Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 7 mars 2014, n° 2013/04185

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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www.cabinet-arenaire.com · 17 mai 2019

Dans un arrêt du 19 avril 2019, la cour d'appel de Paris vient de rappeler que le titre d'une œuvre peut être protégé par le droit d'auteur à condition d'être original (CA Paris, 5-2, 19 avril 2019, RG n°18/09300). Rien de nouveau à cet égard sur le plan des principes, l'article L.112-4 du code de la propriété intellectuelle prévoyant expressément que « le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même ». L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris n'en est pas moins intéressant dans la mesure où il apporte quelques …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 7 mars 2014, n° 13/04185
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2013/04185
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 31 janvier 2013, N° 10/06253
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 01 février 2013
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20140030
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 07 MARS 2014

Pôle 5 – Chambre 2 (n°057, 11 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 13/04185.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2013 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 2e Section – RG n° 10/06253.

APPELANTS : - Monsieur Eric S

- SAS VISIOMED prise en la personne de son Président, ayant son siège social […] 75116 PARIS, représentées par la SCP GALLAND – V en la personne de Maître Marie-Catherine V, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, assistées de Maître Marie-Catherine V substituant Maître Anne- Véronique W, avocat au barreau de PARIS, toque : G0040.

INTIMÉE : SA MISTER GOODDEAL prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social […] 94613 RUNGIS CEDEX, représentée par la SCP LISSARRAGUE, DUPUIS, BOCCON-GIBOD [LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES] en la personne de Maître Matthieu B G, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, assistée de Maître Frédéric D plaidant pour le Cabinet DEPREZ GUIGNOT & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221.

INTIMÉE : Société de droit Benelux LANAFORM prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social Zoning de Cornémont , […], B-4141 SPRIMONT (LOUVEIGNE), (BELGIQUE), représentée par Maître Pascale DEMOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0594, assistée de Maître Camille T plaidant pour le Cabinet DEMOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0594.

INTIMÉE : Société MATERIEL MEDICAL SERVICE

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège rue Albert Calmette – ZA LES GAILLETROUS – 41260 LA CHAUSSEE SAINT VICTOR, Non représentée.

(Assignation avec signification de conclusions délivrées le 31 mai 2013 à personne habilitée à recevoir l’acte).

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 22 janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, Madame Sylvie NEROT, conseillère, Madame Véronique RENARD, conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur T L NGUYEN.

ARRET : Réputé contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Mme Carole TREJAUT, greffier présent lors du prononcé.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement réputé contradictoire du 1er février 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 2e section),

Vu l’appel interjeté le 28 février 2013 par monsieur Eric S et la société Visiomed,

Vu les dernières conclusions de monsieur Eric S et de la SAS Visiomed appelants en date du 19 septembre 2013,

Vu les dernières conclusions de la société de droit Benelux Lanaform, intimée et incidemment appelante en date du 16 décembre 2013,

Vu les dernières conclusions de la société Mister Gooddeal en date du 19 décembre 2013,

La société Matériel Médical Service n’a pas constitué avocat.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 9 janvier 2014,

SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Monsieur Eric S se présente comme le créateur de la forme d’un thermomètre infra rouge ressemblant à un pistolet ou encore à un mini-sèche cheveu, dénommé Thermoflash et ayant vocation à prendre la température corporelle sans contact avec le corps, sur laquelle il revendique des droits d’auteur. Il indique par ailleurs avoir déposé et fait enregistrer ce modèle le 7 mai 2007 auprès de l’HOMI avant d’en céder les droits à la société Visomed Group SA qui importe en France à titre exclusif ces appareils depuis le mois d’août 2007. Ce dépôt de modèle a fait l’objet d’une annulation.

Il est par ailleurs titulaire de la marque française Thermoflash Thermomètre électronique sans contact enregistrée le 15 décembre 2005 sous le numéro 05 339 7823 désignant les appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires.

Ayant découvert que la société Mister Gooddeal créée en 2000 qui exploite le site www.mistergooddeale.com, la société Matériel Médical et la société Lanaform commercialisaient un thermomètre infra rouge médical dénommé Thermometer dont les caractéristiques essentielles seraient, selon eux, identiques à celles du Thermoflash, monsieur Eric S et la société Visiomed SAS, laquelle distribue en France le thermomètre électronique ont, après avoir fait constater par huissier de justice le 24 février 2010 que les sociétés Matériel Médical et Mister Gooddeal proposaient à la vente sur leur site internet le thermomètre infrarouge dénommé Thermometer, puis, après avoir fait procéder dans les locaux de ces mêmes sociétés le 15 avril 2010, des opérations de saisie contrefaçon autorisées par ordonnances présidentielles du 22 mars 2010, fait assigner selon acte d’huissier du 22 avril 2010 les sociétés Matériel Médical et Mister Gooddeal en contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles communautaires, en concurrence déloyale et parasitaire, et en réparation du préjudice en résultant.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

— déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Lanaforme,

— dit que monsieur Eric S est recevable à agir,

— dit que le thermomètre à infrarouge dénommé Thermoflash créé par monsieur Eric S et commercialisé par la société Visomed SAS ne peut

bénéficier de la protection au titre du livre I du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence,

— débouté monsieur Eric S et la société Visiomed SAS des demandes formées au titre de la contrefaçon,

— débouté monsieur Eric S et la société Visomed SAS des demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

— condamné in solidum monsieur Eric S et la société Visomed à payer aux sociétés Lanaforme et Mister Gooddeal la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel monsieur Eric S et la SAS Visiomed appelants, demandent dans leurs dernières écritures du 19 septembre 2013 essentiellement de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré monsieur Eric S recevable à agir et a déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Lanaform,

— l’infirmer pour le surplus,

— dire que monsieur Eric S bénéficie de la protection instaurée par le livre I du code de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur sur le thermomètre Thermoflash,

— dire et juger que les sociétés Lanaform, Mister Gooddeal et matériel Médical Service ont commis des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur,

— condamner la société Lanaform en sa qualité d’importateur et fournisseur du produit Thermometer à verser à monsieur Eric S la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société Mister Gooddeal en sa qualité de distributeur du produit contrefaisant à verser à monsieur Eric S la somme de 467,60 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société Matériel Médical à verser à monsieur Eric S la somme de 2.426 euros à titre de dommages et intérêts,

— dire et juger que les sociétés Lanaform, Mister Gooddeal et matériel Médical Service ont commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Visomed, en reproduisant le conditionnement du produit Thermoflash pour identifier le produit, en reproduisant partie des textes contenus dans la notice des produits Thermoflash et en effectuant une présentation erronée des propriétés du produit

Thermometer de la société Lanaform sur leurs sites internet www.materielmedical.fr, www.mistergooddeal.com et www.lanaform.com,

— condamner la société Lanaform en sa qualité d’importateur et fournisseur du produit Thermometer à verser à la société Visiomed la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société Mister Gooddeal en sa qualité de distributeur du produit contrefaisant à verser à la société visomed la somme de 467,60 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société Matériel Médical à verser à la société Visiomed la somme de 2.426 euros à titre de dommages et intérêts,

— débouter les sociétés intimées de l’ensemble de leurs demandes,

— ordonner des mesures d’interdiction, de retrait des produits contrefaisants, sous astreinte,

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir,

— condamner les sociétés intimées à leur payer solidairement la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Lanaform, intimée, s’oppose aux prétentions des appelants, et pour l’essentiel, demande dans ses dernières écritures du 16 décembre 2013 de :

— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a reconnu la qualité à agir de monsieur Eric S,

— en conséquence,

— déclarer monsieur Eric S irrecevable et mal fondé à agir sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur,

— subsidiairement, dire et juger que monsieur S ne rapporte pas la preuve d’une date certaine de création et de la titularité des droits d’auteur qu’il oppose,

— dire que le modèle Thermoflash est dépourvu de toute originalité et n’est pas protégeable au titre de la protection du droit d’auteur,

— constater qu’aucun acte de contrefaçon de droit d’auteur n’est caractérisé,

— déclarer la société Visiomed irrecevable et mal fondée en son action en concurrence déloyale et parasitaire,


- débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner les appelants à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Mister Gooddeal, intimée, fait valoir dans ses dernières écritures du 19 décembre 2013 :

— confirmer le jugement,

— à titre subsidiaire, débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner la société Lanaforme à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

— en tout état de cause, condamner les appelants à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la qualité d’auteur de monsieur Eric S :

Aux termes de l’article L 111-2 du code de la propriété intellectuelle l''uvre est réputée créée indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation même inachevée de la conception de l’auteur.

Selon l’article L 113-1 dudit code, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l''œuvre est divulguée.

Monsieur Eric S revendique des droits d’auteur sur le thermomètre infrarouge dénommé Thermoflash.

Les sociétés intimées lui contestent cette qualité et indiquent que les pièces communiquées, en l’absence de dessin signé, ébauches, travaux préparatoires, échanges de courriers, n’établissent pas la qualité revendiquée.

Monsieur Eric S a communiqué aux débats différents documents et pièces à l’effet d’établir sa création et la date de celle-ci.

Il verse l’attestation de monsieur G dirigeant de la société Jinxinbao Electronic fabricant du produit dès l’origine qui indique que le thermomètre litigieux a été imaginé, conçu et développé selon les spécifications définies par monsieur S et ce à compter de 2002 jusqu’en 2005 (période SRAS), le schéma d’assemblage des pièces

du produit daté du 4 juin 2003 revêtu de l’approbation définitive de monsieur Eric S avant usinage, une photographie du moule du prototype et deux des premières photographies des coques du produit prototype qui correspondent au produit fini, le certificat CE médical obtenu en 2007 suite au processus de contrôle, précédé du CE CEPRE le 5 septembre 2005 comportant le rapport d’essai du même produit déjà finalisé du 31 août 2005, le modèle de dessin déposé le 7 novembre 2006 aux Etats Unis, publié le 21 août 2007 mentionnant comme inventeur monsieur Eric Sebban et portant sur un thermomètre infrarouge sans contact correspondant au produit Thermoflash.

Par ailleurs, monsieur Eric S a déposé le 7 mai 2007 le modèle communautaire n° 000719133-0002 publié le 6 juin 2007 qui désigne le produit thermomètre électronique et qui mentionne comme créateur monsieur Eric S, l’élément verbal mentionné étant Thermoflash.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments suffisamment probants et dont certains émanent d’organismes officiels, que c’est à bon droit que le tribunal a jugé qu’il est établi que monsieur Eric S est l’auteur du thermomètre Termoflash, dont aucun tiers n’a d’ailleurs revendiqué la paternité. En revanche il ressort de ces mêmes documents que ses caractéristiques techniques étaient finalisées le 5 septembre 2005 et non en 2003 et qu’il est en conséquence recevable à agir à ce titre.

Sur le caractère protégeable du thermomètre thermoflash :

L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une 'œuvre de l’esprit jouit sur cette 'œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Le droit de l’article susmentionné est conféré selon l’article L 112-1 du même code, à l’auteur de toute 'œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

L’article L 112-2 du même code prévoit que sont considérés notamment comme ' œuvres de l’esprit au sens du présent code :…10° les 'œuvres des arts appliqués.

Il s’en déduit le principe de la protection d’une 'œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Monsieur Eric S et la société Visiomed soutiennent qu’à sa date de création en juin 2003 ce modèle de thermomètre présentait un caractère original manifestant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Ils exposent à cet effet que monsieur Eric S, ingénieur de formation a eu l’idée d’adapter la technologie infrarouge utilisée dans l’industrie pour capter la température, en faisant emploi du capteur infrarouge breveté de la société allemande Heimann Sensor, et de l’adapter à un thermomètre destiné à prendre la température corporelle par un certain nombre de mécanismes relevant d’un travail d’ingénieur.

Ils ajoutent que c’est en combinant un minutieux travail d’ingénieur et un réel effort de création esthétique que monsieur S fait naître d’un assemblage d’éléments et d’idées originales, sa création Thermoflash directement issue de sa personnalité particulièrement avant gardiste.

Ils poursuivent en indiquant que le modèle de thermomètre électronique permettant de prendre la température corporelle à distance, sans contact, combinant un manche aux formes spécifiques et courbes, surmonté d’une tête aux proportions spécifiques, comportant un écran LCD présente les caractéristiques suivantes :

— ce manche présente en partie avant un arc de cercle s’évasant selon une ligne ronde vers la partie supérieure avant de l’appareil dans lequel est placé un dispositif à gâchette d’un ton de couleur plus foncé,

— une ligne inscrite dans le moulage s’évase progressivement vers le bas du manche,

— le haut du manche présente deux lignes courbes presque superposées, l’une à l’endroit de la liaison entre le manche de l’appareil et sa tête, l’autre juste en dessous,

— le manche comporte, en son dessous, un clapet s’ouvrant par le dessous,

— le côté arrière du manche présente une forme courbe dessinant une forme ressemblant à une vague,

— le manche comporte de chaque côté, en partie basses, un dessin en forme d’étoile,

— ce manche est surmonté d’une forme rectangulaire, présentant des contours arrondis et une base de forme courbe,

— en partie arrière de la tête s’inscrit un contour rectangle dans le renfoncement duquel est placé un écran LCD, élément particulièrement original en 2003,

— en partie avant est positionné une pièce de couleur plus soutenue épousant les formes de la tête,

— en face latérale appariât une découpe de forme globale rectangulaire, aux contours arrondis, laissant apparaître une étiquette

d’une couleur différente de celle du produit, avec trois touches, situés sur la portion la plus foncé de l’étiquette et la marque Thermoflash, identifiant le nom du produit.

Ils précisent que la personnalité de monsieur Eric S s’exprime par les choix esthétiques suivants :

'* Des choix concernant le manche de l’appareil

— le choix de positionner, sur la partie avant du manche du Thermoflash, un arc de cercle qui s’évase progressivement selon une ligne totalement ronde, vers la partie supérieure avant de l’appareil, et dans lequel est placé un dispositif à gâchette de couleur gris moyen, destiné à mettre en marche l’appareil,

— le choix de faire mouler, dans l’empreinte du manche, une ligne descendant sur le bas du manche en s’évasant progressivement vers le milieu de celui-ci, destinée conférer un aspect esthétique à la forme du manche de l’appareil et un caractère propre,

— le choix de positionner esthétiquement deux lignes courbes sur le haut du manche, l’une à l’endroit de la liaison entre le manche de l’appareil et sa tête, l’autre juste en dessous, dans le souci d’adoucir visuellement et progressivement le lien entre le manche de l’appareil et sa tête,

— le choix de positionner le clapet permettant l’ouverture du compartiment à piles au-dessous du manche du modèle, et s’ouvrant par le dessous, d’une couleur plus foncée que le reste du modèle. Ce clapet aurait parfaitement pu être positionné en ouverture le long du manche de l’appareil. Le choix de l’ouverture du clapet par le dessous est une idée de Monsieur Eric S afin de conférer un aspect particulier à son produit,

— le choix de dessiner, en partie arrière du manche, une forme courbe arrondie dans un sens puis dans l’autre sens, formant un aspect de vague, donnant ainsi une impression esthétique spécifique au modèle et lui conférer un aspect très personnel,

— monsieur S a également fait le choix d’insérer, de chaque côté du manche du produit, au bas de ce manche, un dessin particulier en forme d’étoile stylisée qu’il a imaginé aux fins de décoration. Les motifs en forme d’étoile stylisée ont uniquement une vocation décorative et il est à noter que ce dessin en forme d’étoile stylisée ne se retrouve sur aucun autre modèle de thermomètre, à l’exception du modèle Lanaform incriminé,

* le choix de faire surplomber le manche par une tête aux proportions spécifiques

— le choix du créateur d’arrondir délibérément les contours de la tête de l’appareil, qui présente une forme générale rectangulaire, dans l’optique de conférer au modèle un aspect visuel de souplesse et de douceur,

— le choix souhaité par Eric S d’insérer, en partie arrière de la tête de l’appareil, un contour rectangle, dans lequel s’inscrit, dans un renfoncement dissymétrique (d’une profondeur différente à ses extrémités haute et basse) et d’une couleur plus soutenue que l’ensemble du produit, un écran LCD, Ce choix imaginé par le créateur donne une impression visuelle et une esthétique très particulières à la création. Ce renfoncement très spécifique ne présente aucun caractère fonctionnel et relève uniquement de l’imagination de Monsieur S,

— le choix de la position de l’ouverture destinée à destinée à laisser passer le capteur infra rouge à l’extrémité avant de la tête de l’appareil. Cette ouverture, qui est insérée dans une pièce de couleur différente de la couleur général de l’appareil, se présente en forme de cercle mais n’est pas positionnée au centre de l’extrémité, ce qui ressort d’un choix calculé du créateur, pour conférer, là encore, un aspect visuel particulier à son modèle. En réalité, l’ouverture est très nettement décalée vers le bas de l’extrémité,

— le choix décidé par Eric S, sur la face latérale droite de l’appareil, d’insérer une découpe de forme globale rectangulaire, aux contours arrondis, laissant apparaître une étiquette de couleur avec trois points bleus situés sur la portion grise de l’étiquette et la marque Thermoflash, destinée à identifier le nom du produit auprès du consommateur. Eric S a souhaité que les touches de manipulation de l’appareil soient stylisées et rondes, aux formes douces et à peine perceptibles au contact, car ne présentant aucun caractère proéminent. Ces touches de fonctionnement présentent un caractère esthétique ressortant du choix du créateur, de par leur emplacement, mais aussi de par leur forme et leur absence de proéminence. S’il était naturellement nécessaire que le produit comporte des touches de commande afin de permettre son utilisation, il n’était pas indispensable de positionner ces touches à l’emplacement auquel Monsieur S a décidé de les positionner dans le cadre de sa création En outre, le positionnement des touches de contrôle sur le produit résulte d’un processus particulièrement créatif imaginé par Monsieur S, pour précisément constituer l’une des originalités de son modèle. En effet, il aurait été beaucoup plus simple techniquement de positionner les touches à l’arrière du produit. C’est donc uniquement dans un souci esthétique que Monsieur S a souhaité conférer un aspect original à son modèle et marqué de son empreinte, en imaginant, pour les touches de contrôle, un emplacement précis latéral totalement nouveau, une forme ronde et un aspect non proéminent spécifique.'

Cependant, l’absence d’antériorités de toute pièce de modèle de thermomètre de ce type est inopérante en matière de droit d’auteur où seule l’originalité confère une protection à l’objet revendiqué. L’adaptation des thermomètres industriels ayant une forme de pistolet aux thermomètres à usage corporel relève du domaine technique et ne peut prétendre à la protection au titre du droit d’auteur que s’il présente des caractéristiques ornementales ou esthétiques originales, séparables de son caractère fonctionnel. D’ailleurs monsieur G dans l’attestation précitée indique 'monsieur S a adapté la technologie infrarouge industrielle à des fins médicales sans contact en observant les contraintes et les caractéristiques précisées par la directive 93/42/CE pour obtenir la température du corps à précision requise pour l’homologation CE..'.

Or, l’examen du Thermoflash fait apparaître qu’il donne une impression visuelle d’ensemble quasi identique aux nombreux modèles sans contact employés antérieurement dans le domaine industriel comme ceux communiqués aux débats par les intimées et plus particulièrement les modèles de thermomètres industriels de la société AZ Instrument AZ 8877 et AZ 8889. L’utilisation d’éléments et de techniques connus ne traduit pas le parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

En effet, le fait de positionner un clapet au-dessous du manche du modèle, l’ouverture pour l’emplacement des piles s’ouvrant par en dessous, les lignes adoucies de l’appareil, le positionnement des boutons de commande sur le côté, les trous d’aération, et leur combinaison ne revêtent pas de caractère original, n’étant pas exclusivement commandés par un souci ornemental. La présence d’un écran LCD, d’un viseur, d’une lentille infrarouge répondent aux contraintes du produit.

La combinaison de ces éléments banals ou ayant une fonction technique ne révèlent pas du seul fait du choix de leur positionnement le parti pris esthétique et la personnalité de monsieur S.

C’est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le produit Thermoflash n’est pas éligible à la protection du droit d’auteur.

Sur la contrefaçon :

A défaut de justifier de droits d’auteur opposables aux sociétés intimées le tribunal a justement déclaré irrecevable la demande formée à ce titre par Monsieur S.

Sur l’action en concurrence déloyale :

La société Visiomed soutient que les sociétés intimées ont commis des actes de concurrence déloyale à son égard en commercialisant le produit Thermometer dans un emballage reprenant les

caractéristiques principales de l’emballage du produit Thermoflash en face avant et dans sa présentation intérieure qu’elle commercialise à titre exclusif, en copiant pour partie les textes conçus pour le produit Thermoflash et contenus dans la notice d’utilisation du produit et en annonçant une fiabilité de résultats inexacts, supérieure (+/-0,3°C) à la fiabilité réel (+/-0,1°C) du produit telle que ressortissant de la notice et en vendant à un prix moindre le même type de produit.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l’absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence.

Pour que la vente d’un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il faut démontrer que cette reproduction est fautive.

Il convient de relever préalablement que l’examen comparatif des produits en concurrence ne donnent pas la même impression visuelle d’ensemble dès lors que s’ils ont la forme générale d’un pistolet comportant des éléments fonctionnels communs, ils présentent des différences significatives : le manche Lanaform n’est pas incurvé comme celui de la société Visiomed, les touches de fonctionnement ne sont pas insérées dans une découpe de forme globale rectangulaire aux contours arrondis, parties du produit comportent une couleur violette; l’écran LCD n’est pas inséré dans l’appareil de la même façon, les gâchettes sont de forme différente, la tête du modèle lanaform est plus compact, l’ouverture destinée à laisser passer le capteur infrarouge a une position plus centrale, les touches de fonctionnement sont plus nombreuses et proéminentes, ….et les marques respectives des produits sont très visibles qui sont exclusives de tout risque de confusion.

La forme et la présentation du produit reprochées aux sociétés intimées correspondent au conditionnement standard de ce type de produit qui est représenté en photographie sur le devant pour illustrer

le contenu. La seule apposition de image d’une femme sans celle d’un enfant comme dans le produit Lanaform combinée à des couleurs de packaging différentes et des représentations graphiques telle qu’une bande horizontale composée de quatre rectangles de couleurs en bas de la boîte ne permettent pas d’indiquer que les sociétés intimées se soient placées dans le sillage de la société Visiomed et a tenté de s’approprier ses éléments de communication commerciale. Si les notices respectives des produits présentent des similarité, celles-ci correspondent aux spécificités du produit et aux consignes de sécurité que les vendeurs sont tenues de rappeler, alors que la société Visiomed, à qui la preuve incombe, n’établit pas l’originalité dans la présentation des textes et leur présentation qui aurait été reprise par les intimées, alors que les rubriques sont rédigées différemment et présentées dans un ordre différent.

Un prix inférieur ne constitue pas dans le cadre d’un marché de libre concurrence un fait fautif.

Il est par ailleurs reproché à la société Mister Gooddeal de présenter une performance erronée du produit constituant une publicité trompeuse. Cependant la mention portée sur son site indique en rubrique caractéristiques que le produit Lanaform permet une sélection automatique de précision et d’affichage de 0,1 C et non de précision de température.

Il en ressort que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre par la société Visiomed.

Sur les autres demandes :

L’équité commande d’allouer à la société Lanaform d’une part et à la société Gooddeal d’autre part, chacune, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par les appelants.

La présente procédure ne revêtant aucun caractère manifestement abusif mais ne constituant que l’exercice normal d’un droit il n’y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la société Lanaform tendant à être indemnisée à ce titre.

Les dépens resteront à la charge in solidum des appelants qui succombent et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Rejette l’ensemble des demandes des appelants,

Confirme le jugement en toutes ses disposions, Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Visiomed et monsieur Eric S à payer à la société Lanaform, d’une part, et à la société Mister Gooddeal, d’autre part, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes reconventionnelles,

Condamne in solidum la société Visiomed et monsieur Eric S aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 7 mars 2014, n° 2013/04185