Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 13 décembre 2023, n° 21/02310

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 13 déc. 2023, n° 21/02310
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 21/02310
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Roanne, 12 janvier 2021, N° 20/00178
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023
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Texte intégral

N° RG 21/02310 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NPWK

Décision du Tribunal de Grande Instance de Roanne

au fond du 13 janvier 2021

RG : 20/00178

08 AST GROUPE

C/

[I]

[Z]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 13 Décembre 2023

APPELANTE :

La société AST GROUPE, Société Anonyme, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro B 392 549 820, ayant son siège social sis [Adresse 2] à [Localité 3], représentée par son Dirigeant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, toque : 502

INTIMES :

M. [G] [I]

né le 20 Novembre 1993 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Mme [Y] [Z]

née le 19 Juillet 1988 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 11 Avril 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Octobre 2023

Date de mise à disposition : 13 Décembre 2023

Audience tenue par Véronique MASSON-BESSOU, président, et Véronique DRAHI, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Bénédicte BOISSELET, président

— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

— Véronique DRAHI, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

[G] [I] et [Y] [Z] (ci-après consorts [I]-[Z]) ont confié, en qualité de maître d’ouvrage, à la société AST Groupe la réalisation de la construction de leur maison, située à [Localité 5] (département de la loire), [Adresse 1], par contrat de construction de maison individuelle en date du 15 mars 2016.

Ils ont ensuite régularisé plusieurs avenants, notamment un avenant n° A 04 du 16 septembre 2016 prévoyant un kit deux zones pour le chauffage, facturé 950,00 € TTC (791,67 € HT).

La réception de l’ouvrage est intervenue le 1er juin 2017.

A la mise en route de la chaudière, [G] [I] et [Y] [Z] ont constaté que la réalisation du kit deux zones n’avait pas été effectuée.

Un litige s’en est suivi et dans cadre, par ordonnance du 7 février 2019, le Juge des référés a fait droit à la demande d’expertise des consorts [I]-[Z] et désigné Monsieur [B] [M] pour y procéder.

L’expert a déposé son rapport le 13 novembre 2019.

Par acte du 16 mars 2020, les consorts [I]-[Z] ont assigné la société AST Groupe devant le Tribunal judiciaire de Roanne aux fins d’être indemnisés de leurs préjudices.

Par jugement du 13 janvier 2021, le Tribunal judiciaire de Roanne a :

Constaté que la responsabilité de la société AST Groupe est engagée du fait de son manquement à l’obligation de délivrance conforme ;

Condamné la société AST Groupe à verser à [G] [I] et [Y] [Z] unis d’intérêt la somme de 5 640 € en indemnisation de leur préjudice matériel (et de jouissance) ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil ;

Condamné la société AST Groupe à verser à [G] [I] et [Y] [Z] unis d’intérêt la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonné l’exécution provisoire ;

Rejeté toutes les autres demandes ;

Condamné la société AST Groupe aux entiers dépens de l’instance, en ce inclus le coût de l’expertise ordonnée en référé, avec droit de recouvrement au profit de Maître Robert (SELARL Robert).

Le Tribunal a retenu en substance :

que l’absence du double circuit de chauffage, prévu dans l’avenant contractuel, constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme qui engage la responsabilité de la société AST Groupe ;

que la société AST Groupe doit prendre en charge les frais de travaux nécessaires pour remédier à l’absence de double circuit de chauffage tels que décrits par l’expert, à savoir l’installation sur les trois circuits de la partie nuit d’une vanne thermique pilotée par un thermostat dans fil ;

que le devis produit par la société AST Groupe, qui apparaît minoré et n’est pas détaillé, ne peut être retenu et qu’il convient de fixer le prix des travaux à la somme de 2 200 €, au regard des autres devis produits ;

que la somme de 791,87 € versée par les consorts [I]-[Z] au titre de l’avenant ne peut donner lieu à restitution, ce qui constituerait un enrichissement indû ;

que doit être retenu également un préjudice de jouissance, puisque les consorts [I]-[Z] n’ont pu depuis plus de trois ans régler à leur convenance la température de leur maison de manière différente entre les chambres et les zones de vie diurne, qu’il convient d’évaluer sur la base de 80 € par jour sur 43 mois, soit 3 440 € ;

que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par les consorts [I]-[Z] doit être rejetée.

La société AST Groupe, par déclaration régularisée par RPVA le 30 mars 2021, a interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision du jugement du 13 janvier 2021, à l’exception des dispositions rejetant les demandes des consorts [I]-[Z].

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 27 septembre 2021, la société AST Groupe demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l’article 1221 du Code civil, de l’article 700 du Code de procédure civile,

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes des consorts [I] et [Z] et, notamment, celles relatives au remboursement de l’équipement facturé et non installé et à la résistance abusive ;

Infirmer le jugement déféré pour le surplus et, statuant à nouveau :

Rejeter l’ensemble des demandes formulées par [G] [I] et [Y] [Z] ;

Condamner [G] [I] et [Y] [Y] [Z] à lui payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers frais et dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise.

La société AST Groupe soutient principalement qu’aucune condamnation ne doit être prononcée à son encontre dès lors que, d’une part, l’installation voulue par les consorts [I]-[Z] est impossible, et que, d’autre part, elle a proposé volontairement l’exécution de son obligation.

Elle ajoute qu’en tout état de cause le montant de l’indemnisation retenu par les juges de première instance n’est pas acceptable, car excédant la réparation du préjudice subi, aux motifs :

qu’il n’est pas contesté, que le kit de chauffage bi-zone n’a pas été installé lors de la construction de la maison des consorts [I] et [Z] ;

que toutefois, les consorts [I]-[Z] ont considéré devoir bénéficier d’un système de chauffage à double circuit hydraulique, alors que ce n’est pas la prestation qui leur a été vendue et exigent d’être indemnisés sur la base de cet équipement ;

qu’une telle réparation impliquerait des travaux d’un coût disproportionné par rapport au bénéfice qu’en retireraient les consorts [I]-[Z] ;

que l’expert a proposé d’équiper chacun des trois circuits de la partie nuit d’une vanne thermique pilotée en parallèle par un thermostat sans fil, solution équivalente à celle qu’elle avait proposée dès le mois d’octobre 2018 aux consorts [I]-[Z] et qu’ils ont refusée ;

que les premiers juges ont manifestement condamné la société AST Groupe en se fondant sur un devis de l’entreprise Garde et Laroche présentant un coût de 2197,80 €, mais pour un équipement bien supérieur à ce qui était contractuellement prévu puisqu’il porte sur la solution avec 3 thermostats, éludant le devis qu’elle avait présenté pour un montant de 625 € ;

qu’en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice selon lequel doit être réparé tout le préjudice et rien que le préjudice, elle ne peut se voir condamnée à payer une somme qui excède la prestation initialement due.

L’appelante ajoute que c’est à tort que la décision déférée a retenu un préjudice de jouissance, en ce que :

les consorts [I] et [Z] ne caractérisent à aucun moment la nature des désagréments qu’ils auraient subis à ce titre ;

surtout, l’évaluation du préjudice de jouissance à laquelle a procédé le Tribunal de première instance est totalement infondée, alors que s’il y a un préjudice, il est négligeable, car constitué par le seul fait de n’avoir pas été en mesure de dissocier la température entre la pièce de vie et les chambres et surtout ne peut être évalué en ne tenant pas compte de ce que l’on ne chauffe pas la maison en saison chaude, notamment l’été ;

enfin, si les consorts [I] et [Z] ont effectivement subi un préjudice, ils en sont l’origine puisque la société AST Groupe a immédiatement reconnu son erreur et proposé de la réparer en mettant en 'uvre la solution finalement prescrite par l’expert, ce qu’ils ont refusé.

Elle ajoute qu’en raison de l’inutilité de la mesure d’expertise, au demeurant demandée par les consorts [I]-[Z], il n’est pas justifié de la condamner aux dépens, comprenant les frais d’expertise.

En réponse à l’appel incident des intimés, l’appelante fait valoir :

que si les consorts [I]-[Z] considèrent que l’indemnisation de leur préjudice matériel doit se fonder sur le devis le plus-disant, soit 2 640 €, cette demande doit être rejetée, puisque leur indemnisation ne peut excéder le montant du devis qu’elle a proposé ;

qu’en exigeant le remboursement du coût de l’équipement omis, tout en demandant le paiement des sommes nécessaires à la réparation de cette omission, les intimés exigent deux fois la réparation d’un seul et même préjudice ;

que la somme demandée par les consorts [I]-[Z] au titre de leur préjudice de jouissance, soit 5 000 €, ne repose sur aucune pièce justificative ;

que les consorts [I]-[Z] ne sont pas fondés à demander une indemnité pour résistance abusive alors que la société AST Groupe s’était engagée à les rembourser et qu’ils ont refusé cette proposition et qu’il ne peut donc lui être reproché de n’avoir pas remboursé la somme en question.

Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 27 juillet 2021, les consorts [I]-[Z] demandent à la Cour de :

Vu l’article 1604 du Code civil, l’ancien article 1147 du Code civil devenu 1231-1 du Code civil, l’article 1217 du Code civil, l’ancien article 1184 du Code civil, devenu article 1221 du Code civil, l’article 515 du Code de procédure civile,

Débouter la société AST Groupe de l’ensemble de ses demandes ;

Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

Condamné la société AST Groupe à leur verser la somme de 5 640 € en indemnisation de leur préjudice matériel ;

Rejeté toutes les autres demandes ;

Statuant de nouveau :

Condamner la société AST Groupe à leur payer la somme de 2 640 €, correspondant au montant arrêté par l’expert judiciaire afin de permettre le réglage de la température de manière différenciée entre les différentes pièces de l’habitation ;

Condamner la société AST Groupe à leur rembourser la somme de 791,67 €, correspondant au kit 2 zones facturé mais non installé ;

Condamner la société AST Groupe à leur régler la somme de 5 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

Condamner la société AST Groupe à leur régler la somme de 2 000 € au titre de la résistance abusive ;

Condamner la société AST Groupe à la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Dire que dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations par le jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les intimés relèvent en premier lieu que la responsabilité contractuelle de la société AST Groupe, au visa des articles 1231-1 et 1217 du Code civil, est inconstable, alors que :

la société AST Groupe a reconnu que le kit deux zones commandé n’avait pas été installé, étant observé que, contrairement à ce qu’elle soutient, elle n’a jamais proposé amiablement une mise en conformité de l’installation mais s’est limitée à leur demander de signer un avenant modifiant le contrat initial pour se décharger de toute responsabilité.

Ils relèvent également :

qu’ils étaient et sont en droit de de solliciter l’exécution du contrat, au visa des articles 1217 et 1221 du Code civil, mais qu’ils se sont montrés disposés à accepter la proposition de l’expert, qui ne correspond pas à une mise en conformité de l’ouvrage aux dispositions contractuelles, à savoir équiper chacun des 3 circuits de la partie nuit d’une vanne thermique pilotée en parallèle par un thermostat sans fil ;

que de façon erronée, la société AST Groupe prétend qu’ils exigeraient l’installation d’un système de chauffage à double circuit hydraulique, impliquant la destruction de leur maison, alors que ce n’est nullement le cas et qu’ils sollicitent seulement la solution préconisée par l’expert judiciaire.

Ils demandent à ce titre que le devis Palluet, pour la solution 'un thermostat', soit 2 640 € TTC, soit retenue et relèvent qu’en évaluant à 2 200 € leur préjudice matériel, le tribunal n’a nullement justifié sa décision, dès lors que l’expert avait évalué ce poste de préjudice à la somme de 2 640 € TTC.

Ils soutiennent également que la société AST Groupe doit leur rembourser la somme de 791,67 € qu’ils ont versée et qui correspond au kit deux zones, ce remboursement leur étant dû puisque le kit n’a pas été installé.

S’agissant de leur préjudice de jouissance, ils sollicitent une indemnisation de 5 000 €, aux motifs :

qu’ils ont été dans l’impossibilité de régler à leur convenance la température de manière différente entre les chambres et les zones de vie diurnes près de trois ans ;

que de surcroît, la nécessité de réaliser des travaux correctifs entraînera nécessairement l’impossibilité d’utiliser l’installation de chauffage durant un certain laps de temps, et s’analyse en un préjudice de jouissance total de l’installation de chauffage temporairement.

Enfin, ils s’estiment fondés à être indemnisés au titre de la résistance abusive de la société AST Groupe, aux motifs :

que celle-ci est de particulière mauvaise foi à prétendre avoir tenté une négociation amiable, tandis qu’elle a seulement essayé de faire signer un avenant à ses cocontractants afin de modifier le contrat initial et ainsi se dédouaner de toute responsabilité du fait de ses manquements ;

que ce n’est que postérieurement à la délivrance d’une assignation en référé expertise, que son conseil a écrit le 10 octobre 2018 pour proposer de faire installer un système de régulation du chauffage de leur maison en deux zones ;

qu’elle a systématiquement refusé le chiffrage de l’expert, ainsi que des préjudices annexes subis, motif pris que l’expertise judiciaire ne s’imposait pas ;

que les seules propositions formulées consistaient à les contraindre à accepter l’intervention de l’un de ses sous-traitants, alors même qu’il n’était certainement pas envisageable qu’elle dirige de nouveau des travaux à leur domicile, au regard du peu de considération dont elle a fait preuve à leur égard et surtout des négligences observées, lesquelles ont rendu nécessaire la présente procédure ;

que de surcroit, malgré sa promesse de remboursement a minima de la valeur du kit 2 zone, elle ne leur a jamais restitué la somme de 791,67 €.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour relève au préalable que le contrat liant les parties est intervenu le 15 mars 2016.

Or, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats étant entrée en vigueur le 1er octobre 2016, tous les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle restent régis par la loi en vigueur à l’époque de leur conclusion, en application de l’article 2 du Code civil.

Il en résulte que seules les dispositions de l’article 1147 du Code civil ancien sont applicables au litige opposant les parties, qui met en jeu la responsabilité contractuelle de la société AST Groupe.

Aux termes de ces dispositions, le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la société AST Groupe a omis d’installer le kit de chauffage deux zones contractuellement prévu et qu’elle a de ce fait engagé sa responsabilité contractuelle au sens des dispositions précitées.

Elle doit donc indemniser les intimés de leur préjudice.

1) Sur l’indemnisation du préjudice matériel des consorts [I]-[Z]

Il n’est pas contestable que depuis qu’ils occupent leur maison, les consorts [I]-[Z], du fait du défaut d’installation du kit de chauffage deux zones qu’il avaient commandé, ne peuvent bénéficier d’un sytème de chauffage conforme à leurs attentes, qui devait leur permettre de dissocier la température de leur maison entre les chambres et les pièces de vie, notamment la nuit.

L’expert judiciaire explique dans son rapport :

que le chauffage de l’habitation des consorts [I]-[Z] est assuré par une chaudière murale gaz à condensation, l’émission étant assurée par un plancher chauffant de six boucles ;

que trois de ces boucles sont dédiées à la partie jour (cuisine, salon et salle à manger), les trois autres à la partie chambre, avec une boucle pour chacune d’entre elles et que la régulation actuelle s’effectue par l’intermédiaire d’une seule sonde programmable située dans la pièce de séjour, agissant directement sur la chaudière ;

que si le kit de chauffage deux zones avait été installé comme contractuellement prévu, il aurait dû exister un thermostat jour, pour les circuits jour et un thermostat nuit pour les circuits nuit dans un contexte où les consorts [I]-[Z] souhaitaient pouvoir obtenir une température de la partie nuit inférieure à la partie jour ;

que la conséquence de cette non-conformité est qu’il n’y a pas de possibilité d’avoir une température différente entre la partie jour et la partie nuit, ce qui engendre une gêne d’usage, dans la mesure où la température des chambres pourrait être considérée comme inconfortable car trop chaude.

L’expert explique qu’en l’état actuel de l’installation, il apparaît très compliqué de revenir à la configuration hydraulique prévue dans l’avenant, mais propose pour obtenir le même résultat d’équiper chacun des trois circuits de la partie nuit d’une vanne thermique, pilotée en parallèle par un thermostat dans fil à installer dans l’une des chambres.

Il précise que cette solution permet de revenir à la solution proposée dans l’avenant, observant que la mise en oeuvre de deux thermostats supplémentaires, si elle présenterait l’avantage de pourvoir réguler la température indépendamment dans chacune des trois chambres, constituerait à son sens une amélioration de l’ouvrage.

La Cour observe que, contrairement à ce que semble soutenir la société AST Groupe, les consorts [I]-[Z] s’accordent pour retenir la solution préconisée par l’expert, donc la mise en place d’une vanne thermique sur chacun des trois circuits de la partie nuit, avec un seul thermostat dans la partie nuit.

L’expert a chiffré à 2 640 € le coût des travaux concernant la solution qu’il préconise, sur la base du devis Palluet, versé aux débats.

La Cour observe à l’examen de ce devis que, contrairement à ce que soutient la société AST Groupe, ce devis correspond bien à la mise en place d’un seul thermostat.

La Cour retient que le devis de la société AST Groupe (devis Neuf Elec pour un montant de 625 €, qu’elle complète par un autre devis d’un montant plus élevé de 870,20 €) doit être écarté, au regard des observations de l’expert, lequel a relevé que le montant indiqué lui paraissait faible, et que le devis Palluet lui paraissait plus adapté au regard de la nature des travaux à entreprendre, observations que la Cour retient comme fondées.

Il en résulte que c’est à tort que le Tribunal a retenu au titre de la solution préconisée, une indemnisation de 2 200 €, qui ne correspond en réalité à aucun des devis produits.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu’elle a fixé l’indemnisation des consorts [I]-[Z] au titre de leur préjudice matériel à la somme de 2 200 € et a condamné la société Ast Groupe à hauteur de ce montant et, statuant à nouveau condamne la société AST Groupe à verser aux consorts [I]-[Z] la somme de 2 640 € au titre des travaux de reprise, outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions énoncées à l’article 1154 ancien du Code civil.

2) Sur l’indemnisation du préjudice de jouissance des consorts [I]-[Z]

Il n’est pas contesté que le kit de chauffage deux zones avait vocation à permettre aux consorts [I]-[Z] de réguler la température dans les chambres de leur maison, afin qu’elle soit plus froide dans les chambres que dans les pièces de vie et qu’ils ne peuvent bénéficier de cet avantage depuis qu’ils ont pris possession de leur maison.

Si le préjudice de jouissance subi à ce titre doit être relativisé dès lors que les intimés n’étaient aucunement privés de chauffage, il n’en existe pas moins dès lors que les consorts [I]-[Z], depuis leur installation, ne peuvent, comme l’a relevé à raison la décision déférée, régler à leur convenance la température de manière différente entre les chambres et les zones de vie diurnes.

Il ne peut par ailleurs être considéré, comme le soutient la société AST groupe, que les consorts [I]-[Z] sont à l’origine de leur préjudice dès lors que d’une part ce préjudice trouve sa source dans le manquement contractuel de l’appelante, et que d’autre part le fait qu’ils n’aient pas immédiatement adhéré à la solution proposée par leur co-contractant, envers lequel ils étaient en perte de confiance, laquelle au demeurant proposait d’intervenir pour un coût bien inférieur, ne peut leur être reproché.

Le premier juge a retenu que ce préjudice devait être indemnisé à hauteur de 3 440 €, sur la base d’une somme de 80 € par mois, considérant que ce préjudice était subi par les consorts [I]-[Z] sur une durée de 43 mois, dont on comprend qu’elle correspond à la période du 1er juin 2017, date à laquelle ils ont pris possession de leur maison, jusqu’au 1er janvier 2021, date à laquelle le Tribunal a arrêté son évaluation.

Les consorts [I]-[Z] sollicitent l’infirmation de cette décision et l’évaluation de leur préjudice de jouissance à 5 000 €, étant observé qu’ils avaient sollicité un montant identique en première instance et qu’il ne peut qu’en être déduit qu’ils limitent leur demande d’indemnisation à la période précédemment retenue.

Pour autant, la Cour retient que ce préjudice ne peut être retenu que durant la saison froide où le chauffage est mis en action, qui correspond globalement à la période du 1er novembre au 30 avril de chaque année, soit deux mois en 2017, six mois en 2018, six mois en 2019 et six mois en 2020, ce qui fait un total de 20 mois.

La Cour retient également qu’il n’est pas établi par les consorts [I]-[Z] que l’intervention prévue pour pallier à l’absence de Kit deux zones, qui consiste uniquement à poser trois vannes thermiques et qui peut avoir lieu en saison chaude, est de nature à les priver de chauffage d’une façon conséquente.

Au regard de ces éléments, la Cour considère, dans son appréciation souveraine, que l’indemnisation à proportion de 80 € par mois, retenue en première instance, était justifiée.

Sur cette base, la Cour dit que le préjudice de jouissance subi par les consorts [I]-[Z] doit être indemnisé à hauteur d’une somme totale de 1 600 € (80 € X 20 mois).

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu’elle a alloué aux consorts [I]-[Z] la somme de 3 440 € au titre de leur préjudice de jouissance, et, statuant à nouveau, condamne la société AST Groupe à payer aux consorts [I]-[Z] la somme de 1 600 € au titre de leur préjudice de jouissance, laquelle portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions énoncées à l’article 1154 ancien du Code civil.

3) Sur la demande de remboursement du coût du kit de chauffage deux zones

Les consorts [I]-[Z] se sont vus facturer la somme de 791,67 € correspondant au Kit deux zones, qui n’a été ni acheté, ni installé par la société AST Groupe.

Or, l’indemnisation qu’ils perçoivent au titre de leur préjudice matériel a vocation à compenser l’absence d’installation de ce matériel et constitue une solution pour qu’il bénéficie d’un système de chauffage adapté à celui qu’ils souhaitaient.

Dans ces conditions, comme l’a retenu à raison la décision déférée, faire droit à leur demande de remboursement revient à indemniser deux fois le même préjudice.

La Cour confirme en conséquence la décision déférée qui a rejeté la demande présentée par les consorts [I]-[Z] au titre du remboursement du coût du kit de chauffage deux zones.

4) Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La Cour observe que s’il est exact que la société AST Groupe s’est limitée initialement à proposer de rembourser la somme facturée aux consorts [I]-[Z] pour le kit de chauffage deux zones, elle a dès le 10 octobre 2018, proposé l’installation d’un système de régulation de chauffage en deux zones.

Le 11 décembre 2018, elle leur a également proposé de faire intervenir son sous-traitant pour réaliser ces travaux, précisant que son intervention aurait un coût de 625 € et proposant au besoin de servir cette somme aux consorts [I]-[Z] s’ils le souhaitaient.

Les différents courriers versés aux débats confirment que des négociations sont intervenues et que les parties ne se sont pas accordées, la société AST Groupe refusant notamment de prendre en charge les frais d’expertise dont elle dénonçait l’inutilité et contestant le préjudice de jouissance.

Il ne peut être considéré dans ces conditions que la société AST Groupe a fait preuve de résistance abusive, dès lors qu’il est démontré qu’elle a rapidement tenté de trouver un accord, le seul différend entre les parties sur le montant de l’indemnisation ne pouvant à lui seul s’analyser en une résistance abusive justifiant une indemnisation.

La Cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par les consorts [I]-[Z].

5) Sur les demandes accessoires

La Cour retient que, contrairement à ce que soutient la société AST Groupe, l’expertise a montré son utilité puisqu’elle a permis, d’une part, de confirmer le bien fondé de la solution préconisée, dans un contexte où les consorts [I]-[Z] étaient en perte de confiance vis à vis de leur co-contractant, et d’autre part, de déterminer le montant de l’indemnisation qui devait être accordée aux consorts [I]-[Z] au titre de l’indemnisation de leur préjudice matériel et de fournir au Tribunal les éléments nécessaires pour apprécier le préjudice.

Dans ces conditions, la Cour confirme la décision déférée qui a condamné la société AST Groupe, succombante, aux dépens de la procédure de première instance, comprenant les frais d’expertise.

Pour la même raison, la Cour confirme la décision déférée qui a condamné la société AST Groupe à payer aux consorts [I]-[Z] la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

La Cour condamne la société AST groupe, qui succombe principalement en appel, notamment en sa demande visant à ce que soit rejetée toute demande de condamnation à son encontre, aux dépens à hauteur d’appel.

La Cour condamne la société AST groupe à payer aux consorts [I]-[Z] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.

Enfin, il n’y a pas lieu de statuer sur les frais de recouvrement forcé de la créance, les dispositions de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, modifiées par l’article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 ayant été abrogées par le décret 2016-230 du 26 février 2016, étant observé qu’aucun texte n’autorise le juge à faire supporter au débiteur les frais mis à la charge du créancier par ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a fixé l’indemnisation des consorts [I]-[Z] au titre de leur préjudice matériel à la somme de 2 200 € et a condamné la société AST Groupe à hauteur de ce montant et,

Statuant à nouveau :

Condamne la société AST Groupe à verser à [G] [I] et [Y] [Z] la somme de 2 640 € au titre des travaux de reprise, outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions énoncées à l’article 1154 ancien du Code civil ;

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a alloué aux consorts [I]-[Z] la somme de 3 440 € au titre de leur préjudice de jouissance, et,

Statuant à nouveau :

Condamne la société AST Groupe à payer à [G] [I] et [Y] [Z] la somme de 1600 € au titre de leur préjudice de jouissance, outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions énoncées à l’article 1154 ancien du Code civil ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne la société AST Groupe aux dépens à hauteur d’appel ;

Condamne la société AST Groupe à payer à [G] [I] et [Y] [Z] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Lyon, 8e chambre, 13 décembre 2023, n° 21/02310