertise que l’expert après avoir fait connaître à l’issue de plusieurs réunions contradictoires ses premières

conclusions aux différentes parties, leur a donné un délai de deux semaines pour y répondre qui a été utilisé tant par le conseil de la Société ADR que par celui de la Société SOCAH pour formuler des dires auxquels l’expert a longuement répondu (page 89 à 129) ;

Attendu que les Sociétés SOCAH et SARL CHARNOUD estiment que Monsieur X… a commis une faute lors de la réparation de la roue litigieuse qui doit entraîner un partage de responsabilité ;

Qu’elles soutiennent que Monsieur X…, reprenant les conclusions de l’expert, aurait une part de responsabilité en sa qualité d’opérateur averti pour avoir eu recours à une pression de 9 bars lors du gonflage de la roue alors que le fabricant de pneumatique préconisait de ne pas dépasser la pression de 2,5 bars ;

Qu’il convient de remarquer que le fait que Monsieur X… ait injecté de l’air comprimé sous une pression de 9 bars n’est pas avéré ; que l’expert a pris soin dans son expertise de préciser d’une part, selon les premiers

éléments de l’enquête effectuée tant par la police que par l’APAVE, qu’il était impossible de préciser la pression exacte de gonflage au moment de l’accident (page 44), comme la position exacte de Monsieur X… à cet instant (page 47), d’autre part, qu’il a été démontré « par le calcul et par un essai ne reproduisant sensiblement l’état d’endommagement de la jante litigieuse au moment des faits ainsi que les conditions de gonflage de la roue le jour de l’accident » que la cause de celui-ci était une pression excessive de 9 bars environ tout en précisant qu’une pression similaire imposée à une jante avec un faible niveau de défaut ne peut fait en aucun cas exploser la jante (page 87) ;

Que c’est à juste titre que le Premier Juge a retenu que la faute qu’aurait commise Monsieur X… aurait été sans incidence en présence d’une jante sans défaut de fabrication et qu’il n’y avait donc pas lieu de retenir à son encontre une part de responsabilité ; Attendu qu’il résulte de ces éléments que la Société SARL CHARNOUD, la Société SOCAH et la Société ADR, sur le fondement

de l’obligation de sécurité due par le vendeur professionnel, doivent être déclarées entièrement responsables des préjudices subis tant par Monsieur X… que par la Société X… MOTO PIECES ;

III – Sur le préjudice :

A – Préjudice de Monsieur X… :

Attendu que l’expert Z… a constaté que l’accident du 23 octobre 1992 a provoqué chez Monsieur X… un enfoncement du massif facial, la perte de deux globes oculaires, l’écrasement des os propres du nez dont l’ethmo’de, une fracture des parois antérieures et postérieures des sinus frontaux avec issue du liquide céphalo-rachidien ;

Qu’ à la suite de cet accident il a subi un séjour en réanimation du 23 au 26 octobre 1992, puis après transfert en hôpital neurologique deux opérations chirurgicales les 20 et 21 novembre 1992 ; qu’il a pu regagner son domicile le 3 décembre 1992 avec un assez lourd traitement destiné à prévenir les complications infectieuses et à compenser un état-anxio-dépressif assez sévère ;

Attendu que les séquelles constatées concernent la perte de la vision, une gêne pour ouvrir la bouche et mastiquer, des cervicalgies et des douleurs de l’épaule droite, des troubles en rapport avec le traumatisme facial tels que bourdonnements des oreilles, céphalées frontales et douleurs pré-auriculaires avec démangeaison outre des difficultés sur le plan moral et des troubles du sommeil ;

Que dans un rapport complémentaire, le Docteur Z… a relevé au titre des séquelles la perte définitive de la vison et de l’odorat et a conclu à la nécessité d’une tierce personne quotidienne à raison de quatre heures ;

Que les conséquences médico-légales ont été fixées de la façon suivante :

* I.T.T. du 23 octobre 1992 au 23 février inclus ;

* date de consolidation : 24 février 1993 ;

* I.P.P. 88 % sans prendre en compte chez le sujet qui a perdu la fonction visuelle définitivement le fait qu’il peut prétendre à la tierce personne ;

* Pretium doloris important : 6/7 ;

* Préjudice esthétique moyen : 4/7 ;

* Préjudice professionnel certain, à son âge le reclassement COTOREP se justifie sans pouvoir affirmer que Monsieur X… puisse se réadapter dans une nouvelle activité professionnelle qui nécessite d’abord l’apprentissage du Braille et de nouveau réflexes ;

* Préjudice d’agrément certain ;

Attendu que le Tribunal a fixé de la façon suivante le préjudice de Monsieur X… :

1/ – Préjudice soumis à recours

* prestations en nature

98.4999,04 F

*I.T.T.

 – pertes de salaires

108.333,00 F

 – perturbations de la vie quotidienne 20.000,00 F

*I.P.P. 88 %

- préjudice professionnel

4.500.000,00 F

 – déficit fonctionnel séquellaire 750.000,00 F

[* assistance tierce personne

810.000,00 F soit un solde de 5.602.918,35 F compte tenu de la déduction faite de la créance des organismes sociaux (98.499,04 + 585.414,65 F) ;

2/ – Préjudice personnel

*] pretium doloris

150.000,00 F

[* préjudice esthétique 100.000,00 F

*] préjudice agrément 250.000,00 F -------------------- TOTAL :

500. 000,00 F

Attendu que Monsieur X… sollicite la réformation de la décision en ce qui concerne d’une part l’indemnisation de l’I.P.P., d’autre part de la tierce personne ; qu’il sollicite à cet égard une somme de 2.024.000 F en réparation du préjudice purement physiologique, une somme de 6.000.000 F en réparation du préjudice professionnel en faisant valoir qu’il ne peut actuellement exercer un quelconque emploi, qu’au moment de l’accident il disposait d’un revenu annuel de 325.000 F et qu’il convient de prendre en considération que son entreprise lors de l’accident se trouvait en pleine expansion ; qu’il demande enfin une somme de 1.500.000 F pour le prix de la tierce personne qu’il justifie par le coût annuel (108.000 F) multiplié par le prix du franc de rente ;

Que Monsieur X… demande également l’indemnisation d’un préjudice matériel d’un montant de 26.982,20 F résultant de la mise en place de prothèses esthétiques et de matériels visant à améliorer sa vie au quotidien ;

Attendu que les Sociétés SARL CHARNOUD et SOCAH demandent la confirmation du jugement déféré sur ce point sauf en ce qui concerne le déficit fonctionnel séquellaire qu’elles estiment inclus déjà dans l’I.P.P. ;

Attendu que l’évaluation proposée par Monsieur X… revient à cumuler un calcul mathématique de la perte économique avec une évaluation concrète des

répercussions financières de sa nouvelle situation ; que l’évaluation retenue par le Premier Juge qui prend en considération les conséquences de la perte d’activité corrigées par les incidences particulières en l’espèce d’une cécité totale et d’une anosmie, mérite ainsi entière confirmation ; que, par ailleurs, le jugement attaqué a retenu à juste titre qu’en tant que bénéficiaire d’un allocation pour tierce personne, Monsieur X… peut bénéficier d’une exonération des charges patronales et qu’en conséquences ces charges ne sont remboursées que si elles sont justifiées ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; qu’enfin le préjudice matériel n’est pas justifié dès lors que toutes les pièces produites constituent soit des devis soit un certificat d’un chirurgien expliquant les propositions faites à Monsieur X… mais dont il ne résulte pas qu’elles ont été suivies d’effet ni à quel coût ;

Attendu en définitive que l’évaluation des postes de préjudice concernant Monsieur X… telle que faite

par le Premier Juge doit être confirmée, soit la somme de 6.286.832,04 F pour le préjudice soumis à recours et celle de 5

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Cour d'appel de Lyon, du 20 juin 2001, 1998/03394