Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 12 novembre 2019, n° 17/01313

  • Approvisionnement·
  • Sociétés·
  • Contrat de licence·
  • Enseigne·
  • Facture·
  • Banque·
  • Fournisseur·
  • Clause compromissoire·
  • Paiement·
  • Chèque

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 12 nov. 2019, n° 17/01313
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 17/01313
Sur renvoi de : Cour de cassation, 10 janvier 2017, N° 1F@-@D
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :

SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

SAS CSF

C/

SARL I.G.E

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2019

N° RG 17/01313 – N° Portalis DBVK-V-B7B-NB6V

Décisions déférées à la Cour;

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS 01, décision attaquée en date du 11 Janvier 2017, enregistrée sous le n° 1 F-D

Arrêt Au fond, origine Cour d’Appel de nimes, décision attaquée en date du 04 Juin 2015, enregistrée sous le n° 15/02091

Arrêt Au fond, origine Cour d’Appel de NIMES, décision attaquée en date du 27 Novembre 2014, enregistrée sous le n° 13/04094

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de NIMES, décision attaquée en date du 04 Juillet 2013, enregistrée sous le n° 2012J85

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDERESSES A LA SAISINE:

SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Lola JULIE de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me KERVIO, avocat au barreau de VANNES, avocat plaidant

SAS CSF venant aux droits de CSF FRANCE (dissoute) ZI Route de Paris

[…]

Représentée par Me Lola JULIE de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me KERVIO, avocat au barreau de VANNES, avocat plaidant

DEFENDERESSE A LA SAISINE

SARL I.G.E La société fait élection de domicile chez Maître Y Z, domiciliée […] pour la présente procédure.

[…]

[…]

Représentée par Me Y Z, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me Olivier HASENFRATZ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 10 SEPTEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 OCTOBRE 2019,en audience publique, Monsieur A-B C ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur A-B C, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Sylvia TORRES, Greffier lors des débats et du prononcé

DEBATS :

En audience publique le UN OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF

L’affaire a été mise en délibéré au 12 Novembre 2019.

ARRET :

Contradictoire, prononcépar mise à disposition de l’arrêt le 12 Novembre 2019, par Monsieur A-B C, Président de chambre

Le présent arrêt a été signé par Monsieur A-B C, Président de chambre et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES

PARTIES :

La SARL IGE a conclu, le 26 novembre 2008, un contrat de licence portant sur l’enseigne « Proxy

Service » avec la SAS Prodim, aujourd’hui dénommée Carrefour Proximité France, en vue de l’exploitation sous cette enseigne d’un magasin situé à […] ; ce contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation à l’initiative de l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, sous réserve du respect d’un préavis de six mois (article 2) ; le même jour, la société IGE a conclu avec la SAS CSF France, devenue CSF, un contrat d’approvisionnement type « Négoce Plus » par lequel elle s’engageait à s’approvisionner de façon prioritaire auprès de celle-ci pendant une durée de cinq ans, également renouvelable par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation intervenue six mois avant l’échéance par lettre recommandée avec accusé de réception (article 9).

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 7 décembre 2009, la société CSF, qui avait constaté que son partenaire contractuel ne s’approvisionnait plus dans ses entrepôts, a mis en demeure la société IGE de respecter le contrat d’approvisionnement conclu le 28 novembre 2008.

Le 20 février 2010, la société IGE a adressé à « Carrefour sud-est » une lettre recommandée ainsi rédigée : je viens par la présente vous annoncer mon désir de ne plus travailler avec votre groupe et par conséquent de ne plus m’approvisionner par le biais de votre centrale. Je vous remercie donc de ne plus m’envoyer de documents ou autres information et de ne plus me facturer de cotisations ni autres prestations. De mon côté, je n’engage à ne plus profiter de votre enseigne et du concept Proxy en les faisant enlever dans les plus brefs délais, ceux-ci restant à votre disposition si toutefois vous souhaitez les récupérer.

Par deux exploits distincts du 20 janvier 2012, la société Carrefour Proximité France, d’une part, et la société CSF France, d’autre part, ont fait assigner la société IGE devant le tribunal de commerce de Nîmes en vue d’obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts consécutifs à la rupture unilatérale et abusive du contrat de licence d’enseigne et du contrat d’approvisionnement.

Après jonction des instances connexes, le tribunal a, par jugement du 4 juillet 2013 :

— condamné la société CSF France à payer à la société IGE la somme de 2695,72 euros, ainsi qu’il ressort du relevé de compte du 22 février 2009, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,

— condamné la société IGE à payer à la société Carrefour Proximité France la somme de 3800 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,

— débouté les sociétés CSF France et Carrefour proximité France de leurs demandes de dommages et intérêts,

— débouté la société IGE de ses demandes reconventionnelles,

— rejeté toutes autres demandes.

Sur l’appel formé par les sociétés Carrefour Proximité France et CSF France, la cour d’appel de Nîmes a, par arrêt du 27 novembre 2014 rectifié par un arrêt du 4 juin 2015 :

— donné acte à la société CSF de son intervention,

— infirmé la décision en ce qu’elle a condamné la société CSF France à payer à la société IGE la somme de 2695,72 euros et statuant à nouveau,

— rejeté la demande tendant à voir condamner la société CSF à payer à la société IGE la somme de 2695,72 euros,

— confirmé la décision en toutes ses autres dispositions,

— y ajoutant, condamné in solidum les sociétés Carrefour proximité France et CSF à payer à la société IGE une somme de 2400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de dommages et intérêts des sociétés CSF et Carrefour Proximité France et statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, par un arrêt rendu le 11 janvier 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique), au motif que pour rejeter les demandes de dommages et intérêts présentées par ces sociétés, l’arrêt retient que la société IGE indique, sans être démentie, qu’à la suite des difficultés de trésorerie qu’elle a rencontrées au cours de l’année 2009 ayant entraîné des incidents de paiement de ses factures, la société CSF a exigé le règlement comptant avec chèque de banque et refusé de rétablir les conditions de paiement initial, même lorsque sa situation était redevenue normale, alors que la société CSF avait dénié avoir jamais contraint la société IGE à régler les commandes au comptant, par chèque de banque, et qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l’article 4 du code de procédure civile.

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par la société Carrefour Proximité France et la société CSF suivant déclaration remise le 7 mars 2017 au greffe.

En l’état de leurs dernières conclusions, déposées le 3 septembre 2019 via le RPVA, elles demandent à la cour, au visa des articles 73 et 74 du code de procédure civile, des articles 1134 et 1184 du code civil et des articles

L. 442-6-1 et D. 442-3 du code de commerce, de :

— déclarer irrecevable l’exception de compétence soulevée, pour la première fois, par la société IGE devant la cour d’appel de Montpellier et inapplicables les clauses compromissoires,

— réformer le jugement en ce qu’il les a déboutées de leur action à l’encontre de la société IGE,

— constater que la société IGE a mis fin au contrat de licence d’enseigne et d’approvisionnement de manière anticipée et de surcroît de manière brutale puisque sans préavis,

— constater que la société IGE n’invoque aucun grief à leur encontre dans sa lettre du 20 février 2010,

— déclarer en conséquence fautive la résiliation opérée,

— condamner la société IGE à payer à :

' la société Carrefour Proximité France la somme de 4230 euros à titre de dommages et intérêts,

' la société CSF la somme de 96 642 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société IGE à payer à chacune d’elles la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent pour l’essentiel que la résiliation des contrats, dont la société IGE a pris l’initiative par lettre du 20 février 2010, l’a été avant le terme normal et n’est pas justifiée par l’allégation d’un manquement de leur part, qu’il est à cet égard inexact de prétendre que des commandes sont restées infructueuses et qu’un paiement comptant des factures, par chèque de banque, a été exigé, que le préjudice lié à la rupture du contrat de licence d’enseigne correspond à la perte des cotisations qui auraient dû être payées jusqu’au terme du contrat, soit jusqu’au 25 novembre 2013, et que le

préjudice lié à la rupture du contrat d’approvisionnement est égal à la perte de marge subie par la société CSF à compter du mois de juin 2009, date à laquelle la société IGE a cessé de s’approvisionner auprès d’elle, jusqu’au terme du contrat, soit sur une période de 53 mois.

Aux termes de ses conclusions, déposées par le RPVA le 20 décembre 2017, la société IGE sollicite de voir, au visa des articles 1134, 1135, 1156 et 1315 (anciens) du code civil et de l’article L. 442-6 du code de commerce, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 4 juillet 2013 en ce qu’il a débouté les sociétés Carrefour Proximité France et CSF de leurs demandes de dommages et intérêts ; elle réclame, par ailleurs, leur condamnation à lui payer la somme de 4000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle développe l’argumentation suivante :

— le contrat de licence d’enseigne, comme le contrat d’approvisionnement, contient une clause d’arbitrage, dont l’absence de mise en 'uvre constitue une fin de non-recevoir,

— le contrat d’approvisionnement contient des clauses léonines, créant des déséquilibres significatifs entre les parties, comme l’article 7 du contrat prévoyant, en cas d’incident de paiement, la suspension immédiate des facilités de paiement au gré du fournisseur, sans mise en demeure préalable, et la suspension des livraisons et services, sauf paiement comptant à la livraison par chèque de banque,

— alors qu’elle a connu, dans le courant de l’année 2009, des difficultés passagères de trésorerie, la société CSF France a suspendu ses livraisons, exigeant le paiement comptant des factures en instance, émises entre mi-avril et juin 2009, comme conditions de rétablissement des approvisionnements,

— en l’état des conditions de paiement, qui lui étaient imposées et révélant de la part de la société CSF France une exécution déloyale du contrat, elle a été contrainte de rompre, le 20 février 2010, la relation contractuelle,

— cette rupture provient de l’inexécution contractuelle de la société CSF France, qui ne lui octroyait plus aucune facilité de paiement et refusait de l’approvisionner,

— le contrat d’approvisionnement formait avec le contrat de licence d’enseigne un tout indivisible, le second ne pouvant être exécuté sans l’exécution du premier.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 10 septembre 2019.

MOTIFS de la DECISION :

1-le moyen tiré de l’existence d’une clause compromissoire :

La société IGE invoque une fin de non-recevoir (sic) tirée de l’existence à l’article 11 du contrat de licence et à l’article 13 du contrat d’approvisionnement d’une clause compromissoire selon laquelle toutes contestations auxquelles pourrait donner lieu l’exécution ou l’interprétation du présent contrat seront soumises trois arbitres ; pour autant, une telle prétention ne se trouve pas énoncée au dispositif des conclusions de l’intimée déposées le 20 décembre 2017, en sorte qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’a pas statué sur celle-ci ; en toute hypothèse, les sociétés Carrefour proximité France et CSF sont bien fondées à soutenir que le moyen visant à la mise en 'uvre d’une clause compromissoire est régi par les dispositions du code de procédure civile relative aux exceptions de procédure et que la société IGE est irrecevable à soulever un tel moyen

pour la première fois devant la cour de renvoi, en application de l’article 74 du code de procédure civile.

2-le fond du litige :

Si dans le dispositif de ses conclusions, la société IGE vise l’article L. 442-6 du code de commerce et, dans le corps de ses conclusions, l’existence de dispositions contractuelles susceptibles de caractériser un déséquilibre significatif ôtant tout caractère commutatif au contrat d’approvisionnement, évoquant notamment les clauses qualifiées de léonines de l’article 7 dudit contrat, la cour n’est cependant saisie d’aucune demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de la société CSF fondée sur l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce, alors en vigueur, demande dont elle ne pourrait toutefois connaître, puisque l’article D. 442-3 du code de commerce dispose que pour l’application de l’article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixées conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 du présent livre et que la cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris, les règles investissant certaines juridictions commerciales spécialisées et la cour d’appel de Paris du contentieux né de l’application de l’article L. 442-6 étant d’ordre public.

Le contrat de licence et le contrat d’approvisionnement conclus le 26 novembre 2008 l’ont été pour une durée déterminée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction par périodes triennales, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties intervenue six mois avant le terme par lettre recommandée ; le contrat d’approvisionnement, qui n’obligeait pas la société IGE à se fournir exclusivement auprès de la société CSF mais à s’approvisionner auprès d’elle de façon prioritaire, comportait une clause de résiliation anticipée, insérée à l’article 10, permettant au fournisseur de résilier le contrat soit en cas de cessation de paiements, redressement judiciaire, suspension provisoire des poursuites et liquidation judiciaire du client, de plein droit et sans préavis, soit quinze jours après l’envoi d’une lettre recommandée au client en cas d’inexécution de l’une quelconque des conditions du contrat ; si la société IGE ne bénéficiait, pour sa part, d’aucune clause de résiliation anticipée en cas de survenance d’un événement expressément visé, elle n’en avait pas moins la possibilité, conformément à l’article 1184 du code civil alors applicable, de rompre unilatéralement le contrat pour un motif légitime tiré notamment du manquement du fournisseur à ses propres obligations.

Or, lorsqu’elle a résilié par anticipation le contrat de licence et le contrat d’approvisionnement, par lettre recommandée du 20 février 2010, la société IGE ne s’est prévalue d’aucun motif particulier lié à un éventuel manquement de son fournisseur à ses obligations contractuelles ; elle n’a invoqué qu'a posteriori le fait que la société CSF aurait suspendu ses approvisionnements en juin 2009 en exigeant d’elle qu’elle règle les commandes au comptant et par chèque de banque et que celle-ci aurait persisté à réclamer de telles modalités de paiement des commandes bien qu’elle ait régularisé ses difficultés de trésorerie auprès de sa banque.

En toute hypothèse, le grief invoqué par la société IGE n’apparaît pas fondé en l’état des pièces produites aux débats ; celle-ci communique, en effet, un extrait de son compte client dans les livres de la société CSF France, mais cet extrait de compte, qui est celui transmis, le 22 février 2010, après la résiliation des contrats de licence et d’approvisionnement, par la société CSF France au cabinet Fiducial Expertise en vue de l’établissement de ses comptes annuels, mentionne seulement que cinq factures, impayées, établies les 25 juin ou 30 juin 2009 (date pièce), ont aussi comme dates d’échéance, celles des 25 juin ou 30 juin 2009 (date échéance) même s’il est indiqué en suivant une autre date, du 26 juin ou du 1er juillet 2009, et que sept autres factures, également impayées, émises antérieurement entre le 15 avril et le 15 juin 2009 (date pièce), ont les mêmes dates d’échéance (date échéance) que celles des factures ; si l’article 7. 1 du contrat d’approvisionnement ne précise pas le délai de règlement des factures à compter de la date de livraison, le nombre de jours ayant été laissé en blanc par les rédacteurs du contrat, la société IGE ne fournit aucune indication sur le délai de

règlement des factures, dont elle avait bénéficié antérieurement, sachant que l’article 7. 1 susvisé offrait la possibilité au fournisseur, en cas d’incident de paiement, de suspendre la facilité de règlement accordé au client.

La société CSF n’a pas pris l’initiative de rompre le contrat d’approvisionnement en dépit de diverses factures demeurées impayées depuis le 15 avril 2009 ; rien ne permet, en outre, d’affirmer qu’elle soit à l’origine de l’interruption des approvisionnements en juin 2009 et, à supposer même que cela soit le cas, l’article 7.4 du contrat lui permettait, en présence de tout incident de paiement, à suspendre toutes livraisons et tous services au profit du client sauf si ce dernier propose un paiement comptant à la livraison par chèque de banque, sachant qu’au 30 juin 2009, la société IGE était redevable de plusieurs factures impayées depuis le 15 avril 2009 ; par ailleurs, aucune justification n’est apportée de ce que cette société, après avoir, comme elle l’affirme, régularisé ses difficultés de trésorerie auprès de sa banque, se soit vue encore imposer par la société CSF un paiement au comptant et par chèque de banque, alors surtout qu’elle était encore débitrice d’un arriéré de 12 456,17 euros pour le règlement duquel elle ne justifie d’aucune initiative particulière ; le solde de son compte au 22 février 2010 apparaît certes comme créditeur de 2695,72 euros, mais après déduction d’un dépôt de garantie de 15 000 euros, une fois résilié à son initiative le contrat d’approvisionnement.

Il est également produit l’attestation du dirigeant d’une SARL X (M. X), exploitant un magasin à la même enseigne, qui affirme avoir été obligé, du jour au lendemain, de payer par virement la marchandise sans avoir reçu le moindre courrier recommandé par notre fournisseur, et cela sans tenir compte des garanties bloquées chez eux ; cette attestation n’est toutefois d’aucune utilité pour le règlement du litige opposant la société IGE à son fournisseur.

Il résulte de ce qui précède que la rupture anticipée du contrat de licence et du contrat d’approvisionnement, dont la société IGE a pris l’initiative le 20 février 2010, hors toute clause contractuelle l’y autorisant et en l’absence de manquements de la société Carrefour Proximité France et de la société CSF France à leurs obligations contractuelles, doit être regardée comme fautive.

Pour l’appréciation des préjudices subis par les appelantes du fait de la rupture, il convient de retenir que le terme normal des contrats était fixé au 26 novembre 2013, en sorte qu’à la date de la résiliation intervenue par lettre recommandée du 20 février 2010, il restait à courir 45 mois avant la fin des contrats.

La société Carrefour proximité France, qui percevait une cotisation mensuelle de 94 euros hors-taxes au titre du contrat de licence a subi un préjudice correspondant à la perte des cotisations, qu’elle aurait dû normalement percevoir jusqu’au terme du contrat, soit la somme de 4230 euros.

Même si la société CSF ne bénéficiait pas d’une obligation d’approvisionnement exclusif de la part de la société IGE, il n’en demeure pas moins que son préjudice peut être calculé par référence à la perte de marge brute sur la durée restante du contrat, eu égard aux chiffres d’affaires et aux marges dégagés pendant la période au cours de laquelle le contrat a été effectivement

exécuté ; dans le cas présent, la société CSF produit un document émanant de ses services comptables, intitulé « calcul de perte de marge client 11989 IGE Marguerite », dont il ressort les chiffres d’affaires hors taxes réalisés jusqu’en juin 2009 par catégories de produits (épicerie, produits frais, fruits et légumes, surgelés…), les différents taux de marge nette dégagés par catégories de produits, les marges en « cumul juin 2009 » et le montant cumulé des marges perdues jusqu’à la fin du contrat d’approvisionnement, sur une durée restante de 53 mois ; la société IGE ne peut se borner à contester le document ainsi produit et les chiffres qu’il contient au motif que la société CSF l’aurait fait certifier sincère et véritable par une personne non identifiable ; elle est en effet en mesure d’apporter tous éléments tirés de sa propre comptabilité de nature à permettre de vérifier les chiffres d’affaires et les marges dégagées au cours de la période de novembre 2008 à juin 2009 durant laquelle elle s’est approvisionnée normalement auprès de la société CSF.

Il convient cependant de rectifier le résultat obtenu pour tenir compte du fait que les marges cumulées par catégories de produits (5246 euros, 1076 euros, 3687 euros, 28 euros et 903 euros) l’ont été sur une période de 7 mois, de décembre 2008 à juin 2009, en sorte que les marges perdues sur la durée de 53 mois (de juillet 2009 à novembre 2013) ressortent respectivement à 39 719 euros (et non 46 337 euros), 8146 euros (et non 9505 euros), 27 915 euros (et non 32 573 euros), 212 euros (et non 251 euros) et 6837 euros (et non 7976 euros), soit la somme totale de 82 829 euros ; cette somme correspond au préjudice, dont la société CSF est fondée à obtenir réparation.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société IGE doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu’à payer aux sociétés Carrefour Proximité France et CSF, ensemble, la somme de 2000 euros au titre des frais non taxables que celles-ci ont dus exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de la cassation,

Dit que la rupture anticipée du contrat de licence et du contrat d’approvisionnement, dont la société IGE a pris l’initiative le 20 février 2010, est fautive,

Condamne la SARL IGE à payer, en réparation des préjudices subis du fait de la rupture anticipée des contrats, les somme de :

—  4230 euros à titre de dommages et intérêts à la SAS Carrefour Proximité France,

—  82 829 euros à titre de dommages et intérêts à la SAS CSF,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société IGE aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents la décision cassée, ainsi qu’à payer aux sociétés Carrefour Proximité France et CSF, ensemble, la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil,

Le greffier, Le président,

J.L.P.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 12 novembre 2019, n° 17/01313