Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 20 janvier 2022, n° 19/03679

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc.-2e sect, 20 janv. 2022, n° 19/03679
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 19/03679
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Dié-des-Vosges, 8 décembre 2019, N° F18/00093
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2022

PH

DU 20 JANVIER 2022

N° RG 19/03679 – N° Portalis DBVR-V-B7D-EQJ5


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT DIE DES VOSGES


F 18/00093

09 décembre 2019

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

[…]

[…]


Représentée par Me Alexandre GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY substitué par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur Y Z

[…]

[…]


Représenté par Me C KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :


Lors des débats, sans opposition des parties


Président : STANEK Stéphane


Conseillère : WILLM F-G


Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)


Lors du délibéré,


En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 25 novembre 2021 tenue par STANEK Stéphane, Président, et F-G
WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et F-G WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 20 janvier 2022;


Le 20 janvier 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit ::

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. Y Z a été engagé par la BANQUE POPULAIRE Alsace Lorraine Champagne suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 21 octobre 2002, en qualité de guichetier, technicien, au sein de l’agence de Remiremont.


Il occupait, en dernier lieu, le poste de directeur de l’agence de Raon-l’Etape.


Le 19 octobre 2017, M. Y Z a été entendu par les auditeurs de la Banque populaire.


Par courrier du 20 novembre 2017, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 décembre 2017.


Par courrier du 21 décembre 2017, il a été licencié pour faute grave, avec faculté de solliciter un avis suspensif de la commission paritaire de recours de branche.


Le 26 décembre 2017, M. Y Z a saisi la commission paritaire de branche en contestation de son licenciement.


Par avis du 16 janvier 2018, la commission paritaire de branche a considéré le licenciement pour faute grave justifié.


Par courrier du 22 janvier 2018, la Banque Populaire a notifié à M. Y Z son licenciement pour faute grave.


Par requête du 12 septembre 2018, M. Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir, en conséquence, diverses indemnités outre un rappel de prime et de commissionnement.


Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 9 décembre 2019, lequel a :


- dit que le licenciement pour faute grave de M. Y Z est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


En conséquence,


- condamné la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à verser à M. Y Z les sommes suivantes :


- 2 778,20 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,


- 12 681,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 1 268,13 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,


- 24 192,09 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
- 18 460 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit six mois de salaire,


- 452 euros nets à titre de frais professionnels,


- 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,


- ordonné à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à remettre à M. Y Z 56 tickets restaurant,


- ordonné l’exécution provisoire du présent jugement, conformément à l’article R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3 076 euros,


- ordonné à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de rembourser à Pôle Emploi, conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail, les sommes perçues par M. Y Z, de cet organisme, dans la limite de trois mois d’indemnisation,


- débouté M. Y Z du surplus de ses demandes,


- débouté la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de ses demandes reconventionnelles,


- condamné la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux entiers dépens d’instance et d’exécution éventuels,


Vu l’appel formé par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne le 23 décembre 2019,


Vu l’article 455 du code de procédure civile,


Vu les conclusions de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne déposées sur le RPVA le 5 octobre 2021 et celles de M. Y Z déposées sur le RPVA le 31 août 2021,


Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 octobre 2021,


La Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande :


- de déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée par M. Y Z en cause d’appel au titre du préjudice subi pour la remise tardive des documents de fin de contrat,


- d’infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges du 9 décembre 2019 en ce qu’il a :


- dit que le licenciement pour faute grave de M. Y Z est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


En conséquence,


- l’a condamnée à verser à M. Y Z les sommes suivantes :


- 2 278,20 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,


- 12 681,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 1 268,13 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
- 24 192,09 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,


- 18 460 euros à titre d''indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit six mois de salaire,


- 452 euros nets à titre de frais professionnels,


- 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,


- lui a ordonné à de remettre à M. Y Z 56 tickets restaurant,


- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3 076 euros,


- lui a ordonné de rembourser à Pôle Emploi, conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail, les sommes perçues par M. Y Z, de cet organisme, dans la limite de trois mois d’indemnisation,


- l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles,


- l’a condamnée aux entiers dépens d’instance et d’exécution éventuels,


En conséquence,


- de dire que les faits à l’origine du licenciement pour faute grave de M. Y Z ne sont pas prescrits ;


- de dire que le licenciement pour faute grave de M. Y Z est justifié,


- de débouter M. Y Z de l’ensemble de ses demandes,


- de condamner M. Y Z à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens incluant les frais d’exécution du jugement à venir.

M. Y Z demande :


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que les faits qui lui sont reprochés à l’appui de son licenciement pour faute grave sont prescrits,


En conséquence,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


A titre subsidiaire,


- de dire qu’aucun des griefs invoqués à l’appui de son licenciement n’est fondé,


En conséquence,


- de dire que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


Et subsidiairement dénué de faute grave,
En tout état de cause,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à lui verser les sommes suivantes :


- 2 278,20 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,


- 12 681,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 1 268,13 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,


- 24 192,09 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,


- 452 euros nets à titre de frais professionnels,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à lui remettre 56 tickets restaurants,


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :


- condamné la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à lui verser la somme de 18 460 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- l’a débouté de ses demandes suivantes :


- 1 600 euros bruts à titre de prime de bilan 2017,


- 2 400 euros bruts à titre de commissionnement 4ème trim 2017,


- 2 000 euros à titre de prime Région 2017,


Statuant à nouveau,


- de condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à lui verser les sommes suivantes :


- 54 952,43 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 1 600 euros bruts à titre de prime de bilan 2017,


- 2 400 euros bruts à titre de commissionnement 4ème trim 2017,


- 2 000 euros à titre de prime Région 2017,


- 2 000 euros nets au titre du préjudice subi pour la remise tardive des documents de fin de contrat,


- de condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- de condamner la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux entiers dépens de l’instance.

SUR CE, LA COUR


Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 05 octobre 2021, et en ce qui concerne le salarié le 31 août 2021.
Sur l’exception de procédure quant à la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat


La BPLC fait valoir que cette demande est nouvelle et n’a jamais été présentée en première instance.

M. Y Z soutient que cette demande est complémentaire de celles présentées en première instance.


Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.


Aux termes des dispositions de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.


En l’espèce, la demande de M. Y Z portant sur des dommages et intérêts pour communication tardive des documents de fin de contrat ne se rattache pas à la contestation du licenciement par un lien suffisamment étroit pour être recevable si elle est présentée pour la première fois en appel.


Il résulte des conclusions des parties que cette demande est formée pour la première fois à hauteur d’appel. Elle sera dès lors déclarée irrecevable.

Sur la prescription


La BPLC considère que les faits reprochés au salarié ne sont pas prescrits.


Elle explique que le 16 août 2017, Mme X, sa supérieure hiérarchique, était en visite dans son agence ; elle y a constaté plusieurs irrégularités dans deux principaux dossiers qu’il gérait, et a sollicité de sa part des explications.


Le 04 septembre 2017, faute d’explications claires et probantes de la part de M. Y Z, une demande d’audit est faite à la direction des risques, des contrôles et de la conformité (DRRC) de la BPLC.


La BPLC affirme que le respect du contradictoire ne s’impose pas dans le cadre d’une enquête interne.


L’appelante poursuit en indiquant que le rapport d’audit lui a été transmis le 26 octobre 2017, et qu’outre les premières irrégularités relevées le 16 août 2017 par Mme X, le rapport recense de nombreuses anomalies et irrégularités au sein de 5 catégories de dossiers, ainsi que des manquements aux règles internes et aux principes déontologiques.


Elle fait valoir que c’est à cette date, par la remise du rapport, qu’elle a eu la possibilité d’avoir une connaissance exacte et précise de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à M. Y Z.


Elle conteste qu’à la date du 19 octobre 2017, les auditeurs auraient déjà rédigé une version définitive de leur rapport.

M. Y Z fait valoir que les faits reprochés dans la lettre de licenciement étaient prescrits à cette date, Mme B X ayant relevé deux dossiers en août 2017, et les prêts n’étant pas accordés par lui mais par la hiérarchie.
Il estime par ailleurs que le rapport dont se prévaut l’employeur constitue une preuve à soi-même, qui ne peut dès lors servir à apprécier la prescription.


Il affirme également que la banque a été destinataire, avant le rapport final, d’une première version du rapport, ce qui conduit à ne pas retenir la date du 26 octobre 2017 comme date de connaissance des faits par l’employeur.


Il résulte des conclusions et pièces, et notamment du rapport d’enquête interne du 26 octobre 2017 (pièce 3 de la BPLC), que l’employeur n’a eu connaissance de l’étendue et de la nature des faits reprochés qu’à la réception du rapport d’enquête qu’il a diligenté après que Mme X ait relevé deux anomalies lors de sa visite, alors que ce rapport sur 43 pages décrit les irrégularités reprises dans la lettre de licenciement.


Ce rapport, qui décrit les anomalies relevées sur un certain nombre de dossiers, n’est pas une preuve établie par l’employeur pour lui-même, en ce que d’une part elle n’émane pas de l’employeur lui-même mais d’un organe distinct, nonobstant les liens fonctionnels et hiérarchiques existants, et d’autre part elle décrit de manière objective les faits reprochés, en regard avec les procédures qui auraient dues être appliquées, selon ce document.


Il ne peut être fait grief à l’employeur d’avoir diligenté une enquête avant d’entreprendre une éventuelle procédure disciplinaire, lui permettant d’apprécier les faits, de nature technique, l’enquête ayant abouti en l’espèce dans un délai raisonnable, justifié par les investigations à mener et la rédaction du rapport.


Si le mail en pièce 35 de l’employeur intitule ce rapport « rapport final », ce qui sous-entendrait selon l’intimé qu’il y a eu un rapport préliminaire, il résulte des déclarations manuscrites de M. Y Z annexées au rapport, et datées du 19 octobre 2017, que l’organe de contrôle a attendu d’entendre l’intéressé avant de rendre ses conclusions définitives.


Ce rapport a été adressé à l’employeur le 26 octobre 2017 ; la sanction a été prononcée le 21 décembre suivant, soit dans les deux mois prévus à l’article L1332-4 du code du travail.


Les faits reprochés n’étaient donc pas prescrits lorsque le licenciement a été prononcé.

Sur le licenciement


L’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.


La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.


La faute grave privative du préavis prévu à l’article L 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.


La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur.


La lettre de licenciement du 22 janvier 2018 (pièce 5 de la BPALC), qui fixe les limites du litige, reproche au salarié, sur 8 pages, des faits :


- ainsi présentés en première page :

« Il ressort en effet : - d’une part, qu’à plusieurs reprises vous êtes entré en relation avec des entités exerçant dans des secteurs d’activité (débit de boissons et restauration rapide) pour lesquels le Corpus crédit de la banque n’autorise pas une entrée en relation

- d’autre part, qu’à l’occasion de diverses entrées en relation que vous avez effectuées, vous avez fait preuve de graves manquements et carences, a fortiori pour un Directeur d’Agence de votre expérience, Cadre de surcroît. Notamment en délivrant de nombreuses cartes bancaires à une personne venant d’atteindre sa majorité, et en manquant à la vigilance élémentaire dans la gestion et la surveillance de comptes que vous aviez ouverts à plusieurs SASU fonctionnant et commun de manière totalement atypique ' certaines de ces opérations exposant d’ores et déjà la BPALC pour des montants significatifs »


- et résumés ainsi en dernière page :

« A ce stade des recherches, les agissements découverts constituent d’ores et déjà :

- de graves fautes professionnelles, qui sont d’autant moins admissibles qu’elles émanent d’un Cadre expérimenté, de surcroît Directeur d’agence,

- de nombreux manquements aux procédures internes,

- et des agissements qui exposent la BPALC à des risques particulièrement conséquents, et au surplus nuisent à son image »

M. Y Z estime que par sa durée de plus d’un mois, la mise à pied présentait le caractère d’une sanction disciplinaire, qui ne pouvait être suivie d’une autre pour ces mêmes faits.


La BPLC souligne que la mise à pied conservatoire a duré deux mois en raison de la saisine par le salarié de la commission paritaire de recours, et que la notification du licenciement est intervenue moins d’un mois après la mise à pied conservatoire et de deux semaines après l’entretien préalable.

M. Y Z a été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 20 novembre 2017 (pièce 4 de l’employeur) par laquelle il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.


La mise à pied ayant été prononcée au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire, elle ne présente pas de caractère disciplinaire, le temps écoulé entre la date de l’entretien préalable du 05 décembre, et la lettre de licenciement du 21 décembre ne paraissant par ailleurs pas excessif, compte tenu du nombre et de la technicité des fautes reprochées.

M. Y Z sera donc débouté de sa demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour ce motif.

M. Y Z fait également valoir que son remplacement a été annoncé avant la fin de son délai de recours, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; il ajoute que ce faisant l’employeur a violé les dispositions de la convention collective.


La BPLC fait valoir que son remplacement a été annoncé avant qu’il ne saisisse la commission de recours, la notification du licenciement étant exécutoire tant que cette saisine n’a pas eu lieu, ce qui a été le cas en l’espèce.


La BPLC produit en pièce 10 l’article 27 (27,1 et 27,2) de la convention collective de la branche banque populaire, traitant du licenciement pour motif disciplinaire, et de la possibilité de saisine de la commission paritaire de recours de branche.
Si ces articles disposent que « Ce recours est suspensif, (') Le licenciement ne pourra donc être effectif qu’après avis de la commission saisie s’il a été demandé par le salarié sanctionné », ils n’imposent pas la fin du délai de recours pour prononcer la sanction, de sorte que le remplacement annoncé de M. Y Z avant sa saisine de la commission, mais après la lettre de licenciement, n’emporte aucune conséquence sur la validité de la procédure.


La BPLC développe dans ses conclusions les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, et souligne que les procédures dont la violation est reprochée à M. Y Z étaient connues de lui ; elle indique également que les faits qui lui sont reprochés consistent en des décisions qu’il a prises pour lesquelles il avait délégation de pouvoir.


La BPLC se réfère au rapport d’audit du 26 octobre 2017 pour l’établissement de la réalité des faits.

M. Y Z fait valoir que les prêts litigieux n’ont pas été accordés par lui mais par sa hiérarchie après analyse du dossier.


Il ajoute que la banque ne justifie pas des procédures qu’elle allègue ni de leur connaissance par lui.


En pages 1 et 2 de la lettre de licenciement, la BPALC reproche à son salarié les faits suivants, concernant le client EURL LE POINT CENTRAL :

« Le 22 mars 2017, après que ce prêt ait été annulé [prêt professionnel de 32 200 euros instruit par M. Y Z] ('), vous rendez un avis défavorable à une nouvelle étude du dossier (') Le lendemain, vous clôturez le compte professionnel concerné.

Cependant et alors :

- que vous aviez ouvert un matricule de prospect au gérant,

- et émis le chèque précité à l’ordre de l’EURL Le Point Central,

ce chèque a en réalité été déposé le 30 mars 2017 sur le compte personnel du gérant ' compte que vous lui aviez ouvert le 22 mars précédent, après lui avoir créé un second matricule, non rattaché à l’EURL.

En créant un second matricule à la même personne, vous n’avez pas respecté la procédure « Réaliser une entrée en relation d’un particulier » – elle aussi rappelée l’intranet de la Banque- , qui précise : « Avant de réaliser une entrée en relation, il convient de vérifier que la personne n’existe pas par une recherche alphabétique. Si la personne existe, les renseignements peuvent être complétés ou modifiés ».

Par conséquent, vous n’étiez pas autorisé à créer un second matricule pour C S, mais vous deviez utiliser celui existant, et le modifier le cas échéant. Vous avez d’ailleurs indiqué aux 2 auditeurs que l’ouverture du second matricule était volontaire, afin d’éviter le lien entre compte de l’EURL et compte personnel, et éviter ainsi tout rapprochement entre les comptes '

Le 23 mars 2017, pour ce nouveau matricule du gérant C S., vous avez instruit et validé un prêt PREVair Rénovation d’un montant de 30 000 euros, sans aucun commentaire dans le dossier du client.

Ce type de prêt PREVair (') a pour objet de financer des travaux d’économies d’énergie (') et de nombreux justificatifs doivent être produits à l’appui de la demande. Or il n’existe aucun justificatif dans le dossier que vous avez instruit de ce client. Et pour cause, puisque comme vous l’avez reconnu lors de votre échange avec les 2 auditeurs (') vous avez octroyé ce prêt le 23 mars 2017 pour remplacer le prêt professionnel qui avait été annulé la veille.(…) »


Il résulte des conclusions du salarié, en pages 30 et 32 qu’il reconnaît avoir accordé un prêt Prevair à l’EURL LE POINT CENTRAL après que son prêt commercial a été refusé, en lui affectant un nouveau matricule (p31 des conclusions), en expliquant avoir voulu éviter un scandale pour la banque, le client menaçant, à la suite du refus du prêt, d’entamer une grève de la faim.


Il affirme avoir renseigné les commentaires dans ce dossier de prêt.


Il résulte cependant du raport d’audit en page 13 que les justificatifs n’ont pas été adressés.


La BPLC justifie, par la production de sa pièce 18, que la fiche « Réaliser une entrée en relation d’un particulier », en date du 27 janvier 2017, impose de vérifier que la personne n’existe pas déjà.


Elle justifie également de la convocation du salarié à une réunion d’information sur la politique de crédit du 28 mars 2017 (pièce 28) et qu’il s’est rendu à Metz pour cette réunion (pièce 30 ' listing de note de frais).


En page 3 de la lettre de licenciement, la BPLC reproche à M. Y Z les faits suivants :

« Le 9 avril 2015, vous êtes entré en relation avec la SASU Lina (').

Le 5 mai 2015, vous avez mis en place un prêt professionnel de 40 000 euros, avec comme caution unique Mr E S. (')

Le 4 mai 2017 (') vous avez octroyé un prêt de trésorerie de 20 000 euros ayant comme objet, selon votre commentaire du 14 avril, « le rachat des actions détenues par E S. ».

8 jours après ' le 12 mai 2017 ' vous avez émis au profit de Mr E S. un chèque de banque de 20 000 euros, représentant la totalité du prêt ci-dessus, alors que le déblocage de ce prêt n’était pas intervenu à cette date, et qu’il ne l’a été que 18 jours après.

En outre, votre émission de chèque de banque tiré sur le compte de la SASU, a eu pour effet d’accroître plus encore la position débitrice du compte de cette société, portée à ' 30 066 euros. »

M. Y Z ne conteste pas les faits ; il fait simplement valoir que son supérieur hiérarchique n’avait pas fait suivre le dossier à la direction des engagements, et que tous les prêts accordés ont été remboursés, d’où une absence de préjudice.


Ces faits, caractérisant des fautes professionnelles, justifient le licenciement prononcé pour faute grave, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres faits reprochés dans la lettre de licenciement.


Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes de rappel au titre de la mise à pied conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, et d’indemnité de licenciement


La BPLC demande l’infirmation du jugement, en conséquence de la validation du licenciement pour faute grave.

M. Y Z demande la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement pour faute grave étant justifié, M. Y Z sera débouté de ces demandes, et le jugement infirmé en conséquence.

Sur les demandes au titre des commissionnement, primes, frais de déplacement et tickets de restaurant

M. Y Z réclame un commissionnement pour le 4ème trimestre 2017, une prime de bilan 2017, une prime de région 2017, des frais de déplacement forfaitaire et pour deux déplacements à Metz les 10 et 14 novembre 2017, et des tickets restaurant pour novembre et décembre 2017 et janvier 2018.


La BPLC s’oppose à la demande au titre du commissionnement, expliquant que M. Y Z a été absent pendant une grande partie de la période d’acquisition de ce commissionnement, et qu’il a été licencié avant la date du versement de ce commissionnement.


Elle s’oppose à la demande de prime de bilan 2017, compte tenu de sa gestion contestable des engagements.


Elle s’oppose à la demande de prime de région, expliquant qu’elle est attribuée de manière discrétionnaire aux salariés les plus méritants.


Elle sollicite des précisions et justificatifs sur les déplacements à Metz les 10 et 14 novembre 2017, expliquant ne pas en avoir eu connaissance jusque-là.


En ce qui concerne les tickets restaurant, la BPLC explique que ceux auxquels il avait droit lui ont été remis, avec prise en compte sur le bulletin de paie de novembre ; il a reçu des tickets, auxquels il n’avait pas droit, pour décembre ; il a restitué des tickets de janvier 2018. L’employeur précise que la régularisation a eu lieu sur le bulletin de paie de février 2018.

M. Y Z ne fournit aucune explication quant aux frais de déplacement, demande dont il sera dès lors débouté.


Il sera également débouté de ses demandes au titre de la prime de région, les motifs du licenciement justifiant, eu égard à l’objet de la prime décrite par la BPLC, qu’il en soit exclu.

M. Y Z ne fournit aucun justificatif quant à la prime de commissionnement du 4ème trimestre, alors qu’il a été mis à pied à compter du 20 novembre 2017.


La BPLC produit en pièce 2, notamment le bulletin de paie de M. Y Z pour février 2018, comportant une régularisation au titre des tickets restaurant, que M. Y Z ne discute pas dans ses conclusions.


Dans ces conditions, M. Y Z sera débouté de ses demandes, et le jugement infirmé ou confirmé en conséquence.

Sur les dépens et les frais irrépétibles


Succombant à l’instance, M. Y Z sera condamné aux dépens.


Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 9 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts pour communication tardive des documents de fin de contrat ;

Déboute M. Y Z de ses demandes ;


Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y Z aux dépens.


Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.


LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE


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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 20 janvier 2022, n° 19/03679